Le hasard a bien fait les choses
Petit retour en arrière : après être devenu traducteur en 2007, Emmanuel Chastellière (co-fondateur et rédacteur en chef d’Elbakin, site / forum de référence en France en matière de Fantasy) décide, en 2016, de devenir également auteur. Ses trois premières productions, Le Village, Célestopol et Poussière Fantôme, n’éveillent pas mon intérêt, pour une pure question taxonomique : ils relèvent de genres soit qui ne m’inspirent guère, soit avec lesquels je suis souvent déçu. Puis, en 2018, sort L’Empire du léopard, qui lui, correspond parfaitement au cœur de cible du Culte en matière de Fantasy : militaire, à poudre et inspirée par autre chose que le Moyen Âge européen. Je connaissais déjà la plume agréable du Chastellière traducteur, je découvre celle de l’Emmanuel auteur. Aussi, quand Célestopol 1922 apparaît dans la liste des livres à lire pour la préparation de Bifrost 103, je me dis qu’il serait pertinent d’aller voir ce que l’auteur donne version Steampunk, même si c’est un genre où je suis quasi-systématiquement déçu. Et ce d’autant plus que les deux recueils sont réputés pouvoir être lus de façon totalement indépendante (ce qui est vrai).
Si je vous raconte tout cela, ce n’est pas pour faire 3615 Ma Vie (<– blague de vieux), mais pour vous expliquer qu’en fait, lire les deux Célestopol dans l’ordre « inverse » (1922 en premier, puis le recueil éponyme) a été une bonne chose, et ce pour deux raisons : d’abord parce que si Célestopol est un très bon recueil de nouvelles, son successeur est un cran au-dessus, et donc, lire le meilleur des deux en premier était sans doute préférable au parcours inverse ; et surtout, la fin de Célestopol m’a réservé une surprise à laquelle 1922 ne m’avait pas préparé, et qui constitue un point capital de l’histoire de la cité qui donne son nom à ces livres. Donc, aussi paradoxal et contre-intuitif que cela puisse paraître (même si les recueils sont présentés comme lisibles séparément / dans l’ordre que l’on désire), je vous recommande de suivre le même parcours, à savoir commencer par le second recueil puis enchaîner par le premier.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, un court point taxonomique : selon les endroits, vous verrez Célestopol classé en Steampunk ou en SF (soit parce que la personne concernée considère que le Steampunk en est un sous-genre – ce qui n’est pas mon cas -, soit parce qu’elle considère probablement que vu la parenté avec le Merveilleux Scientifique, c’est le classement qui fait le plus sens). À mon avis, aucun de ces classements ne reflète complètement la réalité de cet univers, puisque s’il y a une certaine esthétique Steampunk, il n’y a guère de vapeur et les avancées technologiques rétrofuturistes sont en partie catalysées par autre chose (une substance appelée Sélénium -rien à voir avec l’élément chimique réel de numéro atomique 34, apparemment), et puisque s’il y a des éléments de SF / de Merveilleux Scientifique, il y a aussi des bouts d’autre chose, comme la présence de magie et de créatures surnaturelles ou mythiques, donc de Fantasy, et quelques éléments horrifiques. Donc, à mon sens, on est plus sur une variante assez spéciale de New Weird que sur du Steampunk ou sur de la SF (je vous reparlerai d’ailleurs de quelques exemples de « Steampunk sans Steam » dans l’Apophis Box de septembre). Lire la suite