Une expérimentation littéraire audacieuse et bluffante
Victor LaValle est un auteur américain qui, en plus de la SFFF, écrit aussi des essais et des critiques de livres. Les problèmes mentaux ainsi que les vies de personnages afro- ou latino-américains dans les décennies passées sont des thèmes récurrents dans son oeuvre. La ballade de Black Tom (son premier texte traduit en français) revisite ainsi L’horreur de Red Hook d’H.P. Lovecraft du point de vue d’un jeune noir, et fait donc partie de cette vague de textes donnant leur place, dans les univers du Maître, à ceux qui n’en ont pas ou trop peu sous sa plume (les femmes, les personnes de couleur, etc). A cet égard, la dédicace de l’auteur est très éclairante : « A H.P. Lovecraft, avec tous mes sentiments contradictoires » (au passage, on savourera un passage de la fin du roman, où la police new-yorkaise conseille à un trouble-fête de retourner vers sa chère Providence voir si le climat lui convient mieux). Dans le même registre, on peut également citer L’éclosion des Shoggoths d’Elizabeth Bear ou La quête onirique de Vellitt Boe de Kij Johnson.
On voit souvent passer à propos du texte de Victor LaValle le terme de « réécriture » de celui de Lovecraft, et on est en fait très exactement dans ce registre là : alors que Kij Johnson s’est appropriée un des univers d’H.P.L, ainsi qu’un de ses personnages et le squelette d’une de ses intrigues, LaValle est allé beaucoup plus loin, proposant au lecteur une véritable expérimentation (et expérience) littéraire, comme nous allons le voir. Lire la suite