Célestopol 1922 – Emmanuel Chastellière

Maîtrisé, poignant, surprenant et passionnant

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 103 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Quatre ans après un premier recueil éponyme (qui sera chroniqué sur ce blog très prochainement) et chez un nouvel éditeur, Emmanuel Chastellière revient à son univers fétiche, celui de la cité lunaire sous dôme de Célestopol, fondée au milieu du XIXe siècle par l’empire russe, mais dont son dirigeant, le Duc Nikolaï, a arraché l’indépendance à son impératrice de mère grâce à la découverte d’une nouvelle source d’énergie, le Sélénium. Comme son nom l’indique, ce second fix-up de treize nouvelles se déroule de janvier 1922 à janvier 1923, un intervalle temporel bien plus resserré que dans son prédécesseur. On peut, au passage, sans aucun problème lire Célestopol 1922 sans avoir lu ce dernier, dont on retrouve, par ailleurs, quelques personnages.

Les nouvelles sont semi-indépendantes, puisque si chacune d’elles forme une histoire à part entière (permettant aux néophytes de découvrir peu à peu l’univers uchronique et rétrofuturiste de Célestopol), les protagonistes, lieux ou événements des unes peuvent se retrouver, en tant que personnages secondaires ou même simplement entraperçus ou mentionnés, dans les autres. Si l’ensemble navigue entre le Merveilleux Scientifique à la Jules Verne et un Steampunk où le Sélénium remplace la vapeur, certains textes sont dans une veine SF plus classique, plusieurs semblent établir que la magie et les êtres mythiques coexistent avec la science, et le dernier relève carrément du volet onirique de l’œuvre de… Lovecraft (j’en parle plus en détails dans cet article) ! Tout ceci aurait pu s’effondrer sous le poids de ses contradictions, pourtant il n’en est rien. Chose rare dans pareils recueils, il n’y a pas vraiment de texte plus faible ou dispensable que les autres, à part peut-être celui sur Howard Carter (un des nombreux personnages -ou événements- historiques qui apparaissent ou sont mentionnés), qu’une fin poignante met toutefois au même niveau que les autres. Si l’on devait en retenir plus particulièrement certains, on choisirait Katarzyna (à l’excellente chute), ainsi que les trois derniers.

Comme à son habitude, Chastellière mêle à sa littérature d’évasion des thèmes sociétaux, certains textes étant engagés sans être agressivement militants, abordant la condition ouvrière, la mécanisation menaçant les emplois, l’homophobie, le nationalisme, l’antisémitisme, l’émancipation de la femme ou les droits des Intelligences Artificielles, dans une veine proche d’Ekaterina Sedia dans L’Alchimie de la pierre, ou, dans sa dimension « une utopie technologique peut se doubler d’une contre-utopie sociétale », de David Marusek dans L’Enfance attribuée. Il ne ménage pas ses personnages, la fin heureuse étant clairement l’exception, mais nous offre, ce faisant, de très beaux moments d’émotion et d’humanité.

Célestopol 1922 est un recueil maîtrisé, poignant, surprenant et passionnant du début à la fin (sublimé par une édition de grande qualité), et confirme le statut d’auteur à suivre d’Emmanuel Chastellière.

PS : L’auteur a, depuis la rédaction de cette recension pour Bifrost, écrit une nouvelle inédite, Ammuin karhua, se déroulant dans l’univers de Célestopol. Elle est disponible au prix de 3 euros, et tous les bénéfices de sa vente sont reversés à la Croix-Rouge française pour soutenir son action en Ukraine. Vous trouverez plus de détails sur le blog de l’auteur.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce recueil, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de Célinedanaë, celle de Gromovar, du Nocher des livres, de Boudicca, de Yuyine, de Dup, d’Aelinel, du Chien Critique, des Fantasy d’Amanda, de Symphonie, de Sometimes a book, de Zoe prend la plume, de Pativore, de Lutin,

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16 réflexions sur “Célestopol 1922 – Emmanuel Chastellière

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