* Queen, 1986.
Le processus de création d’un univers de Fantasy, que ce soit pour un roman, un jeu de rôle, un comic / une BD / un manga, une série / un film, un jeu vidéo ou quoi que ce soit d’autre est nommé en anglais le worldbuilding, littéralement « construction du monde ». Un de ses multiples aspects (géographie, économie, géopolitique, systèmes de gouvernement, etc.) est le magicbuilding, qui concerne spécifiquement la magie (en SF, l’équivalent pourrait être l’explication sous-tendant l’éventuel voyage à une vitesse supraluminique). Le présent article se propose de détailler les questions essentielles qu’il faut se poser pour bâtir un magicbuilding digne de ce nom (balancer des tas de trucs sans rien expliquer n’a jamais constitué un magicbuilding, n’est-ce pas), et pourrait donc paraître avant tout destiné aux romanciers ou aux créateurs de jeux ; toutefois, il a aussi (et peut-être même surtout) été conçu pour donner aux lecteurs de ces oeuvres des éléments leur permettant d’analyser celui qui leur est proposé, sa richesse / complexité, sa cohérence, l’effort (ou pas…) mis à créer quelque chose d’original, d’intéressant ou d’élaboré. Un des buts de ce blog a toujours été de donner à ses abonnés une échelle comparative leur permettant de distinguer le bon grain de l’ivraie (compte tenu de leurs goûts personnels, bien entendu), et c’est très clairement un aspect de sa politique éditoriale que je vais désormais intensifier.
Certains, simples lecteurs ou même auteurs, balaient la chose d’un revers de la main. Selon eux, « Un roman n’est pas un jeu de rôle ! », « La Fantasy n’est pas la SF, on ne doit pas tout expliquer ! », « Cela tuerait le mystère et le merveilleux ! ». On rappellera, factuellement, que les passerelles entre romans de Fantasy et Jeu de rôle sont nombreuses (certains écrivains de SFF écrivant des jeux ou des suppléments -et la chose n’est pas récente : on se rappellera par exemple de Walter Jon Williams se chargeant notamment de l’adaptation de son propre univers cyberpunk pour le jeu éponyme-, tandis que d’autres commencent par le jeu de rôle avant de basculer vers l’écriture de romans) et concernent certaines des plus grosses pointures du domaine (ne serait-ce que Jean-Philippe Jaworski), ou que certains des auteurs ayant eu le plus grand succès ces dernières années, que ce soit au niveau mondial ou en France, sont justement caractérisés par et encensés pour leur magicbuilding de pointe (Brandon Sanderson, Robert Jackson Bennett et ses Maîtres Enlumineurs, etc.). Et concernant « Cela tuerait le merveilleux ! », lisez Terremer, notamment, pour avoir un magnifique contre-exemple… On rappellera aussi que certaines décisions sont cruciales si le projet est supposé s’inscrire dans un sous-genre bien précis (une hypothétique Urban Fantasy ne contenant aucune magie / créature surnaturelle ne relève en fait pas de ce registre…), et qu’au-delà du fait de ne pas passer pour un auteur feignant ou sans imagination, le magicbuilding peut générer une intrigue (si, si) en plus d’une explication de la présence de la magie dans votre monde (j’y reviendrai plusieurs fois). Continuer à lire « The A(pophis)-Files – épisode 12 : It’s a kind of magic * – le Magicbuilding »