Le sanctuaire ailé – Marie Brennan

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Fracassante révélation ! (ou pas…)

sanctuaire_ailéLe sanctuaire ailé est le cinquième et dernier volume des Mémoires de Lady Trent. Toutefois, Marie Brennan a décidé de continuer à écrire dans cet univers, puisqu’un roman mettant en scène la petite-fille d’Isabelle, Audrey, est sorti en août 2019 sous le titre Turning darkness into light. Ce tome 5 reprend la présentation de grande qualité qui a fait la renommée de ce cycle, avec sa couverture et ses splendides illustrations intérieures signées Todd Lockwood (particulièrement celle représentant Isabelle à deux âges différents et qui clôture le livre).

Cet ultime opus, donc, nous explique comment Lady Trent est devenue aussi célèbre que la reine du Scirland, et, outre son histoire personnelle, il donne aussi une conclusion (provisoire, probablement, au vu du roman consacré à Audrey) à l’évolution du statut de la femme dans ce pays imaginaire d’inspiration Victorienne, ainsi qu’à la série de découvertes scientifiques liées aux dragons et à la mystérieuse civilisation Draconienne. Deux points sont à retenir : premièrement, il est légèrement plus fantastique que les autres, et deuxièmement, il est… impossible à chroniquer ! Lire la suite

Fantasy non-médiévale / d’inspiration extra-européenne / aux thématiques sociétales

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La Fantasy « du monde d’après » existe en fait depuis avant-hier !

ApophisCes derniers jours, nous sommes un certain nombre de blogueurs et plus généralement de lecteurs réguliers de Fantasy à nous être interrogés sur un billet signé André-François Ruaud, paru sur le blog des Moutons électriques, et que vous pouvez lire ici. De la façon dont ce texte a été rédigé, il est difficile de ne pas se faire la réflexion que son auteur semble non seulement oublier certaines des parutions de sa propre maison (ce que certains intervenants n’ont d’ailleurs pas manqué de faire remarquer aux Moutons sur Twitter, en commentaires de l’article et probablement sur d’autres plates-formes), méconnaître ce que d’autres éditeurs français ont publié ces dernières années en matière de Fantasy post-médiévale et progressiste, et plus généralement n’avoir qu’une idée très floue de ce qui se fait chez les Anglo-Saxons depuis une bonne quinzaine d’années. Monsieur Ruaud n’est cependant que la partie émergée d’une immense partie du lectorat français, persuadée que le genre est resté bloqué au stade médiéval-« fantastique » inspiré par l’Europe et aux préoccupations / aux sociétés féodales, alors que ce n’est plus le cas depuis au moins quinze ans (et souvent plus longtemps).

M’étant moi-même, dans mon essai ou les articles sur lesquels il est basé (dont les plus anciens datent de… 2016), longuement penché sur les pistes de renouvellement de la Fantasy, et proposant depuis des années sur ce blog des critiques de romans de Fantasy d’inspiration extra-européenne, à un stade de développement non-médiéval (le plus souvent post-médiéval) et développant des thématiques sociétales et progressistes avec force, émotion et intelligence, je crois ne pas être trop mal placé pour vous proposer un rapide état des lieux en ces matières.

Étant donné qu’il était, de longue date, dans mes intentions de vous proposer un Guide de lecture complet sur la Fantasy d’inspiration extra-européenne (avec ce niveau de détail) et un autre sur la Fantasy non-médiévale, le présent article se veut succinct et ne donner que quelques exemples ciblés pour démontrer son propos. Les articles détaillés viendront plus tard (en fin d’année pour la Fantasy extra-européenne, par exemple). Lire la suite

Les attracteurs de Rose Street – Lucius Shepard

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Un livre plein d’habiles contrastes

attracteurs_rose_streetLucius Shepard (1943 – 2014) était un écrivain américain, grand voyageur (ce qui a eu une influence sur son oeuvre, surtout à ses débuts, où elle était vraiment axée sur l’Amérique centrale), ayant exercé mille métiers, parmi lesquels l’écriture n’est venue que très tardivement, alors qu’il avait déjà la quarantaine. Il a gagné un prix Hugo, un Nebula, un Locus et deux World Fantasy Award. Il est particulièrement connu pour son roman La vie en temps de guerre et pour sa saga du Dragon Griaule, lignée de textes courts de Fantasy mettant en scène un dragon jadis pétrifié par un magicien mais si grand que les hommes l’ont de tout temps pris… pour une chaîne de montagnes, et si maléfique que même à l’état de monolithe, il continue à exercer son influence corruptrice sur les environs. Il est éminemment renommé pour la qualité de son style.

Le Belial’, grand admirateur et soutien de l’auteur, nous propose, dans sa prestigieuse collection Une heure-lumière, une novella relevant de la Gaslamp / Gaslight Fantasy (ou à la rigueur du Weird, voire de l’Urban Fantasy ; pour la signification de ces termes, je vous invite à lire ceci), tout comme, d’ailleurs, un roman précédemment publié par l’éditeur. Elle met en scène un fantôme dans la Londres de la fin du XIXe siècle. Comme d’habitude, la (splendide) couverture est signée Aurélien Police, et la traduction, comme il se doit impeccable lorsqu’on a affaire à une VO si raffinée, par Jean-Daniel Brèque, à qui, sans surprise, le cadre victorien sied comme un gant. Lire la suite

Le labyrinthe des gardiens – Marie Brennan

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Deux tiers soporifiques, et puis…

lady_trent_4Le Labyrinthe des gardiens est le quatrième volume des Mémoires de lady Trent, par Marie Brennan. Comme tous ses prédécesseurs, il bénéficie d’une présentation exceptionnelle, avec une couverture et des illustrations intérieures superbes, ainsi, comme le tome 3, que d’une encre de couleur (ici marron, en harmonie avec son cadre désertique et les teintes de la première de couverture). Et comme tous ses prédécesseurs, il reproduit le même schéma récurrent, à savoir un voyage dans un pays exotique où Isabelle fera scandale à cause de son comportement, et où à la fin, elle tombera sur un énoooooorme secret. Si ce schéma hautement répétitif m’avait déjà lassé lors du tome précédent, sur celui-ci un autre facteur s’est ajouté à ma frustration : le fait qu’entre-temps, j’ai découvert la Cour d’onyx, l’autre cycle majeur de l’auteure. Que je trouve bien meilleur, et avec lequel j’ai eu donc tendance à faire des comparaisons pas toujours favorables à lady Trent. Si on ajoute à cela le fait que, en toute honnêteté, je n’étais pas vraiment dans une disposition d’esprit optimale pour lire de la Fantasy of manners (je suis plus calibré mentalement, ces derniers temps, pour de la Hard SF / SF militaire à grand spectacle ou de la Fantasy hautement novatrice), eh bien cette lecture a plus tenu du « je veux absolument me tenir à jour sur ce cycle » que d’autre chose.

Et pourtant, il faut bien le dire, ce tome 4 est un moment capital de la saga, car c’est là qu’Isabelle Camherst devient lady Trent ! Et finalement, je ne regrette pas ma lecture (pas son dernier tiers en tout cas 😀 ).  Lire la suite

The guns above – Robyn Bennis

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Honor Harrington, capitaine de dirigeable

the_guns_aboveRobyn Bennis est une autrice californienne travaillant dans le domaine des biotechnologies, dont The guns above est à la fois le premier roman et le tome inaugural d’un cycle appelé Signal airship. Le tome 2, By fire above, est attendu en mai 2018. Influencée, de son propre aveu, par (entre autres) Patrick O’Brian, David Weber et Bernard Cornwell, il était logique qu’elle commence par écrire de la SFFF militaire d’influence Napoléonienne. Là où ça devient intéressant, en revanche, c’est qu’elle a choisi de créer un contexte Steampunk / Fantasy (je vais y revenir) dans lequel un équivalent d’Honor Harrington commande… un zeppelin militaire ! Ou comment transposer les combats spatiaux de l’Honorverse dans un contexte à mousquets, Grenadiers, Dragons (les cavaliers, pas les bestioles) et canons ! Le résultat est bluffant, aussi bien au niveau de l’ambiance / immersion que du côté technique (description des dirigeables) ou de dialogues ou personnages principaux très solides, surtout pour une première oeuvre.

La plupart des gens le classifieront en Steampunk (bien que le seul côté rétrofuturiste soit dans la présence de dirigeables évolués dans un contexte Napoléonien, soit un gros siècle avant la période Historique où ce genre de rigide employant de l’Hélium était utilisé à des fins militaires), mais le fait que l’intrigue se déroule dans un monde secondaire (imaginaire) me fait plutôt classer ça, personnellement, dans la Gaslamp / Gaslight Fantasy, même s’il n’y a aucun élément fantastique (encore moins que dans Téméraire, qui, lui, montre des dragons).  Lire la suite

Les griffes et les crocs – Jo Walton

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Dragon Abbey

griffes_crocs_waltonLes griffes et les crocs est la dernière traduction française en date d’un roman signé Jo Walton. Il s’agit en fait d’un des premiers livres de l’auteure Galloise, sorti fin 2003 et titulaire du World Fantasy Award 2004. Si on la connait principalement, dans l’hexagone, pour ses uchronies (dont Mes vrais enfants), Walton est aussi (et en terme de nombre d’ouvrages, en fait surtout) un écrivain de Fantasy, genre dont relève le roman dont nous allons parler aujourd’hui. Et plus précisément, de Gaslamp Fantasy (= Victorienne) et surtout de Fantasy of manners (= l’ennemi n’est pas un monstre, une nation rivale ou un antagoniste, mais la société, ses lois, traditions et coutumes).

Je préfère prévenir tout de suite les lecteurs qui ont découvert Jo Walton via Mes vrais enfants et qui penseraient lire le même genre de roman, mais dans un contexte fantastique plutôt que réaliste et uchronique : les deux livres n’ont que de relatifs points communs, à part le fait qu’ils sont prenants et se lisent très facilement d’une part et l’adoption de deux points de vue (entre autres) féminins divergents d’autre part (ainsi que les thématiques féministes et sociales, évidemment). Et ceci, avant tout, à cause d’un « petit » détail : les personnages ne sont pas des humains… mais des dragons cannibalesLire la suite

From the editorial page of the Falchester Weekly Review – Marie Brennan

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Un savoureux échange épistolaire

lady_trent_3.5From the editorial page of the Falchester Weekly Review est une courte nouvelle (13 pages seulement, en anglais) qui s’insère entre les tomes 3 et 4 des Mémoires de Lady Trent (sur Goodreads, elle est classée « tome 3.5 »). Ou, plus précisément, elle commence juste un peu avant la fin du Voyage du Basilic et avant le début de In the labyrinth of drakes (Isabelle ne mentionne pas un certain titre acquis à la toute fin du tome 3).

Il s’agit d’un texte épistolaire, relatant l’échange, par l’intermédiaire du courrier des lecteurs d’un périodique, le fameux Falchester Weekly Review du titre de la nouvelle, entre (essentiellement) Lady Trent et un autre savant, qui prétend avoir découvert des Cockatrices, une espèce apparentée aux dragons, quelque part dans les archipels de la Mer Brisée, mais sans vouloir révéler où. Lire la suite

Le voyage du Basilic – Marie Brennan

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Ça tourne en rond…

voyage_basilicLe voyage du Basilic est le troisième tome des Mémoires de Lady Trent, après Une histoire naturelle des dragons et Le tropique des serpents. Le dernier des romans (le cinquième) est paru le 25 avril aux USA, même si, comme elle l’avait annoncé, l’auteure est susceptible de remplir certains blancs via la publication de nouvelles, la première (qui s’insère entre les tomes 3 et 4) étant disponible (en anglais) depuis mai 2016 (critique à suivre demain).

Le Basilic en question s’avère être un navire de recherche, utilisé par Isabelle pour parcourir le monde afin de ré-évaluer la taxonomie des dragons (et des serpents de mer). Vous aurez donc deviné qu’il s’agit là d’une allégorie du voyage de Charles Darwin sur le HMS Beagle. Et l’éditeur est allé au bout de la logique de ce contexte maritime, puisqu’il a employé une encre bleue de toute beauté pour imprimer le roman, la carte (superbe) et les illustrations intérieures auxquelles vous êtes désormais habitués dans ce cycle. Si on ajoute tous ces éléments à la magistrale couverture, on se retrouve devant un livre absolument splendide, digne d’être possédé en version physique plutôt qu’électronique. Lire la suite

Sandrunners – Anthony Ryan

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Sympa mais d’un intérêt limité

sandrunnersSi vous lisez en VO, vous savez peut-être que de plus en plus d’auteurs publient des nouvelles (voire des novellas / romans courts) se situant avant le tome 1 de leurs cycles ou entre deux tomes. L’objectif (outre l’aspect commercial évident…) est souvent de donner plus de détails sur le background de certains personnages ou de détailler des événements qui n’ont été qu’effleurés dans les romans. Certains déplorent cette pratique, mais ce n’est pas mon cas, car elle permet de revenir à moindres frais et via des lectures courtes (chose que j’apprécie de plus en plus) dans un univers qu’on a aimé et sur lequel on veut en savoir plus. Ce que l’on peut par contre regretter est que ces textes ne franchissent quasiment jamais la barrière de la langue, le format court étant notoirement mal-aimé en France.

Cette nouvelle (27 pages) revient donc sur l’expédition Wittler, dont les conséquences jouent un rôle important dans Le sang du dragon, qui se déroule une trentaine d’années plus tard. Elle est disponible (en anglais) uniquement sous forme électronique, pour 0.99 euros. L’intrigue suit Ethelynne Drystone, que les lecteurs du tome 1 connaissent désormais bien, alors jeune Sang-bénie accompagnant les Sandrunners (« Coureurs des sables »), une Compagnie d’Indépendants envoyée dans le Cœur à la recherche du légendaire Drac-argent.  Lire la suite

Le sang du dragon – Anthony Ryan

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Les aventures de James Bond (en robe), de Jack Aubrey (sur un Ironclad) et d’Allan Quatermain (chez les Mayas)

sang_dragon_ryanAnthony Ryan est un auteur écossais de Fantasy connu pour sa trilogie Blood Song. Le sang du dragon est le premier volume d’un nouveau cycle (Dragon Blood… en VF, The Draconis Memoria en VO), initialement conçu pour en comprendre trois mais qui pourrait en compter quatre au final. Le tome 2 paraîtra (en anglais) le 27 juin.

Ce roman est à la pointe de la pointe des tendances récentes de la Fantasy anglo-saxonne : cadre non-européen, technologie post-médiévale, système de magie innovant, richesse des thématiques de la Colonial Fantasy, et surtout recyclage bluffant de certains codes de la SF afin de renouveler et redynamiser le genre. Pour en savoir plus, je vous invite à lire mon article sur le sujet.

Bref, sur un pur plan construction de l’univers et application de codes nouveaux / fusion de genres, c’est déjà très intéressant, et cela le devient encore plus lorsqu’on sait que l’intrigue et le style sont également de qualité.  Lire la suite