Anthologie Apophienne – épisode 7

Eye_of_ApophisL’anthologie Apophienne est une série d’articles sur le même format que L’œil d’Apophis (présentation de trois textes dans chaque numéro), mais ayant pour but de parler de tout ce qui relève de la forme courte et que je vous conseille de lire / qui m’a marqué / qui a une importance dans l’Histoire de la SFFF, plutôt que de vous faire découvrir des romans (forme longue) injustement oubliés. Si l’on suit la nomenclature anglo-saxonne, je traiterai aussi bien de nouvelles que de novellas (romans courts) ou de novelettes (nouvelles longues), qui sont entre les deux en terme de nombre de signes. Histoire de ne pas pénaliser ceux d’entre vous qui ne lisent pas en anglais, il n’y aura pas plus d’un texte en VO (non traduit) par numéro, sauf épisode thématique spécial. Et comme vous ne suivez pas tous le blog depuis la même durée, je ne m’interdis absolument pas de remettre d’anciennes critiques en avant, comme je le fais déjà dans L’œil d’Apophis.

Dans ce septième épisode, nous allons parler de textes écrits par trois géants des littératures de l’imaginaire : des nouvelles signées Philip K. Dick et Arthur C. Clarke, et une novella rédigée par Robert Silverberg. Sachez que vous pouvez, par ailleurs, retrouver les anciens épisodes de cette série d’articles sur cette page ou via ce tag.

L’imposteur – Philip K. Dick

Impostor_DickL’imposteur est une nouvelle parue en 1953, et qui a été adaptée en film (Impostor) en 2001, avec, excusez du peu, Gary Sinistre… pardon, Sinise, Madeleine Stowe et Vincent d’Onofrio. Vous pouvez la trouver dans les recueils suivants. La Terre est sous la menace d’une invasion extraterrestre. Spencer Olham fait partie de l’équipe mettant au point une arme devant annihiler ce danger. Il est cependant accusé d’être en réalité un androïde ennemi porteur d’une bombe si puissante qu’elle détruira la planète bleue si un code d’activation, une phrase bien précise mais inconnue, est prononcé. Lui sait qu’il n’est pas l’androïde, et il s’échappe donc, pour prouver son innocence.

Si la fin de ce texte est prévisible, elle ne manque cependant ni d’impact, ni de saveur, à tel point que L’imposteur reste une lecture absolument essentielle dans le format court en SF, tout particulièrement dans sa thématique centrale dont je ne dirai rien de plus. Sa phrase et son image finale vous resteront à jamais en mémoire, croyez-moi !

L’épaisseur des montagnes – Arthur C. Clarke

odyssees_clarkeCertains vont finir par se plaindre (« Quoi, encore du Clarke ! »), mais que voulez-vous, le britannique est un de mes auteurs préférés, et un des maîtres dans l’art de l’écriture de nouvelles, donc… L’épaisseur des montagnes (également connue dans sa première édition française sous le titre -à mon avis bien plus caractéristique de son contenu réel- Exil dans le temps) est une nouvelle d’une quarantaine de pages disponible dans les ouvrages suivants et (lien affilié) sous forme électronique.

Elle comprend trois parties bien distinctes, se déroulant toutes à des points de plus en plus éloignés de notre époque. La première se déroule dans un futur proche, et nous montre que les dernières forces armées du Maître, un dictateur qui a tenté de dominer le monde (il faut se rappeler que la première version de cette nouvelle a été rédigée en pleine Seconde Guerre mondiale), sont en train de se faire écraser. Mais le tyran a tout prévu : il a fait bâtir un bunker secret, invulnérable, caché au cœur de l’Himalaya. Là, il va rester cent ans en hibernation, en attendant que ses ennemis aient disparu (et l’Histoire récente montre que certains maux peuvent resurgir en moins de temps que cela, du fait de l’oubli, de l’inculture ou du révisionnisme). Mais un événement improbable va bousculer ses plans : il va en fait rester en animation suspendue beaucoup plus longtemps qu’un misérable siècle !

La seconde partie de la nouvelle se déroule des millions d’années plus tard. L’Humanité s’est répandue dans toute la galaxie, bâtissant une civilisation où règnent la paix et l’harmonie. Toute dissension, même philosophique ou politique, a disparu. Seul un certain Trevindor, aux nombreux adeptes, conteste l’orthodoxie de cette utopie. Comme la peine de mort ou l’effacement de personnalité sont inconcevables pour une culture aussi évoluée et pacifiste, et comme il ne peut aller nulle part dans l’espace, ayant des partisans partout dans la Voie Lactée, il accepte d’être exilé sur le monde d’origine de l’être humain, via un dispositif temporel qui le projettera (pratiquement) à la fin des temps, dans une ère où le Conseil n’existera plus.

La troisième partie montre son arrivée sur la Terre mourante, où son destin va croiser celui du Maître, le mettant alors devant un défi moral et éthique comme nul autre membre de sa civilisation n’en a jamais connu et liant les deux fils narratifs jusque là séparés.

L’épaisseur des montagnes est, sur de nombreux plans, dont le moindre n’est certainement pas sa vertigineuse échelle temporelle, un texte très marquant, chez un écrivain qui en a pourtant proposé énormément dans le format court.

Tombouctou à l’heure du lion – Robert Silverberg

nez_cleopatre_silverbergTombouctou à l’heure du lion est une novella publiée en 1990 (vous trouverez tous les ouvrages où elle est disponible sur cette page), qui est sans doute responsable de mon intérêt absolument considérable pour l’Uchronie, un domaine de la SFFF qui m’a immédiatement fasciné dès sa découverte (les deux suppléments uchroniques pour le Jeu de rôle GURPS ayant terminé le travail, en en faisant mon second genre préféré au sein des littératures de l’imaginaire après la SF, mais devant la Fantasy). Ce court roman part en effet du principe que la pandémie de peste du quatorzième siècle a tué non pas environ un quart de la population européenne, comme dans notre propre version de l’Histoire, mais 75%, livrant logiquement le continent aux conquérants Ottomans. Dès lors, tout change : pas de conquête hispano-portugaise des Amériques (donc survie des empires précolombiens), pas de colonisation en Afrique, transformation de la langue, de la culture, de la religion, de l’architecture, et ainsi de suite dans ce qui reste de l’Europe (principalement l’Angleterre).

Lorsque l’intrigue démarre, ce monde uchronique a atteint son vingtième siècle. L’Empire Songhaï (qui s’étend sur le Mali et une partie du Niger et du Nigéria) qui, dans notre ligne temporelle, s’est effondré en 1591, est ici toujours influent. Alors que son souverain est mourant, les diplomates de toutes les grandes puissances mondiales (Aztèques, Incas, Ottomans, autres empires africains, etc) convergent vers sa capitale, pour rendre un dernier hommage au monarque à l’agonie et nouer de bonnes relations avec son successeur désigné. Parmi ces poids lourds de cette géopolitique revisitée, on trouve un plénipotentiaire d’une nation qui a récemment regagné son indépendance : l’Angleterre. Un ambassadeur dont le secrétaire va commettre l’impensable : tomber amoureux de la fille du représentant… turc, donc de l’ancien conquérant honni.

Les auteurs des deux GURPS Alternate Earths donnaient quelques recettes pour créer une uchronie intéressante, dont la marginalisation des forts (dans l’Histoire réelle) et l’emphase sur les faibles. Silverberg fait les deux à la fois, évacuant quasiment les européens de l’Histoire et donnant un rôle de premier plan aux empires précolombiens et africains. Même si la naïveté du jeune anglais peut agacer, ce texte reste fascinant bien au-delà de son très intéressant et exotique contexte, notamment via son écriture raffinée. En fin de compte, en plus d’être un très bel exemple d’uchronie (et une porte d’entrée idéale dans ce genre), Tombouctou à l’heure du lion reste tout simplement une excellente lecture, que je vous recommande d’autant plus qu’il est intégré à des recueils où les bons textes ne manquent pas ! (celui-ci par exemple).

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13 réflexions sur “Anthologie Apophienne – épisode 7

  1. j »ai lu  » la porte des mondes  » en 1977 (reçu en SP) dans une édition jeunesse de Robert Laffont avec une superbe couverture signée Moebius. j’ai vraiment découvert les uchronies à ce moment là et c’est aussi pour ce genre. Je vais m’acheter la réédition de l’intégrale. J’ai bien aimé aussi Roma AEterna.

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