Rapprochement à gisement constant – H. Paul Honsinger

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C’est bourré de maladresses, mais qu’est-ce que c’est bien !

honsinger_2Rapprochement à gisement constant est le second tome de la trilogie De haut bord, après Cœurs d’acier, et… Comment ? Oui, c’est son vrai titre. Non, ce n’est pas une blague (en tout cas pas de ma part, même si après le Libration de Becky Chambers -oui, Libration, et pas Libération-, on peut se poser la question de l’existence d’un concours humoristique chez l’Atalante, du genre « le titre le plus improbable »). Oui, ce n’est pas très vendeur, en effet. Non, ça n’a rien à voir avec le titre original (For honor we stand). Vous dites ? Ça vous évoque plus un classeur thématique de process techniques dans une usine sidérurgique moldave qu’une grande aventure spatiale ? Je ne sais pas, je vous laisse la responsabilité de vos propos…

Bon, trêve de plaisanterie. Avant d’entrer dans le vif du sujet, signalons la splendide couverture signée Gene Mollica (c’est le même génie artistique qui a signé celles de la trilogie des Poudremages, qui sont pour moi un chef-d’oeuvre absolu d’expressivité du personnage représenté). Si je devais résumer mon sentiment sur ce roman (et ce n’est pas facile) en une phrase, je dirais qu’il est à la fois très maladroitement écrit par moments, et globalement absolument passionnant. Paradoxal, non ? Mais voyons tout cela plus en détails ! Lire la suite

The A(pophis)-Files – épisode 1 : Plus rapide que la lumière (ou pas)

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afiles_3Avec ce premier épisode, nous inaugurons la série des A-Files, des articles de fond consacrés aux grandes thématiques et aux objets ou créatures emblématiques de la Fantasy et de la Science-Fiction. Et quoi de plus représentatif de cette dernière (à l’exception de certains de ses sous-genres ou courants, mais nous y reviendrons) que le voyage dans l’espace ? Il était donc logique que ce thème fasse l’objet du premier article. Sauf que… il y a tellement de choses à dire que j’ai décidé de scinder cette thématique en plusieurs épisodes : celui d’aujourd’hui sera consacré au déplacement spatial (à la base supraluminique, avec un mot sur l’infraluminique), et un prochain article (pas forcément le suivant, histoire d’alterner un peu avec autre chose) sera consacré aux vaisseaux eux-mêmes (sans compter un article spécial sur les « arches » stellaires).

La thématique de l’exploration spatiale est très profondément ancrée dans la science-fiction, surtout celle des origines. Elle est indissociable du Space Opera de l’âge d’or, et n’entame un recul (net mais temporaire) qu’avec l’arrivée de la Nouvelle Vague de la SF dans les années 60. Pourtant, dès les années 80, les contextes multi-planétaires redeviennent habituels, avec l’émergence du Nouveau Space Opera.

Aujourd’hui, si les modes de déplacement supraluminiques (plus rapides que la lumière) sont la norme en SF, il reste quelques irréductibles, en Hard-SF ou en SF d’Anticipation, qui tentent de décrire des astronefs respectant les limitations édictées par Einstein et les lois physiques telles qu’elles sont actuellement comprises. Ce sont ces différents modes que nous allons aujourd’hui décrire, sans nous attacher aux vaisseaux eux-mêmes (ce qui sera fait ultérieurement).  Lire la suite

The last good man – Linda Nagata

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Un contexte et des personnages très solides, mais un roman globalement un peu long et qui manque un poil de nervosité

last_good_man_nagataLinda Nagata est une auteure américaine basée à Hawaï, publiant ses livres sous son propre label, Mythic Island Press, et titulaire d’un prix Locus et d’un Nebula. Un seul de ses romans a été traduit en français. Connue pour être la reine du nanopunk, elle s’est réorientée ces dernières années vers une SF militaire (à fort aspect thriller) se déroulant dans un futur proche. Après sa trilogie Red, son nouveau livre (un one-shot), The last good man, nous plonge à nouveau dans ce type de contexte.

SF d’anticipation, Postcyberpunk, The last good man est aussi une SF militaire d’un type paradoxalement assez marginal, dans le sens où elle se passe sur Terre, sans vaisseaux spatiaux et dans un futur très proche. On peut d’ailleurs être étonné par le fait que ce genre de background ne soit finalement que minoritaire en SF militaire, même si certains techno-thrillers sont plus ou moins à la limite du genre.  Lire la suite

The court of broken knives – Anna Smith Spark

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Un road trip alternant atmosphère mélancolique et psychédélique, les influences d’Ursula Le Guin et de G.R.R. Martin, complots politiques et tueries en mode berserker

court_broken_knivesBon, bon, bon. Que se passe-t’il lorsqu’une auteure anglaise dont le pseudo sur Twitter est queenofgrimdark, qui a été publiée dans deux numéros de Grimdark magazine, et dont certains des auteurs préférés sont R. Scott Bakker, Daniel Polansky et Steven Erikson décide d’écrire un roman ? Eh bien elle écrit du Grimdark. Étonnant, non ? Certains d’entre vous vont alors me répondre : mais c’est quoi cette bête là ? C’est simple : le Grimdark (ou grim & gritty) est à la Dark Fantasy « normale » ce que cette dernière est au tout venant de la Fantasy. Bref plus noire, plus violente, plus explicite, plus lugubre, et ainsi de suite. Ajoutez à cela des complots politiques dans deux royaumes différents que ne renierait pas G.R.R. Martin, et vous penserez avoir cerné le sujet et l’atmosphère de ce livre.

Et vous feriez une belle erreur ! En effet, toujours dans la liste de ses auteurs préférés, Anna Smith Spark (une personne fascinante, dont la biographie fait cohabiter extrême érudition, écriture de poésie et une activité de… mannequin fétichiste. Si, si) cite Ursula Le Guin, et vous vous apercevrez rapidement, si vous lisez The court of broken knives (sachant que court est à comprendre dans le sens de square, place, pas dans celui de Cour royale -qui s’écrit bel et bien Court avec un « t » en anglais-), que l’influence de cette dernière est criante, surtout si vous avez lu Les tombeaux d’Atuan. Dès lors, vous allez probablement vous demander comment faire cohabiter l’ambiance mélancolique de Le Guin avec celle, sauvage, de la Grimdark Fantasy. La réponse est : avec un naturel désarmant ! Lire la suite

Le miroir de sang – Brent Weeks

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Un complet changement de paradigme

blood_mirror_weeksLe miroir de sang est le quatrième tome du cycle Le porteur de lumière, après Le prisme noirLe couteau aveuglant et L’œil brisé. Il ne s’agira pas du dernier roman de la série, cependant, comme la plupart des gens le pensaient : un cinquième est prévu. Alors que les deux premiers livres étaient solides et que le troisième, s’il était certes un cran en-dessous, offrait encore un dernier quart trépidant, celui-ci a été accueilli par le lectorat anglo-saxon de façon très contrastée, un nombre conséquent de lecteurs regrettant le fait que l’intrigue principale n’avance guère (une assertion à laquelle je ne peux adhérer) et surtout l’énorme twist introduit à propos d’un fait majeur, considéré comme acquis depuis le premier volume.

Personnellement, je trouve que même s’il y a des points critiquables, dans l’ensemble ce tome 4 est plus nerveux que le précédent (le fait qu’il soit presque deux fois plus court ne doit pas être étranger à cette impression) et à vrai dire plus intéressant. Le seul vrai point qui pourra poser problème est, à mon sens, la série de révélations concernant Gavin. De mon côté, j’ai trouvé ça plutôt bien fait (même si c’est vraiment un twist radical), mais si j’en juge par les avis sur la VO, tout le monde ne va clairement pas réagir comme cela.  Lire la suite

Soul of the world – David Mealing

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Une High Fantasy 2.0 à mousquets Révolutionnaire (dans tous les sens du terme) et d’une ambition que ne renierait pas Steven Erikson

soul_of_the_worldSi vous suivez ce blog, vous savez que je fais partie de ces lecteurs de longue date / ces gros lecteurs qui ont depuis un moment laissé tomber la High Fantasy, ses prophéties et ses héros / héroïnes destiné(e)s à sauver le monde. Question de répétitivité de ce sous-genre, de manichéisme et de pauvreté des intrigues, de simplicité relative de la psychologie des personnages, surtout par rapport à la Dark Fantasy. Ne croyant plus à un renouvellement du genre, je me suis tourné vers des formes émergentes, plus novatrices et dynamiques, comme la Flintlock ou la Colonial Fantasy. Eh bien il faut croire que de l’autre côté de l’océan Atlantique, le Grand Esprit a entendu ma prière muette, et qu’il a missionné le dénommé David Mealing. En effet, celui-ci nous propose ce que l’on pourrait appeler une High Fantasy 2.0, ou, pour être vraiment très précis, une High Flintlock / Colonial Fantasy (oui, j’invente des sous-genres maintenant, je n’ai plus de limites, mouahaha !). Car pourquoi proposer un sauveur du monde lorsqu’on vous pouvez en proposer trois (et autant de formes de magie différentes !), pourquoi se restreindre à du médiéval-fantastique lorsque vous pouvez mélanger des tomahawks, de la sorcellerie et des canons, et enfin pourquoi modeler votre contexte et intrigue sur la Révolution française lorsque vous pouvez mélanger cette dernière avec son équivalent américain, dans un cadre qui rappelle la colonisation anglaise et française du continent et la Guerre de Sept Ans ?

Si on ajoute à cela une ambition certaine (et des éléments qui ne dépareilleraient pas chez ces pointures que sont Steven Erikson et Michael Moorcock), on se retrouve avec un premier roman (car c’est bien de cela dont il s’agit) absolument impressionnant, à la fois par son ampleur, par l’audace de son auteur (qui ne donne pas dans la facilité pour une première oeuvre) et par la façon ahurissante dont il mélange les vieilles recettes avec les plus récentes pour donner un livre résolument unique. Alors certes, tout n’est pas parfait (on va en parler), mais ça reste tout de même un auteur à suivre de près. Et ce d’autant plus que le premier jet du tome 2 (il s’agit d’un cycle, dit de l’Ascension) est déjà terminé à 95 % ! Lire la suite

Comprendre les genres et sous-genres des littératures de l’imaginaire : partie 9 – Sous-genres de l’Uchronie

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ApophisAvec cet article, nous mettons un terme (sans doute provisoire, vu que de nouveaux sous-genres émergent régulièrement) à notre exploration des genres et sous-genres de la SFFF. Mais l’aventure va continuer, d’une certaine façon, puisque très prochainement, je vous proposerai une nouvelle série d’articles de fond :  The A(pophis)-Files – Dossiers sur les thématiques et éléments emblématiques de la SFFF.

Mais revenons à nos moutons : nous allons examiner aujourd’hui les sous-genres (ou variantes) de l’Uchronie, catégorie de romans qui examine ce qu’aurait pu être l’Histoire si elle avait pris un autre cours. Je vais également vous parler de l’Histoire secrète, qui se déroule dans notre propre monde mais révèle que ce qu’on vous enseigne en classe ne correspond pas aux événements réels, ainsi que d’autres genres liés d’une façon ou d’une autre à l’Uchronie (ou confondus avec elle).

Je vous rappelle que comme chaque article de cette série, celui-ci reflète ma conception personnelle de la taxonomie de la SFFF, et ne correspondra donc pas forcément à celles que vous pouvez trouver par ailleurs sur le net ou dans des ouvrages spécialisés.  Lire la suite

L’œil d’Apophis – Numéro 3

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Eye_of_ApophisTroisième numéro de la série d’articles l’œil d’Apophis (car rien n’échappe à…) ! Je vous en rappelle le principe : il s’agit d’une courte présentation (pas une critique complète) de romans qui, pour une raison ou une autre, sont passés « sous le radar » des amateurs de SFFF, qui ont été sous-estimés, mal promus par leur éditeur, ont été noyés dans une grosse vague de nouveautés, font partie de sous-genres mal-aimés et pas du tout dans l’air du temps, et j’en passe. Chaque article vous présente trois romans : après Les envoyés, Reconstitué et Voyageurs dans le numéro 1, puis La voie terrestre, L’IA et son double et Suprématie dans le numéro 2, je vous propose aujourd’hui de (re ?)découvrir La ruche d’Hellstrom par Frank Herbert, Voyage par Stephen Baxter et Point d’inversion par Catherine Asaro.

Il peut paraître étonnant de mettre des auteurs du calibre d’Herbert et Baxter dans une série d’articles consacrés à des auteurs ou livres méconnus (voire quasi-inconnus), négligés, sous-évalués, et ainsi de suite. C’est oublier un peu vite que tout le monde n’est pas un amateur éclairé suivant de près l’actualité, et que par exemple, Baxter n’a pas, auprès du grand public, l’aura de Clarke ou d’Asimov : il est connu des aficionados, pas de ceux qui lisent un peu de SF de temps en temps (et jusqu’à une date récente, on aurait pu faire le même genre de constat pour Ian McDonald ou les auteurs qui ont été publiés dans la collection Une heure-lumière). Quant à Frank Herbert, l’aura de Dune a complètement éclipsé le reste de son oeuvre, alors qu’il y a des choses très intéressantes dedans. Et comme nous le verrons dans le numéro 4 de L’œil d’Apophis, un roman peut faire partie des plus grands chefs-d’oeuvre du genre et pourtant être inconnu de la grande majorité des lecteurs de SF.

Attention, je ne vous dis pas forcément que les romans que je vous présente sont des chefs-d’oeuvre à acheter absolument, ils peuvent avoir des défauts parfois importants. En revanche, ils ont aussi de grandes qualités, qui en font des lectures très intéressantes pour certains lecteurs ou dans le cadre de certaines thématiques précises de la SFFF.

Vous pouvez retrouver tous les articles de la série en cliquant sur ce tag, également présent en fin d’article et en bas de la barre latérale du blog.  Lire la suite

Comprendre les genres et sous-genres des littératures de l’imaginaire : partie 8 – Sous-genres mineurs de la SF

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ApophisAprès avoir examiné dans l’article précédent les sous-genres majeurs de la Science-Fiction (SF), je vous propose maintenant une sélection (et j’insiste sur ce terme) de ses sous-genres mineurs. Il n’est évidemment pas question d’examiner chacun d’entre eux, car il y en a des dizaines et car il n’est pratiquement pas une année ou même un mois sans qu’une nouvelle sous-classification émerge (ou une variante / redéfinition de la classification précédente…) chez les spécialistes.

Je vous rappelle que comme chaque article de cette série, celui-ci reflète ma conception personnelle de la taxonomie de la SFFF, et ne correspondra donc pas forcément à celles que vous pouvez trouver par ailleurs sur le net ou dans des ouvrages spécialisés. Lire la suite