Gît dans les cendres – Marie Brennan

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Impressionnant sur le plan de la reconstitution Historique… presque trop pour son propre bien !

git_dans_les_cendres_brennanCette critique est parue dans le numéro 95 de Bifrost. Vous pouvez retrouver tous mes articles publiés dans le magazine sous ce tag.

Gît dans les cendres – La cour d’Onyx vol. 2 – Marie Brennan – L’Atalante coll. “La dentelle du cygne” – mars 2019 (roman inédit traduit de l’anglais [US] par Marie Surgers – 464 pp. GdF. 23,90 €).

Second tome de La cour d’Onyx, Gît dans les cendres continue sur la lancée de Minuit jamais ne vienne, mêlant l’Histoire réelle de l’Angleterre et les ressorts occultes (dans tous les sens du terme), liés à une cour féerique installée sous Londres, qui la sous-tendent. Le tome 1 se déroulait à la fin du XVIe siècle, et celui-ci fait un bond en avant, plaçant l’action entre 1639 et 1666 (plus un épilogue en 1675), date du fameux incendie de la ville. De fait, les scènes situées lors de l’évènement forment un fil rouge constitué de chapitres d’une vingtaine de pages, entrecoupés de chapitres plus grands qui sont autant d’analepses expliquant comment on en est arrivé là. Marie Brennan crée d’étonnants parallèles entre la Révolution anglaise, qui fait traverser à la monarchie humaine bien des épreuves, et celles endurées par sa contrepartie féerique, dont les protections traditionnelles sont de plus affaiblies par le zèle puritain. Dans les deux cas, la même géopolitique est à l’œuvre, l’Irlande et L’Écosse constituant une épine dans le pied des monarques siégeant à Londres, humains ou Fae. La férocité de l’incendie de Londres trouve une explication surnaturelle, liée à une Sorcière du vent hivernal et à un dragon, version XXL des élémentaires de feu communs. Mais les grands événements Historiques humains (mettant en scène quelques célébrités, dont Cromwell) ou la lutte entre Lune, désormais reine, et une monarque Fae écossaise qui lui voue une haine tenace, ne constituent pas la seule dimension du texte, puisque celui-ci se double d’une strate plus personnelle, liée aux princes consorts succédant à Michael Deven.

Plus encore que dans le tome précédent, l’aspect Historique est d’une impressionnante solidité, peut-être même trop pour le bien du roman. En effet, si Minuit jamais ne vienne était lisible sans connaissance pointue de l’ère élisabéthaine, Gît dans les cendres amplifie la tendance constatée dans la novella intermédiaire Deeds of men (qui se déroule en 1625), à savoir projeter le lecteur, sans volonté didactique aucune, dans un tourbillon de factions, partis politiques, groupes religieux ou autres, dont, à moins qu’il ne soit anglais, il n’a probablement pas une vision claire. Si cet aspect Historique montre donc un louable souci d’exactitude, il crée un écueil sur lequel pourrait venir se fracasser le lecteur peu féru d’Histoire anglaise et pas enclin à aller faire des recherches sur internet. Toutefois, je reste persuadé qu’au contraire, cet aspect est une grande force de ce roman, qui plus est habilement construit, écrit et traduit. Plus encore que dans le tome 1, ce cycle se révèle très supérieur à celui qui a fait connaître l’autrice en France, Mémoires, par lady Trent.

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Blood Tally – Brian McClellan

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Une fin jouissive

blood_tallyBlood Tally est la deuxième novella d’Urban Fantasy écrite par Brian McClellan qui s’inscrit dans le cycle Valkyrie Collections. Contrairement aux autres livres de l’auteur, publiés dans le circuit traditionnel, les romans courts de cette série sont, eux, auto-édités et financés par crowdfunding (les personnes ayant participé à ce dernier étant d’ailleurs remerciées dans la dernière vingtaine de pages de l’ouvrage).

Petit rappel des fondamentaux pour celles et ceux qui n’auraient pas lu ma critique du tome précédent, Uncanny Collateral : il s’agit de notre bonne vieille Terre, de nos jours, mais où le surnaturel existe. Le protagoniste, Alek, bosse pour (ou plutôt : est littéralement esclave de) la société Valkyrie Collections, qui, dans la région de Cleveland (Ohio), collecte tous les « impayés » en rapport avec l’occulte : âmes promises mais non données, grimoires magiques empruntés mais pas rendus à la bibliothèque, etc. Notre héros est 1/8e troll (ce qui lui donne quelques capacités bien sympathiques) et porte au doigt un anneau, mon précieux, contenant une djinn, Maggie, qui lui confère d’autres pouvoirs tout aussi utiles dans son métier (même si, comme le diraient mes jeunes cousines, dans leur prose qui fleure bon le langage SMS / Twitter, « D FOI C UN PEU ABUSAY LAWL »). Dans la novella précédente, il bossait pour le compte de la Mort et des Seigneurs de l’Enfer (dont une certaine Lucy-fer-). Tandis qu’ici, il va avoir affaire à un autre pan de l’aristocratie des Autres (les créatures surnaturelles non-humaines), à savoir les Seigneurs Vampires.

J’ai à nouveau passé un excellent moment avec ce (pas si) petit bouquin, moins ambitieux ou novateur que les autres œuvres de l’auteur mais qui fait partie d’un univers vraiment extrêmement sympathique. On sent que McClellan prend beaucoup de plaisir à écrire ces novellae, et son enthousiasme est communicatif. Je l’aurais placé un poil en-dessous d’Uncanny Collateral sans le combat final que j’ai a-do-ré. Une très bonne lecture, donc (bien meilleure que la plupart de mes lectures Bifrost du mois, à l’exception de La piste des cendres), et j’ai vraiment hâte de lire le troisième tome, surtout vu la fin et le fait qu’Alek y gagne de nouveaux compagnons d’armes. Lire la suite

Six mois, trois jours – Charlie Jane Anders

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Une excellente novelette

six_mois_trois_jours_andersLe 19 juin, sortira chez J’ai Lu, dans la collection « Nouveaux millénaires », un recueil contenant cinq nouvelles et une novelette (nouvelle longue, selon la terminologie française) signées Charlie Jane Anders. J’ai eu l’occasion de lire cette dernière en VO, et comme vous pourrez le constater si vous lisez ma critique, il s’agit vraiment d’un excellent texte. Je n’ai en revanche pas lu le reste, mais j’ai vraiment peu de doutes sur la grande qualité de l’ensemble. Je peux donc vous conseiller la lecture de ce livre en toute confiance. Je regretterai juste une couverture triste et peu esthétique, trouvant que l’éditeur aurait dû reprendre celle de la VO de la novelette, beaucoup plus sympathique, à la place.

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Uncanny Collateral – Brian McClellan

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Un nouveau sous-genre : la Troll-Hipster-Fantasy ! 

uncanny_collateralUncanny Collateral est une novella d’Urban Fantasy de 151 pages sortie hier qui… Comment ? Oui, vous êtes bien sur le Culte d’Apophis, pourquoi ? Vous dites ? De l’Urban Fantasy sur le Culte, mais bien sûr, et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu ? Oui, je sais que le 1er avril est passé. Non, ce n’est pas une blague. Ah mais oui, pardon, j’aurais dû commencer par là. Attendez, vous allez mieux comprendre. Uncanny Collateral, donc, est une novella ÉCRITE PAR BRIAN McCLELLAN (et auto-éditée par lui) et relevant de l’Urban Fantasy. Ce qui pose d’ailleurs d’intéressantes questions phylogéniques lorsqu’on se penche sur l’évolution de cet auteur. Mais j’y reviendrai.

Ce roman court est le premier d’un cycle, appelé Valkyrie Collections (du nom de la société pour laquelle bosse le héros). Et avec lui, on sent que McClellan a voulu proposer quelque chose de plus fun que ses précédentes séries ou stand-alone, que ce soit les deux trilogies des Poudremages ou War Cry. Parce qu’outre le sous-genre (Flintlock Fantasy pour les Poudremages, Arcanepunk pour War Cry, Urban Fantasy ici), outre le fait que cette fois, l’action ne se passe pas dans un monde secondaire (imaginaire) mais aux USA de nos jours, une grosse différence est à la fois l’absence de cadre militaire qui était jusque là systématique chez l’auteur et surtout un ton bien plus léger et moins épique. Sans faire pour autant une Fantasy à proprement parler humoristique ou sans enjeux, celle là est beaucoup plus décontractée que dans les bouquins précédents de McClellan. On peut par contre remarquer que plus il publie de livres, plus il avance dans le niveau technologique et la période d’inspiration de sa Fantasy, passant de la Révolution et de l’épopée Napoléonienne à la Seconde Guerre Mondiale, puis le XXIe siècle. C’est même à se demander ce qu’il nous prépare pour ses prochains cycles…

Au final, j’ai dévoré ce sympathique petit bouquin, je lirai les suites avec grand plaisir, et le conseille à la fois aux fans de l’auteur et à ceux qui veulent lire une histoire se passant dans un contexte mélangeant Constantine et Lucifer, avec une petite touche de Max Gladstone dedans (voir plus loin). Lire la suite

Six months, three days – Charlie Jane Anders

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Futur ou Futurs ? 

6_months_3_days_andersCharlie Jane Anders est une auteure américaine qui, si elle n’est pas vraiment prolifique, voit ses textes, courts ou longs, être souvent au minimum nominés aux prix les plus prestigieux (quand ils ne les gagnent pas). Elle est surtout connue pour son roman All the birds in the sky, titulaire du Nebula et du Locus 2017. Elle est aussi la co-fondatrice (avec Annalee Newitz) d’io9, un blog majeur consacré aux littératures de l’imaginaire et au Futurisme.

Six months, three days est une novelette (« nouvelle longue » dans la nomenclature française) qui a gagné le prix Hugo 2012 dans cette catégorie (elle a également été nominée pour le Nebula et le prix Theodore Sturgeon). Elle est disponible gratuitement (en anglais) sur cette page du site de Tor.com, ainsi qu’en format électronique, audio ou papier payant, seule ou accompagnée d’autres textes de l’auteure.  Lire la suite

A kiss with teeth – Max Gladstone

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Dracula in love 

a_kiss_with_teethNon, non, non, Max Gladstone n’est pas que l’auteur de l’excellent cycle The craft sequence, il donne aussi dans le texte court et propose d’autres univers ou styles de SFFF que l’Arcanepunk ! C’est même un nouvelliste relativement prolifique (ce n’est pas Robert Silverberg non plus, hein !) pour ses trente-quatre ans, puisqu’il peut se prévaloir de la publication de onze nouvelles via différentes plates-formes.

Avec cette critique, je redonne un sang neuf (ah, ah !) à mon cycle de lecture littérature vampirique de référence, lancé en 2016 et laissé de côté en 2017. Je vous en rappelle le but : en plus de vous présenter les romans de vampires qui sont considérés comme une référence du genre (Carmilla, etc), que ce soit grâce à leurs pures qualités littéraires ou du fait de leur influence sur les textes consacrés à la créature parus après eux, il vous donne aussi des pistes si vous ne souhaitez surtout pas lire du Twilight (ou la grosse majorité de la Bit-Lit, qui peut être mise dans le même sac). Lire la suite

Deeds of men – Marie Brennan

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Une transition intéressante à défaut d’être indispensable

deeds_of_menDeeds of men est une longue nouvelle qui se situe entre les tomes 1 et 2 du cycle La cour d’Onyx, par Marie Brennan (c’est ce qu’on appelle, sur Goodreads, un « tome 1.5 »). Elle se déroule trente-cinq ans après la fin de Minuit jamais ne vienne et quatorze avant In ashes lie, donc en 1625. Nous suivons un des personnages du tome 1, Michael Deven, qui enquête sur le meurtre de celui qu’il avait choisi comme successeur au poste de Prince à la cour des Fae (je vais y revenir). Pour celles et ceux qui se poseraient la question d’une éventuelle traduction, il se trouve que je l’ai moi-même soumise aux responsables de l’Atalante, qui ont eu la gentillesse de me répondre. En substance, l’idée est présente dans leur esprit, mais aucune décision ferme n’a été arrêtée pour le moment. Je vous invite donc à vous exprimer dans les commentaires de cet article, afin de leur montrer que vous seriez prêts à acheter ladite hypothétique traduction, et de les aider à faire leur choix  😉 Lire la suite

Minuit jamais ne vienne – Marie Brennan

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Largement supérieur aux aventures de Lady Trent, surtout pour les amateurs de Fées

minuit-brennanMinuit jamais ne vienne est le premier des quatre tomes du cycle La cour d’Onyx (qui comprend également une nouvelle s’insérant entre les tomes 1 et 2), par Marie « Lady Trent » Brennan. Ce roman pose de très intéressants problèmes de classification, car il navigue à la frontière de deux sous-genres différents, dont, de plus, les définitions exactes varient selon le spécialiste auquel vous avez affaire. Certains vous diront que bien que beaucoup d’éléments apparentent son cadre et son intrigue à l’Urban Fantasy, le simple fait que l’action se déroule à la toute fin du XVIe siècle l’exclut d’emblée de ce sous-genre, et qu’il faut le classer dans une des quatre variantes (dans la conception anglo-saxonne) de la Fantasy Historique (pour plus de détails, voir mon article), celle qui s’apparente à une version surnaturelle de l’Histoire secrète. Même si un tel classement serait loin d’être dépourvu de sens, je trouve réducteur, pour ma part, de réduire l’Urban Fantasy à la période XIXe-XXIe siècles simplement parce que c’est dans cet intervalle temporel que sont situées l’écrasante majorité des œuvres relevant de ce sous-genre. Dans cette optique, je préfère donc considérer que ce cycle en est, certes, un représentant atypique, mais qu’il relève pourtant bel et bien de l’Urban Fantasy (et puis bon, comme ça, il ne sera pas dit qu’il n’y a pas un seul livre d’Urban sur le Culte  😉 ). D’ailleurs, l’auteure elle-même insiste sur la différence entre les Fae du palais d’Onyx et toutes les autres, à savoir vivre en (ou plutôt sous la) ville et pas dans les endroits traditionnellement associés au Petit Peuple, à savoir sous les collines, dans les forêts, etc. Or, c’est précisément ce cadre urbain qui signe l’Urban Fantasy par rapport à la Fantasy standard dans les définitions les plus précoces de ce sous-genre.

Mais revenons à nos moutons : sous sa couverture (euh, non, on ne va pas parler de la couverture *haut-le-cœur*), ce roman est-il semblable, dans le style, au plus connu sous nos latitudes cycle de Lady Trent ? Pas vraiment. Il y a un côté pimpant, un aspect aventure scientifique, un volet Fantasy of manners qui n’existe pas ici, où l’atmosphère est nettement plus fantastique, où on se préoccupe surtout de position sociale (donc on cherche à exploiter le système, la hiérarchie, pas à lutter contre elle) et d’intrigue de Cour et où, peut-être surtout, l’ambiance est nettement plus sinistre. Bref, tout cela pour vous dire que le fait que vous ayez apprécié un des cycles n’est pas du tout une garantie pour que vous appréciez l’autre. Même le style d’écriture est différent, plus tranchant, moins enjoué, et, à mon avis, techniquement supérieur. Et j’aurais même tendance à dire qu’alors qu’on aurait pu croire que Lady Trent était le cycle majeur de l’auteure, ce simple tome 1 rebat les cartes très rapidement. Je pensais tomber sur une lecture sympathique mais mineure, et finalement j’ai trouvé ça très intéressant.  Lire la suite