Nous sommes légion – Dennis E. Taylor

Après la Weird Fiction, la Weir Fiction !

Dennis E. Taylor est un programmeur informatique devenu écrivain de SF, et le moins qu’on puisse dire est que ce vécu professionnel se sent à la lecture de son roman, qui est qualifié de Hard SF (je rappelle que « Hard » signifie dans ce contexte « solide » – sous-entendu sur le plan du réalisme scientifique – et pas « difficile » à lire. Et d’ailleurs, ce bouquin est un magnifique exemple de la chose, tant il se lit avec une admirable facilité), même s’il faut bien s’entendre sur le sens donné ici au terme : c’est de la Hard Science du fait de l’emphase sur la technique (l’ingénierie), pas du fait d’un respect absolu des lois de la Physique telles qu’actuellement comprises (il y a des communications supraluminiques, par exemple). Et je m’empresse de préciser que ce n’est pas QUE ça : en fait, plus on avance dans le livre, plus on s’aperçoit qu’il balaye très large en termes de sous-genres ou de thématiques de la Science Fiction. Je ne suis guère fan de la couverture de l’édition française (vous trouverez celle de l’édition polonaise plus bas, vous verrez la différence…), mais au moins, elle a le mérite de moins crisper un certain lectorat que celle de la VO, qui marque clairement l’aspect (un parmi d’autres) SF militaire de l’ouvrage (même si là aussi, on est aux marges de ce domaine, vu que le personnage central n’est pas vraiment militaire, du moins au début ; vous comprendrez en lisant cette histoire), et elle souligne de façon détournée l’aspect fun et assez ludique du roman.

Nous sommes légion, donc, est le deuxième roman de l’auteur, et surtout le premier d’un cycle qui se nomme Nous sommes Bob en français et Bobiverse en anglais. Sur les cinq tomes de la VO, seuls les trois premiers ont été traduits, et vu que le tome 4 a plus de quatre ans, je suis pessimiste sur le fait que la traduction soit menée à bien. Toutefois, il se passe tellement de choses dans ces romans et ils sont tellement enthousiasmants que vous auriez tort de vous en priver sur le seul prétexte d’une traduction incomplète : j’ai achevé Nous sommes légion en moins de 24 heures, ce qui, si vous me suivez depuis un moment, devrait vous donner un indice très fort de sa qualité. Je ne lis même pas un Honor Harrington à cette vitesse, c’est tout dire !

Histoire de recontextualiser, j’ai acheté ce livre en promo Bragelonne il y a des années, l’ai laissé dormir dans un coin de ma liseuse parce que l’aspect SF humoristique éveillait ma méfiance, puis ai décidé d’y revenir récemment parce qu’il est centré sur 1/ le téléchargement de consciences humaines 2/ dans des sondes interstellaires, deux sujets qui m’intéressent beaucoup. Et là, ça a été la grosse claque : constamment surprenant, constamment réjouissant, ce bouquin, dont j’avais visiblement beaucoup sous-estimé l’intérêt, s’est révélé être une très bonne lecture, au style extrêmement fluide et plaisant, alliant un fond qui, s’il n’atteint pas les sommets himalayens des plus grands maîtres de la Hard SF, n’en est pas moins réel, à une forme qui, elle, rappelle fortement Andy Weir, avec un protagoniste fort sympathique, doté d’un solide sens de l’humour (de geek !), d’un inébranlable optimisme, et surtout d’une faculté à toujours trouver (ou presque) la solution technique qui va le sortir d’une situation périlleuse. Balayant, de plus, de nombreuses thématiques SF, Nous sommes légion me paraît être une très bonne porte d’entrée dans une SF un minimum ambitieuse mais abordable par quasiment tous les profils de lecteur, un tour de force pas si répandu que cela ! Bref, je ne saurais trop vous conseiller de le lire et de le faire lire, vous ne le regretterez pas ! Continuer à lire « Nous sommes légion – Dennis E. Taylor »

De l’espace et du temps – Alastair Reynolds

There and back again

J’ai reçu ce roman dans le cadre d’un Service de presse fourni par le Bélial’. Merci à Erwann Perchoc pour cet envoi.

Je ne pense pas avoir besoin de présenter Alastair Reynolds, ni aux fidèles lecteurs de ce blog (c’est le huitième texte de cet auteur qui y est chroniqué), ni à ceux de Bifrost (dans le numéro 110, qui lui est consacré, je vous parlais du cycle centré sur La Maison des soleils et d’Éversion) ou à ceux des livres du Bélial’, qui publie encore une fois la novella du gallois qui est le sujet de cet article. Mais au cas où, sachez que Reynolds est un des maîtres de la Hard SF, ce sous-genre de la Science-Fiction qui ne doit PAS se comprendre comme « SF difficile à lire » (il renferme des textes de tout niveau de difficulté) mais bel et bien comme « SF solide sur le plan scientifique / technique ».

Ce texte, au parcours éditorial tortueux (que l’auteur nous détaille dans la postface), est vraiment surprenant, et ce sur quatre plans différents : d’abord, après un départ diesel, il accélère de façon exponentielle ; ensuite, alors qu’au début, nous sommes sur un registre précis de la SF (le post-apocalyptique, la survie d’un homme seul sur Mars comme dans le roman / film du même nom), la suite, très singulière, va changer de sous-genre et de thématique, passant de la Hard SF à un posthumanisme radical ; d’un postulat de départ sinistre (la fin quasiment actée de notre espèce), il va se muer en récit à la gloire de la persévérance et de l’ingéniosité de l’Humanité ; enfin, et c’est sans doute là le plus ahurissant, après avoir atteint le sommet indépassable du Posthumanisme, on va revenir à quelque chose de plus proche de l’expérience humaine, « mortelle », comme si Frodon Sacquet redébarquait de Valinor pour retrouver el famoso « la vie d’avant ». Si je me suis fait la réflexion, avant un stade pivot de ma lecture, que ce texte était bien sympa mais qu’on pouvait se demander ce qu’il faisait en Une Heure-lumière, la suite a balayé ce doute (homme de peu de foi que je suis…) et donc oui, c’est sans conteste un texte à la hauteur de la prestigieuse collection. Datant du début de la carrière de Reynolds, il y fait déjà preuve d’une imagination, d’une ambition, d’une démesure, d’une vision et d’une qualité qu’il ne fera que confirmer, encore et encore et encore, durant les vingt années suivantes. Si je n’en ferai pas tout à fait un (roman) culte d’Apophis ou un des sommets de la collection (qui restent pour moi Rossignol d’Audrey Pleynet et L’Homme qui mit fin à l’Histoire de Ken Liu), parce que ça ressemble tout de même pas mal à des tas d’autres oeuvres, je le recommande toutefois sans réserve, surtout si vous connaissez déjà et appréciez l’auteur. Mais ce texte me paraît aussi être une bonne porte d’entrée dans son œuvre, voire en Hard SF. Continuer à lire « De l’espace et du temps – Alastair Reynolds »

Anthologie Apophienne – épisode 18

L’anthologie Apophienne est une série d’articles sur le même format que L’œil d’Apophis (présentation de trois textes dans chaque numéro), mais ayant pour but de parler de tout ce qui relève de la forme courte et que je vous conseille de lire / qui m’a marqué / qui a une importance dans l’Histoire de la SFFF, plutôt que de vous faire découvrir des romans (forme longue) injustement oubliés. Si l’on suit la nomenclature anglo-saxonne, je traiterai aussi bien de nouvelles que de novellas (romans courts) ou de novelettes (nouvelles longues), qui sont entre les deux en terme de nombre de signes. Histoire de ne pas pénaliser ceux d’entre vous qui ne lisent pas en anglais, il n’y aura pas plus d’un texte en VO (non traduit) par numéro, sauf épisode thématique spécial (ce qui est le cas aujourd’hui). Et comme vous ne suivez pas tous le blog depuis la même durée, je ne m’interdis absolument pas de remettre d’anciennes critiques en avant, comme je le fais déjà dans L’œil d’Apophis.

Sachez que vous pouvez, par ailleurs, retrouver les anciens épisodes de cette série d’articles sur cette page ou via ce tag. Continuer à lire « Anthologie Apophienne – épisode 18 »

Polity Agent – Neal Asher

Le début de la fin mais aussi la fin du début

Polity Agent est le quatrième des cinq tomes du cycle Agent Cormac (après GridlinkedThe Line of Polity et Brass Man), qui fait lui-même partie de l’énorme saga Polity qui, au moment où je tape ces lignes, compte quatre sous-cycles (dont la pentalogie Agent Cormac et trois trilogies) plus six romans isolés mais s’inscrivant dans le même univers, pour un total de 21 livres. Et ce n’est pas fini : un autre standalone, War Bodies, sortira le 6 juillet, et l’auteur a annoncé travailler actuellement sur le premier tome d’une nouvelle trilogie, mettant à nouveau en scène Cormac. Et je ne compte même pas là-dedans certaines nouvelles ou recueils se déroulant également dans ce contexte ! Bref, Neal Asher a peu à peu bâti un univers aussi détaillé qu’impressionnant et ambitieux, et je prends, à chaque bouquin, un plaisir devenu chez moi rarissime, à la hauteur de certaines de mes meilleures lectures en quarante ans de SFFF. Histoire de vous situer la chose, j’ai lu les 578 pages de Polity Agent en… deux jours, un rythme exceptionnellement rapide chez moi, surtout pour de la VO. Et alors que je rédige cet article, je suis déjà en train de lire la suite. Les SP et les lectures pour Bifrost attendront, il faut parfois savoir prendre une pause salutaire !

Ce livre constitue à la fois le début de la fin de la pentalogie à laquelle il appartient, dans le sens où il met en place les antagonistes, protagonistes et évènements finaux, mais aussi, dans le cadre plus large du meta-cycle Polity pris dans son ensemble, il donne le sentiment d’être la fin du début, le point où le style d’Asher est sur le point de prendre l’efficacité redoutable qui est la sienne aujourd’hui, et où la plupart des personnages intervenant dans les cycles ultérieurs (surtout Rise of the Jain) sont désormais introduits (je suis entré dans cette saga en 2018, avec la sortie de The Soldier : j’ai ensuite repris les choses depuis le début, en suivant la chronologie interne de l’univers et pas l’ordre de publication -sauf pour les nouvelles sorties post-2018).

Comme très souvent avec cet auteur, je sors extrêmement satisfait de ma lecture : tout ce que je veux voir en SF est présent (sense of wonder, côté Hard SF, etc.), Asher n’oublie ni le mot science (je vais en reparler), ni le mot fiction (il ne s’agit pas que d’une allégorie du monde réel et présent cachée sous de vagues oripeaux SF) dans sa prose, et ça, mine de rien, c’est de plus en plus rare en SFF. Continuer à lire « Polity Agent – Neal Asher »

Les Profondeurs de Vénus – Derek Künsken

Un joyau du Planet Opera, un bijou en matière de Diversité, un très grand roman, tout simplement

Le 31 mai 2023 paraîtra chez Albin Michel Imaginaire Les Profondeurs de Vénus de Derek Künsken, premier volet d’un diptyque qui se conclura, en VO, avec la sortie de The House of saints le 29 août. C’est d’ailleurs en anglais que j’ai, pour ma part, lu ce nouvel AMI, à sa sortie il y a près de trois ans (ce qui me permet de vous dire que la spectaculaire couverture, signée Manchu, a parfaitement su capturer l’atmosphère et certaines scènes spectaculaires de ce livre). J’en étais sorti extrêmement enthousiaste, et j’espère bien réussir à vous faire partager mon engouement !

Précisons que si l’intrigue prend place dans le même univers que le cycle du Magicien Quantique (paru dans la langue de Molière chez le même éditeur) et de ses suites, Les Profondeurs de Vénus peut se lire de façon tout à fait indépendante, puisqu’elle se déroule deux siècles et demi avant. Notez, enfin, que les deux romans sont suffisamment différents pour qu’un avis mitigé ou un désintérêt pour Le Magicien Quantique ne soit en rien rédhibitoire si vous envisagez la lecture de ce nouvel opus : moins exigeant sur le plan de la Hard SF, plus axé sur des thématiques sociétales modernes, prenant plus le temps d’installer son univers et ses personnages, et ayant sans doute franchi un cran supplémentaire sur le plan de l’écriture, il sera sans nul doute à même de séduire un public plus large. Mais notez aussi que lire les deux cycles sera utile, car le diptyque éclaire beaucoup l’Histoire et peut-être surtout la géopolitique plutôt floue, jusqu’ici, de l’univers du Magicien Quantique.

Comme vous le prouvera ma critique très détaillée de la VO, je lui ai trouvé deux immenses qualités : d’abord, le fait qu’il s’agisse d’un Planet Opera vénusien tout à fait exceptionnel (et je pèse mes mots), sans aucun conteste la nouvelle référence dans ce registre littéraire bien précis, à moins que Kim Stanley Robinson ne se décide à s’attaquer au problème (ce qu’il a très partiellement fait dans -le dispensable- 2312) ; ensuite, le fait qu’il fasse la part belle à la diversité (un des personnages est atteint du syndrome de Down, un autre est gay, un troisième a un problème d’identité de genre) ET que l’auteur traite le sujet, là encore, avec une crédibilité, une douceur, une justesse et un respect… eh bien qui forcent le respect, justement. Mais plus que tout, et là je rejoins (pour une fois…) complètement le camarade Dumay sur ce point, c’est un grand roman d’aventure, offrant des visions époustouflantes et des péripéties stupéfiantes. Non, mieux que ça, un grand roman, tout simplement. Et puis il est estampillé « Culte d’Apophis », ce n’est pas rien, tout de même !

Bref, chacun jugera de l’intérêt de ce bouquin en fonction de ses propres critères (ma critique de la VO vous fournit tous les éléments nécessaires pour faire votre choix), mais si vous avez foi en mon jugement, vraiment, ne passez pas à côté de cette sortie  😉 On espère aussi que les ventes florissantes (c’est tout le mal qu’on lui souhaite) de cet ouvrage inciteront l’éditeur à sortir le tome 3 du cycle quantique, évitant ainsi de rejoindre le club détestable des maisons abandonnant des séries en cours de route !

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L’Invincible – Stanislas Lem

Précurseur, mais manquant de saveur

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 104 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Le croiseur Condor a brusquement cessé de donner signe de vie alors qu’il était en mission sur Régis III, et ce malgré le fait qu’il est équipé de champs de force infranchissables et d’un armement suffisant pour raser des montagnes ou assécher un océan. Un vaisseau du même type, l’Invincible, arrive sur place pour enquêter. Il découvre un monde étrange, où la vie existe dans les océans mais est totalement absente sur les continents, des déserts stériles parsemés d’étranges ruines formées d’entrelacs de câbles noirs. Le Condor est presque intact, mais tout son équipage est mort (de cause inconnue), à part un homme plongé en hibernation dont, une fois éveillé, on s’aperçoit que ses centres cérébraux de la parole sont effacés. C’est alors qu’un étrange nuage de « mouches » noires va se mettre en branle…

Rédigé en 1962-63, L’Invincible est une application très précoce d’une thématique / technologie SF dont il n’existe que trois ancêtres antérieurs (dont un également rédigé par Lem, dans Eden) et qui ne deviendra courante dans le genre que plusieurs décennies plus tard. Sur ce point et sur d’autres, c’est un roman de Hard SF tout à fait remarquable, du Peter Watts bien avant l’heure, montrant que ce n’est pas l’être le plus évolué, le plus conscient ou le plus intelligent qui prend l’avantage sur ses concurrents… bien au contraire. Mais ce roman est aussi un anti-Space Opera, montrant que la soi-disant toute puissante technologie humaine ne peut pas tout résoudre et que notre espèce n’est peut-être pas destinée à occuper ou transformer chaque monde, ni à détruire toute espèce qui menace un homme. L’Invincible ressemble à Solaris dans la futilité des tentatives de communication avec l’Autre, mais s’en démarque radicalement dans le fait que si la planète Solaris est le triomphe de l’évolution d’une biosphère, qui finit par être intelligente à l’échelle d’un monde entier, la Nécrosphère de Régis III relève de principes totalement opposés.

Sur le papier, voilà donc, a priori, un roman de SF de tout premier plan. Oui mais voilà, si le fond est suprêmement intéressant, surtout pour un texte aussi ancien, la forme ne suit pas du tout. La narration est extrêmement froide, tenant presque plus du rapport que d’un récit vivant, et les personnages, même les deux principaux, sont des spectres sans âme ou presque. De plus, une fois l’explication sur la nature et les origines de la Nécrosphère donnée, le reste du livre n’a plus guère d’utilité, et vous pourriez en arrêter la lecture sans rien manquer d’essentiel. On ajoutera que le propos (la traduction?) fait vieillot, avec ses moteurs atomiques, ses robots très Pulps et ses rayons d’antimatière de la mort-qui-tue (même si ces derniers catalysent une scène de combat ultra-spectaculaire). On conseillera donc plus sa lecture à l’historien de la (Hard) SF qu’au lecteur moyen.

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L’Œuf du dragon – Robert Forward

À vénérer… ou à fuir !

Le 22 mars 2023, sortira chez Mnémos la réédition de L’Œuf du dragon de Robert Forward, célèbre livre de Hard SF dont je vous parlais déjà dans le Guide de lecture consacré à ce sous-genre qui, vous le savez sans doute, est un de mes sujets de prédilection sur ce blog. D’habitude, je ne signale ni les rééditions, ni les sorties au format poche, seulement les traductions de romans qui ont été chroniqués sur le Culte à partir de la VO. Mais là, il s’agit d’un ouvrage si particulier qu’il m’a paru important de bien vous expliquer dans quoi, exactement, vous allez vous engager en cas d’achat. Premier point, c’est vraiment le type de bouquin taillé avant tout pour le pur et dur de la Hard SF… pas tout à fait la plus extrême (il y a « pire »), mais pas si loin que ça tout de même ; et surtout, on rejoint ici les pires clichés sur ce sous-genre, dans le sens où on a nettement plus affaire à un essai à peine déguisé qu’à un roman, tant l’intrigue, les personnages et le style sont basiques, dirons-nous.

La majorité d’entre vous va donc être d’autant plus tentée de fuir L’Œuf du dragon que sa couverture est insipide (j’imagine très bien ce qu’un Manchu aurait pu faire à la place, et je me lamente…), son prix (22 euros) assez élevé pour une réédition d’à peine 372 pages (on saluera toutefois le fait que Mnémos rende ce titre à nouveau disponible en français), sans compter qu’à part ceux qui suivent des blogs spécialisés en Hard SF comme le Culte, Quoi de neuf sur ma pile ? ou L’Épaule d’Orion, le nom de l’auteur risque de ne pas évoquer grand-chose. Et pourtant… Malgré ses défauts, on est ici sur un livre qui, dans son registre très particulier, à tout du chef-d’œuvre absolu, un pur concentré de Sense of Wonder comme on n’en voit plus, de nos jours, que très rarement. Avant de prendre une décision d’achat / lecture, je vous recommande donc vivement de parcourir la critique très détaillée que j’avais écrite en 2018. Elle devrait, si j’ai bien fait mon boulot, vous fournir tous les éléments nécessaires pour pencher d’un côté… ou de l’autre  😉

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Projet dernière chance – Andy Weir

Retour en force pour l’auteur de Seul sur Mars !

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 105 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Après un Artémis en demi-teinte, Andy Weir revient avec un troisième roman, Projet dernière chance, difficile à résumer tant même en dire peu, c’est déjà en dire trop. Mais prêtons-nous donc à l’exercice : un homme se réveille d’un coma artificiel, s’aperçoit qu’il est amnésique, que son corps a été entretenu par un dispositif robotisé, et que dans la même salle que lui, se trouvent deux autres personnes, mortes depuis si longtemps qu’elles sont momifiées. La mémoire lui revient peu à peu et dans l’ordre chronologique (la narration va alterner entre des chapitres dans le présent et d’autres situés dans un passé de plus en plus proche à mesure que l’intrigue avance), et il découvre qu’il est en fait dans un astronef, très loin de la Terre, dont il se rappelle qu’elle est en danger de mort et qu’il est donc chargé de sauver. Le tout en réglant les nombreux problèmes scientifiques et techniques qui ne vont pas manquer de se présenter. Le lecteur peut, à ce point du livre, légitimement se dire qu’après Seul sur Mars, l’auteur tente de nous rejouer la même partition, mais dans l’espace, cette fois. Sauf que ledit lecteur se trompe : car si ses deux camarades sont morts, notre héros n’est, pour autant, pas seul dans son coin perdu de l’univers ! Continuer à lire « Projet dernière chance – Andy Weir »

Sur la Lune – Mary Robinette Kowal

Laborieux

Le 2 novembre 2022, paraîtra chez Denoël, dans la collection Lunes d’encre (et sous une couverture insipide…), le troisième volet du cycle Lady Astronaut, Sur la Lune, après Vers les étoiles et Vers Mars. J’ai, pour ma part, lu ce roman en VO (sous le titre The Relentless Moon) il y a plus de deux ans, et j’y suis allé à l’époque sur la pointe des pieds, car si le tome 1 avait été une très bonne lecture (à quelques défauts près), son successeur s’était révélé bien moins convaincant, de mon point de vue du moins.

Toute la question était donc de savoir à quel niveau de qualité allait se situer Sur la Lune. Si ce nouveau livre est meilleur que son prédécesseur (dont il ne constitue pas la suite directe, mais se déroule plutôt -majoritairement- en parallèle), il ne l’est toutefois pas dans d’énormes proportions, et certainement pas au niveau de Vers les étoiles. Il souffre notamment terriblement d’un ton plat et d’un manque d’immersion jusqu’au début du dernier tiers, ainsi que de personnages ayant une intelligence à géométrie variable, une combinaison de facteurs qui a fait que j’ai trouvé le temps terriblement long et que les moments de plaisir, s’ils ont existé, ont finalement été à la fois rares et tardifs. Seuls les trente derniers % (et encore, sur certains plans seulement) ont été au niveau que j’attendais, la meilleure partie restant l’épilogue, fort savoureux (et qui constitue aussi un tout petit bout de suite directe du tome 2, dont il éclaire cependant également certains événements d’un autre jour, c’est à signaler).

Si vous souhaitez en savoir plus, mon analyse complète (de la VO) se trouve sur cette page.

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Flowers like needles – Derek Künsken

Inattendu mais intéressant

Je continue mon exploration de la bibliographie de Derek « Le Magicien quantique » Künsken, qui est loin de s’arrêter au cycle de L’évolution quantique, mais comprend également des nouvelles (à vrai dire, l’auteur canadien a longtemps été connu pour exercer exclusivement dans la forme courte) comme Flowers like needles, initialement parue dans le numéro de Mars / Avril 2021 de la revue Asimov’s Science Fiction, et qui sera également à l’affiche de The Year’s Top Hard Science Fiction Stories 6, qui sortira dans huit jours (avec un bataillon d’autres écrivains de Hard SF de premier plan : Greg Egan, Nancy Kress, David Moles, Ray Nayler, Hannu Rajaniemi, etc., excusez du peu !). Sachez que vous pouvez lire gratuitement (en anglais) le texte de Künsken ou bien le télécharger sous forme de fichier pdf à cette adresse (une excellente initiative, qui permet de le transférer facilement sur liseuse, au pire moyennant un changement de format de fichier via Calibre, ce qui rend tout de même la lecture plus agréable que sur un moniteur). Notez que cette nouvelle reprend l’univers d’une novelette parue neuf ans plus tôt, The way of the needle.

Si je m’attendais évidemment à un texte de Hard SF (plan sur lequel il remplit parfaitement son contrat) et de Planet Opera (un genre que Künsken maîtrise à la perfection, vu la grande qualité de cet aspect dans The House of Styx), j’ai en revanche été surpris par son aspect conte philosophique à base d’adeptes des arts martiaux, auquel je ne m’attendais en revanche pas du tout. Pour être parfaitement honnête (c’est le credo de ce blog, après tout), si j’avais réalisé la chose avant, je pense que je serais allé vers Flowers like needles un peu à reculons, tant le mélange Hard SF / Wuxia m’aurait paru improbable. Surtout quand on sait qu’il met en jeu des créatures ressemblant aux Pradors de Neal Asher, donc des « crabes » intelligents. Et pourtant, aussi ahurissant que cela puisse paraître, ça fonctionne, et ça fonctionne même très bien ! Comme quoi, méfions-nous des préjugés littéraires  😉 Continuer à lire « Flowers like needles – Derek Künsken »