Apophis Box – Mars 2022

apophis_box_1L’Apophis Box est une série d’articles… n’ayant pas de concept. Enfin presque. Bâtie sur le modèle des « box » cadeau, vous y trouverez à chaque fois trois contenus / sujets en rapport avec la SFFF, qui peuvent être identiques ou différents entre eux, et qui peuvent être identiques ou différents de ceux abordés dans la box du mois précédent. Pas de règle, pas de contraintes, mais l’envie de créer du plaisir, voire un peu d’excitation, à l’idée de découvrir le contenu de la nouvelle Box. Celle-ci est dévoilée au mitan du mois. Le but étant aussi de me permettre de publier des contenus trop brefs pour faire l’objet d’un des types d’articles habituellement proposés sur ce blog ou dérogeant à sa ligne éditoriale standard, et bien sûr de pouvoir réagir à une actualité, à un débat, sans être contraint par un concept rigide.

Vous pouvez retrouver les Apophis Box précédentes via ce tag.

Réflexion : l’univers-miroir et les doubles maléfiques… en Fantasy *

* At the end of the day, Spock’s Beard, 2000.

Bien que le concept d’un double maléfique du protagoniste ne soit pas inconnu en Fantasy (je pense au Sorcier de Terremer d’Ursula Le Guin ou au dix-neuvième tome de l’interminable saga de Livres dont vous êtes le héros Loup Solitaire, Le combat des loups -dont je vais d’ailleurs partiellement m’inspirer dans ce qui suit), il reste carrément sous-exploité, surtout par rapport à la SF, où le double du héros, mauvais ou pas, est nettement plus répandu. Je pense notamment à l’univers-miroir de Star Trek, un concept développé dans la série originale des années soixante (et qui a donné son nom à un des plus célèbres groupes de Néo-Prog, Spock’s Beard) puis petit à petit décliné dans les autres variantes de ce contexte (que ce soit dans les séries ultérieures, dans les comics ou jeux vidéo -MMORPG compris- associés, etc.). On peut aussi citer, dans les comics DC, le Crime syndicate of America, variante hautement néfaste de la Ligue de Justice (menée par la « Sainte Trinité » Batman / Superman / Wonder Woman) originaire d’un univers parallèle.

Le concept d’univers-miroir est simple à comprendre : il existe un autre cosmos, parallèle à celui dans lequel vivent les héros, et qui, comme l’image renvoyée par un miroir, en est le reflet inversé sur le plan moral / éthique. Vu qu’en général, nos protagonistes sont des parangons de vertu, leurs doubles sont, tout au contraire, des êtres cruels, vils, immoraux (voire amoraux), pervers, pires qu’un facho-nazi-d’extrême-ultra-mega-droite-super-saiyan-2. Et bien entendu, le scénario consiste, en pareil cas, à faire passer les uns chez les autres (les gentils chez les méchants-miroirs, voire l’inverse). Notez qu’une conséquence aussi logique qu’amusante veut que tout au contraire, en pareil cas, les pires super-vilains deviennent les plus grands… héros des univers-miroirs !

On peut appliquer cette idée à la Fantasy : reprenons notre Grand Méchant, le désormais célèbre (si, si) Géhemme, et imaginons que le groupe de grands héros locaux soit parti lui casser la figure, histoire, accessoirement, de l’empêcher de dominer / détruire le monde. Si on prend l’exemple du Seigneur des anneaux, pareil voyage peut impliquer un trajet très long, que ce soit en terme de distance ou de temps. Maintenant, imaginons que pendant que nos héros sont loooooiiiiiiin, une bande de types / nanas leur ressemblant trait pour trait apparaisse sur leurs terres natales ou de départ, qu’ils / elles aient tous leurs pouvoirs mais beaucoup plus mauvais caractère, si vous voyez ce que je veux dire. Il s’agit, bien entendu, de doubles maléfiques des protagonistes, mais à partir de là, diverses explications sont imaginables : il peut s’agir d’une création magique de Géhemme, visant à semer la confusion et la discorde chez ses ennemis tout en frappant leurs arrières ; il peut aussi s’agir d’êtres nés naturellement, originaires d’un univers-miroir maléfique tel que défini plus haut, et qui ont emprunté un passage (créé par Géhemme, naturel, etc.) pour venir dans l’univers de leurs contreparties bénéfiques.

Quoi qu’il en soit, quand les héros, après avoir zigouillé Géhemme, vont vouloir rentrer chez eux, ils vont avoir une surprise de taille : imaginez le fameux nettoyage de la Comté (oui, LA Comté, je suis un puriste de l’ancienne traduction, moi, Môssieur), vous savez, un des deux passages (avec Tom Bombadil / Baie d’Or) scandaleusement omis par Peter Jackson dans les versions longues du Seigneur des anneaux, mais en cent fois pire ; nos héros rentrent chez eux / dans l’équivalent local de Minas Tirith, et soit le truc est rasé de plus près que par Attila, soit, encore pire, il est toujours debout, mais les doubles maléfiques y ont semé la terreur et les autorités locales prennent les héros pour eux et sont bien décidées à les pendre haut et court.

On peut également imaginer le scénario suivant : d’une façon ou d’une autre, les Héros passent dans l’univers-miroir, une version dystopique de leurs propres royaumes. Ils vont alors tenter de ramener la Justice dans la contrée en terrassant leurs contreparties mauvaises ou au moins en fournissant de l’aide aux résistants locaux. Notez que les guerres entre univers parallèles (pas forcément miroirs l’un de l’autre, d’ailleurs) ne sont pas un concept inédit en Fantasy, même si, une fois encore, il est plutôt rare : on citera évidemment le cycle La guerre de la Faille de Raymond E. Feist (et surtout son extraordinaire -et je pèse mes mots- cycle dérivé se déroulant sur le monde des envahisseurs extra-dimensionnels, La trilogie de l’Empire, co-écrit avec Janny Wurts).

Comme on le voit, le concept du double maléfique, individu isolé ou univers entier, offre une multitude de possibilités scénaristiques peu ou pas exploitées en Fantasy, contrairement à la SF.

Un mot sur Bifrost 106

Dans un mois, paraîtra, sous une superbe couverture signée Manchu et représentant un des moholes de la Trilogie martienne, le 106e numéro du magazine Bifrost, auquel j’ai l’insigne honneur de collaborer (à ma modeste échelle). Il sera consacré à Kim Stanley Robinson (KSR pour les intimes), auteur californien dont je vous ai amplement parlé sur ce blog (notamment -évidemment- dans le Guide de lecture du Planet Opera), et dont je vous reparle (cette fois en ce qui concerne la Climate Fiction) dans la V2 du Guide des genres et sous-genres de l’imaginaire, à paraître chez Albin Michel à la rentrée (si tout va bien). Outre les rubriques habituelles, le cahier critique (dans lequel je signe les recensions consacrées à Afterland, Le combat des ombresOlangar 3-, Simulacres martiens et Le serpent) et le dossier (que j’ai trouvé passionnant, et qui a changé ma perception de KSR, que je pensais être plutôt froid alors qu’au contraire, l’interview et la biographie donnent de lui une image chaleureuse ; j’y signe les critiques de Lune rouge -sur le point de paraître en français-, Les menhirs de glace et The ministry for the future), on y retrouve une interview de l’excellente Florence Magnin (où on peut dénicher une info plus qu’enthousiasmante  😉 ) et, bien entendu, quatre nouvelles.

La première, Venise engloutie, illustre parfaitement l’aspect Fiction climatique de la bibliographie de KSR, est un texte de qualité, mais m’a laissé un peu froid. On notera, par contre, une saisissante illustration signée Nicolas Fructus. La seconde, On est peut-être des Sims, émane de la plume de Rich Larson, et bien que j’aime beaucoup ce que fait ce très prolifique auteur d’habitude, là par contre ce texte m’a laissé complètement froid. En revanche, j’ai trouvé très bons ceux de Johan Héliot (Résonance lointaine) et de Tade Thompson (Expiation), ce qui fait d’ailleurs bien remonter ce dernier auteur dans mon baromètre littéraire personnel après un Loin de la lumière des cieux fort peu convaincant.

Kim Stanley Robinson est un auteur absolument fondamental dans bien des domaines de la SFFF (Hard SF, Planet Opera, Cli-Fi, mais aussi Uchronie), et ce Bifrost 106 de très haute volée (sans doute le meilleur depuis la Sainte Trinité 100-101-102) vaut indubitablement le détour, après un numéro 105 spécial Leigh Brackett lui-même de fort bonne tenue.

Si tu es cool, je t’emmènerai chez les Planeurs : hélicoptères, jungle et elfes

Admettons qu’une civilisation humaine avancée débarque dans un coin de son univers resté sauvage, parce qu’on y trouve une substance rare et précieuse ou bien une source d’énergie pour alimenter une société technologique qui en est assoiffée. Admettons que les êtres indigènes vivent dans ce paradis tropical en harmonie avec leur environnement, mais que leur culture primitive ne possède rien de mieux que des arcs ou des lances / harpons à opposer aux hélicoptères de combat et aux armes à feu automatiques des envahisseurs. Par contre, la connexion de leurs shamans à la Nature pourrait leur donner un avantage surprenant, et tous les colonisateurs ne sont pas forcément hostiles. Qui sait, peut-être même une histoire d’amour pourrait-elle se nouer…

Ce scénario, c’est, entre autres, celui d’Avatar ou d’Aquablue, pour rester dans le domaine de la SF. Mais justement, et si nous transposions la chose… en Fantasy, mais en y introduisant quelques modifications qui changent tout ? Après tout, la jungle, le napalm et les hélicoptères (ou assimilés) de Pandora en rappellent d’autres, non ? Imaginons donc le scénario suivant : dans un monde secondaire (imaginaire) de Fantasy, les humains, les Nains et les Orcs se livrent une compétition industrielle, coloniale, géopolitique, voire militaire féroce pour la domination du Vieux Monde. Et justement, dans les lointaines colonies Orientales du Continent du Dragon, on vient de trouver d’énormes gisements de quelque chose de très rare, très précieux et très utile (nommez-le comme vous voudrez : Mithril, Orichalque, Adamantium, Malepierre, Unobtainium, etc.). Les humains s’emparent de ces terres, défigurant les collines recouvertes jusqu’ici d’une luxuriante végétation avec leurs excavatrices et leurs hauts-fourneaux et polluant les fleuves avec leurs immondes rejets chimiques. Les indigènes, une race primitive proche de la Nature nommée les, hum, elfes, oppose une résistance farouche mais désespérée face à la machine de guerre humaine : hélicoptères, avions à réaction, armes automatiques, artillerie, et ainsi de suite. La rumeur dit pourtant que ces êtres pourraient invoquer d’anciennes magies pour leur venir en aide, alors que la sorcellerie n’est, depuis l’âge de la Raison, plus tenue que pour une simple superstition. La situation est sur le point de basculer quand la Compagnie des Mines Orientales reçoit le renfort de l’armée régulière. Un jeune appelé, Jake S. Taylor, séparé de sa section (menée par le charismatique sergent-chef Elias Barnes) lors d’une embuscade, est sauvé (contre toute attente) des bêtes sauvages locales par une belle indigène, Newra. Un amour impossible va alors naître, qui pourrait bien changer le cours du conflit !

Soyons clairs : elfes, flingues et hélicos, ce n’est pas vraiment du neuf, ça fait plus de trente ans que Shadowrun le fait. Et même en Fantasy pure et dure, La souveraine des ombres cumule oreilles pointues et canons, même si, pour le coup, sans Gunships de chez Bell Aircraft. En revanche, si vous ajoutez une surcouche Vietnam à l’ensemble, ça peut donner quelque chose de tout à fait digne de lecture (à mon sens, du moins). Vous imaginez des elfes dans le rôle de guérilleros pseudo-Vietcongs ? Avec Fortunate son, White rabbit ou Somebody to love en fond sonore ?

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16 réflexions sur “Apophis Box – Mars 2022

  1. Comme d’habitude, c’est un vrai plaisir de découvrir ta box qui fourmille de bonnes idées 😊 ça me rend nostalgique du temps où loi aussi, j’en avais 😆
    J’ai hâte de découvrir ce nouveau numéro du Bifrost en tout cas ! Et il me semble que ça fait deux fois que tu trouves la nouvelle de Rich Larson qui y est plutôt bof 🤔

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  2. Il y a un truc que j’aime bien dans Aquablue. C’est le fait de décaler l’archétype du seigneur de la jungle dans un univers de SF.
    Il y a de quoi faire. Un humain abandonné sur une planète lointaine élevé par des indigènes et qui devient le défenseur de la nature face aux colonisateurs et autres criminels. Il y a aussi Valérie Simon qui avait fait un roman dans cet esprit. Mais je pense que là il y a un sillon à creuser en transposant le récit de jungle dans du planet opera / space opera.

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  3. Combien de fois ai-je écouté en boucle White rabbit dans mon adolescence ! (Tout ce qui est lié à Alice au pays des merveilles, de près ou de loin, me fascine).

    J’aime énormément l’idée des mondes-miroirs (tiens donc) et des personnages aux doubles maléfiques ou bénéfiques, que ce soit pour l’intrigue ou pour le côté psychologie inversée des personnages. C’est curieux, j’aime beaucoup ce concept et tout ce qu’il peut entraîner, d’un côté comme de l’autre, mais de tête je me retrouve bien incapable de retrouver des exemples récents qui m’ont marquée (excepté Jekyll et Hyde/ la série Jekyll, et La double vie de Véronique… souvenirs lointains mais marquants, surtout pour le premier).

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    • En exemples récents, tu as toute la seconde moitié de la saison 1 de Star Trek Discovery qui est consacrée aux doubles miroirs maléfiques de certains personnages. De même, Star Trek Online, qui vient de fêter son douzième anniversaire, consacre son arc actuel de missions à l’univers miroir (avec une emphase particulière sur Janeway et Tilly).

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  4. Tes box sont toujours originales, j’aime toujours autant ce concept. J’essaie de me garder un moment tranquille pour les lire, comme maintenant. As tu déjà songé à écrire des nouvelles/romans? Peut être l’as tu déjà fait?
    Avec ta connaissance des littératures de l’imaginaire et ta prose, je serais curieux de te lire autrement que dans tes articles de blog 😉

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    • Merci ! J’ai écrit une courte nouvelle de SF (qu’il faut que je retravaille) et un début de roman de Fantasy spatiale (qu’il faut que je continue). Et j’ai d’autres projets 😉

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