To Sail beyond the Botnet – Suzanne Palmer

Bot 9 III : la mission !

Dans ma critique du recueil La Vie secrète des robots de Suzanne Palmer, j’ai évoqué le fait que la première et la dernière des nouvelles qui en font partie (et qui ont toutes deux obtenu un prix Hugo, le plus prestigieux en SF), La Vie secrète des bots et Les Bots de l’arche perdue, sont liées entre elles, partageant les mêmes protagonistes (essentiellement robotiques / IA), la seconde poursuivant l’histoire de la première quelques décennies plus tard. Il se trouve que l’excellent Patrick Creusot, capitaine à la barre du site sfanglo21 (qui, comme son nom l’indique, est consacré à la SF anglophone du XXIe siècle), a eu l’amabilité de me signaler qu’il existait un troisième texte s’inscrivant dans le même « cycle », To Sail beyond the botnet, paru dans le numéro 200 du magazine Clarkesworld et, plus intéressant encore, lisible gratuitement en ligne (dans la langue de Shakespeare) sur cette page. Il s’agit de la suite directe des précédentes aventures de Bot 9, se déroulant un peu plus d’une semaine seulement après la fin de la deuxième nouvelle. Continuer à lire « To Sail beyond the Botnet – Suzanne Palmer »

La Vie secrète des robots – Suzanne Palmer

Quelques nouvelles dispensables, mais, globalement, un recueil franchement recommandable

J’ai reçu ce roman dans le cadre d’un Service de presse fourni par les deux coéditeurs. Merci au Bélial’ et aux Quarante-Deux pour cet envoi.

Suzanne Palmer est une autrice de SF basée dans le Massachusetts, détentrice de deux prix Hugo de la meilleure nouvelle longue (novelette dans la nomenclature des prix littéraires américains), en 2018 et 2022, pour deux textes justement à l’affiche du recueil dont je m’apprête à vous parler, celui qui lui donne (presque) son nom (robots remplaçant bots) et l’ouvre ainsi que celui qui le ferme, Les Bots de l’arche perdue. Toutes les nouvelles de l’ouvrage sont inédites en français, à l’exception de Joe 33%, qui était auparavant au sommaire du numéro 117 du magazine Bifrost, également publié par le Bélial’. Bien que Palmer écrive des nouvelles depuis 2005, publiées dans les plus prestigieux périodiques de SFF anglo-saxons (Interzone, Asimov’s Science-Fiction, Clarkesworld Magazine, etc.) et des romans depuis 2019, elle était, sans lui faire injure, presque totalement inconnue sous nos latitudes, à part par la poignée d’experts qui, justement, lisent lesdits magazines en anglais. Nul doute que son inclusion dans la prestigieuse collection Quarante-Deux, dirigée par Ellen Herzfeld et Dominique Martel, qui nous a donné de nombreux chefs-d’œuvre comme Au-delà du gouffre de Peter Watts ou La Fabrique des lendemains de Rich Larson, va changer cette situation du tout au tout !

On notera une couverture à rabats très réussie (et une qualité d’impression remarquable) signée par un certain Dofresh (jamais entendu parler, mais je vais clairement m’intéresser à son œuvre), et une traduction qui l’est tout autant (mais avec lui, on a l’habitude), signée Pierre-Paul Durastanti.

Comme toujours avec les recueils de nouvelles, je vais brièvement résumer chacune d’entre elles avant de donner mon sentiment et mon analyse à son sujet, et terminerai mon article en donnant une impression plus générale portant sur l’ensemble de l’ouvrage. Les textes sont au nombre de treize, ont été publiés en VO entre 2011 et 2022, et font 20-30 pages en moyenne, quelques-uns atteignant ou frôlant les 45. Continuer à lire « La Vie secrète des robots – Suzanne Palmer »

Nous sommes légion – Dennis E. Taylor

Après la Weird Fiction, la Weir Fiction !

Dennis E. Taylor est un programmeur informatique devenu écrivain de SF, et le moins qu’on puisse dire est que ce vécu professionnel se sent à la lecture de son roman, qui est qualifié de Hard SF (je rappelle que « Hard » signifie dans ce contexte « solide » – sous-entendu sur le plan du réalisme scientifique – et pas « difficile » à lire. Et d’ailleurs, ce bouquin est un magnifique exemple de la chose, tant il se lit avec une admirable facilité), même s’il faut bien s’entendre sur le sens donné ici au terme : c’est de la Hard Science du fait de l’emphase sur la technique (l’ingénierie), pas du fait d’un respect absolu des lois de la Physique telles qu’actuellement comprises (il y a des communications supraluminiques, par exemple). Et je m’empresse de préciser que ce n’est pas QUE ça : en fait, plus on avance dans le livre, plus on s’aperçoit qu’il balaye très large en termes de sous-genres ou de thématiques de la Science Fiction. Je ne suis guère fan de la couverture de l’édition française (vous trouverez celle de l’édition polonaise plus bas, vous verrez la différence…), mais au moins, elle a le mérite de moins crisper un certain lectorat que celle de la VO, qui marque clairement l’aspect (un parmi d’autres) SF militaire de l’ouvrage (même si là aussi, on est aux marges de ce domaine, vu que le personnage central n’est pas vraiment militaire, du moins au début ; vous comprendrez en lisant cette histoire), et elle souligne de façon détournée l’aspect fun et assez ludique du roman.

Nous sommes légion, donc, est le deuxième roman de l’auteur, et surtout le premier d’un cycle qui se nomme Nous sommes Bob en français et Bobiverse en anglais. Sur les cinq tomes de la VO, seuls les trois premiers ont été traduits, et vu que le tome 4 a plus de quatre ans, je suis pessimiste sur le fait que la traduction soit menée à bien. Toutefois, il se passe tellement de choses dans ces romans et ils sont tellement enthousiasmants que vous auriez tort de vous en priver sur le seul prétexte d’une traduction incomplète : j’ai achevé Nous sommes légion en moins de 24 heures, ce qui, si vous me suivez depuis un moment, devrait vous donner un indice très fort de sa qualité. Je ne lis même pas un Honor Harrington à cette vitesse, c’est tout dire !

Histoire de recontextualiser, j’ai acheté ce livre en promo Bragelonne il y a des années, l’ai laissé dormir dans un coin de ma liseuse parce que l’aspect SF humoristique éveillait ma méfiance, puis ai décidé d’y revenir récemment parce qu’il est centré sur 1/ le téléchargement de consciences humaines 2/ dans des sondes interstellaires, deux sujets qui m’intéressent beaucoup. Et là, ça a été la grosse claque : constamment surprenant, constamment réjouissant, ce bouquin, dont j’avais visiblement beaucoup sous-estimé l’intérêt, s’est révélé être une très bonne lecture, au style extrêmement fluide et plaisant, alliant un fond qui, s’il n’atteint pas les sommets himalayens des plus grands maîtres de la Hard SF, n’en est pas moins réel, à une forme qui, elle, rappelle fortement Andy Weir, avec un protagoniste fort sympathique, doté d’un solide sens de l’humour (de geek !), d’un inébranlable optimisme, et surtout d’une faculté à toujours trouver (ou presque) la solution technique qui va le sortir d’une situation périlleuse. Balayant, de plus, de nombreuses thématiques SF, Nous sommes légion me paraît être une très bonne porte d’entrée dans une SF un minimum ambitieuse mais abordable par quasiment tous les profils de lecteur, un tour de force pas si répandu que cela ! Bref, je ne saurais trop vous conseiller de le lire et de le faire lire, vous ne le regretterez pas ! Continuer à lire « Nous sommes légion – Dennis E. Taylor »

One day all this will be yours – Adrian Tchaikovsky

Rate sa cible / devient une référence

One day all this will be yours (« Un jour tout ceci sera tien ») est une novella de SF (126 pages au compteur) sortie en mars 2021, signée Adrian Tchaikovsky. Ceux parmi vous qui suivent le Culte de longue date savent que pendant un bon moment, j’ai tenté de suivre le rythme effréné de publication de l’auteur, jusqu’à ce que différents facteurs me conduisent à arrêter, le principal étant que si le britannique est capable d’écrire de très grands romans, courts ou longs, le nombre de bouquins passables, voire assez mauvais, devient lui aussi de plus en plus conséquent (ou récurrent). Et vu que ni mon budget (surtout) ni mon temps de lecture ne sont infinis… Sur ce court roman précis, j’ai d’autant moins été enclin à tenter cette lecture que le camarade Feydrautha avait émis un avis plus que tiède sur la chose. J’ai toutefois gardé dans un coin de ma tête que malgré tout, il évoquait aussi des concepts fascinants et un livre qui aurait pu devenir une référence en matière de guerre temporelle, un sujet qui, vous le savez peut-être, me fascine totalement.

Il y a quelques jours, je me suis aperçu, par hasard, que le prix de One day… avait drastiquement diminué en version électronique (au moment où je tape ces lignes, il est à 1.19 euros), et je me suis dit « Pourquoi pas, après tout, c’est court, et à ce prix là, pas de regrets à avoir ». J’ai donc commencé ce livre, sans grande conviction, à onze heures passé du soir, me disant que j’allais en lire quelques dizaines de pages avant de m’endormir… ce que j’ai fini par faire, après l’avoir lu d’une traite (ce qui ne m’arrive jamais, même pas avec les UHL), à deux heures du matin  😀  Donc, vous dites-vous peut-être, les critiques du camarade Harkonnen étaient infondées, hein ? Eh bien en fait, c’est plus compliqué que ça, comme nous allons le voir ! Continuer à lire « One day all this will be yours – Adrian Tchaikovsky »

Acadie – Dave Hutchinson

Un retournement de situation et d’ambiance vertigineux

Une version condensée de cette critique est parue dans le numéro 96 de Bifrost (elle est reproduite dans la partie « En conclusion » de cet article). Vous pouvez retrouver toutes mes recensions publiées dans le magazine sous ce tag.

acadie_hutchinsonDave Hutchinson est un auteur britannique exerçant aussi bien dans la forme longue que dans la courte (il est l’auteur de romans, de recueils de nouvelles, de novellas -dont celle dont je vais vous parler aujourd’hui- et est aussi anthologiste, excusez du peu !). Il est titulaire d’un British Science Fiction Association Award du meilleur roman. Il a eu un curieux parcours, ayant fait une pause de deux décennies dans l’écriture pour se consacrer à son métier de journaliste. Dans ses textes, il a l’habitude de mêler les genres : horreur, science-fiction, fantasy, surnaturel, etc. Acadie est son premier texte traduit en France. Vu sa qualité, espérons que ce ne sera pas le dernier (sa novella The push a également l’air très intéressante).

Signalons que la couverture, comme d’habitude signée par Aurélien Police, ne peut se comprendre qu’après avoir achevé le roman. Une novella qui soit cueille le lecteur alors qu’il ne s’y attend pas du tout, soit, plus fort encore, qui réussit à ébahir même le vieux briscard qui avait vu le twist venir. Un tour de force ! Continuer à lire « Acadie – Dave Hutchinson »

Anthologie Apophienne – épisode 9

Eye_of_ApophisL’anthologie Apophienne est une série d’articles sur le même format que L’œil d’Apophis (présentation de trois textes dans chaque numéro), mais ayant pour but de parler de tout ce qui relève de la forme courte et que je vous conseille de lire / qui m’a marqué / qui a une importance dans l’Histoire de la SFFF, plutôt que de vous faire découvrir des romans (forme longue) injustement oubliés. Si l’on suit la nomenclature anglo-saxonne, je traiterai aussi bien de nouvelles que de novellas (romans courts) ou de novelettes (nouvelles longues), qui sont entre les deux en terme de nombre de signes. Histoire de ne pas pénaliser ceux d’entre vous qui ne lisent pas en anglais, il n’y aura pas plus d’un texte en VO (non traduit) par numéro, sauf épisode thématique spécial. Et comme vous ne suivez pas tous le blog depuis la même durée, je ne m’interdis absolument pas de remettre d’anciennes critiques en avant, comme je le fais déjà dans L’œil d’Apophis.

Dans ce neuvième épisode, nous allons parler, comme souvent dans l’Anthologie Apophienne, d’un texte de Lovecraft, mais aussi de Hard SF et, plus étonnant pour ceux qui connaissent un peu mes goûts, non seulement de SF humoristique, mais en plus signée Jack Vance. Sachez que vous pouvez, par ailleurs, retrouver les anciens épisodes de cette série d’articles sur cette page ou via ce tag. Continuer à lire « Anthologie Apophienne – épisode 9 »

La fabrique des lendemains – Rich Larson

Enfin !

fabrique_lendemains_larsonCela fait maintenant plus d’un an et demi que sur ce blog, je vous parle, ou bien nous parlons avec les aponautes en commentaires, de Rich Larson, vingt-huit ans mais… 200 nouvelles au compteur. Si, si. Et outre sa faramineuse, Silverbergienne productivité, le jeune auteur peut se prévaloir d’une qualité moyenne de chaque texte extrêmement élevée. Et je pèse mes mots. Bref, on parle aujourd’hui de lui comme d’un écrivain de SF du calibre des Egan, Liu ou Chiang, un auteur comme on n’en voit typiquement émerger qu’une fois par décennie, au mieux. Et d’ailleurs, ce qui est fascinant, c’est que quelque part, comme le souligne très justement la préface du recueil dont je vais vous parler dans les lignes qui suivent, Larson est la fusion, la synthèse, la quintessence, du vertige scientifique du premier et de la profonde dose d’humanité injectée dans sa prose par le second.

Mais vu que tout le monde n’a pas la chance d’être anglophone, natif de la Belle Province (les Québecois ont réalisé quelques traductions) ou de lire assidument certains magazines de SF (ou des sites comme Tor ou celui de l’auteur), Larson était jusqu’ici resté inconnu du grand public français. Heureusement, Olivier Girard, les Quarante-Deux et Pierre-Paul Durastanti ont conjugué leurs talents et leurs efforts pour vous proposer un recueil de vingt-huit nouvelles (de 2 à 42 pages chacune), La fabrique des Lendemains (qui n’est pas le reflet de son homonyme anglo-saxon, cependant, mais un assemblage original -les deux n’ont que dix nouvelles en commun-). Qui est un fort dangereux concurrent pour le pourtant magistral Eriophora de Peter Watts pour le titre envié de sortie SF de l’année ! Continuer à lire « La fabrique des lendemains – Rich Larson »

Réjouissez-vous – Steven Erikson

L’Atalante surfe sur la vague Erikson

rejoice_erikson_VFAprès onze jours passés plongé dans les 1150 pages des Souvenirs de la glace de Steven Erikson pour Bifrost, j’émerge de ma caverne pour vous parler de la sortie en français, le 23 mai, d’un roman de SF, cette fois, signé… Steven Erikson (argh…), le bien mal nommé Réjouissez-vous. L’ayant lu en anglais (plus de détails dans ma critique), je peux en effet faire le constat suivant : Erikson, référence désormais incontournable de la Fantasy, n’est définitivement pas fait pour la SF, point. Son bouquin avait du potentiel (bien que dans un registre déjà très souvent visité, celui du premier contact avec la race aînée qui va faire franchir -dans la « douleur »- un nouveau paradigme / stade d’évolution à la civilisation humaine), certains passages sont très intéressants, mais ils sont noyés dans les opinions idéologiques / politiques et les inimitiés d’Erikson (dont tout le monde se fout), dans ses geekeries ou ses hommages à la SFFF canadienne (dont Robert J. Sawyer qui devient un personnage badass de premier plan !), dans des changements de point de vue incessants autant que le plus souvent inutiles, dans des longueurs qui noient complètement un message central qui aurait pourtant dû avoir un respectable impact (réflexion sur la nature humaine, les atavismes, la nature de nos sociétés, le viol, le capitalisme, etc), dans des changements de ton (sérieux / humoristique) et des fluctuations dans le niveau d’écriture (très bon / très mauvais) incessants, et finalement torpillés par une fin particulièrement frustrante, et une absence de twist qui aurait pu tout remettre en cause pour le plus grand bonheur d’un lecteur qui ne ressent pour seule émotion que de l’ennui depuis longtemps. En gros, après la découverte de la base lunaire des Gris, vous pouvez refermer votre bouquin, ça ne fait plus que tourner en rond et vous n’apprendrez rien de plus.

Bref, bien que je lui reconnaisse certaines qualités, je ne recommande pas la lecture de ce roman, les sorties beaucoup plus intéressantes ne manquant pas dans les semaines à venir (ahem, Diaspora, hum). Après, chacun fera la part des choses en fonction des arguments présentés dans ma critique, ce qui me déplaît pourrait au contraire être un gros point d’intérêt pour certains d’entre vous. Et si, donc, vous décidez d’acheter ce livre, et que vous souhaitez soutenir le blog, passez par un des liens affiliés suivants pour votre achat, cela n’entraînera pas de surcoût pour vous mais bénéficiera au Culte :

Acheter en version papier

Acheter en version Kindle

Si vous lisez sur Kindle, vous pouvez également soutenir le blog en vous inscrivant pour un essai gratuit de l’abonnement Kindle, via ce lien.

***

Retour à la page d’accueil

Rejoice – Steven Erikson

Erikson ferait mieux de s’en tenir à la Fantasy ! 

rejoicePour ceux d’entre vous qui ont vécu dans une grotte jusqu’ici, Steven Erikson est l’auteur mondialement célèbre du Livre des martyrs, un des cycles de Fantasy les plus importants parus ces vingt dernières années. Après deux faux-départs, la traduction de cette décalogie a été reprise depuis le mois de mai par les éditions Leha, qui ont l’ambition de la mener à terme.

Cependant, Erikson a publié d’autres œuvres, que ce soit sous son pseudonyme le plus connu ou sous son vrai nom, Steve Lundin. Il s’est essayé à la Science-Fiction, notamment avec le cycle Willful Child, qui compte actuellement deux volumes. Le roman dont je vais vous parler aujourd’hui, Rejoice, relève également de cette SF humoristique, au moins partiellement, même s’il tente de développer des thèmes d’une grande profondeur. Clairement, avec ce que propose Erikson en Fantasy et l’idée de départ, on aurait pu obtenir un grand livre, l’équivalent du meilleur de ce qu’un David Brin a pu écrire ; cependant, il semblerait qu’Erikson ait énormément de mal à retrouver, en SF, les qualités d’écriture qui le caractérisent dans son cycle Malazéen, et au final Rejoice est un ballon qui se dégonfle relativement rapidement, et un roman qui laisse une très nette impression de gâchis et d’inachevé. Clairement, vu la réception de ses livres (sur Goodreads, par exemple) de SF, l’écrivain canadien ferait mieux de s’en tenir à la Fantasy.  Continuer à lire « Rejoice – Steven Erikson »