Rédemption – Jamie Sawyer

Une initiative à saluer

lazarre_vol2b.inddRédemption est une novella de 117 pages s’inscrivant entre les tomes 2 et 3 du cycle Lazare en guerre de Jamie Sawyer. L’Atalante a d’ailleurs choisi de suivre la numérotation adoptée sur Goodreads, ce qui fait que le dos porte le numéro 2.5, et la couverture la mention « intermède ». Si vous suivez ce blog, vous êtes familier de cette tendance récente des auteurs anglo-saxons à publier des textes courts s’insérant avant ou entre les romans de leurs cycles (pour les livres proprement dits -préludes ou nouveaux tomes s’insérant entre deux tomes existants, parfois écrits des décennies auparavant-, cela se fait depuis longtemps), et permettant soit d’explorer d’autres pans de l’univers, soit de revenir plus en détails sur certains personnages ou événements. C’est dans ce dernier cas que nous sommes ici : Rédemption se déroule quelques heures avant la fin du tome 2 du cycle, et explique son coup de théâtre final.

Je tiens à saluer l’initiative de l’Atalante de proposer au lecteur non-anglophone une de ces novellas intermédiaires, car il y en a de plus en plus et car les éditeurs français les ont jusqu’ici consciencieusement ignorées. Certes, ces textes sont, selon les auteurs et les cycles, d’un intérêt variable (en Fantasy, par exemple, si celles de Brian McClellan sont très intéressantes pour mieux comprendre les motivations du protagoniste principal du cycle des Poudremages, on ne peut pas dire que Sandrunners d’Anthony Ryan apporte grand chose au cycle The draconis memoria), mais certains d’entre eux (ceux de McClellan, donc, ou de Bradley P. Beaulieu, par exemple) sont vraiment de très bonne facture et mériteraient une traduction. On espère donc que, étant donné en plus l’intérêt autour du format court (enfin) impulsé par le considérable succès commercial et critique de la collection Une heure-lumière du Belial’, d’autres éditeurs suivront l’intelligente initiative de l’Atalante (je pense à Actes Sud avec The expanse, par exemple). 

Situation *

* Whispers in the deep, Stimela, 1986.

Nous suivons un nouveau personnage (encore jamais introduit dans le cycle), Taniya Coetzer, mécanicienne sur le cargo commercial franchisé Edison. La novella commence in medias res, via un flashforward / une prolepse d’une page, avant de revenir en arrière quelques heures plus tôt. Vous pourriez donc croire que Jamie Sawyer sabote d’emblée tout suspense, en vous montrant l’héroïne fuyant dans les couloirs d’une station spatiale envahie par les Krells (pour ceux qui ne connaissent pas le cycle Lazare en guerre : des extraterrestres, entre le poisson et l’insecte, possédant une redoutable biotechnologie et inspirés à la fois par le xénomorphe d’Alien et les Tyranides de l’univers de Warhammer 40 000). En fait, il n’en est rien : l’auteur va installer des certitudes et des stéréotypes (en apparence seulement) pour mieux vous surprendre tout au long du texte. Et, de plus, ce dernier se révèle hautement haletant.

Taniya, 21 ans, est sortie de prison il y a deux ans, et depuis, passe de vaisseau en vaisseau et de boulot en boulot afin de faire le long voyage entre son monde natal, l’Arcologie de Zeta Reticuli (je rappelle aux distraits que le système en question est celui où se situe l’action d’Alien et de Prometheus : et hop, un clin d’œil à la saga de plus !), et la station spatiale Cap-Liberté (la plus grosse base militaire de l’Alliance en bordure de la zone de quarantaine Krell), où se trouve sa mère, Renée. Ce voyage, c’est la catharsis de Taniya pour expier la faute qui lui a fait endurer 4 longues années de pénitencier, c’est l’occasion d’obtenir la rédemption (d’où le titre du texte) de sa génitrice (qui n’est venue la voir en taule qu’une seule et unique fois). Vous découvrirez les tenants et aboutissants de l’affaire en lisant le livre.

Cependant, la base opérationnelle avancée Cap-Liberté connaît des problèmes techniques récurrents depuis une bonne semaine, et peu après l’arrivée de l’Edison, leur cause réelle se dévoile d’une façon… explosive. « Bof ! », allez-vous me rétorquer, « on la connaît la cause, ce sont les Krells aperçus dans le flashforward ! ». Ce à quoi je vous répondrai que les choses sont en fait beaucoup plus subtiles et complexes qu’elles n’en ont l’air de prime abord  !

Sans vous dévoiler le fin mot de l’histoire (je vous dirais juste à ce sujet que j’ai cru pratiquement jusqu’à la fin que cette novella pouvait être lue par un complet néophyte du cycle, mais en fait elle nécessite vraiment d’avoir lu les tomes 1 ET 2 -c’est un tome 2.5, après tout- pour parvenir à saisir le twist final), je vous dirais que ce texte très immersif (raconté à la première personne du singulier selon le point de vue de Taniya, avec des flash-backs occasionnels sur l’événement qui l’a conduite en prison) vous projette réellement dans la tête d’une civile qui voit son monde s’effondrer (ses certitudes sur les gens aussi bien que l’infrastructure physique autour d’elle) alors qu’elle est poursuivie par un terrifiant prédateur extraterrestre. On ressent très bien son angoisse, non seulement celle d’être tuée par le monstre, mais aussi celle de ne pas obtenir le pardon de sa mère. De fait, cela rappelle assez fortement les films Alien 2 et surtout 4, via cette course contre la montre et la mort dans un vaisseau (ici une station, mais on va pas chipoter, hein !) promis à la ruine, avec une bête immonde sur les talons. L’histoire est donc haletante et contée sur un rythme élevé.

Au passage, on constate que l’auteur a un faible pour les personnages torturés sur le plan psychologique, même si Taniya est à des années-lumière de la noirceur d’un Conrad Harris.

Je le disais, la fin est réussie (bien que je me demande ce que vont devenir les données et ce qu’elles contiennent), bien qu’assez prévisible (ce qui n’enlève rien à son impact émotionnel). La novella dans son ensemble a aussi pour gros intérêt d’expliquer ce qui est arrivé à la base Cap-Liberté telle qu’on la découvre à la fin du tome 2. Apparemment, sa lecture serait un gros plus pour mieux saisir le début du tome 3.

Un autre intérêt (bien qu’à mon sens mineur) du texte est qu’il vous en apprendra un poil plus sur les nations ou colonies membres de l’Alliance (dont l’Arcologie de Zeta Reticuli, seule et unique aventure coloniale de la République d’Afrique du sud), bien que cet aspect soit à mon avis trop léger pour en constituer l’attrait principal. De même, si la baston est présente, elle est là aussi un peu trop légère pour constituer l’argument de vente principal de Rédemption. C’est, à mon sens, dans la construction des certitudes dans l’esprit du lecteur et du protagoniste, puis leur habile et systématique démolition, qu’est le vrai intérêt de la novella.

We can be heroes, just for one day *

* Heroes, David Bowie, 1977.

Pour terminer, un petit mot pour remercier l’Atalante : il se trouve qu’une citation de la conclusion de ma critique du tome 1 est reproduite sur la quatrième de couverture de cet ouvrage. Ce n’est pas tous les jours qu’un blogueur bénéficie d’un tel honneur de la part de la deuxième plus grosse maison d’édition spécialisée en SFFF en France (j’ai d’ailleurs appris que la même citation était également présente sur le tome 2, ce dont je ne me suis pas rendu compte vu que j’en possède la version électronique), ce qui fait que je mesure le geste à sa juste valeur et remercie chaleureusement les personnes qui en sont à l’origine.

En conclusion

Cette novella, qui se place entre les tomes 2 et 3 du cycle de SF militaire Lazare en guerre, permet de mieux comprendre le coup de théâtre de la fin de La légion. Se déroulant quelques heures avant celle-ci, elle nous fait suivre Taniya Coetzer, jeune femme récemment sortie de prison qui vient chercher sur la station spatiale Cap-Liberté la rédemption auprès de sa mère, alors que l’installation est victime de problèmes techniques récurrents qui trouveront très bientôt une sinistre explication. Explication qui impulsera un texte au rythme enlevé, course contre la montre et la mort très immersive évoquant fortement Alien 2 et (surtout) 4. Le principal intérêt de ce « tome 2.5 » est que l’auteur bâtit, dans votre esprit et celui de la protagoniste, certitude sur certitude pour mieux les démolir, avec une redoutable habileté. C’est donc un roman court hautement recommandable dont il s’agit, qui, par contre, nécessite la lecture impérative et préalable des tomes 1 & 2 pour être pleinement compris (faute de quoi la fin risque de vous laisser fortement dubitatif !).

Et puis bon (séquence auto-congratulation), un roman qui cite votre serviteur en quatrième de couverture ne peut être que bon, non ?  😀

Pour aller plus loin

Ce roman court fait partie d’un cycle, dont il constitue le tome 2.5 : retrouvez sur Le culte d’Apophis les critiques du tome 1, du tome 2 et du tome 3.

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur cette novella, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Lutin sur Albedo,

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18 réflexions sur “Rédemption – Jamie Sawyer

  1. Ah! je vois que toi aussi Alien 4 a fait tilt ! Je me disais aussi que Zeta Reticuli m’était familier. Impossible de savoir ce que cela me rappelait… Ensuite, tu devine que je te rejoins sur ta critique d’un très bon tome « intermédiaire ».
    A quand le bandeau rouge, Apo ?!!

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