La Ville dans le ciel – Chris Brookmyre (édition poche)

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Un mélange de polar et de SF extrêmement convaincant

Il y a un peu plus d’un an et demi, est sorti dans la prestigieuse collection Lunes d’Encre, chez Denoël, un livre appelé La Ville dans le ciel, écrit par un des maîtres du roman noir écossais, Chris Brookmyre, qui signe ici une incursion dans une SF mâtinée de polar extrêmement convaincante. Ce livre, dont la sortie avait déjà été décalée, d’après ce que m’a expliqué le directeur de collection, à cause du Covid, a été publié en grand format à la rentrée littéraire 2021, et n’a malheureusement pas eu la carrière qu’il méritait, à mon sens du moins. Nombre modeste de critiques dans le fandom, couverture peut-être un peu trop insipide, concurrence trop forte, les raisons de ce retentissement décevant sont sans doute multiples, mais il n’en reste pas moins qu’ici, dans l’Apophisme, quand on pense qu’un bouquin mérite d’être lu, on ne lâche pas l’affaire et on reprend donc son bâton de pèlerin pour prêcher la bonne parole (surtout que cette fois, la couverture est de toute beauté  😀 ). Quitte à donner, pour cela, dans l’inédit, puisque c’est la première fois dans l’histoire du Culte que je fais le relais d’une sortie en version poche (qui aura lieu le 6 avril). C’est vous dire si je suis motivé pour réparer ce que je crois être une injustice (et non, je ne perçois pas de sous de la part de Denoël ou Folio SF, hein, même pas de SP-surprise-qui-font-plaisir-en-apparaissant-dans-la-BAL, c’est le jeu ma pauvre lucette).

Bref, si vous voulez en savoir plus sur ce roman, je vous invite à vous reporter à ma critique de la VO, où vous trouverez, qui plus est, des liens vers quelques chroniques de la VF grand format écrites par des blogopotes. Mais vraiment, lisez-le, c’est clairement au-dessus du lot (sans être le livre du siècle non plus) et ce serait dommage de passer à côté  😉

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Sur la Lune – Mary Robinette Kowal

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Laborieux

Le 2 novembre 2022, paraîtra chez Denoël, dans la collection Lunes d’encre (et sous une couverture insipide…), le troisième volet du cycle Lady Astronaut, Sur la Lune, après Vers les étoiles et Vers Mars. J’ai, pour ma part, lu ce roman en VO (sous le titre The Relentless Moon) il y a plus de deux ans, et j’y suis allé à l’époque sur la pointe des pieds, car si le tome 1 avait été une très bonne lecture (à quelques défauts près), son successeur s’était révélé bien moins convaincant, de mon point de vue du moins.

Toute la question était donc de savoir à quel niveau de qualité allait se situer Sur la Lune. Si ce nouveau livre est meilleur que son prédécesseur (dont il ne constitue pas la suite directe, mais se déroule plutôt -majoritairement- en parallèle), il ne l’est toutefois pas dans d’énormes proportions, et certainement pas au niveau de Vers les étoiles. Il souffre notamment terriblement d’un ton plat et d’un manque d’immersion jusqu’au début du dernier tiers, ainsi que de personnages ayant une intelligence à géométrie variable, une combinaison de facteurs qui a fait que j’ai trouvé le temps terriblement long et que les moments de plaisir, s’ils ont existé, ont finalement été à la fois rares et tardifs. Seuls les trente derniers % (et encore, sur certains plans seulement) ont été au niveau que j’attendais, la meilleure partie restant l’épilogue, fort savoureux (et qui constitue aussi un tout petit bout de suite directe du tome 2, dont il éclaire cependant également certains événements d’un autre jour, c’est à signaler).

Si vous souhaitez en savoir plus, mon analyse complète (de la VO) se trouve sur cette page.

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Demain et le jour d’après – Tom Sweterlitsch

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Sombre mais d’une grande beauté

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 103 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Après le succès de Terminus, Tom Sweterlitsch revient chez AMI avec la traduction d’un roman antérieur, Demain et le jour d’après. En 2048, un attentat nucléaire rase Pittsburgh, tuant l’écrasante majorité de ses habitants, dont la femme, enceinte et quasiment à terme, de Dominic, absent de la ville ce jour fatidique. Dix ans plus tard, on a créé une reconstitution en Réalité Simulée de la cité, l’Archive, grâce aux données des caméras de surveillance, des webcams, des réseaux sociaux et à un peu d’interpolation à partir des souvenirs de ceux qui la visitent, grâce à l’implant cérébral que tous portent, et qui permet par ailleurs de les faire vivre dans une omniprésente et invasive Réalité Augmentée dans le monde réel. À la base conçue comme un espace de recueillement, l’Archive sert aussi aux enquêteurs mandatés par les compagnies d’assurance, comme Dominic, à rechercher la cause exacte de la mort de telle personne ou de la destruction de tel édifice, dans le but d’éviter de payer les juteuses primes. Mais il va découvrir par hasard un cadavre dans l’Archive, une femme tuée avant l’attentat et dont le sort n’intéresse personne. Sa consommation de drogue (renforçant son immersion) va lui faire perdre son emploi, et lors de sa thérapie légalement imposée, son psychiatre va lui proposer de travailler pour un riche mandataire, qui cherche sa fille, qui semble avoir été effacée de l’Archive. Les deux affaires vont se révéler liées de bien ténébreuse façon !

À la lecture de ce roman post-apocalyptique particulièrement sombre, on pense avant tout à Peter Hamilton pour l’enquête dans une ville simulée (La Grande route du Nord), à Dan Simmons pour le procédé technologique permettant de revivre les souvenirs heureux (Flashback), à Vernor Vinge (Rainbows End) pour la Réalité Augmentée omniprésente (et ses pop-ups publicitaires continuels) et à un mélange de Jean Baret (l’humour en moins) et de Robert Jackson Bennett (Vigilance) pour la société décrite, où le porno et le sordide sont mis en scène en permanence et sans vergogne, comme lorsque les condamnations à mort présidentielles sont filmées ou que la dernière victime d’un crime du jour voit ses vidéos intimes balancées à une populace avide (de sexe, d’obscène, de scandale) et amorale. À cette critique, sans concessions, des dérives à peine exagérées et projetées de la société américaine du futur proche, à l’enquête (très addictive) de Dominic pour résoudre le meurtre et la disparition, s’ajoute le récit de sa catharsis (et de sa quête de justice pour les victimes) et de celui de l’impossible tentative de rédemption de l’autre protagoniste, Albion. Et c’est sur ce niveau de lecture que se situe le vrai intérêt du roman, très référencé culturellement, sombre mais d’une grande beauté, qui prouve une fois de plus que Sweterlitsch est un grand auteur de SF.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de Célinedanaë, celle de Gromovar, de Yossarian, de Just a word, d’Alias, du Nocher des livres, du Maki, de FeyGirl,

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La guerre des Marionnettes – Adam-Troy Castro

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Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir !

Cette critique a été réalisée dans le cadre d’un service de presse fourni par AMI. Un grand merci à l’éditeur et en particulier à Gilles Dumay !

Le soldat Castro était en danger, la parution en français du troisième tome du cycle Andrea Cort menacée, mais le troupier et son héroïne ont été sauvés, évitant ainsi à Albin Michel Imaginaire de rejoindre le club formé par ces éditeurs (inutile que je les cite, tout le monde ici les connaît) entamant la publication de certaines sagas sans la mener à terme. Ce qui (il suffit de lire régulièrement les commentaires sur le Culte pour s’en convaincre) a un effet désastreux sur le consommateur, qui devient, dès lors, très méfiant et n’achète plus que les cycles achevés en VF. Ce qui, évidemment, plombe les ventes des T1-2, diminuant, par voie de conséquence, la probabilité que le ou les suivants soient traduits un jour, conduisant alors la maison d’édition concernée à les abandonner pour sauver les meubles, renforçant donc en retour la suspicion des acheteurs potentiels.

Je suis d’autant plus satisfait de ce sauvetage que La Guerre des Marionnettes n’existait même pas en version papier (et je dis bien : papier, pas électronique) anglaise, seulement audio (et vu que je n’audiolis pas et n’ai aucune intention de m’y mettre…), ce qui, je vous l’assure, est absolument rarissime. Que certains livres anglo-saxons n’aient pas de version électronique, OK, ça arrive, mais quand j’ai envisagé de terminer ce cycle en VO devant l’incertitude de la parution du T3 en VF, j’ai été sidéré par l’absence de version imprimée, situation inédite pour moi alors que je blogue depuis janvier 2016 et lis, au moins occasionnellement, des romans en VO depuis 2013.

Ce troisième et (pour l’instant ?) dernier tome d’Andrea Cort est, comme les précédents, en fait un recueil contenant, dans l’ordre, une novella d’une centaine de pages, Les Lames qui sculptent les Marionnettes, le troisième roman du cycle proprement dit, La Guerre des Marionnettes, puis une novelette de soixante pages, La Cachette. Je vais dire un mot assez rapide sur les deux textes courts, m’attardant un peu plus sur le long. Sachez toutefois que, pour résumer, ce tome 3 est (et de loin) celui qui m’a globalement le moins séduit, ce qui ne m’empêche pas de vous conseiller chaudement, pourtant, ses deux prédécesseurs. Lire la suite

Loin de la lumière des cieux – Tade Thompson

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Un roman qui porte (hélas…) bien son nom !

Le 16 mars 2022 sortira dans la collection Nouveaux millénaires, chez J’ai Lu, le roman (assez court, à peine 256 pages) Loin de la lumière des cieux, signé Tade Thompson, l’auteur, entre autres, des excellentes novellas du cycle Molly Southbourne (clic et clic), publié, lui, par le Bélial’. Ayant beaucoup apprécié ces dernières, c’est évidemment avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai lu Far from the light of heaven, la version originale de cette nouvelle sortie, quand elle est parue en novembre dernier. Tade Thompson qui fait de la SF spatiale, il y avait de quoi être séduit, pas vrai ? Inutile, donc, de dire que je suis tombé de très, très haut. L’auteur a voulu se lancer dans de la science-fiction classique en envoyant balader ses codes, et a voulu la mêler à un mystère en chambre close sans en maîtriser du tout les fondamentaux. Pire que ça, il a cru faire original alors que ce qu’il pensait être une déclinaison inédite et extrême de ce dernier domaine avait été faite en encore plus radical et en bien mieux avant lui, par Fritz Leiber, notamment. Et cerise sur le gâteau, si j’ose dire, à ce ratage sur les fondamentaux s’est ajouté un message idéologique plus que balourd. Bref, on est ici très loin de la qualité, de l’intelligence et de la subtilité manifestées par Thompson dans ses autres livres. Si vous souhaitez en savoir plus, ma critique complète de la VO est à votre disposition.

D’habitude, ce type de rappel de sortie en français est fait pour vous informer qu’un excellent bouquin que j’ai lu en VO est sur le point de paraître dans la langue de Molière, et donc de vous dire que vous ne perdrez ni votre temps, ni votre argent en en faisant l’acquisition. Vu le respect que j’avais jusqu’ici pour l’œuvre de Mr Thompson, il m’est donc pénible de dire que cette fois ci, nous sommes sur le cas inverse : il s’agit d’un achat clairement dispensable, et vous risquez bien plus d’être cruellement déçu(e) qu’autre chose. Après, les goûts et les couleurs… Mais bon, le camarade Feydrautha étant sur la même longueur d’onde que votre serviteur, je pense qu’on peut dire qu’il s’agit plus de défauts structurels que d’une simple question d’affinité personnelle. Mais pour nuancer, terminer sur une note d’espoir, et éviter la PLS à monsieur Eliroff, directeur de collection de Nouveaux Millénaires, souvenons-nous des mots éternels de Gilles Dumay : « Quand Feydrautha et Apophis détestent, on peut être sûrs que le grand public va adorer ! ».

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Far from the light of Heaven – Tade Thompson

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Un roman qui porte bien son nom !

Far from the light of Heaven (à paraître le 2 mars 2022 chez J’ai Lu, dans la collection Nouveaux Millénaires, sous le titre Loin de la lumière des cieux) est le nouveau roman de Tade Thompson, connu pour sa trilogie Rosewater (toujours chez J’ai Lu) et pour le cycle Molly Southbourne (édité, lui, par le Bélial’). La postface nous apprend que l’auteur s’est inspiré de Double assassinat dans la rue Morgue d’Edgar Allan Poe, mais en poussant le concept de l’énigme en chambre close au maximum, c’est-à-dire en le transposant dans l’environnement clos ultime, à savoir l’espace (il faut croire qu’il n’a jamais lu Fritz Leiber, qui, lui, l’applique carrément à un univers de poche temporairement coupé de sa connexion à notre cosmos). Heureusement que Tade Thompson a eu ce, hum, coup de génie, ce n’est pas comme si la SF employait ce trope depuis quoi, des décennies ? Mais bon, la même postface explique que les tropes science-fictifs n’étant pas réalistes, il a voulu s’en affranchir, qu’il a fait beaucoup de recherches sur les vrais astronautes, mais qu’en même temps, son bouquin n’est pas un magazine de vulgarisation scientifique. Donc en gros, c’est de la Hard SF, mais Soft SF. Ah, et puis oui, c’est lui qui le précise, le consensus entre lui, son éditeur et son chat (et je ne plaisante absolument pas), c’est que ce n’est pas un Space Opera. Bref, pour reprendre les mots désormais éternels autant que légendaires de Romain Lucazeau, « Quand c’est trope, c’est tropico ».

Alors la visible inculture SF de l’auteur mise à part, est-ce un bon roman ? Absolument pas ! Premièrement, il souffre terriblement de la comparaison avec le cycle Molly Southbourne, où Thompson faisait preuve d’une puissance narrative et d’une virtuosité dans le maniement des thématiques tout à fait bluffante. Ici, la narration est balourde et les thématiques délivrées avec un tel manque de subtilité qu’on se pose la question de savoir si on a réellement affaire au même auteur (là aussi, la postface est sidérante : Thompson y déclare notamment « I try to lean away from aliens being Other because that’s tied up with colonialist thinking », et nous sort une diatribe contre la récupération des recherches nazies pour l’appliquer à l’astronautique, connaissances qui ont alimenté les programmes spatiaux US et soviétiques ; on peine à comprendre ce que ce genre de discours fait là, d’autant plus que s’il connaissait son Histoire, il saurait que les recherches japonaises ont autant contribué au dit programme que celles des nazis : lisez Ken Liu, lui le démontre très bien dans l’excellent L’homme qui mit fin à l’Histoire). Si on ajoute à cette postface les thèmes développés dans le roman proprement dit, à savoir les méfaits du capitalisme et un message écologiste lourdement appuyé (et anti-industrie minière), on se retrouve avec un bouquin plus calibré pour cocher, avec de gros sabots, toutes les cases agréant aux jurys des prix littéraires anglo-saxons que pour faire preuve du centième de l’intelligence éblouissante manifestée dans le cycle Southbourne. Pire encore, le principal moteur narratif est le trope des tropes en littérature de l’imaginaire, voire dans les romans tout court (la vengeance), le livre donne une désagréable impression d’être un sous-Peter Hamilton (et pas le meilleur de cet auteur, plutôt ses dernières et très passables productions), et à part sur la fin, on s’ennuie mais alors carrément.

Tout ça pour vous dire que quand ça sortira en français, si vous voulez lire un (bon) Whodunit dans l’espace, achetez-vous plutôt La troisième griffe de Dieu d’Adam-Troy Castro, vous vous rendrez service, et que si vous voulez lire du (bon) Thompson, faites l’acquisition des Molly Southbourne, c’est carrément d’un autre niveau et ça ne s’embarrasse pas d’un message idéologique balourd qui n’a rien à faire là. Lire la suite

L’espace entre les guerres – Laurent Genefort

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Non pas un mais deux romans de Planet Opera Hard SF très recommandables !

Une version modifiée de cette critique est parue dans le numéro 100 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

L’espace entre les guerres est un recueil réunissant deux romans respectivement parus en 1998 et 2000, Dans la gueule du dragon et Une porte sur l’éther. S’inscrivant dans l’univers des Portes de Vangk commun à d’autres textes de l’auteur, ils mettent en scène son seul héros récurrent, Jarid Moray, qui refera une apparition dans Lum’en. Il correspond au trope du médiateur, mi-diplomate, mi-enquêteur, envoyé par le gouvernement (ici diverses corporations interstellaires) quand la situation locale devient explosive (on retrouve le même type de protagoniste chez Serge Lehman -notamment dans La perle– ou Adam Troy-Castro -dans Émissaires des morts-, par exemple). Il est la dernière étape avant une intervention militaire : la conciliation coûte moins cher que la guerre !

Dans la gueule du dragon se passe sur une protoplanète qui n’est qu’un océan de lave radioactive où seul un îlot rocheux, le Berg, forme une graine de continent, que la technologie humaine empêche d’être dissous. Jarid y est expédié par la Semeru, la multimondiale titulaire de la concession (qui ne sert que de vitrine technologique pour les actionnaires et les concurrents, son utilité économique étant nulle), afin d’enquêter sur le meurtre des deux précédents gouverneurs, alors que le nouveau entame une violente répression, cherche à imposer des lois d’exception et à exacerber les tensions, tandis que les factions politiques locales (des utopistes aux non-violents en passant par les radicaux meurtriers) se déchirent. Une porte sur l’éther met en scène un cadre encore plus extraordinaire, deux planètes partageant la même orbite, reliées par un Big Dumb Object, l’Axis, d’origine extraterrestre et formé de diamant, ayant pour but de permettre le complexe cycle de vie d’une céréale au potentiel nutritif hors-norme et au goût inimitable. L’une des planètes, aux mains d’une junte militaire nationaliste et intolérante, responsable d’un génocide ayant contraint certains groupes à l’exode dans l’Axis, fait entendre des bruits de bottes pour effacer ses crimes passés en conquérant ce dernier et renégocier à la dure le partage des profits, encaissés en premier lieu par le monde jumeau. Les habitants de la structure, divisés entre des groupes aussi divers que des primitivistes, des posthumains et des fanatiques religieux, vont se retrouver pris au piège. La mission de Moray, pour le compte d’une autre multiplanétaire, la DemeTer, sera de désamorcer la crise. Lire la suite

La ville dans le ciel – Chris Brookmyre

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Un mélange de polar et de SF extrêmement convaincant

Le 15 septembre 2021, paraîtra dans la collection Lunes d’encre des éditions Denoël (qui ont eu l’amabilité de citer votre serviteur sur la quatrième de couverture, ce dont je les remercie) un roman appelé La ville dans le ciel, par Chris Brookmyre. Un nom qui, convenons-en, ne dira sans doute rien à la majorité des lectrices et des lecteurs de SF, mais qui, pourtant, est très loin d’être inconnu : Christopher Brookmyre est un écrivain écossais (et vous verrez que la précision n’est pas anecdotique) de polars et de thrillers, qui a, excusez du peu, publié une trentaine de romans et vendu, rien qu’au Royaume-Uni, un million d’exemplaires de son cycle Jack Parlabane. Depuis quelques années, il s’essaye au mélange des genres, un précédent livre (Bedlam) ayant même été apprécié, en son temps, par feu Iain Banks en personne. Aussi, quand, fin 2017, est sorti (en VO) son nouveau roman, Places in the darkness, une SF fortement teintée de polar noir (ou peut-être l’inverse, vu que Brookmyre est auteur de crime fiction avant tout), je me suis empressé de le lire. Et bien m’en a pris, car l’ouvrage s’est révélé extrêmement convaincant, et ce sur tous les plans (le fin connaisseur de SF s’apercevra que la thématique centrale a déjà été traitée par d’autres, mais même sur le strict plan science-fictif, l’écossais ne fait finalement pas beaucoup moins bien que ses devanciers, qu’il dépasse de toute façon largement sur ceux de l’intrigue ou des personnages).

Très sincèrement, j’avais abandonné l’idée de voir ce livre traduit un jour. Aussi, quelle n’a pas été ma surprise de voir surgir le patronyme de Brookmyre dans la liste des romans à paraître en français ! Comme me l’a expliqué le (très) sympathique camarade Godbillon, directeur de collection de Lunes d’encre (et Folio SF), il serait disponible depuis l’année dernière, déjà, si ce satané Covid ne s’en était pas mêlé. Vu que la rentrée littéraire 2021 est exceptionnellement chargée, je ne voudrais surtout pas que vous ratiez cette sortie, et attire donc votre attention dessus. Celles et ceux d’entre vous qui voudront en savoir plus sur La ville dans le ciel pourront se reporter à ma critique détaillée de la VO, ou au résumé qui suit (en partie repris sur la quatrième de couverture) : rédigé par un des maîtres du roman noir écossais (le fameux mouvement Tartan Noir), ce mélange de polar / SF / techno-thriller se révèle extrêmement convaincant, même si, sur le strict plan science-fictif, ce n’est pas tout à fait de l’inédit. L’intrigue est très solide (tout comme le contexte) et menée avec une grande habileté, les deux protagonistes féminins se révèlent très intéressants, l’aspect presque hard-SF franchement crédible et le côté polar (évidemment, vu le calibre de l’auteur) un sans-faute. Bref, j’ai passé un vrai bon moment avec La ville dans le ciel, et je relirai d’autres titres SF de Chris Brookmyre (Bedlam, par exemple) sans souci.

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Pollen from a future harvest – Derek Künsken

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Sowing the seeds of love *

* Tears for fears, 1989.

Pollen from a future harvest est officiellement une novella appartenant à la toute nouvelle collection, Satellites, consacrée par l’éditeur britannique Solaris à ce format bien précis de romans courts / nouvelles très longues (c’est un peu l’équivalent de ce qu’est Une heure-lumière chez nous). Outre le texte de Derek Künsken dont je vais vous parler aujourd’hui, elle comprend également The difficult loves of Maria Makiling de Wayne Santos et These lifeless things de Premee Mohamed. Je ne peux me prononcer sur ces deux derniers, vu que je ne les ai pas lus (et n’ai pas l’intention de le faire), mais dans le cas de Pollen from a future harvest (un texte par ailleurs déjà publié dans le numéro de juillet 2015 de Asimov’s Science Fiction), l’appellation novella me paraît étrange : d’après Amazon et isfdb, la version papier de l’ouvrage fait 105 pages (ce que je ne peux confirmer, l’ayant lu en version électronique ; notez que l’éditeur, annonce, lui, 176 pages, ce qui me parait douteux), dont un tiers sont en réalité consacrées à six chapitres d’un autre roman de Kûnsken (l’excellent The house of Styx), à la présentation des autres bouquins de l’auteur ainsi qu’à ceux de la collection Solaris Satellites. Je n’ai pas regardé le compte de mots / signes, mais je dirais qu’on doit être plus proche, dans ce cas précis, de la novelette que de la novella.

Pollen from a future harvest prend place dans le même lieu où se déroule une bonne partie du roman Le jardin quantique (que vous pourrez lire en français, si je ne m’abuse, en 2022) et explique une partie des événements du début du Magicien quantique. Précisons que Bélisarius et sa bande n’interviennent pas du tout dans cette novella… euh novelette et, plus important encore, qu’elle se suffit à elle-même et ne nécessite pas la lecture préalable d’autres textes de Künsken. Son avantage étant qu’elle reprend un des plus gros points générateurs de sense of wonder de The quantum garden (en un peu moins développé) en le combinant avec une passionnante enquête, pour donner un texte efficace et à grand spectacle. Lire la suite

Quête sans fin – A.E. van Vogt

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Ambitieux mais confus

Une version modifiée de cette critique est parue dans le numéro 98 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag

Comme nombre d’ouvrages van Vogtiens présentés comme des romans, Quête sans fin est en réalité un fix-up assemblé à partir de trois textes courts publiés longtemps auparavant dans le magazine Astounding Science Fiction : la nouvelle Destination Centaure en 1944, ainsi que les nouvelles longues La quête en 1943 et La cinémathèque en 1946. Et le moins que l’on puisse dire et que plus encore que dans La guerre contre le Rull, par exemple, cet assemblage hétéroclite montre rapidement ses limites, aussi bien en terme de cohérence que de qualité. De fait, Destination Centaure est très au-dessus des deux autres textes, et bénéficie d’ailleurs d’une notoriété supérieure.

À la fin des années 70, des boites de films éducatifs, destinés à des écoles ou des conventions professionnelles, contiennent tout autre chose que ce que leur étiquette indique, à savoir des aperçus aux « effets spéciaux » extraordinaires d’autres mondes du Système solaire ou d’engins futuristes. La cinémathèque qui les fournit est incapable d’expliquer la substitution ou la provenance de ces films (ils viennent en réalité du futur et montrent des scènes authentiques). Lorsqu’un professeur de physique de lycée perd son emploi en partie à cause de ces courts-métrages, mais surtout du fait de sa propre paranoïa et malveillance, il décide de résoudre le mystère. Sitôt sa décision prise, c’est le voile noir (et la fin de la partie correspondant à La cinémathèque). Il se réveille deux semaines plus tard, désormais représentant de commerce, mais ne se souvient plus de ce qui lui est arrivé dans l’intervalle. En menant l’enquête, il va découvrir que des voyageurs se déplaçant dans le Temps et les mondes parallèles opèrent sur Terre. Il va alors pénétrer dans le Palais d’Immortalité, un endroit extraordinaire logé dans un « repli du temps », où l’on rajeunit au lieu de vieillir (ce qui rappelle la très postérieure « Maladie de Merlin » de Dan Simmons). Un repli au bout duquel l’Histoire, où plutôt toutes les Histoires, finissent (comme dans le récent Terminus de Tom Sweterlitsch). Lorsqu’il est renvoyé dans son époque d’origine, Peter Caxton n’aura de cesse de retourner dans le Palais et d’acquérir l’immortalité, mais il va se retrouver pris dans la guerre temporelle que se livrent deux Détenteurs (humains capables de se déplacer librement dans le Temps). Lire la suite