The shadow of the gods – John Gwynne

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Le miracle John Gwynne s’accomplit de nouveau !

Shadow_of_the_gods_gwynneCela fait maintenant plusieurs années que l’Ours Inculte et moi (enfin, surtout lui, vu qu’il est plus avancé dans la bibliographie de l’auteur que moi) vous parlons de John Gwynne, qui est, pour nous et pour beaucoup de ses lecteurs, le nouveau David Gemmell. Oh, je sais, on a déjà attribué à nombre d’autrices et d’auteurs cet héritage, sauf que cette fois-ci, c’est vrai. Ce qui ne rend d’ailleurs le fait que pas un seul des sept romans précédents du britannique n’ait été traduit que plus abracadabrant, surtout de la part de la maison d’édition qui a fait une partie de sa renommée avec les bouquins de Gemmell et qui, donc, aurait logiquement dû se jeter sur l’œuvre de son successeur. Mais bon, ladite maison n’est pas la seule coupable, puisque je sais que d’autres se sont penchées sur le cas Gwynne sans le publier, essentiellement en raison du coût des traductions et des ventes à réaliser pour être à l’équilibre. Espérons que le bouquin dont je vais vous parler aujourd’hui fasse pencher la balance !

Alors que les sept romans précédents de John Gwynne (une tétralogie et une trilogie) se situaient tous dans le même univers, The shadow of the gods, le premier tome de la trilogie The Bloodsworn saga, en introduit un tout nouveau, un monde secondaire (imaginaire) mais très inspiré par la civilisation Viking et la mythologie nordique. Ce qui n’a absolument rien d’un hasard : dans les remerciements, l’auteur explique être fasciné par les Sagas depuis ses neuf ans et faire partie, avec ses trois fils, d’un groupe de reconstitution viking se baladant en cotte de mailles, l’épée ou la hache au poing, prêt à former un mur de boucliers. Son cycle est donc, cette fois, inspiré par Beowulf et par le Ragnarök, la fin du monde dans les mythes scandinaves.

Le point le plus étonnant chez John Gwynne est que sa Fantasy est ultra-classique (quoi que dans le cas de ce nouveau roman, on puisse un peu nuancer, comme nous allons le voir), mais tellement bien réalisée que même les vieux loups de mer comme moi peuvent y prendre un sincère (et grand) plaisir. Sans compter que comme le dit Robin Hobb en personne, la prose de Gwynne vous rappelle pourquoi vous êtes devenu(e) fan du genre. C’est ce que j’appelle « le miracle John Gwynne » : il peut multiplier les tropes et les clichés mais entre la qualité des personnages et un art du conteur consommé, entre autres qualités, il arrive tout de même à rendre addictive la lecture de ses romans même pour quelqu’un qui a vu tout ça mille fois en Fantasy. Et tout ça tout en ayant l’immense avantage, justement parce qu’il propose une Fantasy « basique » (et je dis cela sans la moindre connotation négative), d’être parfaitement accessible aussi bien au débutant qu’au lecteur ou à la lectrice venant du Young Adult et souhaitant passer à une fantasy plus exigeante ou plus sombre. Lire la suite

Gît dans les cendres – Marie Brennan

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Impressionnant sur le plan de la reconstitution Historique… presque trop pour son propre bien !

git_dans_les_cendres_brennanCette critique est parue dans le numéro 95 de Bifrost. Vous pouvez retrouver tous mes articles publiés dans le magazine sous ce tag.

Gît dans les cendres – La cour d’Onyx vol. 2 – Marie Brennan – L’Atalante coll. “La dentelle du cygne” – mars 2019 (roman inédit traduit de l’anglais [US] par Marie Surgers – 464 pp. GdF. 23,90 €).

Second tome de La cour d’Onyx, Gît dans les cendres continue sur la lancée de Minuit jamais ne vienne, mêlant l’Histoire réelle de l’Angleterre et les ressorts occultes (dans tous les sens du terme), liés à une cour féerique installée sous Londres, qui la sous-tendent. Le tome 1 se déroulait à la fin du XVIe siècle, et celui-ci fait un bond en avant, plaçant l’action entre 1639 et 1666 (plus un épilogue en 1675), date du fameux incendie de la ville. De fait, les scènes situées lors de l’évènement forment un fil rouge constitué de chapitres d’une vingtaine de pages, entrecoupés de chapitres plus grands qui sont autant d’analepses expliquant comment on en est arrivé là. Marie Brennan crée d’étonnants parallèles entre la Révolution anglaise, qui fait traverser à la monarchie humaine bien des épreuves, et celles endurées par sa contrepartie féerique, dont les protections traditionnelles sont de plus affaiblies par le zèle puritain. Dans les deux cas, la même géopolitique est à l’œuvre, l’Irlande et L’Écosse constituant une épine dans le pied des monarques siégeant à Londres, humains ou Fae. La férocité de l’incendie de Londres trouve une explication surnaturelle, liée à une Sorcière du vent hivernal et à un dragon, version XXL des élémentaires de feu communs. Mais les grands événements Historiques humains (mettant en scène quelques célébrités, dont Cromwell) ou la lutte entre Lune, désormais reine, et une monarque Fae écossaise qui lui voue une haine tenace, ne constituent pas la seule dimension du texte, puisque celui-ci se double d’une strate plus personnelle, liée aux princes consorts succédant à Michael Deven.

Plus encore que dans le tome précédent, l’aspect Historique est d’une impressionnante solidité, peut-être même trop pour le bien du roman. En effet, si Minuit jamais ne vienne était lisible sans connaissance pointue de l’ère élisabéthaine, Gît dans les cendres amplifie la tendance constatée dans la novella intermédiaire Deeds of men (qui se déroule en 1625), à savoir projeter le lecteur, sans volonté didactique aucune, dans un tourbillon de factions, partis politiques, groupes religieux ou autres, dont, à moins qu’il ne soit anglais, il n’a probablement pas une vision claire. Si cet aspect Historique montre donc un louable souci d’exactitude, il crée un écueil sur lequel pourrait venir se fracasser le lecteur peu féru d’Histoire anglaise et pas enclin à aller faire des recherches sur internet. Toutefois, je reste persuadé qu’au contraire, cet aspect est une grande force de ce roman, qui plus est habilement construit, écrit et traduit. Plus encore que dans le tome 1, ce cycle se révèle très supérieur à celui qui a fait connaître l’autrice en France, Mémoires, par lady Trent.

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Le dernier vœu – Andrzej Sapkowski

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Sympathique à défaut d’être inoubliable

witcher_1_V2Aussi étonnant que cela puisse paraître, étant donné l’aura des livres du cycle Sorceleur (The Witcher dans la version anglaise) et des jeux vidéos qui en ont été tirés (j’en profite pour préciser que contrairement à une croyance répandue, les bouquins ne sont pas des novélisations des jeux mais les précèdent), je n’avais jamais, jusqu’ici, lu une seule ligne de cette saga. C’est encore plus singulier quand on sait que je suis très curieux vis-à-vis de toute SFFF qui ne provient ni de la Francophonie, ni du monde anglo-saxon (et il y a du bon dans le lot : Liu Cixin, Javier Negrete, etc), et que je suis de la même origine (polonaise, par mon père) qu’Andrzej Sapkowki, le créateur de cet univers, ce qui fait que j’aurais dû y jeter au moins un coup d’œil. Mais alors que la série télévisée arrive (le 20 décembre) et qu’on sait déjà qu’elle est renouvelée pour une deuxième saison, il était plus que temps de réparer cette lacune.

Notez que je me suis fié à la numérotation adoptée par Bragelonne, basée sur la chronologie interne de l’univers et pas sur l’ordre de parution polonais. J’ai donc commencé ma découverte du cycle par Le dernier vœu, un fix-up de six nouvelles reliées par des intermèdes servant de fil rouge, et pas par le premier roman publié, Le sang des elfes.

Je ressors de cette lecture assez étonné par la réputation de ce cycle, qui, sur la base de la lecture de ce premier tome, doit plus tenir à la qualité des jeux que des livres. Le dernier vœu n’est pas mauvais, hein, mais entre un bouquin passable et un chef-d’oeuvre, il y a un gouffre. Et pourtant, on peut, je pense, difficilement me qualifier d’élitiste en matière de Fantasy, étant plutôt bon public. Par contre, c’est sans doute moins stéréotypé qu’on a pu le dire, et ça reste un moment de lecture agréable, à défaut d’être inoubliable. Même s’il faut se garder des jugements hâtifs : si j’étais, par exemple, resté sur mon impression de Premier sang de Joe Abercrombie, j’aurais sans aucun doute eu une appréciation du cycle dont il fait partie très différente de celle obtenue en lisant les deux autres tomes. Lire la suite

The border keeper – Kerstin Hall

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Un court roman absolument unique, que ce soit en terme d’atmosphère, de ressemblances (ou plutôt leur absence !) et de worldbuilding

boder_keeperKerstin Hall est une autrice sud-africaine, membre de l’équipe de Beneath Ceaseless Skies, dont la novella The border keeper est le premier roman (et, à peu de choses près, la première publication, si je me fie à Goodreads), mais, à mon humble avis (ou d’après celui de Max Gladstone, qui a encensé ce texte), certainement pas le dernier. Pour ma part, je serais un peu plus mesuré que l’américain, même si comme nous allons le voir, je reconnais à ce bouquin des qualités certaines, à commencer par son atmosphère unique.

Le résumé est faussement simple : on croit y deviner qu’un homme au passé et aux motifs mystérieux (ils mettront d’ailleurs -au moins- les deux tiers de la novella à se dévoiler complètement) demande à la gardienne de la frontière entre le royaume des vivants (Ahri) et celui des morts (Mkalis) de l’aider à retrouver une femme dans cet Enfer très hiérarchisé. On se dit donc que nous avons affaire à une catabase classique, dans la lignée de celle d’Orphée dans la mythologie grecque. Sauf que… on ne peut pas vraiment réduire tout cela à la recherche par le protagoniste de son Eurydice, et que l’inspiration de cet Au-delà n’a rien de grec, pas plus que sa très singulière géographie. Bref, on se gardera de toute idée préconçue, tant le worldbuilding forgé par Hall est tout à fait unique.

Au final, le plus gros reproche (à part une intrigue un poil floue) qu’on puisse faire à ce livre tient à sa brièveté : il aurait vraiment, vraiment fallu un roman de taille standard et pas une simple novella, tant on aurait aimé en voir et en savoir plus. En tout cas, pour une première publication dans le format (semi-)long, la sud-africaine démontre un potentiel certain, et ce sera clairement une autrice à suivre dans les années à venir (par contre, carton rouge pour la couverture, à la fois peu esthétique et donnant, je trouve, une image dangereusement Young Adult, ce que ce bouquin n’est absolument pas).  Lire la suite

Deeds of men – Marie Brennan

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Une transition intéressante à défaut d’être indispensable

deeds_of_menDeeds of men est une longue nouvelle qui se situe entre les tomes 1 et 2 du cycle La cour d’Onyx, par Marie Brennan (c’est ce qu’on appelle, sur Goodreads, un « tome 1.5 »). Elle se déroule trente-cinq ans après la fin de Minuit jamais ne vienne et quatorze avant In ashes lie, donc en 1625. Nous suivons un des personnages du tome 1, Michael Deven, qui enquête sur le meurtre de celui qu’il avait choisi comme successeur au poste de Prince à la cour des Fae (je vais y revenir). Pour celles et ceux qui se poseraient la question d’une éventuelle traduction, il se trouve que je l’ai moi-même soumise aux responsables de l’Atalante, qui ont eu la gentillesse de me répondre. En substance, l’idée est présente dans leur esprit, mais aucune décision ferme n’a été arrêtée pour le moment. Je vous invite donc à vous exprimer dans les commentaires de cet article, afin de leur montrer que vous seriez prêts à acheter ladite hypothétique traduction, et de les aider à faire leur choix  😉 Lire la suite

Hyperborée & Poséidonis – Clark Ashton Smith

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Continents anciens rime avec Lovecraftien !

hyperboree_poseidonis_CASHyperborée & Poséidonis est le second volume de l’intégrale Clark Ashton Smith publiée par Mnemos, après Zothique. Si ce dernier était, très logiquement, sous-titré « mondes derniers », puisqu’il parlait d’un continent du lointain avenir de la Terre, ce tome 2, lui, est appelé, au contraire, « mondes premiers ». Il s’intéresse en effet à l’Hyperborée, un continent dont le Groenland actuel n’était qu’une péninsule et qui, au Miocène, bénéficiait d’un climat tropical, avant une fatale glaciation due au basculement de l’axe de la planète, ainsi qu’à Poséidonis, la dernière île de la civilisation Atlante. L’ouvrage est divisé en deux parties, chacune consacrée à un de ces « mondes premiers », la première, dévolue à l’Hyperborée, comprenant douze textes, tandis que la deuxième, vouée à Poséidonis, en rassemble huit. Vous aurez également droit à une préface (très intéressante), une postface (signée S.T. Joshi en personne !) et deux cartes.

Les plus éveillés d’entre vous auront peut-être remarqué le tag « Lovecrafteries » sous cet article, la mention de Tsathoggua, Iog-Sottot (sic) ou Kthulhut (sic) sur la quatrième de couverture du livre ou encore d’Ubbo-Sathla ou du Livre d’Eibon dans la préface ou le sommaire. Si vous êtes rôliste ou connaisseur de l’oeuvre d’HPL, rien de tout cela ne devrait vous étonner : les deux auteurs étaient amis et correspondants réguliers, et les allers-retours entre leurs œuvres respectives étaient nombreux. Si Lovecraft a repris le Tsathoggua de Smith, celui-ci a aussi rendu hommage aux créations les plus fameuses du génie de Providence. Bref, en plus du reste, Hyperborée & Poséidonis relève également du registre Lovecraftien, et une connaissance correcte de ce dernier est un gros plus (sans être indispensable) pour la lecture de certaines nouvelles. Vous pourriez aussi vous étonner du classement en Light Fantasy / Fantasy humoristique, mais ce serait oublier que cette dernière comprend aussi l’ironie ou la satire qui est particulièrement présente dans ce recueil, ce qui n’exclut pas la noirceur, bien au contraire. Lire la suite

Minuit jamais ne vienne – Marie Brennan

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Largement supérieur aux aventures de Lady Trent, surtout pour les amateurs de Fées

minuit-brennanMinuit jamais ne vienne est le premier des quatre tomes du cycle La cour d’Onyx (qui comprend également une nouvelle s’insérant entre les tomes 1 et 2), par Marie « Lady Trent » Brennan. Ce roman pose de très intéressants problèmes de classification, car il navigue à la frontière de deux sous-genres différents, dont, de plus, les définitions exactes varient selon le spécialiste auquel vous avez affaire. Certains vous diront que bien que beaucoup d’éléments apparentent son cadre et son intrigue à l’Urban Fantasy, le simple fait que l’action se déroule à la toute fin du XVIe siècle l’exclut d’emblée de ce sous-genre, et qu’il faut le classer dans une des quatre variantes (dans la conception anglo-saxonne) de la Fantasy Historique (pour plus de détails, voir mon article), celle qui s’apparente à une version surnaturelle de l’Histoire secrète. Même si un tel classement serait loin d’être dépourvu de sens, je trouve réducteur, pour ma part, de réduire l’Urban Fantasy à la période XIXe-XXIe siècles simplement parce que c’est dans cet intervalle temporel que sont situées l’écrasante majorité des œuvres relevant de ce sous-genre. Dans cette optique, je préfère donc considérer que ce cycle en est, certes, un représentant atypique, mais qu’il relève pourtant bel et bien de l’Urban Fantasy (et puis bon, comme ça, il ne sera pas dit qu’il n’y a pas un seul livre d’Urban sur le Culte  😉 ). D’ailleurs, l’auteure elle-même insiste sur la différence entre les Fae du palais d’Onyx et toutes les autres, à savoir vivre en (ou plutôt sous la) ville et pas dans les endroits traditionnellement associés au Petit Peuple, à savoir sous les collines, dans les forêts, etc. Or, c’est précisément ce cadre urbain qui signe l’Urban Fantasy par rapport à la Fantasy standard dans les définitions les plus précoces de ce sous-genre.

Mais revenons à nos moutons : sous sa couverture (euh, non, on ne va pas parler de la couverture *haut-le-cœur*), ce roman est-il semblable, dans le style, au plus connu sous nos latitudes cycle de Lady Trent ? Pas vraiment. Il y a un côté pimpant, un aspect aventure scientifique, un volet Fantasy of manners qui n’existe pas ici, où l’atmosphère est nettement plus fantastique, où on se préoccupe surtout de position sociale (donc on cherche à exploiter le système, la hiérarchie, pas à lutter contre elle) et d’intrigue de Cour et où, peut-être surtout, l’ambiance est nettement plus sinistre. Bref, tout cela pour vous dire que le fait que vous ayez apprécié un des cycles n’est pas du tout une garantie pour que vous appréciez l’autre. Même le style d’écriture est différent, plus tranchant, moins enjoué, et, à mon avis, techniquement supérieur. Et j’aurais même tendance à dire qu’alors qu’on aurait pu croire que Lady Trent était le cycle majeur de l’auteure, ce simple tome 1 rebat les cartes très rapidement. Je pensais tomber sur une lecture sympathique mais mineure, et finalement j’ai trouvé ça très intéressant.  Lire la suite

A gathering of ravens – Scott Oden

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Quand un orc du Seigneur des anneaux rencontre Vikings (la série) et une version Grimdark de L’épée brisée de Poul Anderson, on balance son pognon sur son écran et puis c’est tout ! 

gathering_ravens_odenA gathering of ravens est un stand-alone qui a comme particularité de s’insérer dans une trilogie de romans pouvant également se lire de façon indépendante et partageant le même héros, Grimnir. Le second tome (Twilight of the gods) est d’ores et déjà annoncé. Le premier, donc, a été publié en Angleterre en 2017 (par une des subdivisions de Macmillan), et sera à nouveau publié, cette fois aux USA (par Bantam), le 17 mai 2018. L’auteur, Scott Oden, de nationalité américaine, a écrit un autre livre de Fantasy Historique, ainsi que des romans Historiques tout court.

Il s’agit d’une Fantasy relativement proche de L’épée brisée de Poul Anderson (et j’insiste sur le « relativement »), mêlant le monde réel des Xe et XIe siècles ainsi que la magie et les mythes scandinaves et celtiques. Toutefois, ce livre relève aussi (et peut-être surtout) du Grimdark, et met en scène l’antihéros le plus brutal et amoral vu, probablement, depuis le Kane de Karl Edward Wagner (avec lequel il partage d’ailleurs certaines caractéristiques -mais pas toutes-). Mais un Kane qui serait… un orc, tout droit (ou presque) sorti de chez Tolkien ! Traversée par des scènes d’une rare puissance, non dépourvue d’un fond que ne renieraient ni David Gemmell, ni Marion Zimmer Bradley, magnifiée par un personnage qui balaye les faibles d’un revers de sa lame tel un Conan orc adepte de Loki et non de Crom, cette oeuvre, dont on peut s’étonner qu’elle ne soit pas plus connue, impressionne par sa noirceur, son côté crépusculaire et sa brutalité.   Lire la suite

La quête onirique de Vellitt Boe – Kij Johnson

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Lovecraftien… et féministe ! 

vellitt_boeSi vous suivez ce blog depuis un moment, le nom de Kij Johnson ne vous est pas inconnu, vu que c’est le troisième texte de l’auteure dont je vous parle, après la nouvelle Magie des renards et le roman court Un pont sur la brume. Dans les deux cas, l’atmosphère est assez éthérée, voire onirique, ce qui fait que l’américaine était tout à fait taillée pour s’attaquer au projet qui est le sujet du jour : donner sa propre version d’une quête dans les Contrées du rêve Lovecraftiennes. Car La quête onirique de Vellitt Boe (qui fait évidemment écho à celle menée par Randolph Carter pour trouver Kadath l’inconnue chez Lovecraft) s’inscrit, plus généralement, dans un mouvement qui a pris de l’ampleur ces dernières années, et qui consiste, tout en rendant hommage à la puissance de l’imagination de l’écrivain de Providence, à mettre au premier plan ceux qui étaient consciencieusement ignorés, négligés, voire méprisés, dans l’oeuvre du Maître : la personne de couleur (ou plus globalement tous les non-WASP – White, Anglo-saxon, Protestant-) et, ici, la femme (bien qu’une phrase décrivant le monde de l’éveil élargisse cette perspective : « et partout, il y a des femmes et des gens de toutes les couleurs »). Dans cette mouvance, on peut également citer L’éclosion des Shoggoths d’Elizabeth Bear (autre auteure dont je vous ai déjà parlé ici), nouvelle publiée dans le Bifrost 89, ainsi que La ballade de Black Tom de Victor Lavalle, à paraître également chez le Belial’ en avril 2018. L’éditeur semble donc se spécialiser dans ce que l’on pourrait appeler la « Littérature post-Lovecraftienne critique ».

Un petit mot sur la présentation : tout d’abord, elle est très soignée. Les rabats cachent une carte en couleur des Contrées du rêve, et puis il y a des illustrations intérieures (en noir et blanc) assez nombreuses et de très bonne facture, qui nous montrent les étapes et visions les plus marquantes de la quête de l’héroïne. L’achat de la version physique est donc, pour une fois, plus que recommandable. Un petit regret, cependant, concernant la couverture : si elle est très sympathique (et parfaitement Lovecraftienne, avec son chat et ses tentacules), je trouve toutefois dommage qu’elle omette ce qui fait justement tout l’intérêt de ce texte : le fait qu’un personnage féminin soit au centre de l’histoire, en un pied de nez à Lovecraft. J’aurais mieux vu, personnellement, Vellitt, le chat et les tentacules… Un peu comme sur la couverture américaine (mais avec l’héroïne de face, tant qu’à faire !).  Lire la suite

Three parts dead – Max Gladstone

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Un monde et un système de magie impressionnants

three_parts_dead_gladstoneMax Gladstone est un auteur américain d’Urban Fantasy, d’Arcanepunk, de Fantastique et de SF connu pour son cycle The craft sequence, dont Three parts dead est un des volumes. La particularité de ce roman est que si il s’agit du premier écrit et publié, c’est en revanche le troisième si on tient compte de la chronologie interne de l’univers. En effet, l’auteur avait envisagé dès la conception de la saga que chaque livre ne constituerait pas forcément la continuité du précédent, et pourrait se passer avant (ce qui implique aussi que les lieux de l’action et les protagonistes peuvent être différents -même si, par exemple, nous retrouvons Alt Coulumb et Tara dans le tome 4, et Elayne Kevarian dans le 1-). Il a donc inséré un chiffre dans leurs titres (à part celui du tome 6, qui vient tout juste de sortir), afin de vous donner leur place dans l’ordre chronologique interne. En clair, Three parts dead est le premier publié, mais vu qu’il y a un « three » (trois en anglais) dans son titre, c’est le troisième tome que vous devez lire si vous voulez découvrir l’histoire dans l’ordre chronologique interne à cet univers. Sachez cependant que chaque roman a été conçu également comme un stand-alone, ce qui fait que vous pourriez théoriquement les lire dans n’importe quel ordre (même si certains détails ou références vont vous échapper), voire en lire un seul et pas les autres. Personnellement, j’ai préféré découvrir ces romans dans leur ordre de parution, afin de mieux mesurer l’évolution de l’écriture de l’auteur.

Ce cycle est présenté comme un des plus emblématiques, sinon LE plus représentatif de l’Arcanepunk, sous-genre dont nous avons parlé dans cet article et qui constitue une des pistes de renouvellement de la Fantasy dans les années à venir. Il va se poursuivre, en 2018, via la publication de novellas.  Lire la suite