Sombre mais d’une grande beauté
Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 103 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.
Après le succès de Terminus, Tom Sweterlitsch revient chez AMI avec la traduction d’un roman antérieur, Demain et le jour d’après. En 2048, un attentat nucléaire rase Pittsburgh, tuant l’écrasante majorité de ses habitants, dont la femme, enceinte et quasiment à terme, de Dominic, absent de la ville ce jour fatidique. Dix ans plus tard, on a créé une reconstitution en Réalité Simulée de la cité, l’Archive, grâce aux données des caméras de surveillance, des webcams, des réseaux sociaux et à un peu d’interpolation à partir des souvenirs de ceux qui la visitent, grâce à l’implant cérébral que tous portent, et qui permet par ailleurs de les faire vivre dans une omniprésente et invasive Réalité Augmentée dans le monde réel. À la base conçue comme un espace de recueillement, l’Archive sert aussi aux enquêteurs mandatés par les compagnies d’assurance, comme Dominic, à rechercher la cause exacte de la mort de telle personne ou de la destruction de tel édifice, dans le but d’éviter de payer les juteuses primes. Mais il va découvrir par hasard un cadavre dans l’Archive, une femme tuée avant l’attentat et dont le sort n’intéresse personne. Sa consommation de drogue (renforçant son immersion) va lui faire perdre son emploi, et lors de sa thérapie légalement imposée, son psychiatre va lui proposer de travailler pour un riche mandataire, qui cherche sa fille, qui semble avoir été effacée de l’Archive. Les deux affaires vont se révéler liées de bien ténébreuse façon !
À la lecture de ce roman post-apocalyptique particulièrement sombre, on pense avant tout à Peter Hamilton pour l’enquête dans une ville simulée (La Grande route du Nord), à Dan Simmons pour le procédé technologique permettant de revivre les souvenirs heureux (Flashback), à Vernor Vinge (Rainbows End) pour la Réalité Augmentée omniprésente (et ses pop-ups publicitaires continuels) et à un mélange de Jean Baret (l’humour en moins) et de Robert Jackson Bennett (Vigilance) pour la société décrite, où le porno et le sordide sont mis en scène en permanence et sans vergogne, comme lorsque les condamnations à mort présidentielles sont filmées ou que la dernière victime d’un crime du jour voit ses vidéos intimes balancées à une populace avide (de sexe, d’obscène, de scandale) et amorale. À cette critique, sans concessions, des dérives à peine exagérées et projetées de la société américaine du futur proche, à l’enquête (très addictive) de Dominic pour résoudre le meurtre et la disparition, s’ajoute le récit de sa catharsis (et de sa quête de justice pour les victimes) et de celui de l’impossible tentative de rédemption de l’autre protagoniste, Albion. Et c’est sur ce niveau de lecture que se situe le vrai intérêt du roman, très référencé culturellement, sombre mais d’une grande beauté, qui prouve une fois de plus que Sweterlitsch est un grand auteur de SF.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de Célinedanaë, celle de Gromovar, de Yossarian, de Just a word, d’Alias, du Nocher des livres, du Maki, de FeyGirl,
Envie de soutenir le blog ?
Ce livre vous intéresse, vous êtes client d’Amazon et souhaitez soutenir le blog ? Passez par un des liens affiliés suivants pour votre achat, cela ne vous coûte strictement rien de plus !
Acheter en version brochée / Kindle
Si vous lisez sur Kindle, vous pouvez également soutenir le blog en vous inscrivant pour un essai gratuit de l’abonnement Kindle, via ce lien, et si vous audiolisez, vous pouvez aider le Culte en essayant gratuitement Audible via ce lien.
***
Entièrement de ton avis mais si j’ai bien compris Gilles Dumay, les ventes sont en deçà de l’attente et c’est regrettable car, chez AMI côté SF c’est pour moi LA révélation (mais pas encore lu Harkaway) et j’attends le troisième roman de l’auteur (mais soeur Anne wikipedia ne me donne aucune info)
L’utilisation de la quincaillerie cyberpunk dans un récit à la fois personnel et polardeux est une réussite : j’ai même préféré à Terminus
J’aimeAimé par 1 personne
Tout à fait, ce roman n’a clairement pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir. Et je le déplore amèrement.
Pour ma part, même si j’ai beaucoup aimé, je le placerais tout de même derrière Terminus.
J’aimeJ’aime
Pour ma part je l’ai préféré et de loin à Terminus qui m’a semblé beaucoup plus obscur dans son final !
Et je suis déçu que ce roman soit si peu mis en avant.
J’aimeAimé par 1 personne
C’est clair. J’avais d’ailleurs déjà fait une mise en avant il y a environ un an, avant d’avoir le droit de sortir cette critique Bifrost d’embargo :
J’aimeJ’aime
J’avais beaucoup aimé Terminus, mais je n’ai pas accroché avec celui-là. Si l’enrobage est intéressant, le fond de l’intrigue est un banal thriller, et je n’en peux vraiment plus de ces histoires de femmes découpées en morceaux après d’atroces tortures… si le genre pouvait se renouveler un peu… 🙏 alors que Terminus, c’était vraiment d’un autre niveau pour moi.
J’aimeJ’aime
Oui, c’est certain, Terminus est d’un autre niveau.
J’aimeJ’aime
J’ai eu Tom par mail il n’y a pas très longtemps, il avance sur son troisième roman, mais ne pense pas le finir avant l’an prochain. « A very dark space opera », dixit l’auteur.
Demain et le jour d’après est un échec commercial tel que pour le moment je ne le vends pas en poche, j’attends d’avoir des nouvelles concrètes de ce fameux troisième roman pour prendre une décision éclairée.
J’aimeAimé par 1 personne
« A very dark space opera » est très prometteur, en tout cas. Merci pour l’info !
J’aimeJ’aime
Ping : Demain et le Jour d’après | yossarian – sous les galets, la page…
Ping : Demain et le jour d’après, Tom SWETERLITSCH – Le nocher des livres
Ping : Demain et le jour d’après, de Tom Sweterlitsch – Les Chroniques de FeyGirl