Le marteau de dieu – Arthur C. Clarke

Clarke a trop utilisé son marteau sur sa propre tête !

Une version modifiée de cette critique est sortie dans le numéro 102 de Bifrost (si vous ne connaissez pas ce périodique : clic). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

Publié en 1993, le roman Le marteau de Dieu est une version étendue d’une nouvelle parue dans le magazine Time l’année précédente. Et le moins que l’on puisse dire est que le procédé est douloureusement visible et très maladroitement réalisé ! L’intrigue est supposée parler de la menace pour toute vie sur Terre que constitue Kali, un astéroïde détecté en 2109 par le programme de surveillance Spaceguard (un postulat de base qui rappelle franchement celui de Rendez-vous avec Rama, ce à quoi il convient d’ajouter deux éléments recyclés de 2001 et 2010), ainsi que de la mission menée par le capitaine Singh pour le dévier de sa trajectoire, mais le roman débute en nous parlant du passé du protagoniste, l’astéroïde n’étant abordé, quand on y pense, que de façon presque marginale durant les deux premières parties du livre. Il faut même attendre plus du tiers de ce dernier pour que l’histoire de la découverte de Kali soit relatée. On a la nette impression que l’astéroïde n’est pas le principal sujet de l’ouvrage, un comble !

Pendant ce temps, l’auteur s’étend à n’en plus finir sur l’existence (pas franchement passionnante) de son protagoniste, et tente de nous dépeindre les changements sociétaux, technologiques ou autres qui ont eu lieu au XXIe siècle et au début du XXIIe. Autant le dire, c’est un échec : ce qui n’est pas du cent fois vu, en mieux qui plus est, chez Clarke ou d’autres, nécessite parfois un considérable degré de suspension de l’incrédulité, comme avec l’hypothèse de départ rien moins qu’absurde de la formation d’un syncrétisme chrétien / islamique. Ce qui est d’autant plus grave qu’il a un rôle non négligeable à jouer dans l’intrigue ! Les parties spécifiquement consacrées à l’astéroïde sont d’une faiblesse intolérable pour un auteur de Hard SF du calibre de Clarke, sans compter une absence quasi-totale de dramaturgie inacceptable dans ce genre de SF apocalyptique (les problèmes se règlent pratiquement aussi vite qu’ils apparaissent !).

La structure inutilement bavarde et aérée de l’ensemble (bien des chapitres sont ridiculement courts et / ou n’apportent rien à l’histoire, manière d’augmenter artificiellement le nombre de pages de l’ouvrage, tout comme le fait de le découper en une quantité excessive de parties) se conjugue à un patchwork de chapitres n’ayant rien à voir avec ceux qui forment l’intrigue principale et insérés n’importe comment entre eux, ainsi qu’à la faiblesse de tous les aspects traités, pour donner un roman dont on se passera aisément, surtout chez un romancier comme Clarke, qui a produit tant d’autres livres intéressants, voire incontournables. Et ce d’autant plus que dans la thématique de l’astéroïde tueur, d’autres (à commencer par Benford / Rostler avec Shiva le destructeur, dont on se demande d’ailleurs si Clarke ne s’en est pas inspiré) ont fait bien mieux.

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4 réflexions sur “Le marteau de dieu – Arthur C. Clarke

  1. Le parallèle avec Benford est parfait et montre l’écart qui s’est creusé entre Clarke et la SF de cette époque (fin des 70 début des 80)
    Restent quand même quelques belles idées chez Clarke comme l’ascenseur spatial (Les fontaines du Paradis ?)
    Quant au bavardage (radotage ?), je serai moins sévère de ce côté : Asimov est terriblement bavard à en devenir pénible mais ça passe avec Pohl (sa série des Heechees) qui doit être plus roublard avec moi ;-). Idem pour Simak ou Heinlein, toujours en ce qui me concerne
    C’est bien que tu reviennes en arrière et que tu mettes en perspective tout ça

    Aimé par 1 personne

    • Merci ! Le Culte est très orienté vers les nouveautés anglo-saxonnes, et un effet secondaire intéressant de certains des dossiers Bifrost auxquels je participe est qu’ils me permettent de revenir sur des textes plus anciens.
      Et pour ce qui est de la mise en perspective, elle me paraît indispensable dans une chronique, quelle qu’elle soit : un roman s’inscrit à la fois dans le reste de la bibliographie de son auteur, mais aussi dans une époque, peut rendre hommage à des œuvres antérieures, il peut lui être rendu hommage dans des livres postérieurs (ou y être parodié, qu’on en forge une antithèse, etc.), donc à mon sens, il faut absolument le placer dans un tableau plus général.

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