The lady astronaut of Mars – Mary Robinette Kowal

Touchant

lady_astronaut_kowalMary Robinette Kowal est une autrice américaine qui présente l’étonnante particularité d’être, en même temps, une marionnettiste professionnelle, ainsi qu’une narratrice pour les livres audio d’autres auteurs de SFFF, comme John Scalzi, Seanan McGuire, Cory doctorow ou encore Kage Baker. La novelette dont je vais vous parler aujourd’hui a gagné le prix Hugo (la plus prestigieuse récompense dans le domaine de l’imaginaire) en 2014 pour cette catégorie de textes. Je vous rappelle d’ailleurs la nomenclature anglo-saxonne, basée sur le nombre de mots : à moins de 7500, on parle de Nouvelle, de 7500 à 17500 de Novelette (ou de « nouvelle longue » chez nous), de 17500 à 40 000 de Novella (ou de « roman court » en France), et au-delà de Roman (Novel dans la langue de Shakespeare). Mais revenons à nos moutons : cette novelette, donc, s’inscrit dans le même univers que deux romans à paraître en 2018, The calculating stars (sorti en juillet) et The fated sky (prévu en août), et les trois textes font partie du cycle Lady Astronaut. Le plus étonnant dans l’histoire est que les deux romans constituent le prélude de la novelette !

Rendons à la gens Julia, ou plutôt aux Harkonnen, ce qui leur appartient, puisque c’est le camarade FeydRautha qui a attiré mon attention sur ce texte. Je suis toujours à la recherche d’exemples à vous donner pour illustrer mes articles taxonomiques, et cette novelette (ou plutôt les romans qui en constituent le prequel) me paraissant être un exemple d’Atompunk, j’ai décidé de vous en proposer une critique. Notez qu’elle est disponible gratuitement (mais en anglais) sur le site de Tor

Univers, Genre

Un astéroïde s’est écrasé sur Washington D.C. en 1952, oblitérant le capitole et tous les membres haut-placés de la hiérarchie (et Tom Clancy n’y est pour rien). Le nouveau président, l’ancien ministre de l’agriculture, prend conscience que mettre tous les œufs de l’Humanité dans le même panier (à savoir la Terre), n’est pas franchement une bonne idée, et impulse donc un programme spatial bien plus vigoureux que dans notre version de l’Histoire (je coche donc la case Uchronie). Ironie de cette tragédie, les retombées de l’impact voilent les cieux de la planète, et les enfants grandissent en l’absence de la vision de ces étoiles que leurs aînés s’apprêtent à rejoindre.

La Lune est donc conquise à l’ère des cartes perforées, et en 1961 (je coche la case ère de l’atome), c’est au tour de Mars. Vingt ans plus tard, la planète est colonisée (et une allusion montre que c’est aussi le cas de Vénus), et une nouvelle technologie révolutionnaire et ultra-secrète est sur le point d’être testée (je valide donc la case Rétrofuturisme).

Donc, si je résume, Uchronie + conquête de Mars dans les années soixante + Rétrofuturisme (trous de ver dans les années quatre-vingt mais via une informatique à base de cartes perforées et de bandes magnétiques) = Atompunk.

Intrigue, personnages

Il y a trente ans, Elma York était à la tête de l’expédition qui a permis la colonisation de la planète rouge. Elle y gagné la gloire (qui s’est un peu affadie avec le temps) et le surnom de Lady astronaut of Mars (d’où le nom du texte). Désormais âgée de soixante-trois ans, elle ne vole plus depuis plus d’une décennie, mais passe toujours les visites de contrôle obligatoires de la NASA au Bradbury Space Center. Elle y croise la route de Dorothy, désormais médecin mais qu’elle a connue petite fille, un peu avant le lancement de la mission qui a fait sa renommée.

Peu de temps après, elle est contactée par le big boss, qui lui propose l’inespéré : une nouvelle mission ! Une planète extrasolaire distante de quelques années-lumière, LS-579, est apparemment habitable, et on s’apprête à monter une expédition secrète vers elle, Longevity. On a mis au point une nouvelle technologie, le champ Tesseract (ce dernier terme désignant un cube en quatre dimensions), qui crée un raccourci dans l’espace-temps mettant la planète a à peine trois semaines de Mars. Le seul problème est que ce tunnel spatial a besoin d’un champ à chaque extrémité pour fonctionner : quelqu’un doit donc faire un voyage de trois ans à une vitesse proche de celle de la lumière pour mettre en place celui d’arrivée en orbite autour de LS-579. Une telle durée de transit impliquant beaucoup de radiations et de risques, il est hors de question d’envoyer un jeune astronaute, ce qui fait qu’on propose la mission à Elma. L’existence de Longevity ne sera dévoilée au grand public qu’après la conclusion de la mission : en cas de réussite de la mise en place du pont spatial, la surprise sera de taille, et en cas d’échec, le capital sympathie et célébrité d’Elma sera un atout pour faire passer la pilule.

Pour cette dernière, qui croyait ne plus jamais piloter, l’offre est inespérée, mais il y a un os : son mari, Nathaniel, est gravement malade. Il lui reste au mieux un an à vivre, et seulement quelques mois avant la paralysie et l’hospice. La vieille astronaute se retrouve donc devant un dilemme : étant donné que le vaisseau est monoplace (à cause de contraintes techniques), elle peut soit partir en abandonnant son mari mourant (une source d’énormes regrets potentiels), soit rester et en concevoir une infinie amertume une fois l’inévitable décès de Nathaniel acté.

Mon sentiment

Disons-le carrément, la décision d’Elma ne sera probablement pas une surprise pour la majorité d’entre vous. De plus, dans cette novelette, l’intérêt n’est pas tellement dans l’univers uchronique développé ou dans son Histoire, qui ne sont ici clairement qu’un décor permettant aux thématiques de se développer (pour l’aspect Atompunk et la façon dont il se crée, il faudra lire les romans). Et ces thématiques tournent essentiellement autour de la perte d’êtres chers (aussi bien pour Elma que pour Dorothy, la doctoresse), du sentiment d’inutilité ou de mise au placard des « seniors » dans le cadre de leur emploi, de la dépendance (et du « fardeau », si j’ose dire, que constitue une personne dépendante pour son entourage), de la maladie et des maux de l’âge (comme les pertes de mémoire). Est aussi évoquée, évidemment, la fin de vie, la façon de faire son deuil, de se préparer psychologiquement au décès annoncé d’un être cher.

Mais les thèmes liés à la vieillesse ou la maladie ne sont pas les seuls examinés : en filigrane, se dessine l’envers du décor de cette conquête spatiale uchronique, l’exploitation sans vergogne, par les services de relations publiques de la NASA, du genre de leur astronaute vedette dans les années cinquante (elle doit prouver à la ménagère qu’elle aussi, elle peut partir coloniser la planète rouge), et de son âge dans les années quatre-vingt, de son statut de « Mamie héroïque » qui est allée ouvrir une nouvelle frontière dans les étoiles.

Ce qu’il faut retenir est cependant autre : c’est la grande sensibilité de l’écriture de Mary Robinette Kowal. Ce texte est plein d’émotion, et raconté sur un ton très juste, avec des mots simples mais qui touchent profondément le lecteur, sans circonvolutions inutiles typiques des mauvais auteurs de SFFF. Bref, une grande réussite. Mon programme jusqu’à la fin de l’année est plus tendu que le string de Clara Morgane, mais je crois que je vais faire une petite place aux romans, car j’ai vraiment envie d’en savoir plus sur l’épopée d’Elma et de relire l’autrice, qui gagne à être découverte.

Niveau d’anglais : facile.

Probabilité de traduction : parution chez Lunes d’encre / Denoël en octobre 2020, au sein du recueil Lady Astronaute.

Pour aller plus loin

Ce texte fait partie d’un cycle : retrouvez sur Le culte d’Apophis les critiques de The calculating stars, de The fated sky, de The relentless moon, d’Articulated restraint,

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur cette nouvelle, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de FeydRautha, celle de Lutin sur Albédo, de Xapur, de Célindanaé,

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