Anthologie Apophienne – épisode 17

Eye_of_ApophisL’anthologie Apophienne est une série d’articles sur le même format que L’œil d’Apophis (présentation de trois textes dans chaque numéro), mais ayant pour but de parler de tout ce qui relève de la forme courte et que je vous conseille de lire / qui m’a marqué / qui a une importance dans l’Histoire de la SFFF, plutôt que de vous faire découvrir des romans (forme longue) injustement oubliés. Si l’on suit la nomenclature anglo-saxonne, je traiterai aussi bien de nouvelles que de novellas (romans courts) ou de novelettes (nouvelles longues), qui sont entre les deux en terme de nombre de signes. Histoire de ne pas pénaliser ceux d’entre vous qui ne lisent pas en anglais, il n’y aura pas plus d’un texte en VO (non traduit) par numéro, sauf épisode thématique spécial. Et comme vous ne suivez pas tous le blog depuis la même durée, je ne m’interdis absolument pas de remettre d’anciennes critiques en avant, comme je le fais déjà dans L’œil d’Apophis.

Sachez que vous pouvez, par ailleurs, retrouver les anciens épisodes de cette série d’articles sur cette page ou via ce tag.

Midstrathe Exploding – Andy Dudak

Midstrathe exploding est une nouvelle signée Andy Dudak, qui, en plus d’être auteur de SF, est aussi un traducteur du chinois vers l’anglais (il a, entre autres, traduit Liu Cixin). Elle a été initialement publiée dans le numéro de Mars-Avril 2020 de la revue Analog. Ce (trop) court texte est assez facile à résumer : par les yeux d’un jeune pickpocket, nous contemplons l’incroyable spectacle de la cité de Midstrathe, qui est en train d’exploser depuis deux siècles, un processus qui prendra encore un millénaire pour s’achever. En effet, un bizarre effet secondaire de la bombe quantique utilisée est que la déflagration est légèrement précédée par un effet temporel qui ralentit à l’extrême le temps dans son sillage. Ce qui fait que les proches des gens pris dans la déflagration, les exaltés religieux, les curieux, touristes ou tout simplement les habitants de la ville qui ne sont, pas, pour l’instant, englués dans cet écoulement temporel différent peuvent observer ce phénomène hyper-ralenti.

Clairement, ce texte n’a pas que des qualités : l’intrigue ne sert pas à grand-chose à part décrire le phénomène, scientifiquement, pas mal de choses ne tiennent pas vraiment la route, et peut-être surtout, le texte est d’une brièveté frustrante, pour ne pas dire quasiment inacceptable, tant il aurait fallu en dire bien plus. Il y avait là, à mon humble avis, matière au minimum à une novella, voire à un roman. Vous allez donc, légitimement, vous demander pourquoi j’ai inclus Midstrathe exploding dans mon anthologie personnelle, en pareil cas : mais tout simplement du fait de l’incroyable sense of wonder généré par cette idée, simple mais géniale, d’une explosion « au ralenti » ! Il y a la SF « intelligente » d’une part, et celle des visions époustouflantes d’autre part : préférant très nettement la seconde à la première, je ne pouvais, malgré les défauts qu’il faut bien lui reconnaître, qu’être fasciné par ce texte !

Entre un soldat puis un autre – Robert Silverberg

Entre un soldat, puis un autre est une nouvelle de Robert Silverberg parue à l’origine dans le magazine Isaac Asimov’s Science Fiction Magazine en 1989, traduite en français cinq ans plus tard, et disponible dans les recueils Le nez de Cléopâtre (dont je vous ai déjà parlé à maintes reprises, et qui est littéralement rempli de textes de grande, voire très grande valeur) et Mon nom est Titan. Je ne vais pas entrer dans les détails pour ne pas vous gâcher certaines surprises, juste vous expliquer les bases de l’intrigue : Francisco Pizarro reprend conscience dans un étrange néant blanc, qu’il suppose être l’au-delà, où ses appels à l’aide, dans un tout aussi singulier espagnol qu’il ne reconnaît pas, restent vains. Jusqu’à ce qu’un premier personnage apparaisse et lui donne une explication aussi extraordinaire qu’à moitié incompréhensible sur son état et sur le lieu où il se trouve. Puis qu’un second homme, moins fantastique mais presque aussi incompréhensible, un certain Socrate, apparaisse à son tour, et que les deux célèbres personnages historiques, qui, séparés par un gouffre temporel et de niveau d’éducation, ne savent rien l’un de l’autre, n’entament la plus étrange (mais aussi, pour le lecteur, amusante) des conversations. Dans laquelle le philosophe grec va peu à peu faire prendre conscience au conquistador de certaines des profondes contradictions de ses actions sur le bon vieux Plan d’existence terrestre !

Si cette nouvelle n’est pas ma préférée des recueils où elle figure, elle reste de très haute volée, une expérience de pensée rendue réelle, un « Et si ? » passionnant, drôle et ludique à la fois. Ses seuls défauts sont sans doute un déséquilibre dans sa construction (même si je ne peux vous expliquer sur quel plan sans divulgâcher) et une fin abrupte (sans compter le fait que l’idée centrale aurait mérité d’être développée sur une plus grande longueur, novella, roman, voire un cycle entier). Néanmoins, il s’agit, à mon sens, d’un de ces textes incontournables pour se forger une culture SF dans le format court.

Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel – Leigh Brackett

Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel est une nouvelle signée Leigh Brackett, parue en VO en 1957 et en VF dans le numéro 179 de la revue Fiction, publié en Novembre 1968. Elle sera prochainement rééditée en français dans le numéro 105 de Bifrost. La Terre, une planète reculée, a été découverte par une Fédération de races humanoïdes plus évoluées, qui l’aident à progresser afin d’en devenir le nouveau membre. Un extraterrestre, spécialiste du contrôle climatique, et sa compagne sont encouragés à se mêler à la population locale afin de mieux la connaître. À court d’essence, ayant envie d’un bon bain et d’un savoureux repas, le couple d’aliens s’arrête dans un patelin de l’Amérique profonde. Il va alors comprendre que certains habitants de ce monde refusent le progrès, le changement, et subir une perte terrible.

Il s’agit d’un excellent texte, haletant, poignant, évidemment centré sur le racisme, quelque part au carrefour de ce monument du cinéma qu’est Mississippi Burning et d’une autre nouvelle de grande envergure, partageant quelques points communs avec lui, Sept vues sur la gorge d’Olduvaï. Une (re-)publication salutaire à l’heure où l’intolérance la plus absolue montre à nouveau son hideux visage.

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8 réflexions sur “Anthologie Apophienne – épisode 17

  1. Robert Silverberg est un auteur que j’apprécie beaucoup. Mais en me replongeant dans mes archives je viens de me rendre compte que je n’ai lu que 6 romans de lui. Il est vrai que 2 d’entres eux m’ont laissé un souvenir marquant: le livre des Cranes et le Château de lord Valentin.

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