One day all this will be yours – Adrian Tchaikovsky

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Rate sa cible / devient une référence

One day all this will be yours (« Un jour tout ceci sera tien ») est une novella de SF (126 pages au compteur) sortie en mars 2021, signée Adrian Tchaikovsky. Ceux parmi vous qui suivent le Culte de longue date savent que pendant un bon moment, j’ai tenté de suivre le rythme effréné de publication de l’auteur, jusqu’à ce que différents facteurs me conduisent à arrêter, le principal étant que si le britannique est capable d’écrire de très grands romans, courts ou longs, le nombre de bouquins passables, voire assez mauvais, devient lui aussi de plus en plus conséquent (ou récurrent). Et vu que ni mon budget (surtout) ni mon temps de lecture ne sont infinis… Sur ce court roman précis, j’ai d’autant moins été enclin à tenter cette lecture que le camarade Feydrautha avait émis un avis plus que tiède sur la chose. J’ai toutefois gardé dans un coin de ma tête que malgré tout, il évoquait aussi des concepts fascinants et un livre qui aurait pu devenir une référence en matière de guerre temporelle, un sujet qui, vous le savez peut-être, me fascine totalement.

Il y a quelques jours, je me suis aperçu, par hasard, que le prix de One day… avait drastiquement diminué en version électronique (au moment où je tape ces lignes, il est à 1.19 euros), et je me suis dit « Pourquoi pas, après tout, c’est court, et à ce prix là, pas de regrets à avoir ». J’ai donc commencé ce livre, sans grande conviction, à onze heures passé du soir, me disant que j’allais en lire quelques dizaines de pages avant de m’endormir… ce que j’ai fini par faire, après l’avoir lu d’une traite (ce qui ne m’arrive jamais, même pas avec les UHL), à deux heures du matin  😀  Donc, vous dites-vous peut-être, les critiques du camarade Harkonnen étaient infondées, hein ? Eh bien en fait, c’est plus compliqué que ça, comme nous allons le voir ! Lire la suite

Cantique pour les étoiles – Simon Jimenez

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Connaître ses classiques

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 104 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

L’Humanité, ou du moins ses représentants les plus riches et privilégiés, ainsi que leurs employés, a fui il y a mille ans une Terre en proie à un effondrement écologique et une montée des océans, s’établissant sur de luxueuses stations spatiales et exploitant de façon rapace des mondes-ressources. Le déplacement entre les étoiles se fait via la Poche, dimension alternative parcourue de courants générant des flux temporels différents. Pour les équipages des vaisseaux, le voyage entre deux systèmes représente quelques semaines, alors que pour l’univers extérieur, des années ou des décennies s’écoulent. Nia, capitaine de cargo, ramène vers la civilisation un enfant mutique dont la capsule s’est écrasée sur un monde primitif. Un personnage important va alors lui demander de le cacher aux confins de l’espace régi par les corporations, car elle pense qu’il possède le don de Saut, la translation instantanée et sans machinerie entre deux points de l’espace, une faculté que les multiplanétaires convoiteraient avidement.

La quatrième de couverture souligne une ressemblance avec les œuvres de David Mitchell et de Gabriel Garcia Márquez, mais omet la comparaison qui à la lecture, crève pourtant les yeux : celle avec le cycle des Cantos de Dan Simmons. Le premier chapitre est ainsi un véritable équivalent de l’histoire de Siri et Merin, en inversant les rôles : ici, c’est Nia qui est une Siri qui ne vieillit pas et voyage dans les étoiles, puis qui devient, pour l’enfant, exact reflet d’Énée (c’est son sang qui donnera à l’Humanité le don de Saut spatial instantané), au genre près, une version féminine de Raul. Et les parallèles sont bien loin de s’arrêter là. À un point tel qu’on frôle la réécriture (progressiste : les thématiques écologiques et anticapitalistes sont omniprésentes).

Si on ajoute à cela une narration qui varie les modes (y compris épistolaire), les points de vue, les personnages et les ambiances, parfois radicalement différentes, d’un chapitre à l’autre, on se retrouve devant un roman qui, sans être mauvais (la dernière partie étant la meilleure, et la plus poignante), notamment sur le plan du style, invariablement agréable et occasionnellement traversé d’impressionnantes fulgurances, pose question quant à l’intérêt à lui accorder. L’admirateur de Simmons n’y trouvera ni la virtuosité, ni l’impact émotionnel, ni la singularité de l’œuvre du Maître ; le débutant sera plus inspiré de lire l’original plutôt que l’ersatz ; seul, peut-être, l’allergique aux positions idéologiques de Simmons trouvera-t-il de la valeur dans cette réécriture sans grande saveur (à part sur la fin, sans avoir l’impact du sort d’Énée), plaisante à lire mais presque aussi vite oubliée, d’un des plus grands chefs-d’œuvre de la SF.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de L’épaule d’Orion, celle de Yogo le Maki, de Célinedanaë, de Tachan,

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Connexions – Michael F. Flynn

21

Guide des tropes et thématiques de la SF !

Cette critique a été réalisée dans le cadre d’un service de presse fourni par le Bélial’. Un grand merci à Olivier et Erwann !

Le 16 mars 2023, paraîtra dans la prestigieuse collection Une Heure-lumière du Bélial’ un court roman de Michael F. Flynn appelé Connexions. L’auteur n’avait été jusque là que très peu traduit en France (également par l’excellent Jean-Daniel Brèque, d’ailleurs), puisque à l’exception du prodigieux-mais-pas-destiné-à-tous-les-profils Eifelheim, tout le reste de son œuvre n’a jamais franchi la barrière de la langue. Vu que, pour ma part, les deux ont été, dans des styles ou pour des raisons différentes, deux lectures de très grande qualité, j’espère que la tendance va s’inverser et qu’il ne faudra pas attendre autant de temps pour relire l’auteur !

Vous le savez sans doute, je suis l’auteur du Guide des genres et des sous-genres de l’imaginaire paru chez AMI ; entre autres aspects ou intérêts, on pourrait très bien présenter Connexions, outre comme un hommage aux tropes principaux  / thématiques majeures de la SF, comme un formidable outil pour initier un novice, voire un récalcitrant, à ces derniers. La plate-forme est idéale pour cela : courte et fluide à lire, extrêmement bien construite, écrite et traduite, avec une histoire à la fois astucieuse et savoureuse. Je pense d’ailleurs moi-même recommander, désormais, l’ouvrage en tant que premier contact avec le genre.

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Projet dernière chance – Andy Weir

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Retour en force pour l’auteur de Seul sur Mars !

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 105 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Après un Artémis en demi-teinte, Andy Weir revient avec un troisième roman, Projet dernière chance, difficile à résumer tant même en dire peu, c’est déjà en dire trop. Mais prêtons-nous donc à l’exercice : un homme se réveille d’un coma artificiel, s’aperçoit qu’il est amnésique, que son corps a été entretenu par un dispositif robotisé, et que dans la même salle que lui, se trouvent deux autres personnes, mortes depuis si longtemps qu’elles sont momifiées. La mémoire lui revient peu à peu et dans l’ordre chronologique (la narration va alterner entre des chapitres dans le présent et d’autres situés dans un passé de plus en plus proche à mesure que l’intrigue avance), et il découvre qu’il est en fait dans un astronef, très loin de la Terre, dont il se rappelle qu’elle est en danger de mort et qu’il est donc chargé de sauver. Le tout en réglant les nombreux problèmes scientifiques et techniques qui ne vont pas manquer de se présenter. Le lecteur peut, à ce point du livre, légitimement se dire qu’après Seul sur Mars, l’auteur tente de nous rejouer la même partition, mais dans l’espace, cette fois. Sauf que ledit lecteur se trompe : car si ses deux camarades sont morts, notre héros n’est, pour autant, pas seul dans son coin perdu de l’univers ! Lire la suite

Sur la Lune – Mary Robinette Kowal

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Laborieux

Le 2 novembre 2022, paraîtra chez Denoël, dans la collection Lunes d’encre (et sous une couverture insipide…), le troisième volet du cycle Lady Astronaut, Sur la Lune, après Vers les étoiles et Vers Mars. J’ai, pour ma part, lu ce roman en VO (sous le titre The Relentless Moon) il y a plus de deux ans, et j’y suis allé à l’époque sur la pointe des pieds, car si le tome 1 avait été une très bonne lecture (à quelques défauts près), son successeur s’était révélé bien moins convaincant, de mon point de vue du moins.

Toute la question était donc de savoir à quel niveau de qualité allait se situer Sur la Lune. Si ce nouveau livre est meilleur que son prédécesseur (dont il ne constitue pas la suite directe, mais se déroule plutôt -majoritairement- en parallèle), il ne l’est toutefois pas dans d’énormes proportions, et certainement pas au niveau de Vers les étoiles. Il souffre notamment terriblement d’un ton plat et d’un manque d’immersion jusqu’au début du dernier tiers, ainsi que de personnages ayant une intelligence à géométrie variable, une combinaison de facteurs qui a fait que j’ai trouvé le temps terriblement long et que les moments de plaisir, s’ils ont existé, ont finalement été à la fois rares et tardifs. Seuls les trente derniers % (et encore, sur certains plans seulement) ont été au niveau que j’attendais, la meilleure partie restant l’épilogue, fort savoureux (et qui constitue aussi un tout petit bout de suite directe du tome 2, dont il éclaire cependant également certains événements d’un autre jour, c’est à signaler).

Si vous souhaitez en savoir plus, mon analyse complète (de la VO) se trouve sur cette page.

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Unity – Elly Bangs – VF

18

Dichotomique et magnifique

Le 28 septembre 2022 paraîtra chez Albin Michel Imaginaire Unity, premier roman d’Elly Bangs, jusqu’ici connue pour des nouvelles de qualité, dont Dandelion, qui paraîtra dans Bifrost. Le dernier point sur l’état de la collection fait par Gilles Dumay nous apprend qu’à lui seul, le dernier Émilie Querbalec, Les Chants de Nüying, a concentré plus de demandes de SP que les deux prochaines parutions d’AMI, à savoir Les Flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert et, donc, Unity d’Elly Bangs. Je ne me prononcerais pas (encore) sur le Querbalec (reçu mais pas lu en raison d’un problème de santé mi-août qui m’a laissé KO et dont je ne me suis pas encore entièrement dépêtré) ni sur le Imbert (que je n’ai aucune intention de lire), mais ayant lu Unity en VO, je peux dire avec une absolue certitude que négliger ce roman serait une erreur encore plus grande que passer à côté de Summerland. Et si j’en juge par ce que j’ai vu passer, ceux qui m’ont fait confiance concernant ce dernier n’ont pas eu de raison de le regretter.

Eh bien c’est pareil ici, à un détail près. Unity, est, en effet, un roman très dichotomique, sa première partie ne reflétant absolument pas la qualité de la deuxième, facilement deux ou trois ordres de grandeur au-dessus. Il va donc falloir être patient et ne pas abandonner avant d’avoir atteint ce point de bascule, qui se situe, de mémoire, quasi-exactement à 50% du bouquin. De toute façon, parvenu à ce point, vous serez tellement happé que vous ne pourrez plus lâcher Unity, littéralement. Pour ma part, ayant déjà lu Bangs, je savais, ou plutôt je croyais savoir, quelle puissance émotionnelle elle était capable de dégager, et c’est en confiance que j’ai continué à tourner les pages. Confiance bien placée, donc. Précisons toutefois que même la première partie est intéressante au moins sur le plan d’un worldbuilding plus singulier qu’il n’y paraît de prime abord : post-apocalyptique, certes, mais post- plusieurs apocalypses, avec des humains vivant surtout dans des villes sous-marines et une technologie qui est très au-delà d’un Mad Max ou équivalent.

Je n’insisterais jamais assez : Unity est un roman qui, pris dans sa globalité, est de tout premier ordre, et c’est clairement une des sorties SF de l’année. Si vous voulez en savoir plus à son sujet, sans spoiler (à vrai dire, la quatrième de couverture d’AMI en dévoile plus que ma critique, à mon sens), ma chronique de la VO est à votre disposition. Je vous encourage donc à demander un SP ou à faire l’acquisition de ce livre, faute de passer un peu bêtement à côté d’une des parutions majeures de cette rentrée littéraire 2022.

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Demain et le jour d’après – Tom Sweterlitsch

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Sombre mais d’une grande beauté

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 103 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Après le succès de Terminus, Tom Sweterlitsch revient chez AMI avec la traduction d’un roman antérieur, Demain et le jour d’après. En 2048, un attentat nucléaire rase Pittsburgh, tuant l’écrasante majorité de ses habitants, dont la femme, enceinte et quasiment à terme, de Dominic, absent de la ville ce jour fatidique. Dix ans plus tard, on a créé une reconstitution en Réalité Simulée de la cité, l’Archive, grâce aux données des caméras de surveillance, des webcams, des réseaux sociaux et à un peu d’interpolation à partir des souvenirs de ceux qui la visitent, grâce à l’implant cérébral que tous portent, et qui permet par ailleurs de les faire vivre dans une omniprésente et invasive Réalité Augmentée dans le monde réel. À la base conçue comme un espace de recueillement, l’Archive sert aussi aux enquêteurs mandatés par les compagnies d’assurance, comme Dominic, à rechercher la cause exacte de la mort de telle personne ou de la destruction de tel édifice, dans le but d’éviter de payer les juteuses primes. Mais il va découvrir par hasard un cadavre dans l’Archive, une femme tuée avant l’attentat et dont le sort n’intéresse personne. Sa consommation de drogue (renforçant son immersion) va lui faire perdre son emploi, et lors de sa thérapie légalement imposée, son psychiatre va lui proposer de travailler pour un riche mandataire, qui cherche sa fille, qui semble avoir été effacée de l’Archive. Les deux affaires vont se révéler liées de bien ténébreuse façon !

À la lecture de ce roman post-apocalyptique particulièrement sombre, on pense avant tout à Peter Hamilton pour l’enquête dans une ville simulée (La Grande route du Nord), à Dan Simmons pour le procédé technologique permettant de revivre les souvenirs heureux (Flashback), à Vernor Vinge (Rainbows End) pour la Réalité Augmentée omniprésente (et ses pop-ups publicitaires continuels) et à un mélange de Jean Baret (l’humour en moins) et de Robert Jackson Bennett (Vigilance) pour la société décrite, où le porno et le sordide sont mis en scène en permanence et sans vergogne, comme lorsque les condamnations à mort présidentielles sont filmées ou que la dernière victime d’un crime du jour voit ses vidéos intimes balancées à une populace avide (de sexe, d’obscène, de scandale) et amorale. À cette critique, sans concessions, des dérives à peine exagérées et projetées de la société américaine du futur proche, à l’enquête (très addictive) de Dominic pour résoudre le meurtre et la disparition, s’ajoute le récit de sa catharsis (et de sa quête de justice pour les victimes) et de celui de l’impossible tentative de rédemption de l’autre protagoniste, Albion. Et c’est sur ce niveau de lecture que se situe le vrai intérêt du roman, très référencé culturellement, sombre mais d’une grande beauté, qui prouve une fois de plus que Sweterlitsch est un grand auteur de SF.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de Célinedanaë, celle de Gromovar, de Yossarian, de Just a word, d’Alias, du Nocher des livres, du Maki, de FeyGirl,

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Le marteau de dieu – Arthur C. Clarke

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Clarke a trop utilisé son marteau sur sa propre tête !

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 102 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Publié en 1993, le roman Le marteau de Dieu est une version étendue d’une nouvelle parue dans le magazine Time l’année précédente. Et le moins que l’on puisse dire est que le procédé est douloureusement visible et très maladroitement réalisé ! L’intrigue est supposée parler de la menace pour toute vie sur Terre que constitue Kali, un astéroïde détecté en 2109 par le programme de surveillance Spaceguard (un postulat de base qui rappelle franchement celui de Rendez-vous avec Rama, ce à quoi il convient d’ajouter deux éléments recyclés de 2001 et 2010), ainsi que de la mission menée par le capitaine Singh pour le dévier de sa trajectoire, mais le roman débute en nous parlant du passé du protagoniste, l’astéroïde n’étant abordé, quand on y pense, que de façon presque marginale durant les deux premières parties du livre. Il faut même attendre plus du tiers de ce dernier pour que l’histoire de la découverte de Kali soit relatée. On a la nette impression que l’astéroïde n’est pas le principal sujet de l’ouvrage, un comble !

Pendant ce temps, l’auteur s’étend à n’en plus finir sur l’existence (pas franchement passionnante) de son protagoniste, et tente de nous dépeindre les changements sociétaux, technologiques ou autres qui ont eu lieu au XXIe siècle et au début du XXIIe. Autant le dire, c’est un échec : ce qui n’est pas du cent fois vu, en mieux qui plus est, chez Clarke ou d’autres, nécessite parfois un considérable degré de suspension de l’incrédulité, comme avec l’hypothèse de départ rien moins qu’absurde de la formation d’un syncrétisme chrétien / islamique. Ce qui est d’autant plus grave qu’il a un rôle non négligeable à jouer dans l’intrigue ! Les parties spécifiquement consacrées à l’astéroïde sont d’une faiblesse intolérable pour un auteur de Hard SF du calibre de Clarke, sans compter une absence quasi-totale de dramaturgie inacceptable dans ce genre de SF apocalyptique (les problèmes se règlent pratiquement aussi vite qu’ils apparaissent !).

La structure inutilement bavarde et aérée de l’ensemble (bien des chapitres sont ridiculement courts et / ou n’apportent rien à l’histoire, manière d’augmenter artificiellement le nombre de pages de l’ouvrage, tout comme le fait de le découper en une quantité excessive de parties) se conjugue à un patchwork de chapitres n’ayant rien à voir avec ceux qui forment l’intrigue principale et insérés n’importe comment entre eux, ainsi qu’à la faiblesse de tous les aspects traités, pour donner un roman dont on se passera aisément, surtout chez un romancier comme Clarke, qui a produit tant d’autres livres intéressants, voire incontournables. Et ce d’autant plus que dans la thématique de l’astéroïde tueur, d’autres (à commencer par Benford / Rostler avec Shiva le destructeur, dont on se demande d’ailleurs si Clarke ne s’en est pas inspiré) ont fait bien mieux.

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Le courage de l’arbre – Leafar Izen

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Ta gueule, c’est botanique !

Cette critique a été réalisée dans le cadre d’un service de presse fourni par AMI. Un grand merci à l’éditeur et en particulier à Gilles Dumay !

Moins de deux ans après La marche du Levant, Leafar Izen revient, le 20 avril 2022, avec un deuxième roman publié chez Albin Michel Imaginaire, cette fois intitulé Le courage de l’arbre (titre assez incompréhensible, même une fois le livre achevé, et pour tout dire vaguement ridicule). Je pourrais faire de ce nouveau livre quasiment la même critique que pour son prédécesseur, à savoir qu’il est absolument plein à ras bord d’emprunts, hommages ou, pourquoi pas, de convergences fortuites avec des œuvres plus anciennes et surtout bien plus prestigieuses, que taxonomiquement, il est flou (il est au mieux Soft SF, et à mon avis relève plus de la Science Fantasy, en raison d’un point à la fois inexpliqué et quasiment « magique » du worldbuilding -et le problème est qu’il s’agit du point central de ce dernier- sous des oripeaux vaguement Hard SF qui ne résisteront pas une minute face à quelqu’un qui maitrise ce sous-genre / la vraie science -je vais en reparler-), que la fin se veut un twist énorme (un peu comme dans La marche du Levant) alors que personnellement, j’avais vu venir certaines choses dès la deuxième page, et qu’en fin de compte, c’est nettement plus taillé pour séduire les débutants et / ou ceux qui n’ont pas lu leurs classiques (et ce n’est pas tout à fait la même chose : on peut avoir énormément lu de SF mais pas forcément les classiques concernés) que pour des gens comme votre serviteur.

Toutefois, il y a plusieurs nuances à apporter à cette comparaison entre les deux romans SF de l’auteur : tout d’abord, la première moitié du Courage de l’arbre est bien plus enthousiasmante que pratiquement toute La marche du Levant, la fin exceptée (malheureusement, la suite est bien plus bancale…) ; ensuite, les personnages sont encore moins bons (si, si !) que ceux de La marche du Levant ; néanmoins, le style d’Izen s’est amélioré, ou disons plutôt qu’il s’est « allégé », et il donne moins dans l’emphatique. On peut cependant conclure que globalement, Le courage de l’arbre séduira probablement le même type de public (celui qui ne décodera pas les influences et donc ne devinera pas l’histoire 400 pages à l’avance, littéralement) et fera lever les yeux au ciel des vieux briscards dans le genre de votre serviteur. À ceci près que l’effet de surprise, de découverte d’un nouvel auteur dans le champ des littératures de l’imaginaire, n’est plus là : je ne suis pas certain que les gens ayant eu un avis mitigé sur La marche du Levant vont être aussi enclins à dépenser une vingtaine d’euros pour un livre qui, à quelques détails près, n’a pas vraiment tiré de leçons de la réception de son prédécesseur. Au bout d’un moment, il va falloir, notamment, qu’Izen développe SON univers plutôt qu’aller faire son marché chez les autres. Surtout que, hein, comme je le disais, les clichés / emprunts commencent dès la deuxième page ! Lire la suite

Les villes nomades – intégrale – James Blish

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Un cycle majeur de la SF ? Hmmm…

Une version modifiée de cette critique est parue dans le numéro 101 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Chez Mnémos comme en SF, on est friand des Histoires du futur. Après celles d’Heinlein, de Smith ou de Niven, l’éditeur publie celle créée par James Blish dans les années 50 et 60 dans les quatre tomes du cycle Les villes nomades. Certains sont des fix-ups, d’autres des romans écrits d’une traite, l’un d’eux a été rédigé des années après les autres et inséré entre les deux premiers tomes de la trilogie initiale, et tous ont subi des révisions en réponse à des points soulevés par les lecteurs. Aux hommes les étoiles décrit un 2018 où la Guerre Froide est toujours d’actualité, et où, pour combattre l’URSS, les USA se sont transformés à leur tour en un état policier et totalitaire ; pour préserver la culture occidentale, une cabale initie un projet scientifique secret, notamment un « pont » dans l’atmosphère de Jupiter devant permettre de valider certaines théories scientifiques alternatives ; dans Villes nomades, l’aboutissement du projet a permis, mille ans plus tard, à des villes entières de s’arracher de la surface de la Terre pour proposer leurs compétences industrielles ailleurs, sur le modèle des Okies, travailleurs migrants de l’Oklahoma des années 20 et 30 ; dans La Terre est une idée, on suit les aventures intergalactiques de New York, une des plus prestigieuses de ces villes nomades, menée de main de maître par le (très Asimovien) maire Amalfi ; enfin, dans Un coup de Cymbales, Blish va au terme de ses 2000 ans d’Histoire future et au bout de celle de l’univers !

La préface se plaît à souligner la solidité scientifique de l’ensemble (Blish était un critique à la dent dure, et en reprochait l’absence à certains de ses collègues auteurs) et le fait qu’il s’agit d’un cycle majeur de la SF, « même s’il fait son âge ». La prétendue solidité de la chose doit être nuancée, car ce qui n’a pas été invalidé depuis les années 50/60 est parfois employé de façon abracadabrante, notamment en cosmologie et dans le premier et le dernier roman, où on a plus du technobabillage que de la vraie science, même de son époque. Pour ce qui est du statut de cycle majeur, on est loin des autres Histoires du futur, d’autant plus que des quatre romans, seul le troisième présente un réel intérêt : le premier est poussif pour le peu qu’il a à raconter (qui plus est résumé en quelques paragraphes dans les autres tomes), le second est un roman d’apprentissage trop classique (même si son protagoniste est attachant), et le dernier est trop bancal sur le plan scientifique pour convaincre. Malgré tout, on mettra au crédit de l’ensemble de cette saga un incroyable Sense of wonder, et un excellent troisième tome.

P.-S. : L’auteur a, par contre, écrit des recueils ou romans bien plus dignes, de mon point de vue, d’intérêt, à commencer par le fondamental, dans le domaine de la Panthropie, voire en SF dans son ensemble, Semailles humaines.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur cet ouvrage, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de Xapur,

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