The maleficent seven – Cameron Johnston

Suicide Squad of the Wyld !

Lorsque, en mai 2017, je vous ai fait découvrir la VO de Wyld de Nicholas Eames, un éminent aponaute, l’excellent Olivier Boile, a fait la remarque suivante : « L’idée de départ de ce roman semble tellement évidente qu’on s’étonne que personne ne l’ait eue plus tôt ! ». On pourrait dire la même chose à propos de celle au centre de The maleficent seven, le nouveau roman de Fantasy de Cameron Johnston : s’inspirer à la fois du film Les sept mercenaires (en anglais : The magnificent seven) ET faire non pas d’antihéros, mais carrément de méchants les protagonistes. D’où le titre, The maleficent seven. Chacun de ces éléments, titre y compris, n’étant pas tout à fait nouveau (il y a deux autres romans, dont un de Fantasy, portant le même nom et référencés sur Goodreads), mais c’est leur combinaison qui retient l’attention. Et le concept, similaire à celui du film Suicide Squad, et explicitement posé par l’auteur à un moment, de monstres combattant d’autres monstres. Quand vous saurez qu’en plus, il s’agit (entre autres) de sauver la famille d’un des personnages de l’invasion de sa ville par des hordes d’ennemis, et que les héros ont 60-70 ans (j’y reviendrai), voire plus, le parallèle avec Wyld est également clair. Ce qui a donc conduit, étant donné qu’en plus, l’humour est très présent, beaucoup de critiques sur Goodreads à présenter le livre de Johnston comme un mélange Suicide Squad / Kings of the Wyld.

Comme certaines personnes l’ont fait remarquer sur cette plate-forme, si la formule est pertinente, elle est aussi limitée et peut induire en erreur : en effet, à partir d’un certain point du récit, le mélange humour / Dark Fantasy se transforme en un Grimdark extrêmement gore, sombre et violent, et ça, ça n’a clairement pas plu à tous les profils de lecteur. Personnellement, j’ai adoré ce bouquin, et plus j’avançais, plus j’aimais (la fin et les épilogues sont exceptionnels). Il faut donc être conscient de ce dans quoi vous allez vous engager si vous décidez de lire The maleficent seven : une partie peut vous plaire / remplir le contrat Suicide Squad + Wyld, tandis que la suivante peut ne plus correspondre à vos goûts. Même si, personnellement, je ne pense pas que les lecteurs francophones de Dark Fantasy soient aussi facilement effarouchés que les anglo-saxons (mais bon, lisez le reste de la critique tout de même…).

Il y a quelques jours, je me suis aperçu tout à fait par hasard que depuis que ce blog existe, j’ai pratiquement toujours fait mes meilleures lectures de l’année en août : avec ce roman, et La nuit du faune de Romain Lucazeau en approche, je crois que cette récurrence, ou tradition, appelez-ça comme vous voulez, ne sera pas démentie en 2021 !  😉

Construction, prologue

The maleficent seven est constitué par un prologue, qui se passe quarante ans avant les événements développés dans le reste de l’intrigue, elle-même divisée en trois parties, suivies non pas par un mais par deux épilogues. Signalons que si ce livre n’est pas présenté comme faisant partie d’un cycle (et boucle tous ses arcs narratifs -ou quasiment- à la fin), sa conclusion laisse à penser qu’une suite pourrait potentiellement être possible. La première partie montre le rassemblement de l’équipe, la seconde les préparatifs de la grande bataille ainsi qu’une escarmouche, tandis que la troisième montre le combat final. Les deux épilogues montrent le sort final de trois des personnages.

Notez que dès la première phrase du prologue, on comprend tout de suite que même si c’est Dark, on va tout de même rire (et pas qu’un peu) :

Fortress of Rakatoll, day 23 of the siege. Seven hours before it all went to shit

Dans le prologue, donc, nous faisons la connaissance de Black Herran, redoutable démoniste (sorcière dont le pouvoir concerne les démons) qui, avec son armée de monstres et de bandits, a quasiment mis à genoux le continent d’Essoran. Seule une dernière forteresse se dresse sur son chemin. Ses trois plus proches alliés sont Maeven, une puissante nécromancienne, Amadden, un terrible guerrier qui est à la fois l’amant d’Herran et le frère cadet de Maeven, tandis qu’une autre jeune sœur, Grace, complète la fratrie. Enceinte et ayant vendu son âme à un Duc d’Hellrath (l’Enfer), Black Herran décide, à la veille de l’ultime bataille devant conclure cinq ans de guerre, de disparaître, pour le bien de son enfant à naître (c’est du moins ce qu’elle prétendra plus tard, même si certains auront des doutes vu la personnalité impitoyable de cette femme). Vu que son armée n’était tenue que par la peur de son pouvoir occulte et de sa grande cruauté, et que certains de ses capitaines étaient sans cesse sur le point de se sauter mutuellement à la gorge, l’unité de façade se fissure une fois son départ découvert (ça n’est pas montré dans le prologue, mais raconté bien plus tard dans l’histoire), et des luttes intestines éclatent. Ne pouvant croire à leur aubaine, les défenseurs de la forteresse brisent la horde de Black Herran, mais ne finissent pas le travail. Récupérant leurs anciens royaumes, les nobles mènent alors à nouveau une vie oisive et hédoniste comme si de rien n’était.

C’est alors qu’un certain Prince Faucon, héraut d’une nouvelle religion, celle de la Déesse Brillante, va mener le nécessaire nettoyage à leur place, traquant les anciens capitaines de la démoniste (seuls les plus puissants vont en réchapper) et massacrant les tribus, les mercenaires, les monstres ou les groupes de bandits qui l’ont soutenue, gagnant un grand prestige auprès du peuple. Et quand les nobles vont se réveiller, il sera trop tard : le Prince Faucon impose sa religion et son autorité d’abord à un seul royaume, puis peu à peu à tout le Nord du continent d’Essoran. Il faut dire qu’en gros, c’est la conversion ou le bucher. Et lorsqu’on est soutenu par des fanatiques pouvant manier une meurtrière magie divine, on a les moyens de ses ambitions.

Première partie : les sept mercenaires *

* The magnificent seven, The Clash, 1981.

Quarante ans plus tard. Black Herran a passé tout ce temps dans la petite ville de Tarnbrooke, vivant incognito comme une femme normale, sous le pseudonyme de Dalia, devenant même une des Anciennes du conseil municipal de la bourgade. Elle a donné naissance à une fille et a même maintenant deux petits-fils. Seulement voilà, l’Empire Radieux du Prince Faucon (ainsi dénommé en raison de la forme de son casque) a atteint les limites de son expansion nordique et cherche donc à poursuivre ses conquêtes vers le sud. Vu qu’une chaîne de montagnes barre le milieu du continent (qu’est-ce que ça peut m’énerver cette structuration des intrigues et de la géopolitique par les montagnes en Fantasy… Cf le Mordor), et que le seul point où une vaste armée peut les franchir est la vallée dont Tarnbrooke occupe l’entrée sud, la ville est condamnée à être prise (puis à servir de base logistique lors de l’invasion du Sud), et donc aux conversions forcées, aux exécutions de ceux qui ne seront pas jugés dignes de la Déesse, aux camps de travail et de rééducation. Et bien entendu, « Dalia » ne peut pas laisser faire ça. D’autant plus qu’une fuite vers le sud, balkanisé en une myriade de petites nations esclavagistes, n’est pas une option.

Il n’en reste donc plus qu’une : Dalia doit redevenir Black Herran, et contacter Maeven. On s’en doute, la nécromancienne n’est pas ravie de revoir, après quarante longues années, son ancienne suzeraine, qui l’a trahie. Pourtant, Herran détient un renseignement que Maeven veut absolument obtenir : le sort de son frère et sa sœur. En échange de son aide pour recruter les cinq autres capitaines survivants (les plus redoutables) de l’ancienne armée de la démoniste, lui sera révélé l’endroit où ils se trouvent. Seuls sept personnages (dont Herran et Maeven) aussi puissants ont une chance de faire basculer la bataille. Mais il faut faire vite : il ne reste que trois mois avant la fonte des glaces hivernales et l’arrivée des troupes ennemies.

Et c’est là que, peut-être, se situe une des seules vraies maladresses du livre, ou du moins ce que j’ai perçu comme tel : l’auteur nous déballe tout de suite (à 7% seulement), via les pensées d’Herran, que le Prince Faucon est en fait Amadden, le frère de Maeven, qui a tenté de la tuer (et l’a mutilée) quand Herran a disparu, et a conduit leur sœur Grace (une créature simple et innocente, dirons-nous) dans un lieu inconnu. Sauf que, je vous le dis tout de suite, rien n’est ce qu’il paraît être dans ce livre. Et pour savoir en quoi, il vous faudra lire jusqu’au second épilogue ! Quoi qu’il en soit, Johnston aurait tout aussi bien pu lâcher l’info plus tard, ça ne lui coûtait rien de plus et était plus sympa.

Les plus critiques et vifs d’esprit d’entre vous doivent se demander : « Et les héros, les vrais, de cet univers, où sont-ils ? ». Eh bien Johnston évacue par avance cette objection potentielle à la cohérence de son intrigue en précisant que Herran a essayé de les convaincre d’intervenir, mais que les ordres rassemblant les aventuriers et autres paladins (avec des noms très Wyld, au passage) du camp du Bien se sont révélés trop lâches pour affronter les Inquisiteurs et les Saints Chevaliers de l’Empire. Et comme le dit l’argumentaire de vente du livre sur les sites marchands :

When you are all out of heroes, all that’s left are the villains.

Ce qui nous conduit donc tout droit à l’aspect Suicide Squad de la chose : utiliser le Mal pour combattre le Mal !

Commence alors la séquence de recrutement des cinq autres membres de l’équipe, chacun d’entre eux s’étendant sur un ou plusieurs chapitres. En tout cas, et c’est une remarque qui s’étend à l’ensemble du roman, le propos est narré tambour battant, le rythme ne ralentissant quasiment jamais (et c’est encore plus flagrant une fois que les combats commencent). Maeven, en fine psychologue, va réussir à convaincre chacun de ses ex-compagnons d’armes (qui se détestent cordialement entre eux pour la plupart), en lui promettant ce dont il a le plus envie : de l’aide pour reconquérir ses terres perdues, la possibilité de mener ses expériences comme il l’entend, une bonne baston doublée de la possibilité de venger sa tribu jadis massacrée ou encore l’opportunité de protéger son peuple d’une conquête par l’Empire (pour deux d’entre eux). Cette phase de recrutement, qui dure un tiers (36%, pour être précis) du livre rappelle celle d’un bouquin qui n’a pourtant presque rien à voir, à savoir Le magicien quantique, et d’ailleurs le langage très fleuri de deux des personnages (un, en particulier) et l’humour (noir) omniprésent n’y sont pas pour rien.

Le premier de ces capitaines est Lorimer Felle, le dernier et le plus puissant des vampires. Alors attention, chez Johnston, un « vampire » n’a rien à voir avec ce que vous connaissez (et surtout pas avec les machins de Twilight). Pour le peu qu’en dit l’auteur, on est plus sur un changeforme amérindien croisé avec un Wendigo mangeur de chair humaine. En gros, Lorimer peut se transformer à volonté, passant d’une forme humaine à une bestiale ou semi-bestiale dotée de griffes, de crocs, d’ergots, d’épines et j’en passe, avec de terrifiantes capacités de régénération, la capacité de résister (en riant) à une lance en plein cœur, de massacrer des dizaines d’hommes en quelques secondes, de jeter un membre ou un organe endommagé avant d’en faire pousser un autre, et j’en passe. Malgré cette description, c’est pourtant le plus raffiné des protagonistes, et pas forcément le plus maléfique ou dépourvu d’honneur. Il a un très sympathique acolyte humain, Estevan, très Alfred Pennyworth dans l’esprit, si vous voyez ce que je veux dire. D’ailleurs, il y a un vague petit quelque chose de Batman (mais croisé avec Venom) chez Lorimer.

Le second est Jerak Hyden, l’alchimiste dément qui fait d’horribles expériences sur des êtres humains (ou pas) mais qui est aussi capable de décimer une armée avec ses acides, ses gaz mortels, ses explosifs et ses pièges alchimiques marchant à l’énergie arcanique. C’est, et de loin, le plus antipathique des personnages, archétype du savant fou (qui construit même des « robots » / golems très Clockpunk !) dépourvu de toute empathie. Pour rester dans l’analogie avec les super-vilains, on pense à Doctor Poison chez DC. Tous les autres capitaines ont (du moins en apparence) une motivation plus ou moins noble, mais pas lui. Pourtant, il participe, à son niveau, à l’humour noir (d’une partie) du bouquin, notamment lorsqu’il utilise des cochons pour transporter… mais vous verrez ça, hein, on ne va pas tout divulgâcher non plus  😀

Le troisième protagoniste est Amogg Hadakk, une femelle seigneur de guerre orque, la plus puissante guerrière de sa race. En effet, vous découvrirez que dans cet univers, les jeunes orcs sont indifférenciés et choisissent leur genre, et que mâles comme femelles ne sont jugés qu’en fonction de leur honneur (ils ont un côté Klingon sur ce plan) et de leurs prouesses au combat. Ce qui mène donc à de savoureuses scènes quand, plus tard dans l’intrigue, Amogg ne comprend pas pourquoi les femmes de la ville ne sont pas entraînées comme les hommes. Sans être mon personnage préféré, Amogg reste un des plus sympathiques, et, fort paradoxalement, un des plus humains… alors que c’est une orque ! Elle sera accompagnée dans ses aventures par deux autres membres de sa race. Il y a un petit côté Hulk chez elle, notamment quand elle écrabouille le crâne d’un politicien peut-être sans le faire exprès (oui, c’est gore. et encore, vous n’avez encore rien vu. En matière de nécromancie, de démonologie ou des description très graphique des combats, c’est un des livres de Fantasy les plus extrêmes que j’aie jamais lu). On notera enfin un petit mais très net côté Mjöllnir quand une certaine arme n’autorise un porteur potentiel à la manier que si elle l’en juge digne.

Le quatrième capitaine est Verena Awildan, la reine pirate des îles du sud. J’ai longtemps cru que c’était celui des personnages qui aurait le rôle le plus réduit (alors que c’est probablement celui qui bénéficie du plus grand nombre de chapitres de présentation), mais une large part de l’action lui est réservée au début de la troisième et dernière partie du récit. Elle n’est ni aussi sympathique que certains personnages (elle peut faire preuve de cruauté envers ses propres hommes), ni aussi irrécupérable que d’autres, et aura un rôle majeur sur la fin.

Enfin, le dernier mais non des moindres, mon capitaine préféré, Tiarnach, l’ancien dieu de la guerre des Cahal’Gilroy, une tribu sanguinaire massacrée par les hommes du prince Faucon alors que la divinité était saoule. Vu que dans cet univers, c’est l’intensité de la foi de vos adorateurs en vous ET leur nombre qui vous donnent votre pouvoir divin, Tiarnach est redevenu un simple mortel quand ses fidèles ont été exterminés (il est sous-entendu qu’il y a très longtemps, c’était un homme comme les autres, que son courage et ses prouesses martiales lui ont permis de devenir une sorte de demi-dieu, et que le génocide de sa tribu lui a rendu son état antérieur). Ayant passé des décennies à se lamenter sur ses fautes et sa déchéance, et son incapacité à détruire, à lui seul, le Prince Faucon et son empire, Tiarnach est devenu une titubante et bedonnante épave alcoolique fleurant « bon » le vomi. Sauf que sous la cendre, le feu couve, et qu’il n’a rien perdu de sa faculté à inspirer les hommes ou encadrer et former des soldats ! Du fait de son côté faillible, simple mortel par rapport à ses puissants camarades, de son intérêt sincère pour ceux qu’il est chargé d’entraîner (la milice de Tarnbrooke) et de son langage très « fleuri », ce dieu de la guerre déchu a été un de mes personnages préférés, avec Maeven, Lorimer et Herran (ça se voit que dans les films -et depuis tout petit-, ce sont les méchants que j’apprécie le plus ?).

Cette phase de recrutement est rondement menée, on ne s’ennuie pas une minute et on prend plaisir à découvrir le monde très fantastique (avec ses orcs, ses hommes-insectes, ses vampires et j’en passe) imaginé par Johnston. Notez qu’elle est itérative (à la Never Die) : pour aller recruter Lorimer, Maeven est seule, mais ensuite, elle est accompagnée par les capitaines déjà embrigadés, qui peuvent éventuellement l’aider à en convaincre d’autres. Notez aussi que les pouvoirs, la race ou la nature de certains personnages les ont protégés d’une partie au moins des effets délétères de l’âge (les personnages, après cette ellipse de quarante ans, ont tous au moins 60-70 ans), mais que certains les subissent tout de même plus ou moins, voire complètement (et transitoirement pour d’autres, même si certains facteurs vont les faire disparaître au cours des événements décrits).

Deuxième partie : retrouvailles, fortification, entraînement et escarmouche

Cette partie intermédiaire est la plus courte (seulement 27% du livre) et décrit les frictions lors des retrouvailles avec Black Herran (tous ses capitaines ont une raison de la détester : un serment de féauté non respecté, avoir frustré les orcs d’une glorieuse victoire, être indirectement responsable de la création de l’Empire qui a massacré son peuple, de la fin de l’afflux de ressources permettant de créer de magnifiques et fort létales compositions alchimiques, des attaques contre ses pirates par des gens qui cherchaient à leur faire payer leur soutien naval à la démoniste, etc), les préparatifs pour l’arrivée (en plusieurs vagues) des armées de l’Empire, le recrutement, l’équipement et l’entraînement d’une Milice, la construction de fortifications (Tarnbrooke en est dépourvue) et autres pièges, les embuscades tendues par Lorimer à l’avant-garde adverse, la fabrication des armements alchimiques de Jerak, puis une première bataille, la plus modeste. On en apprend aussi plus sur les pouvoirs et certains préparatifs nécromantiques de Maeven et démoniques de Black Herran (et c’est passionnant : le magicbuilding est sommaire mais très efficace et intéressant).

C’est à ce stade que l’aspect Suicide Squad / Wyld est le plus présent, ainsi que l’humour, même si peu à peu, l’aspect (Grim)Dark monte de plus en plus en puissance. Donc, si quand les premières scènes hardcore commencent à arriver (comme la séance de torture où Lorimer oblige un éclaireur à avaler une de ses propres euh… un de ses attributs masculins, dirons-nous), vous vous apercevez que ce n’est pas le genre de bouquin qui vous convient, arrêtez votre lecture tout de suite, parce que cet aspect va énormément se renforcer dans la troisième partie, la plus longue des trois, qui plus est.

Je ne vais pas m’étendre outre mesure sur ce stade de l’intrigue, sinon pour dire qu’il est toujours aussi vigoureusement rythmé, toujours intéressant, mais pourtant, rétrospectivement, il fait vraiment pâle figure par rapport au suivant !

Troisième partie : LA bataille

Arrive enfin la série de batailles finale. On est d’ailleurs surpris de voir un combat naval ouvrir le bal, alors qu’on ne s’y attendait pas forcément. Et là, déjà, ça commence à envoyer du lourd. On savait que Herran et Maeven étaient capables d’invoquer des forces maléfiques redoutables, et on s’aperçoit que Verena le peut aussi, mais en échange de terribles sacrifices. C’est à l’issue de cet engagement maritime que la situation de nos antihéros va prendre un tour que nous pensons désespéré : pourtant, nous n’avons encore rien vu !

Lors de l’ultime assaut de l’Empire, mené par le Prince Faucon en personne, sur Tarnbrooke, le combat va devenir é-pi-que. Plus que dans Wyld. Plus que dans… eh bien à peu près tout en Fantasy, sauf peut-être dans du R. Scott Bakker ou de l’Erikson, en fait. Avec des démons et des morts-vivants par centaines, des orcs déchaînés, des éclairs et des bombes alchimiques qui pètent dans tous le sens, des seuils infernaux qui s’ouvrent, et j’en passe. On dirait une co-production Olivier Ledroit / Thomas Day sous cocaïne. Et c’est brillant, épique, prenant, mais aussi sanglant, extrêmement (grim)dark, et gore à un point que vous pouvez difficilement imaginer. S’il y avait une rubrique trigger warning (il n’y en a pas), elle ferait au bas mot dix pages. Si, si.

Alors déjà, on est happé par la résistance héroïque (et désespérée) de nos héros, surtout qu’on a appris à les apprécier, pour la plupart, à ce stade. On ne va pas se le cacher, certains ne jouent pas vraiment pour l’équipe mais pour leur pomme, et certains vont assouvir de basses vengeances. Les moins glorieux ou puissants vont souvent se révéler les plus nobles. Et je ne crois pas faire un gros spoiler en disant que certain(e)s vont mourir (très, très, très héroïquement). On approche de la fin, on est là, pantelant, et on croit avoir lu le meilleur du bouquin. On se trompe !

Si la révélation de la fin du récit proprement dit tombe un peu à plat, en revanche le premier épilogue, et surtout le second, sont beaucoup plus surprenants, remettant bien des choses en perspective. Et ouvrant, à mon avis, la porte à une hypothétique suite (ce serait bien !).

Outre le côté épique, gore, explicite et brutal de la chose, je voudrais insister sur une chose : même si il y a de l’humour noir et que c’est de la Grimdark Fantasy, cela ne ressemble pas vraiment à du Joe Abercrombie, la référence qui s’imposera probablement à l’esprit de la plupart d’entre vous. Car d’une part, c’est nettement plus magique, d’autre part, on a moins affaire à des antihéros, pour la plupart des six capitaines et dans le cas d’Herran, qu’à de vrais monstres (dans le comportement et / ou la nature), et qu’enfin, on est plus proche de Glen Cook, dans l’angle de vue « les salauds sont les héros », que d’Abercrombie, avec son « la vie est une chienne putride, nul n’est blanc ou noir, tout est nuances de gris ». Notez d’ailleurs que du point de vue du peuple (ou du lecteur), il n’y a pas de gentils : l’Empire est clairement aussi monstrueux, avec ses buchers, ses camps, son racisme envers les non-humains, ses fanatiques religieux et son endoctrinement, que Herran et ses capitaines. L’auteur le dit d’ailleurs explicitement à un moment :

Monsters roamed the night on both sides of the wall

Quoi qu’il en soit, puisqu’il faut tirer un bilan, je dirais que même s’il ne se place évidemment pas à la hauteur des Erikson et autres Bakker, Johnston a produit, avec ce petit roman de Dark Fantasy très nerveux, épique, sombre, gore, explicite et surchargé en magie noire un petit bijou Grimdark que j’ai personnellement a-do-ré, notamment pour ses personnages assumant sans problème le fait d’être des monstres amoraux, cruels, dévorés par l’ambition, la haine et la soif de pouvoir occulte. Et puis parce qu’il y a des démons et des morts-vivants dans tous les sens, et que ça manque dans une Fantasy récente plus préoccupée de faire passer un message que d’écrire quelque chose de jouissif !

P.S : comme je suis un type sympa, j’ai rassemblé tous les bouquins de Fantasy « à la Wyld » sous un même tag. Vous pouvez aussi aller lire cette critique chez l’autre ursidé inculte (d’Apophis), c’est de la Wyld Fantasy également (je critiquerai ce bouquin moi aussi, mais c’est pas demain la veille).

Niveau d’anglais : aucune difficulté.

Probabilité de traduction : il doit bien y avoir un directeur de collection frustré de s’être fait souffler Wyld par Bragelonne, avec une âme de sale gosse (mais c’est comme ça qu’on l’aime) et qui voudrait bien faire acheter un truc aussi gore par sa très policée maison d’édition, non ?

Envie de soutenir le blog ? 

Ce roman vous intéresse, vous êtes client d’Amazon et souhaitez soutenir le blog ? Passez par un des liens affiliés suivants pour votre achat, cela ne vous coûte strictement rien de plus !

Acheter en version papierKindleaudio

Si vous lisez sur Kindle, vous pouvez également soutenir le blog en vous inscrivant pour un essai gratuit de l’abonnement Kindle, via ce lien, et si vous audiolisez, vous pouvez aider le Culte en essayant gratuitement Audible via ce lien.

***

Retour à la page d’accueil

20 réflexions sur “The maleficent seven – Cameron Johnston

  1. Merci pour le lien ! Et pour la critique.
    Je me suis méfié de ce bouquin et ce que tu décris me le confirme : c’est un poil trop grimdark et gore pour moi ! Mais j’adore la couverture

    Aimé par 1 personne

  2. Oulalala tu m’as vendu du rêve avec ta critique ! C’est vendu (sauf si je lis dans les prochains commentaires qu’une maison française achète les droits 😉 )
    J’ai hâte de découvrir ça ! Merci

    Aimé par 1 personne

    • Ah mais on est d’accord, ça vise une formule., les sept mercenaires-qui-sont-aussi-des-salopards C’est plus le côté épique de la chose (même si ce n’est pas de l’Erikson, c’est certain) et certains tours pendables de la fin qui le font changer de dimension.

      J’aime

  3. Merci pour cette excellente critique. J’ai passé un moment fort agréable à lire ce roman. Parfait en cette période de vacances. J’ai adoré les épilogues.
    J’en profite pour vous féliciter pour la haute tenue de ce blog qui m’a fait découvrir des auteurs excellents. (Ex Djelli Clark)
    (Petit bémol pour le roman de Peter Watts auquel je n’ai pas accroché. Mes attentes étaient peut être excessives pour un titre classé sur la seconde marche du panthéon. J’ai trouvé que c’était trop lent.)

    J’aime

  4. Ping : Le cycle des Magnifiques – une série de novellas Apophiennes ! | Le culte d'Apophis

  5. Ping : The Malevolent Seven – Sebastien de Castell | Le culte d'Apophis

Répondre à Apophis Annuler la réponse.