La piste des cendres – Emmanuel Chastellière

Voilà un roman dont l’achat ne vous laissera pas un goût de cendres !

Une version modifiée de cette critique est parue dans le numéro 98 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag

piste_cendres_chastellièreLa piste des cendres s’inscrit dans le même univers que L’empire du léopard, un quart de siècle plus tard. Il n’en constitue pas une suite, et peut donc se lire de façon indépendante, voire même avant L’empire du léopard.

L’action a lieu au Nouveau-Coronado, contexte imaginaire mais s’inspirant de la colonisation espagnole en Amérique centrale et du sud. Formé vingt-cinq ans plus tôt, après la défaite de l’empire du léopard, le dernier et le plus puissant des royaumes indigènes, il présente un net contraste entre un nord agricole (les ex-territoires impériaux) et un sud industrialisé. Les divisions sont nombreuses, entre colons nordiques rêvant d’indépendance et sudistes fidèles à la métropole, entre indigènes et colons venus du Premier Continent, entre ceux qui ont connu celui-ci et ceux qui sont nés dans la péninsule, entre individus issus de parents d’une seule ethnie et métis, entre ceux issus d’un père colon et les autres. Alors que la grogne et les tensions menacent de faire éclater une guerre civile, les indigènes montrent eux aussi des signes de révolte, et l’assassinat du vice-roi par l’un d’eux puis l’annonce de la venue prochaine de la reine Constance vont mettre le feu aux poudres.

En parallèle à ce propos décolonisateur et sécessionniste, l’auteur en propose un second, plus personnel, montrant le chemin psychologique, voire identitaire, parcouru par un chasseur de primes en quête de vengeance, issu des deux peuples de la péninsule, déchiré entre deux cultures (les deux trames se rejoignent d’une façon habile et surprenante à la fin du second tiers). La notion d’identité est un des axes structurant le roman, que ce soit celle d’une terre qui hésite entre n’être qu’une dépendance de la métropole ou une nation à part entière, celle des métis qui ne savent pas qui ils sont, celle des indigènes qui tentent sans succès de continuer à vivre sur des terres qui furent leurs mais ne le sont plus. L’auteur a déclaré avoir voulu proposer une Fantasy de divertissement mais qui n’était pourtant pas dépourvue de fond, et sa réussite est totale, son roman abordant sans militantisme mais avec doigté des thèmes aussi profonds qu’actuels.

La singularité et le charme de cet univers, modelé sur la Patagonie, avec son ambiance western, ses vachers et chasseurs de primes, ses puits de pétrole et ses montgolfières, est ce qui frappe en premier, mais c’est loin d’être le seul point positif à mettre au crédit d’Emmanuel Chastellière. Il a su tisser une ambiance envoûtante, il a, contrairement à L’empire du léopard, maîtrisé le rythme du récit de bout en bout, ses personnages sont aussi variés (métis fils de grand propriétaire terrien, nouveau vice-roi qui est un ancien mercenaire en quête de gloire, indigène, journaliste) qu’intéressants et attachants, tout comme l’est leur évolution, le style est fluide et agréable sans jamais être pédant, l’intrigue est prenante, la construction narrative habile et astucieuse, et la fin tout à fait réussie, tout comme un épilogue qui ne pourra pleinement se comprendre que par ceux qui ont lu l’autre roman, bien que cela ne soit pas une obligation (mais permet de prendre la mesure des mutations sociétales, politiques et technologiques qui sont un des autres grands axes de La piste des cendres).

On pourrait reprocher à l’auteur l’utilisation de deux tropes éculés (même si c’est fait habilement) et l’emploi de la technique narrative qui constitue le twist de la fin du second tiers (et qui pourrait gêner certains lecteurs), mais cela ne doit pas masquer le fait que ce nouveau roman est facilement deux crans au-dessus de L’empire du léopard (pourtant déjà fort recommandable) et consacre Emmanuel Chastellière comme un des nouveaux grands écrivains français de Fantasy, dans sa forme la plus novatrice et pleine de sens, extra-européenne, post-médiévale et coloniale.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de Lutin, celle de Xapur, du Chroniqueur, d’Aelinel, de Célindanaé, de Boudicca, d’Ombre Bones, de la Geekosophe, de Mariejuliet, de Dup, de Tarann, d’Elhyandra, de Lhotseshar, de l’ours inculte, de Yuyine, de Symphonie, de Ma Lecturothèque,

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11 réflexions sur “La piste des cendres – Emmanuel Chastellière

  1. Ping : La Piste des cendres, d’Emmanuel Chastellière – Les Chroniques du Chroniqueur

  2. Ping : La Piste des Cendres – Emmanuel Chastellière – Les Lectures de Xapur

  3. Ping : La piste des cendres, Emmanuel Chastellière | L'Imaginaerum de Symphonie

  4. Ping : La piste des cendres d’Emmanuel Chastellière | La Bibliothèque d'Aelinel

  5. Ping : Himilce – Emmanuel Chastellière | Le culte d'Apophis

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