Black ships seen south of Heaven – Caitlin R. Kiernan

Une nouvelle presque aussi intéressante que son prélude, mais dans un genre légèrement différent

mi_goBlack ships seen south of Heaven est une nouvelle néo-Lovecraftienne signée Caitlin R. Kiernan, que l’on peut trouver dans le volume 4 de l’anthologie Black wings (of Cthulhu), dirigée par le plus grand spécialiste de l’oeuvre du génie de Providence, S.T. Joshi. La nouvelle Agents of dreamland, dont je vous ai récemment parlé, en constitue un prélude (il est d’ailleurs amusant de constater que ce dernier est en fait plus long -et à mon avis plus intéressant- que le texte d’origine). Si celui-ci relevait plutôt du volet science-fictif de la bibliographie de Lovecraft, Black ships navigue, lui, dans des territoires plus complexes, certes toujours connotés SF (post-apo, horrifique), mais mélangeant aussi certains éléments plus mythologiques.

En tout cas, du fait de sa prodigalité en la matière ou de la haute qualité, en moyenne, des textes proposés, Kiernan s’inscrit sans conteste parmi les écrivains de premier plan des Lovecrafteries modernes, alors que son nom sera sûrement moins souvent cité que ceux d’Elizabeth Bear, Victor LaValle ou Kij Johnson.  Continuer à lire « Black ships seen south of Heaven – Caitlin R. Kiernan »

A gathering of ravens – Scott Oden

Quand un orc du Seigneur des anneaux rencontre Vikings (la série) et une version Grimdark de L’épée brisée de Poul Anderson, on balance son pognon sur son écran et puis c’est tout ! 

gathering_ravens_odenA gathering of ravens est un stand-alone qui a comme particularité de s’insérer dans une trilogie de romans pouvant également se lire de façon indépendante et partageant le même héros, Grimnir. Le second tome (Twilight of the gods) est d’ores et déjà annoncé. Le premier, donc, a été publié en Angleterre en 2017 (par une des subdivisions de Macmillan), et sera à nouveau publié, cette fois aux USA (par Bantam), le 17 mai 2018. L’auteur, Scott Oden, de nationalité américaine, a écrit un autre livre de Fantasy Historique, ainsi que des romans Historiques tout court.

Il s’agit d’une Fantasy relativement proche de L’épée brisée de Poul Anderson (et j’insiste sur le « relativement »), mêlant le monde réel des Xe et XIe siècles ainsi que la magie et les mythes scandinaves et celtiques. Toutefois, ce livre relève aussi (et peut-être surtout) du Grimdark, et met en scène l’antihéros le plus brutal et amoral vu, probablement, depuis le Kane de Karl Edward Wagner (avec lequel il partage d’ailleurs certaines caractéristiques -mais pas toutes-). Mais un Kane qui serait… un orc, tout droit (ou presque) sorti de chez Tolkien ! Traversée par des scènes d’une rare puissance, non dépourvue d’un fond que ne renieraient ni David Gemmell, ni Marion Zimmer Bradley, magnifiée par un personnage qui balaye les faibles d’un revers de sa lame tel un Conan orc adepte de Loki et non de Crom, cette oeuvre, dont on peut s’étonner qu’elle ne soit pas plus connue, impressionne par sa noirceur, son côté crépusculaire et sa brutalité.   Continuer à lire « A gathering of ravens – Scott Oden »

Semiosis – Sue Burke

Un dernier quart très intéressant… à condition de patienter jusque là !

semiosisSue Burke est une auteure américaine ayant longtemps vécu en Espagne (elle réalise d’ailleurs des traductions de l’espagnol vers l’anglais) et exerçant le métier de journaliste. En plus des textes liés à son activité professionnelle, elle a aussi rédigé des essais, de la poésie et des nouvelles. Semiosis est son premier roman à proprement parler. Ecrit en… 2004, il n’est publié que cette année par Tor. Une suite paraîtra en anglais en octobre 2019, ce qui n’est guère étonnant vu la réputation flatteuse qui précède ce livre et sa fin qui est loin de tout régler.

Semiosis est, en anglais, un terme de sémiologie lié aux signes et à la communication (sans doute la thématique centrale d’un roman qui en brasse de nombreuses), et plus précisément à la signification d’un signe en fonction du contexte. L’auteure l’étend aux signes chimiques, auditifs, visuels ou tactiles utilisés pour transmettre de l’information. Ce roman nous fait suivre, sur plusieurs générations, une colonie humaine établie sur une planète extrasolaire où la forme de vie dominante est végétale. C’est donc (entre autres) une histoire de premier contact, mais plutôt inhabituelle.  Continuer à lire « Semiosis – Sue Burke »

The Guns of empire – Django Wexler

Je finis l’année 2017 en beauté !

guns_of_empireThe guns of empire est le quatrième et avant-dernier roman du cycle The shadow campaigns, par Django Wexler. Il suit la tendance constatée chez ses prédécesseurs, à savoir le fait d’être (au moins) un peu meilleur que le tome précédent, qui lui-même était (au minimum) un (très) bon livre. C’est d’ailleurs parfaitement reflété dans la progression des notes sur Goodreads pour les tomes 1-4, respectivement 4.04, 4.12, 4.26 et 4.31 (pour vous donner un point de comparaison, les trois tomes des Poudremages sont à 4.16, 4.35 et 4.35). Autre constante dans l’évolution entre les tomes : celle de suivre méthodiquement les étapes de l’épopée Napoléonienne, le personnage de Janus étant (plus ou moins) un analogue de l’illustre personnage. Le tome 1 est donc un équivalent de la Campagne d’Égypte, le 2 montre la Révolution, le 3 la Terreur, ce qui fait que, logiquement, ce tome 4 aurait dû nous montrer le Consulat et éventuellement la proclamation de l’Empire. Or, l’auteur a, cette fois, choisi de diverger un petit peu par rapport au modèle historique : c’est en fait la Campagne de Russie, très postérieure, qu’il met en scène.

Sachez que la lecture des deux Novellas The penitent damned et The shadow of Elysium est un plus non négligeable pour mieux saisir certains points dans ce roman, même si elle n’est évidemment pas indispensable. En effet, l’auteur fait intervenir leurs deux protagonistes, Abraham et (surtout) Alex, ce qui fait que 1/ vous saurez ce qu’il est advenu d’eux et 2/ vous saisirez mieux les tenants et les aboutissants des événements les concernant.  Continuer à lire « The Guns of empire – Django Wexler »

An alchemy of masques and mirrors – Curtis Craddock

Beaucoup de bruit pour rien

alchemy_craddockAn alchemy of masques and mirrors est le premier roman de Curtis Craddock, auteur américain vivant au Colorado et enseignant l’informatique à des prisonniers dans un pénitencier. Après l’avoir achevé et fait quelques recherches pour la rédaction de cette introduction, je me suis également aperçu qu’il s’agissait du premier tome d’un cycle, The Risen kingdoms, alors que franchement, vu que la fin boucle tous les arcs narratifs, je ne m’attendais pas vraiment à une suite. Même si vu la place accordée au worldbuilding, j’aurais dû m’en douter. Pas sûr, cependant, que je lise le tome 2, vu à quel point j’ai eu du mal à finir celui-ci. Même si il y a certains points que j’aimerais bien voir éclaircis sur l’origine de ce monde.

Sur Goodreads, ce roman bénéficie d’une note de 4.1 (sur un peu plus de 300 évaluations, ce qui reste modeste), et ses lecteurs avaient l’air très enthousiastes. De fait, le mélange de genres proposé (Mousquetaires, sorcellerie, vaisseaux des airs) avait l’air assez original et attractif. Au final, on se retrouve avec un monde auquel il est assez difficile d’adhérer, avec une fausse originalité qui cache en fait un grand classicisme, avec un des deux protagonistes auquel il est malaisé de croire, avec une narration verbeuse et une intrigue convolutée qu’on a hâte de voir se terminer (enfin), après le 18e coup de théâtre et la 27e révélation (en trois chapitres). Bref, je m’attendais à me régaler, et c’est avec un grand soupir de soulagement que je l’ai achevé et que je suis passé à (beaucoup) plus intéressant, à savoir le tome 4 de The shadow campaigns (qui sera la dernière critique publiée sur ce blog en 2017 : il est de tradition, sur le Culte, de finir chaque année sur un genre mal-aimé en France et de commencer l’année suivante de la même façon. Cette fois-ci, donc, nous allons finir sur de la Flintlock et commencer 2018 avec de l’Heroic Fantasy -féminine-). Mais revenons à nos moutons !  Continuer à lire « An alchemy of masques and mirrors – Curtis Craddock »

The guns above – Robyn Bennis

Honor Harrington, capitaine de dirigeable

the_guns_aboveRobyn Bennis est une autrice californienne travaillant dans le domaine des biotechnologies, dont The guns above est à la fois le premier roman et le tome inaugural d’un cycle appelé Signal airship. Le tome 2, By fire above, est attendu en mai 2018. Influencée, de son propre aveu, par (entre autres) Patrick O’Brian, David Weber et Bernard Cornwell, il était logique qu’elle commence par écrire de la SFFF militaire d’influence Napoléonienne. Là où ça devient intéressant, en revanche, c’est qu’elle a choisi de créer un contexte Steampunk / Fantasy (je vais y revenir) dans lequel un équivalent d’Honor Harrington commande… un zeppelin militaire ! Ou comment transposer les combats spatiaux de l’Honorverse dans un contexte à mousquets, Grenadiers, Dragons (les cavaliers, pas les bestioles) et canons ! Le résultat est bluffant, aussi bien au niveau de l’ambiance / immersion que du côté technique (description des dirigeables) ou de dialogues ou personnages principaux très solides, surtout pour une première oeuvre.

La plupart des gens le classifieront en Steampunk (bien que le seul côté rétrofuturiste soit dans la présence de dirigeables évolués dans un contexte Napoléonien, soit un gros siècle avant la période Historique où ce genre de rigide employant de l’Hélium était utilisé à des fins militaires), mais le fait que l’intrigue se déroule dans un monde secondaire (imaginaire) me fait plutôt classer ça, personnellement, dans la Gaslamp / Gaslight Fantasy, même s’il n’y a aucun élément fantastique (encore moins que dans Téméraire, qui, lui, montre des dragons).  Continuer à lire « The guns above – Robyn Bennis »

The red threads of Fortune – Jy Yang

Très différente de la précédente, cette novella est encore une fois franchement bonne

red_threads_yangThe red threads of Fortune est le texte jumeau de The black tides of Heaven (paru en même temps, mettant en scène la même paire de protagonistes, en mettant l’emphase sur l’un d’entre eux dans chacun des ouvrages), les deux ouvrant le cycle Tensorate de l’auteur singapourien (d’expression anglaise) Jy Yang. On sait déjà que celui-ci se poursuivra en 2018 avec deux autres romans courts, The descent of monsters et The ascent to Godhood. Théoriquement, les deux premières novellas peuvent se lire dans n’importe quel ordre, même si les premiers retours de lecteurs anglo-saxons avaient assez fortement tendance à dire qu’il était plus pertinent de commencer par The black tides of Heaven. Et effectivement, après avoir lu les deux, je peux dire que c’était la chose à faire. En effet, The red threads of Fortune se déroule après la fin de son texte jumeau, et ne présente pas les particularités liées au genre dans cet univers de façon aussi détaillée. Vous saisirez beaucoup mieux l’histoire globale des deux romans si vous les lisez dans le même ordre que moi.

Cette novella est très différente de la précédente, qui était un roman d’apprentissage s’étendant sur plusieurs décennies. Cette fois, nous sommes sur un registre différent, puisque le thème principal est la façon de faire son deuil et que l’action se déroule sur quelques jours à peine et dans le même lieu (une même région, pour être plus précis).  Continuer à lire « The red threads of Fortune – Jy Yang »

The black tides of Heaven – Jy Yang

Un univers fantastique unique, où chacun peut choisir son genre

black_tides_YangJy Yang est un écrivain singapourien de Fantasy et Science-Fantasy, ancien biologiste moléculaire, auteur pour des comics, des films d’animation et des jeux, journaliste dans un des quotidiens majeurs de Singapour et communicant pour l’agence locale pour la science, la technologie et la recherche. Il se définit lui même comme queer et non-binaire.

Jy Yang est spécialisé dans la forme courte, qui a été publiée dans un certain nombre de magazines ou autres plate-formes connues (Clarkesworld, Tor.com, etc). Il s’est désormais lancé dans la parution d’un cycle, Tensorate, de novellas : deux ont été publiées en même temps (celle que je vous présente aujourd’hui, ainsi que sa jumelle, The red threads of Fortune), et deux autres sont prévues en 2018. Théoriquement, ces deux textes peuvent se lire dans n’importe quel ordre, mais les premiers retours des lecteurs anglo-saxons m’ont indiqué qu’il valait tout de même mieux commencer par The black tides of Heaven, ce que j’ai donc fait.

Cet univers, apparenté au Silkpunk de Ken Liu, présente de nombreuses particularités qui le démarquent totalement de la quasi-totalité du reste de la Fantasy, mais l’une d’elles est tout spécialement importante : la faculté qu’ont ses habitants de choisir leur genre avant d’arriver à l’âge adulte, via la magie.  Continuer à lire « The black tides of Heaven – Jy Yang »

Of sand and malice made – Bradley P. Beaulieu

Le chat et la souris

sand_malice_beaulieuOf sand and malice made est une novella maousse costaud (plus de 200 pages) qui constitue un « prélude » aux Douze rois de Sharakhaï. Alors attention, par ce terme, il faut comprendre qu’elle se passe avant, pas qu’elle explique des points laissés dans l’ombre par ce roman. Vous ne verrez pas, par exemple, l’enfance de Çeda aux côtés de sa mère, ou les mystérieuses origines de cette dernière. Dans cette novella, notre héroïne a déjà quinze ans (elle atteindra même les seize au cours du récit), ce qui situe donc l’intrigue 3-4 ans avant le tome 1.

Le début peut laisser penser que ce roman est bâti sur les mêmes bases qu’un autre texte court du cycle, In the village where brightwine flows, à savoir une enquête. En fait, il n’en est rien : dans la récente tradition Eriksono-Sandersonienne, Çeda va affronter les enfants des dieux en personne !  Continuer à lire « Of sand and malice made – Bradley P. Beaulieu »

In the village where brightwine flows – Bradley P. Beaulieu

Les Experts : Sharakhaï

beaulieu_nouvelle_sharakai_2Comme de plus en plus d’auteurs anglo-saxons, Bradley P. Beaulieu a complété les romans de son cycle The song of the shattered sands (appelé en français Sharakhaï, du nom de la ville au centre de son univers) par des nouvelles et des novellas. Celle dont je vais vous parler aujourd’hui est la seconde en date, sortie le 11 août dernier (je vous présenterai l’autre dans quelques jours). Sachez aussi que Mr Beaulieu va en publier trois autres (déjà apparues dans diverses anthologies), et qu’il a signé pour les livres 4, 5 et 6 du cycle (et non, ce n’est pas une « trilogie en six volumes », il avait toujours envisagé une saga de cette longueur).

In the village where brightwine flows, donc, est une nouvelle de 65 pages (vendue au prix prohibitif de… 2.99 euros !) centrée sur un des personnages secondaires (mais assez marquant) des Douze rois de Sharakhaï, l’apothicaire Dardzada, le père adoptif de Çeda (qui n’est que vaguement mentionnée et n’apparaît pas dans ce texte). Continuer à lire « In the village where brightwine flows – Bradley P. Beaulieu »