The relentless moon – Mary Robinette Kowal

Laborieux

relentless_moonThe relentless moon est le troisième roman du cycle Lady astronaut, après le très bon (même si pas non plus dépourvu de défauts) The calculating stars (qui paraîtra en français dans la collection « Lunes d’encre », chez Denoël, le 7 octobre 2020, sous le titre -remarquablement peu inspiré- de Vers les étoiles) et le très nettement moins bon The fated sky. Sachez aussi que Pascal Godbillon vous proposera, quelques jours avant, la sortie d’un recueil, nommé Lady Astronaute, comprenant cinq des six textes courts actuellement rattachés au cycle, dont l’excellente nouvelle éponyme (le seul qui manque à l’appel est Articulated restraint, pourtant meilleur que la plupart de ceux présents dans l’ouvrage…). Enfin, remarquons que cette saga est loin d’être terminée, puisque plusieurs autres romans sont d’ores et déjà en chantier, dont (notamment) un qui décrira l’établissement de la base martienne (et sera donc la suite de The fated sky), et l’autre de la colonie… vénusienne (et celui là me fait clairement saliver d’avance, tant c’est un sujet à la fois rare en SF et que je trouve personnellement fascinant, tant les difficultés associées pulvérisent celles liées à la colonisation de la planète rouge).

Sur les quatre textes (deux longs, deux courts) du cycle que j’ai eu l’occasion de lire, trois se sont révélés extrêmement recommandables, mais pas le second roman. Toute la question était donc de savoir à quel niveau de qualité allait se situer The relentless moon. Si ce nouveau livre est meilleur que son prédécesseur, il ne l’est toutefois pas dans d’énormes proportions, et certainement pas au niveau de Vers les étoiles. Il souffre notamment terriblement d’un ton plat et d’un manque d’immersion jusqu’au début du dernier tiers, ainsi que de personnages ayant une intelligence à géométrie variable, une combinaison de facteurs qui a fait que j’ai trouvé le temps terriblement long et que les moments de plaisir, s’ils ont existé, ont finalement été à la fois rares et tardifs. Seuls les trente derniers % (et encore, sur certains plans seulement) ont été au niveau que j’attendais, la meilleure partie restant l’épilogue, fort savoureux (et qui constitue aussi un tout petit bout de suite directe du tome 2). Tout ça pour dire que Pascal Godbillon va avoir une décision à prendre en ce qui concerne la façon dont il va présenter le tome 1, vu que s’il prend le risque de traduire les tomes 2 et 3, la chute des ventes risque d’être conséquente, surtout étant donné le fait que nous sommes plusieurs à avoir déjà proposé nos critiques de leur VO. L’avenir le dira.

Structure, protagoniste, intrigue *

* The Eagle has landed, Saxon, 1983.

Première précision d’importance : ce tome 3 ne constitue PAS la suite du 2 mais se déroule en parallèle (mais en propose toutefois un tout petit bout de suite dans l’épilogue). Ensuite, son intrigue est divisée en trois phases : la première se déroule dans le Kansas, et s’étend sur le premier quart ; la seconde s’étend sur le reste du roman, sauf l’épilogue qui constitue la phase finale.

Dans la première phase, nous découvrons que la protagoniste est Nicole Wargin, une des six Astronettes (le terme est de l’autrice) originelles, tout comme Elma York qui était en vedette dans les tomes 1-2. Mais c’est aussi et surtout la femme du gouverneur du Kansas, qui, rappelons-le, est désormais le siège du gouvernement (les fondamentaux de cet univers en deux mots : en 1952, un météore détruit Washington et une partie de la côte Est, après quoi on donne la priorité à une conquête spatiale -uchronique- bien plus vigoureuse que dans notre propre ligne temporelle, afin d’assurer la pérennité de l’humanité en colonisant la Lune et les planètes du Système solaire). D’ailleurs, en cette année 1963, son époux, Kenneth, brigue la présidence. Dans le même temps, le groupe d’Alt-Right Earth First, qui dénonce le fait que le programme spatial soit un caprice des élites et que de pauvres américains soient laissés sans eau et sans électricité pour le financer, est de plus en plus actif. On le soupçonne d’ailleurs d’avoir un espion sur la base lunaire Artémis. Nicole y est envoyée pour assister son administrateur afin de tirer tout cela au clair après que de forts soupçons de sabotage d’une fusée émergent.

La deuxième phase commence au début du second quart, avec l’arrivée catastrophique sur la base. Dès lors, que ce soit dû au hasard ou à un (voire plusieurs…) saboteurs, les péripéties vont s’enchaîner, jusqu’à une perte de contact totale avec la Terre. Dès lors, Nicole, ancienne espionne en plus de WASP (rien à voir avec celui-là 😀 ) pendant la Guerre, va devoir confondre le ou les traître(sse)s et désamorcer leurs mortelles « petites surprises » avant que l’opinion publique ne se retourne contre le programme spatial, le tout en devant faire face à une tragédie personnelle… et à un problème d’anorexie. Signalons que vous retrouverez d’autres personnages des tomes 1-2 et des nouvelles, qu’ils soient mentionnés (Elma, Terrazas, etc) ou acteurs des événements. On retrouvera notamment avec beaucoup de plaisir les Lindholm, Nathaniel York ou Helen. Et puis évidemment, utiliser comme personnages tertiaires des gens comme Aldrin ou Lovell, c’est tout de même la classe, non ?

Enfin, la troisième phase se cantonne à l’épilogue mais figure parmi les meilleurs moments du bouquin. Elle décrit le sort de Nicole deux ans plus tard (en 1965) et montre le retour d’Elma sur Terre.

Analyse et ressenti *

* Baker Street, Gerry Rafferty, 1978. Au choix, la version originale (pour moi très proche de la perfection que peut potentiellement atteindre une chanson) ou l’excellente reprise signée Neal Morse / Mike Portnoy / Randy George.

Débutons par les problèmes de la première phase ; pour commencer, elle est trop longue, et le défaut du tome 1 y apparaît une fois encore : l’aspect post-apocalyptique est sous-exploité (seuls les extraits de journaux qui ouvrent chaque chapitre lui laissent une place significative, ce qui fait finalement bien peu) mais l’aspect familial (la relation entre Nicole et son mari) est par-contre sur-représenté. Et surtout, mais alors surtout, Kowal a fait ce qui est pour moi une énorme faute de goût avec Nicole. Initialement, ce personnage paraît être tout ce qu’Elma n’est pas : sûre d’elle, en contrôle, déterminée, l’alliance entre la parfaite épouse de gouverneur ayant toujours la bonne réponse, attitude et expression et une femme forgée dans l’acier, ancienne pilote, espionne et actuellement astronaute. Bref, une quinqua déter sans donner dans la badass stéréotypée. Sauf que l’autrice s’empresse de la doter d’une p*ta$n de b#rd@l d’anorexie : mais pourquoi, nom de moi-même ??? C’est justement le contraste avec Elma qui était rafraîchissant et intéressant, pourquoi avoir rejoué une deuxième fois une partition similaire ? Alors certes, ça humanise un personnage qui n’en avait d’ailleurs pas besoin, car un autre facteur va faire que le lecteur va développer pour elle une empathie bien plus grande encore.

Bref, entre un personnage principal pour lequel l’autrice rate le coche, des longueurs, un mauvais équilibre entre les différents aspects du roman (bien plus que dans le tome 1) et une quasi-absence d’événements intéressants, ces 25 premiers % sont bien longs. Le début du second quart (donc de la deuxième phase de l’intrigue) est nettement plus prometteur : dès l’arrivée sur la Lune, une catastrophe a lieu, et l’aspect Hard SF monte énormément en puissance. Sauf qu’on déchante rapidement, car s’il se passe beaucoup de choses, le ton plat sur lequel elles sont le plus souvent racontées et l’absence d’immersion commencent à donner à la lecture de The relentless moon des allures de calvaire, et ce malgré un récit à la première personne du singulier qui devrait forcément être plus immersif qu’une narration à la troisième. C’est simple, à côté, même Rêves de guerre de Thomas Day que je suis en train de lire pour Bifrost a des allures de chef-d’oeuvre, c’est tout dire !

Les choses vont changer à 61% (à une heure de l’après-midi, pour être précis), mais le livre ne va vraiment devenir intéressant que dans les trente derniers %, en gros. Mais avec, là encore, un énorme défaut : premièrement, pendant très longtemps, les gentils vont se faire complètement manipuler par le(s) saboteur(s), alors qu’en gros, le rapport de force est de centaines de personnes à une. On voit donc mal ce qui les empêchait de placer des sentinelles près des systèmes critiques, des pièges, de codes, etc. Mais non. Et puis à partir d’un certain point, tout d’un coup Nicole va devenir hyper-perspicace, tout deviner d’un coup, et donner deux gifles au(x) petit(s) merdeux de saboteur(s) en déjouant, une main attachée dans le dos, tous les plans machiavéliques. Pas franchement réaliste, tout ça, donc. Kowal est également lourde avec ses méchants Earth First d’extrême-ultra-master-droite (elle va même jusqu’à leur faire dire que le projet spatial est un eugénisme, plus radical tu meurs !) et encore plus avec les Sud-Africains, pour lesquels elle frise la caricature (même si c’est loin d’être aussi maladroit sur ce plan là que dans le tome 2). Enfin, on regrettera amèrement qu’elle s’arrange toujours pour esquiver les moments les plus intéressants de la conquête spatiale : le tome 1 ne vous montre pas le premier alunissage, celui-ci vous place dans une base lunaire extrêmement avancée (elle réserve visiblement cet aspect là pour le tome 4 et la construction de la colonie martienne).

Reste de bons moments d’émotion, les thématiques de société (racisme -ce n’est pas tant une base qu’Earth First cherche à neutraliser mais une communauté multiethnique et culturelle- et misogynie systémiques, principalement. On regrettera par contre que l’aspect « que faire des personnes dont leur santé leur interdit de fuir la Terre ? » ne soit pas plus développé), un aspect espionnage / sabotage correct, plombé par un ton et rythme plat qui font qu’on est loin d’un vrai thriller SF (Dark Matter, Extinction Game, Places in the darkness, etc), ou ne serait-ce que d’un bouquin comme Mars de Ben Bova (haletant !), où des astronautes ont aussi une scoumoune de compétition, et une héroïne sympathique, bien qu’elle aurait pu l’être encore plus sans les problèmes psychologiques que Kowal semble vouloir à tout prix coller à ses protagonistes.

Bref, un tome 3 (à peine) meilleur que le 2 (dont il éclaire cependant certains événements d’un autre jour, c’est à signaler), mais je dois dire que je vais être extrêmement méfiant envers les 4+, et que je laisserai à d’autres le soin de mettre les premiers un orteil dans l’eau pour voir si la température est bonne.

Niveau d’anglais : facile.

Probabilité de traduction : c’est la grande question. Voir l’introduction de l’article.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un second avis sur ce tome 3, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de FeydRautha, celle du Maki, du Dragon Galactique, de Célinedanaë,

Je signale aussi que le camarade Winter vous propose en avant-première une critique du recueil de nouvelles Lady Astronaute  😉

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16 réflexions sur “The relentless moon – Mary Robinette Kowal

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  2. « C’est simple, à côté, même ‘Rêves de guerre’ de Thomas Day que je suis en train de lire pour Bifrost a des allures de chef-d’œuvre, c’est tout dire ! » Oulah, sachant que Thomas Day lui aussi bosse à Bifrost… Ça doit saigner pendant les pauses café ;P

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    • J’ai lu cinq livres de Gilles (Thomas Day = Gilles Dumay = mon éditeur) pour le dossier du Bifrost 100. Sur les cinq, il y a un chef-d’oeuvre, un excellent livre, un honnête, un raté, et celui-ci, qui doit plus être considéré comme une très perfectible oeuvre de jeunesse qu’autre chose. J’ajoute, pour en avoir lu un sixième pour mon compte (sans compter deux Wika), qu’on est terriblement loin du niveau de qualité qu’il propose aujourd’hui, et qu’il n’aura probablement aucune peine à le reconnaître lui-même.

      Pour le reste, je me contrefiche que machin ou machine soit dans la même équipe que moi chez Bifrost. Je critique négativement les livres du Belial’ qui ne me satisfont pas, comme je le fais avec les autres éditeurs. Il y a des blogueurs d’une évidente complaisance avec certains éditeurs ou auteurs / autrices, je n’en ai jamais fait partie, et n’en ferai jamais partie. Si un bouquin de Day est perfectible, voire mauvais, je le dis, que ça lui plaise ou non. Sauf que lui est assez intelligent pour comprendre que je critique UN livre, pas l’ensemble de l’oeuvre, et certainement pas l’homme, pour lequel, malgré certaines divergences, j’ai un réel et sincère respect.

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