Les portes, oui, de l’Éden, huuuum, pas vraiment !
The doors of Eden est, au moment où je rédige ces lignes, le dernier roman en date d’Adrian Tchaikovsky… mais ça ne va pas durer. Si vous connaissez l’auteur et / ou suivez avec assiduité ce blog, vous avez pris la mesure de son impressionnante productivité, et vous vous doutez donc qu’il y a d’ores et déjà pléthore de sorties à venir dans le pipeline. De fait, sont prévues en 2021 (à ma connaissance) les suites de Chiens de guerre et de The expert system’s brother, plus un texte indépendant appelé One day all this will be yours. Ce qui nous conduit à peine en… mars. Autant dire qu’il y en aura probablement d’autres !
Nous en avons déjà parlé, mais Tchaikovsky suit deux tendances parallèles : en Fantasy, il est clairement aux avant-postes, exploitant surtout (mais pas seulement) ses sous-genres les plus novateurs, Arcanepunk (Fantasy industrielle, disons) et Gunpowder Fantasy ; tandis que tout au contraire, en SF, ses nombreuses novellas récentes montrent une forte tendance à revisiter à sa manière les sous-genres, thématiques et tropes science-fictifs, le plus souvent en rendant un hommage appuyé aux écrivains qui s’y sont le plus particulièrement illustrés (et même ses romans pleine taille n’échappent pas à des hommages explicites : on se souviendra notamment de ce que Dans la toile du temps doit à David Brin, entre autres). The doors of Eden relève de ce second cas : Tchaikovsky y revisite la thématique SF des mondes parallèles (j’invite ceux qui maîtrisent mal les différences entre Uchronie, mondes parallèles et Portal Fantasy à lire mon article -voire celui-ci, qui donne plus de détails sur la Portal / Crossworlds Fantasy- ou mon livre), forgeant au passage le point clef de son worldbuilding en fusionnant d’une façon démentielle les axes centraux de deux des meilleures nouvelles de Greg Egan et Hannu Rajaniemi (excusez du peu !), et allant plus loin dans cette thématique SF pourtant rebattue (mais étrangement à la mode ces derniers temps : cf le récent The space between worlds, le prochain Dean Koontz, etc) que la plupart des écrivains avant lui.
Avec un auteur de talent comme Adrian Tchaikovsky, on aurait pu s’attendre au meilleur, à un roman du calibre de Dans la toile du temps ou de son encore plus magistrale (si, si !) suite, Children of ruin ; hélas, le britannique livre une copie peu convaincante, lourdement influencée, sur bien des plans, par (entre autres) Charles Stross, balourde dans son message progressiste, peu convaincante dans ses explications pseudo-scientifiques, portée (ou pas) par des personnages aussi caricaturaux que peu crédibles, demandant parfois une suspension d’incrédulité un peu trop importante au lecteur (des Trilobites spatiaux SANS technologie, vraiment ?), quand il ne sombre pas tout simplement dans le grotesque (Skavens Cyberpunks ou Lémuriens fascistes, entre autres). The doors of Eden suit hélas, en cela, la tendance de presque tous les textes récents de l’auteur, même si cela affectait jusqu’ici plus les courts que les longs : plus il produit, plus la qualité baisse. Reste quelques bons moments ou idées, comme nous allons le voir. Lire la suite →