The century blade – Rob J. Hayes

Une bonne façon de découvrir le cycle Mortal Techniques

Étant, en ce moment, dans une sorte de cycle de lecture informel faisant la part belle aux lectures de Fantasy aux contextes exotiques, le moment me parait bien choisi pour vous reparler de Rob J. Hayes. Auteur britannique auto-édité et très expérimenté (une quinzaine de romans au compteur, tout de même), Hayes m’avait bluffé avec son roman Never Die, titulaire du SPFBO 2017, prix littéraire chapeauté par Mark Lawrence couronnant chaque année le meilleur des auto-édités anglo-saxons. Fantasy à monde secondaire d’inspiration asiatique et très héroïque, Never Die était un bouquin sympathique mais sans plus jusqu’à sa fin, tout bonnement extraordinaire, qui remettait tout le reste en perspective. Il se trouve que depuis ma chronique, l’auteur (très prolifique) a étendu cet univers à deux autres romans (Pawn’s Gambit et Spirits of vengeance) et une nouvelle, The century blade (à la couverture magnifique –la preuve en grand format), dont je vais vous parler aujourd’hui. Le tout forme un cycle informel, The mortal techniques, car si chacun de ces textes s’inscrit dans le même univers, chacun peut se lire de façon totalement indépendante de tous les autres.

Outre la (courte) nouvelle The century blade proprement dite, le « livre » électronique qui vous est vendu contient aussi le premier chapitre du roman Spirits of vengeance. Pour… 0.99 euros, vous avez donc l’occasion d’avoir un aperçu de l’univers (fascinant) et du style (fluide, agréable et puissamment évocateur) de l’auteur, ce qui vous permettra de voir si vous voulez investir dans les trois romans de The mortal techniques (c’est toujours plus rapide à lire et moins cher de prendre la température de l’eau avec une nouvelle à moins d’un euro qu’avec un roman de plusieurs centaines de pages, forcément plus onéreux). Et en plus, la nouvelle est très plaisante, même si elle a, comme nous le verrons, un défaut non négligeable.

Intrigue / monde

Pour ceux pour qui ce texte serait le premier contact avec The mortal techniques, l’auteur ne laisse aucun doute sur l’inspiration asiatique de son univers et sur le fait qu’il s’agit d’un monde secondaire. Un narrateur explique qu’un humain a offensé Orochi, le roi des dragons, qui a ordonné à ses frères et sœurs de détruire notre espèce. Vu que le maladroit n’a pas le pouvoir de réparer son erreur, il fait appel à Su An, le plus grand héros de ces contrées. Celui-ci, après un combat avec un des dragons, comprend que malgré ses considérables prouesses martiales, il n’est pas de taille à occire, seul, la bête. Et encore moins six autres, dont Orochi.

Accompagné d’un… bouc (si, si), il va donc rechercher trois compagnons d’armes, les quatre héros représentant chacun des quatre empires de ce coin de la planète. Il va ainsi recruter Tenzing, qui, après avoir été coupé en deux (oui, oui, comme dirait l’autre), s’est greffé une prothèse de métal et de bois, Konihashi, qui n’est qu’apprenti des plus grands sages du monde mais maîtrise déjà cent Techniques (avec un grand « T ») quand les plus grands épéistes et érudits n’en manient qu’une poignée (dont une seule en tant que Maîtres), et Nergué, qui peut infuser dans des objets ordinaires une redoutable énergie dorée capable de blesser une déité ou un kami (dont les dragons). Un dernier membre, un dieu (SI, SI) des pillards venus d’un lieu mystérieux au-delà des mers, va rejoindre cette très héroïque compagnie, affrontant la terrible dragonne de feu à la queue au bec d’aigle (OUI, OUI) à l’aide notamment d’un engine (construction techno-magique, disons) à la mortelle puissance destructrice mais se servant de sang humain comme carburant.

Mon avis

On va commencer par le seul mauvais point du texte, mais qui peut poser un vrai problème à certains types de lecteurs : sa fin abrupte et le fait que fondamentalement, on dirait plus un embryon d’une partie de roman qu’une vraie nouvelle avec un début, un milieu et une (vraie) fin. Plus précisément, le texte se termine alors que la première dragonne est tuée par l’engine, même si on se contente de nous dire que ça arrive sans nous montrer / expliquer comment ça arrive (un exemple extrême de Tell au lieu de Show, bref ce qu’il ne faut surtout pas faire dans un roman). Pire que ça, Hayes clôt sa nouvelle d’un laconique quasi « Oui, ils ont réussi à vaincre les dragons, mais c’est une autre histoire ». Et d’ailleurs, le « Mais ceci est une autre histoire » revient à plusieurs reprises dans le texte. Ce qui fait que d’après ce que j’ai lu, certains n’ont pas compris le but ou l’utilité du texte, et se sont sentis un peu floués. Alors clairement, il faut, à mon avis, considérer Century blade comme un aperçu du style / de l’univers de Hayes et du cycle Mortal Techniques (impression renforcée par la présence du premier chapitre de Spirits of vengeance), voire un aperçu d’un futur roman intégrant ce texte, plutôt que l’aborder comme une nouvelle « classique ». Mais même si la fin de l’histoire est résumée, on a tout de même l’histoire (presque) complète du combat contre le premier dragon.

Ce que je préfère personnellement retenir est qu’au niveau style et univers, que je connaissais pourtant déjà, j’ai été très impressionné par ce texte (et vous savez qu’au fil des décennies et des centaines de bouquins de SFFF, ça devient très rare / compliqué de m’impressionner). L’écriture de Hayes a encore gagné en charme et pouvoir évocateur, et son monde devient de plus en plus épique et saisissant. J’ai beaucoup aimé cet aperçu des « engines », qui rappelle le Silkpunk de Jy (Neon) Yang ou de Ken Liu, et qui pousse encore plus loin la tech(nomagie) déjà présente dans Never die avec la poudre. Et niveau décors, antagonistes (dragons) et Techniques (mi-arts martiaux, mi-mystiques), on en prend clairement plein les yeux. Je trouve énormément de charme à cette combinaison d’univers très fantastique (monstres, magie), extrêmement épique, combinant sorcellerie et technologie, et d’inspiration non-européenne, et surtout au fait qu’on est là pour voir du grand spectacle et pas pour bouffer un pamphlet engagé, voire militant. Je disais récemment que We are the dead / A fool’s hope de Mike Shackle envoyaient bouler la mode Hopepunk, eh bien je suis tenté de dire que ce que j’ai lu pour l’instant du cycle The mortal techniques va totalement à contre-courant des tendances récentes de la Fantasy, à savoir aller majoritairement vers des univers de Low Fantasy et qui sont le reflet des combats sociaux / sociétaux ou environnementaux de notre monde. Et nom de moi-même, que ça fait du bien de voir de grands héros faire pleuvoir mille épées du ciel sur un dragon légendaire, on se croirait dans Blade & Soul, c’est formidable, j’ai l’impression de relire les Oriental Adventures ou un Livre dont vous êtes le héros, et, pour une fois, d’assister à une épopée hollywoodienne à grand spectacle et pas de voir Théréza, un film d’art et d’essai en noir et blanc de 4h17 tout à fait « bouleversifiant » sous-titré à partir de l’espagnol et encensé par Daniel Toscan Séplanté.

Bref, si, pour 0.99 euros (en version électronique), vous souhaitez avoir un aperçu de l’univers et du talent de Rob J. Hayes, vous savez ce que vous avez à faire. Sachant que les trois romans du « cycle » sont à un prix fort sympathique (en version dématérialisée ou papier -avec des couvertures qui déchirent-) et que si les deux autres sont au niveau de Never Die, les amatrices et amateurs de Fantasy épique ne peuvent que se régaler. De toute façon, leurs critiques seront disponibles sur le Culte plus tard cette année, normalement.

Niveau d’anglais : vraiment aucune difficulté.

Probabilité de traduction : zéro.

***

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7 réflexions sur “The century blade – Rob J. Hayes

  1. L’auteur semble familier du wuxia et du xianxia chinois. Regardant des séries chinoises, je peux dire que les combats à grand spectacle avec des techniques très particulière, la progression en niveau parfois aussi, c’est vraiment la marque de fabrique de la fantasy chinoise.
    D’ailleurs traduire des auteurs chinois serait pas une mauvaise idée pour nos éditeur ( la franchise Novoland, ça fait envie quand même, un univers que se partage sept auteurs).

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    • C’est clair, l’influence Wuxia est criante à la lecture. Et je pense qu’aller taper en général ailleurs que dans l’édition anglo-saxonne pour les traductions serait une bonne idée. On a certes quelques exemples (le sorceleur, les chroniques de Tramorée), mais dans l’ensemble, ça reste l’ultra-exception à la règle. J’imagine qu’outre la Chine, il doit y avoir des choses de qualité en Italie, dans les pays de l’Est (autres que la Pologne et la Russie), au Maghreb, en Afrique, et j’en passe.

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  2. J’achète ! 😀
    Never Die est génial, et en plus ici tu dis qu’un héros fait pleuvoir mille épées sur un dragon !? Ça va être dingue Hâte de lire
    Merci !
    PS : c’est chouette que tu continues ta lancée sur la fantasy, c’est toujours plus de livre potentiel pour ma liseuse 😉

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