Le chef-d’œuvre de Thomas Day
Une version modifiée de cette critique est parue dans le numéro 100 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.
La voie du sabre est une version allongée d’une novella antérieure. Comme il le fera avec Chaka, Thomas Day s’approprie un cadre et un personnage historique et le ré-enchante, ajoutant des éléments magiques, s’éloignant des faits avérés pour donner à ce personnage une stature légendaire. Mais contrairement au Trône d’ébène, La voie du sabre est une vraie Fantasy ne proposant qu’une seule grille de lecture, surnaturelle.
À part sa maîtrise suprême du katana et son talent artistique, le Musashi de Day n’a qu’un vague rapport avec sa contrepartie réelle (dont le testament dit qu’il faut éviter les plaisirs de la chair et de la chère !), tout comme son Japon n’est pas celui de nos manuels d’Histoire : les sorciers y manient la foudre, une encre allonge votre vie mais vous transforme en dragon (Herbert rencontre Lovecraft ?), un tatouage peut s’animer, un rōnin manipuler le cours du temps et sculpter un tigre dans une gerbe de sang.
Sang qui, qu’il soit artériel ou issu du dépucelage d’une jeune fille, est omniprésent dans ce conte initiatique (qui comprend des récits dans le récit nous en apprenant peu à peu plus sur Musashi) maniant à la perfection, via une langue tour à tour poétique, raffinée, crue, voire vulgaire, chaque concept et son contraire (violence et douceur, amour et haine, etc), en un Yin et un Yang incessant confinant à la perfection, autant stylistique que dans sa portée morale et philosophique exceptionnelle pour un texte qui, même étendu, reste d’une admirable (mais parfois frustrante) concision. Day nous montre un homme sanguinaire mais qui entrera dans la légende parce qu’il n’est motivé que par l’amour et le respect des autres, qui pourrait exercer un pouvoir politique absolu mais s’y refuse, qui épargne quand il devrait sans conteste tuer, qui, dans une culture marquée par son conservatisme, son conformisme, est un esprit libre et progressiste, refusant les hiérarchies, accordant la même valeur à l’existence des puissants et des opprimés. Il nous montre l’ambition dévorante de son disciple, qui veut connaître la technique de Musashi afin, au contraire, de régner en tyran après avoir épousé et fécondé la fille de l’Empereur-dragon. Un personnage profondément antipathique (notamment dans son rapport aux femmes), à qui son maître montre sans cesse la voie de la sagesse, que Mikédi refusera systématiquement d’emprunter, jusqu’à commettre l’irréparable. Prouvant ainsi la plus grande leçon de Musashi (parfois, gagner, c’est refuser de combattre) et étant marqué du sceau de l’infamie.
Incontestable chef-d’œuvre de Thomas Day, riche d’une documentation rendant les détails de la vie quotidienne d’une admirable authenticité, et surtout de l’amour de l’auteur pour l’Asie (qui transparaît dans une bonne partie de son œuvre), La voie du sabre est LE livre à lire dans sa bibliographie.
Notez qu’une série de BD a été tirée de ce roman : je vous proposerai la critique du tome 1 d’ici quelques jours.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous recommande la lecture des critiques suivantes : celle de Célinedanaë, de Lutin, d’Ombre Bones, d’Elhyandra, de Boudicca, d’Elbakin,
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Belle critique qui donne sacrément envie de découvrir ce roman !
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Merci ! Il est encore meilleur, de mon point de vue, que Le trône d’ébène, qui est déjà un roman de haute volée.
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Merci pour le lien 🙂 Un roman à découvrir, je suis bien d’accord !
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De rien, c’est bien normal !
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Un livre que j’avais repéré dans bifrost, mais zappé depuis. merci pour la critique et ce rappel !
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Avec plaisir !
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Je m’étais régalé avec cet univers et une histoire qui a du coffre.
La Passion asiatique de TD transpire à travers ce roman et d’autres!
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C’est clair !
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Ping : L’homme qui voulait tuer l’empereur – Thomas Day | Le culte d'Apophis
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Ce livre est incroyable ! L’écriture est parfaite, précise, fluide. Les idées sont novatrices (palais des plaisirs…). L’univers japonais est rafraichissant.
Sauf qu’il a un vrai gros défaut… il manque 500 pages ! Tout est trop rapide, c’est réellement frustrant.
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C’est tout à fait exact. L’adaptation en BD (le tome 1, du moins, le seul que j’ai lu pour le moment) n’est pas mal non plus 😉
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