La Lune tueuse – N.K. Jemisin

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La Lune est peut-être tueuse, mais le roman n’est pourtant pas une tuerie, lui

Il y a une semaine, est sorti chez Pygmalion La Lune tueuse de N.K. Jemisin, premier roman d’un diptyque, Dreamblood. J’ai, pour ma part, lu cet ouvrage en anglais en 2017, sous le titre The Killing moon, et il ne m’a pas convaincu, à tel point que je n’ai jamais ressenti le besoin d’enchainer sur la suite, The Shadowed sun. La conclusion de ma critique était que cette fantasy d’inspiration égyptienne propose un univers fade (mais original par rapport à celle européenne / médiévale-fantastique, du moins à l’époque où elle est parue en VO -2012-), une écriture assez froide, ainsi que des personnages et un scénario particulièrement stéréotypés. Seul le protagoniste principal et son combat contre le côté obscur de la magie (magie d’ailleurs très réussie, le vrai point fort du roman) donnent à La Lune tueuse un certain intérêt, qui ne prend cependant véritablement son essor que dans les dix derniers % du livre. On est, de fait, très loin de la patate de golgoth que constitue, en revanche, La Cinquième saison de la même autrice. On félicitera toutefois l’éditeur pour sa couverture esthétique (à mon goût, du moins), en tout cas plus que celle de la VO.

Ma première impulsion serait donc de vous conseiller d’investir vos sesterces et autres dinars durement acquis dans de la SFFF de plus grande envergure (y compris le reste de l’œuvre de Jemisin), à un minuscule détail près : ce roman étant traduit par le sangui… le sympathique Pierre-Paul Durastanti, si vous voulez éviter que votre famille en pleurs ne vous retrouve, « suicidé » de trois balles dans le dos, ou qu’un missile Hellfire ne tombe par un malheureux « accident » sur votre voiture alors que vous la conduisez, réfléchissez-y tout de même à deux fois. Peut-être, d’ailleurs, que la lecture de ma critique complète de la VO vous convaincra que, finalement, ce roman a des attraits pour vous séduire, vos critères n’étant pas forcément les miens.

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The century blade – Rob J. Hayes

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Une bonne façon de découvrir le cycle Mortal Techniques

Étant, en ce moment, dans une sorte de cycle de lecture informel faisant la part belle aux lectures de Fantasy aux contextes exotiques, le moment me parait bien choisi pour vous reparler de Rob J. Hayes. Auteur britannique auto-édité et très expérimenté (une quinzaine de romans au compteur, tout de même), Hayes m’avait bluffé avec son roman Never Die, titulaire du SPFBO 2017, prix littéraire chapeauté par Mark Lawrence couronnant chaque année le meilleur des auto-édités anglo-saxons. Fantasy à monde secondaire d’inspiration asiatique et très héroïque, Never Die était un bouquin sympathique mais sans plus jusqu’à sa fin, tout bonnement extraordinaire, qui remettait tout le reste en perspective. Il se trouve que depuis ma chronique, l’auteur (très prolifique) a étendu cet univers à deux autres romans (Pawn’s Gambit et Spirits of vengeance) et une nouvelle, The century blade (à la couverture magnifique –la preuve en grand format), dont je vais vous parler aujourd’hui. Le tout forme un cycle informel, The mortal techniques, car si chacun de ces textes s’inscrit dans le même univers, chacun peut se lire de façon totalement indépendante de tous les autres.

Outre la (courte) nouvelle The century blade proprement dite, le « livre » électronique qui vous est vendu contient aussi le premier chapitre du roman Spirits of vengeance. Pour… 0.99 euros, vous avez donc l’occasion d’avoir un aperçu de l’univers (fascinant) et du style (fluide, agréable et puissamment évocateur) de l’auteur, ce qui vous permettra de voir si vous voulez investir dans les trois romans de The mortal techniques (c’est toujours plus rapide à lire et moins cher de prendre la température de l’eau avec une nouvelle à moins d’un euro qu’avec un roman de plusieurs centaines de pages, forcément plus onéreux). Et en plus, la nouvelle est très plaisante, même si elle a, comme nous le verrons, un défaut non négligeable. Lire la suite

L’homme qui voulait tuer l’empereur – Thomas Day

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Et là, c’est le drame !

Une version modifiée de cette critique est parue dans le numéro 100 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

L’homme qui voulait tuer l’empereur (qui résulte de l’expansion d’une novella antérieure) est présenté comme le second tome de La voie du sabre, mais s’il partage le même univers (trente-trois ans après) que le roman éponyme, ainsi que quelques-uns de ses personnages ou leurs enfants, il a en fait tout du roman indépendant. Et ce d’autant plus qu’il y est bien plus question d’arpenter la voie de la vengeance et de l’arc que celle du sabre. Ceci pourrait ne relever que de la péroraison si ce second roman dans le Japon fantasmé par Thomas Day gardait la très grande qualité du premier. Ce n’est malheureusement pas le cas.

Daigoro est un puissant seigneur qui, pour son plus grand malheur, a une superbe concubine, Reiko. L’empereur-dragon, qui vient de perdre sa fille, cherche une compagne pouvant lui donner un nouvel enfant, et jette son dévolu sur la jeune femme. Quand Daigoro refuse de s’en séparer, l’Empereur fait tuer ses deux enfants, sa femme enceinte, et assiège sa forteresse. Durant le siège, Reiko est tuée, et son corps est possédé par un puissant démon du feu. Celui-ci va fournir au samouraï déchu les moyens d’assouvir sa vengeance, en ouvrant toute grande la porte des Enfers, lui permettant ainsi peut-être d’atteindre le souverain au cœur de son palais et de le tuer. En plus de sa concubine possédée, Daigoro pourra compter sur l’appui d’un truculent français, Bertrand, à la recherche de ce que dans le film Highlander, on appelait un Tolède salamanque. Ce qui n’est d’ailleurs pas le seul clin d’œil, puisque le dialogue p. 189 est du Gladiator dans le texte et qu’on croise un hollandais nommé… Pieter de Vries ! Lire la suite

La voie du sabre – Thomas Day

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Le chef-d’œuvre de Thomas Day

Une version modifiée de cette critique est parue dans le numéro 100 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

La voie du sabre est une version allongée d’une novella antérieure. Comme il le fera avec Chaka, Thomas Day s’approprie un cadre et un personnage historique et le ré-enchante, ajoutant des éléments magiques, s’éloignant des faits avérés pour donner à ce personnage une stature légendaire. Mais contrairement au Trône d’ébène, La voie du sabre est une vraie Fantasy ne proposant qu’une seule grille de lecture, surnaturelle.

À part sa maîtrise suprême du katana et son talent artistique, le Musashi de Day n’a qu’un vague rapport avec sa contrepartie réelle (dont le testament dit qu’il faut éviter les plaisirs de la chair et de la chère !), tout comme son Japon n’est pas celui de nos manuels d’Histoire : les sorciers y manient la foudre, une encre allonge votre vie mais vous transforme en dragon (Herbert rencontre Lovecraft ?), un tatouage peut s’animer, un rōnin manipuler le cours du temps et sculpter un tigre dans une gerbe de sang. Lire la suite

Le retour du hiérophante – Robert Jackson Bennett

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Une digne suite des Maîtres Enlumineurs !

Le 29 septembre 2021, sortira en français chez Albin Michel Imaginaire Le retour du Hiérophante de Robert Jackson Bennett, le très attendu second volet du cycle Les maîtres enlumineurs, que j’ai, pour ma part, lu à sa sortie en anglais en avril 2020. Après un premier tome éponyme ayant bénéficié d’un véritable triomphe critique, on peut dire que la barre a été placée très haut et que donc, on pourrait « forcément » craindre une vague déception (d’autant plus que le livre intermédiaire d’une trilogie est rarement le meilleur). Pourtant, une fois achevé ce second roman, on se dit qu’il constitue une suite tout à fait digne de son prédécesseur, même s’il en est finalement plutôt différent : plus noir, thématiquement bien plus profond, doté de personnages et dialogues inégaux, mais aussi plus contrasté entre une première partie nettement moins intéressante et bien plus stéréotypée que la seconde (assez prodigieuse), Le retour du Hiérophante offre majoritairement (à part dans ses huit premiers %, en gros) une expérience de lecture plutôt différente des Maîtres Enlumineurs, mais certainement pas moins fascinante. Et ce d’autant plus que ce tome 2 renforce encore (si, si) les deux très gros points forts de son devancier, à savoir d’une part un magicbuilding qui était déjà très impressionnant et détaillé et qui s’étoffe encore, et peut-être surtout l’inclusion de tropes SF dans ce qui est, jusqu’à preuve du contraire, une pure Fantasy, inclusion qui s’accentue là aussi encore plus, notamment via un aspect temporel qui, s’il est du rabâché en science-fiction, est encore hautement exotique en Fantasy, même si ce nouveau sous-genre est en développement très rapide ces dernières années.

Bref, tout comme je vous recommandais jadis chaudement Les maîtres enlumineurs, je vous conseille tout aussi vigoureusement la lecture de ce second tome, qui est une digne suite de son prédécesseur, même s’il offre une expérience de lecture relativement différente (et puis bon, une couverture pareille, ça ne se refuse pas !). J’invite celles et ceux d’entre vous qui veulent en savoir (beaucoup) plus sur ce roman à lire ma critique complète de la VO !

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La piste des cendres – Emmanuel Chastellière

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Voilà un roman dont l’achat ne vous laissera pas un goût de cendres !

Une version modifiée de cette critique est parue dans le numéro 98 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag

piste_cendres_chastellièreLa piste des cendres s’inscrit dans le même univers que L’empire du léopard, un quart de siècle plus tard. Il n’en constitue pas une suite, et peut donc se lire de façon indépendante, voire même avant L’empire du léopard.

L’action a lieu au Nouveau-Coronado, contexte imaginaire mais s’inspirant de la colonisation espagnole en Amérique centrale et du sud. Formé vingt-cinq ans plus tôt, après la défaite de l’empire du léopard, le dernier et le plus puissant des royaumes indigènes, il présente un net contraste entre un nord agricole (les ex-territoires impériaux) et un sud industrialisé. Les divisions sont nombreuses, entre colons nordiques rêvant d’indépendance et sudistes fidèles à la métropole, entre indigènes et colons venus du Premier Continent, entre ceux qui ont connu celui-ci et ceux qui sont nés dans la péninsule, entre individus issus de parents d’une seule ethnie et métis, entre ceux issus d’un père colon et les autres. Alors que la grogne et les tensions menacent de faire éclater une guerre civile, les indigènes montrent eux aussi des signes de révolte, et l’assassinat du vice-roi par l’un d’eux puis l’annonce de la venue prochaine de la reine Constance vont mettre le feu aux poudres. Lire la suite

La fille aux éclats d’os – Andrea Stewart

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Un roman prévisible mais prenant, à l’univers original, et une précommande exceptionnelle

fille_éclats_os_stewartOn le sait, certains éditeurs sont capables de sortir la VF d’un roman en anglais avec un faible écart (quelques mois) par rapport à sa publication anglo-saxonne. C’est le cas de Bragelonne qui, le 5 mai 2021, nous proposera La fille aux éclats d’os, premier tome du cycle L’empire d’écume, et surtout traduction de The bone shard daughter d’Andrea Stewart, paru dans la langue de Shakespeare en… septembre 2020. On peut dire que ça n’a donc pas traîné, même si on a déjà vu des écarts plus faibles encore, que ce soit chez Bragelonne ou d’autres éditeurs, comme AMI par exemple.

Lorsque je vous fais ce genre de rappel de sortie en VF d’un roman que j’ai, pour ma part, lu en anglais, c’est soit pour vous signaler qu’il s’agit d’un livre à ne pas rater, soit, dans quelques cas, pour vous avertir que le soi-disant chef-d’œuvre vanté par l’éditeur est très loin d’en être un (de mon point de vue, du moins). Le livre de Stewart, sans être un monument de la Fantasy, est toutefois très recommandable, la question n’est donc pas là. Je voulais plutôt attirer votre attention sur le fait que La fille aux éclats d’os sort chez Bragelonne Big Bang, c’est-à-dire dans la collection Young Adult de l’éditeur. Et vu que les aponautes ne sont, en majorité, pas forcément des lectrices et lecteurs massifs de YA, d’après ce que je constate, je ne voudrais pas que vous passiez à côté d’un livre qui a bien des atouts pour vous séduire (sans compter que je ne vois pas trop pourquoi il a atterri dans une collection YA, mais bon…).

Celles et ceux d’entre vous qui veulent en savoir plus sur ce roman peuvent se référer à ma critique complète de la VO. Je signale aussi que l’éditeur propose de nombreux avantages liés à la précommande de l’ouvrage (vous trouverez tous les détails sur cette page de son site), ce qui explique que je fasse ce rappel de sortie en VF de façon un peu plus précoce que je n’en ai l’habitude (en général, c’est environ quinze jours avant), afin que celles et ceux d’entre vous qui voudront en profiter ne ratent pas l’occasion.

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Les maîtres enlumineurs – Robert Jackson Bennett

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Un roman exceptionnel !

Le 31 mars 2021 marquera la sortie, chez Albin Michel Imaginaire (AMI), des Maîtres enlumineurs, version française du roman Foundryside de Robert Jackson Bennett (déjà auteur du magistral et salutaire Vigilance ainsi que de l’également très bon American Elsewhere), dont je vous parle quasiment depuis le jour de sa parution anglo-saxonne tant il m’a impressionné, et ce sur plusieurs plans. Le plus évident étant que comme l’a fait remarquer l’auteur américain Dan Wells, « Le meilleur livre de Fantasy épique de l’année est aussi le meilleur roman de Cyberpunk de l’année. Avez-vous souvent l’occasion de déclarer cela ? ». En effet, sans faire de Science Fantasy ou de SF déguisée en Fantasy, mais un pur représentant de ce dernier genre, Bennett recycle de façon particulièrement habile les codes, tropes et thématiques sociétales et technologiques (informatiques) du Cyberpunk dans un univers de magie. Et c’est bluffant ! Le plus fort étant que celui qui connait lesdits codes s’amusera à les repérer au sein du texte, tandis que celui ou celle qui n’est pas adepte de SF / de Cyberpunk ne sera pas, pour autant, gêné dans sa lecture, qui reste totalement abordable en tant que pur livre de Fantasy. Si on ajoute à cela des personnages extrêmement sympathiques, on se retrouve devant un bouquin qui n’est pas sans rappeler un autre roman paru chez AMI, à savoir Le magicien quantique de Derek Künsken : propre à régaler le connaisseur mais pourtant tout à fait lisible par le néophyte.

Excellente injection de codes SF dans une pure Fantasy, personnages attachants, dialogues, style et intrigue de qualité, les atouts du roman de Bennett pour vous séduire seraient déjà conséquents s’il n’en existait pas un autre qui les éclipse tous : le système de magie. Certes, nombreux sont les auteurs qui ont bâti un magicbuilding élaboré ou original (on citera, par exemple, Brandon Sanderson ou Brent Weeks), mais celui de Bennett les dépasse, à mon sens, tous, du fait de son élégance : un postulat de départ extrêmement simple à comprendre (on peut persuader les objets que les lois de la physique ne s’appliquent plus à eux / ont été modifiées) entraîne une foule de conséquences passionnantes et de développements fouillés (et pourtant digestes !). Bref, si vous êtes amoureux des livres qui ne se contentent pas d’un « ta gueule, c’est magique ! » d’auteur feignasse, celui-là est carrément pour vous. Et même le pur amateur de SF qui, d’habitude, voit la Fantasy comme quelque chose de risible ou d’inintéressant aura tout intérêt à jeter un coup d’œil à ce livre, et encore plus à sa suite, qui va encore plus loin dans l’exploitation de la reprogrammation « informatique » de l’univers et dans l’injection de codes / tropes d’habitude purement SF (cyberpunk, posthumanistes, etc).

Si l’argumentaire précédent ne vous a pas déjà incité à jeter vos euros durement gagnés sur votre écran, ma critique TRÈS complète de la VO devrait atomiser vos dernières réticences. Et pour les plus aventureux d’entre vous, celle de la VO du tome 2 est également disponible  😉 Lire la suite

Le chant des sorciers – R. Scott Bakker

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Quel « final » !

chant_des_sorciers_bakkerLe chant des sorciers est le troisième et dernier tome du cycle Le prince du néant, après Autrefois les ténèbres et Le guerrier prophète. Il ne propose pourtant pas la fin de l’histoire (juste celle d’une de ses phases), puisque l’ensemble de cette trilogie ne constitue en fait que l’équivalent du premier tome, découpé en trois livres en raison de sa taille, de la vraie « trilogie » envisagée initialement par l’auteur, et appelée The second apocalypse. L’équivalent du second tome a été publié (en anglais) en quatre livres, puisque le troisième volet était si volumineux que l’auteur a été obligé de le scinder à son tour en deux volumes. Oui, hein, on se croirait chez Les moutons électriques… Au moment où je rédige ces lignes, l’équivalent du tome 3 de la trilogie telle qu’elle était initialement envisagée reste à écrire. Vu mes soucis de santé actuels (qui expliquent le fait que pour la première fois de son histoire, ce blog n’a pas été alimenté pendant près d’un mois, et que jusqu’à nouvel ordre, la périodicité des nouveaux posts risque d’être franchement aléatoire), je n’ose plus vous promettre quoi que ce soit, mais normalement, les romans (en anglais) du second sous-cycle devraient être chroniqués sur ce blog… un jour.

Si je vous raconte tout cela, ce n’est pas tout à fait par hasard, mais pour bien vous faire comprendre qu’il ne faut pas vous formaliser si la fin du Chant des sorciers n’en est pas totalement une, en tout cas pas sur tous les plans. Oui, elle tient bien la promesse initiale de l’auteur, à savoir montrer toutes les étapes du cheminement de la Guerre Sainte vers la cité sacrée de Shimeh. Mais non, le destin de tous les personnages principaux ne s’accomplit pas complètement. Il y a bien des parallèles à faire entre The second apocalypse et Dune, et très clairement, il faut voir toute la trilogie Le prince du néant comme l’équivalent du seul premier roman de la saga de Frank Herbert : elle ne sert qu’à instaurer un nouveau paradigme, à mettre en place un prophète sur un trône, et les conséquences de ce bouleversement ne seront indubitablement examinées que plus tard, à la fois dans d’autres livres et surtout plus loin dans la chronologie de cet univers (la tétralogie qui fait suite à cette trilogie inaugurale se déroule plusieurs décennies plus tard). Ce qui, finalement, n’est pas un gros problème pour un lecteur anglophone, mais en constitue par contre un beaucoup plus épineux pour une personne qui ne lit qu’en français, puisque je vous rappelle que ledit second sous-cycle de quatre romans est paru depuis des années, qu’il n’a pas été traduit et qu’il me paraît très peu probable qu’il le soit (il faudrait déjà que l’éditeur français réédite Le prince du néant, et il n’en montre absolument aucun signe).

Vous allez donc vous / me demander si, dans ce cas, vous avez intérêt à lire cette trilogie si vous n’avez aucune chance d’avoir droit à la suite dans la langue de Molière un jour : vu sa qualité hors-normes, et le fait que Le chant des sorciers propose tout de même une forme partielle de conclusion, la réponse est (à mon sens) très clairement oui. Encore faudra-t-il pouvoir vous procurer les VF : mon exemplaire du tome 3 (dont j’étais tombé amoureux de la sublime couverture) m’a coûté la modique somme de… cinquante euros, en poche et d’occasion. Comme on dit chez mes ancêtres slaves : cyka blyat ! Lire la suite

The bone shard daughter – Andrea Stewart

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Prévisible mais prenant

bone_shard_daughterThe bone shard daughter est le nouveau roman d’Andrea Stewart, autrice sino-américaine vivant en Californie. C’est aussi le tome inaugural d’un cycle appelé The drowning empire. Il s’inscrit dans toutes les tendances de la Fantasy récente, à savoir proposer un cadre se démarquant de la pseudo-Europe médiévale qui a longtemps été cardinale dans le genre, un système de magie original et élaboré mais aussi un recyclage de tropes et d’influences… SF, tout en relevant pourtant incontestablement de la Fantasy (et de la Fantasy seule, hein, pas de Science-Fantasy ou je ne sais quoi).

Ce roman s’est révélé, au moins pour certains de ses fils narratifs (j’y reviendrai) vraiment très prenant, à la fois parce que l’autrice a su forger des personnages intéressants et / ou attachants, parce qu’elle a un style souvent (mais pas toujours) immersif et surtout parce qu’elle met en place toute une série de mystères ou d’interrogations, et que le lecteur lit avidement pour voir si les hypothèses qu’il a élaborées se révéleront fondées (ou pas). Pour tout dire, j’avais quasiment tout deviné, mais pourtant j’ai eu plaisir à voir mes supputations confirmées (et l’une d’elles infirmées !). Il n’en reste pas moins que le roman a quelques défauts, surtout concentrés sur certains personnages, et qu’une certaine prévisibilité (pour le vieux routard de la SFFF, du moins), pour ne pas dire une prévisibilité certaine, fait qu’il n’atteint pas tout à fait le niveau d’un (roman) Culte d’Apophis. Toutefois, je lirai avec grand plaisir les suites, car Andrea Stewart a eu l’intelligence de ne pas expliquer tous ses mystères à la fin de ce tome 1, et car l’opposition de deux personnages promet de très belles choses dans le tome 2. Lire la suite