La grande route du Nord – tome 2 – Peter F. Hamilton

Un second tome très supérieur au premier, un très bon roman dans l’ensemble, mais pas dépourvu de (gros) défauts cependant

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Lors de ma critique du tome 1, j’ai eu l’occasion de dire que j’avais trouvé le rythme lent (trop sans doute), que les flash-backs et le personnage d’Angela étaient très intéressants, que le découpage en deux tomes de l’édition française tombait à plat (plus que dans les romans précédents d’Hamilton), que j’avais trouvé ce début de roman moins prenant que les autres livres de l’auteur, et surtout, que celui-ci semblait tourner, pour la première fois, en rond, alors qu’il était jusque là caractérisé par une imagination assez prodigieuse.

Après avoir lu le tome 2, donc l’ensemble du roman, je suis désormais en mesure de nuancer ou d’infirmer complètement certains de ces points, et (malheureusement) de dire à quel point j’avais raison sur certains autres points (le manque de renouvellement).

Avant de donner ma critique détaillée du tome 2 et de l’ensemble du roman, je vais, une fois n’est pas coutume dans mes critiques, commencer par leur conclusion : ce tome 2 et l’ensemble du roman (tome 1 + 2) peut-il vous plaire, est-ce un bon roman de SF ? La réponse est en fait complexe, tout dépend de vos lectures antérieures. Disons déjà clairement que le tome 2 est incomparablement supérieur au tome 1, cette fois-ci le rythme est là et bien là, ça démarre sur les chapeaux de roue et ça ne s’arrête qu’au bout de 520 pages effrénées. Donc une des critiques que j’avais émises sur le tome 1 est du coup sans objet, sur l’ensemble du roman le rythme et l’intérêt sont là, on tourne les pages avec avidité pour savoir le fin mot de l’histoire. Même si du coup, le tome 1 fait bien pâle figure à côté du 2. Et ce même s’il est facile de comprendre qu’une mise en place laborieuse était nécessaire pour pouvoir dérouler l’histoire à cent à l’heure dans la deuxième moitié (=le deuxième tome) du livre (rappelons que l’édition originale anglaise n’est PAS coupée en plusieurs tomes).

Donc, si vous avez lu le tome 1, vous pouvez acheter le 2 les yeux fermés.

La vraie question est de savoir, si vous n’avez PAS acheté le tome 1 car vous attendiez de voir les critiques sur l’ensemble de l’histoire avant de vous décider, si vous devez acheter le tome 1 +2 ou pas. Tout dépend de vos lectures antérieures :

  • Si vous n’avez jamais lu d’autre roman de Peter Hamilton, et que vous ne lisez pas spécialement de SF, foncez, c’est un chef d’oeuvre.
  • Si vous avez lu d’autres romans de Peter Hamilton mais pas le cycle de Pandore, et que vous n’avez pas de connaissances particulières en SF, vous pouvez y aller sans crainte, c’est du très bon Hamilton bien qu’il y ait quelques redites ou thèmes récurrents par rapport à ses romans précédents (je vous invite à vous reporter à ma critique du tome 1 pour une liste de ces thèmes ou personnages / archétypes récurrents).
  • Si vous avez lu Pandore mais que vous n’avez pas de connaissances particulières en SF, vous risquez d’avoir du mal à digérer un des points-clefs de l’histoire, car c’est du copier-coller par rapport à un des points-clefs de Pandore. Je n’en dirai pas plus, mais vous êtes prévenu, notre bon Peter ne s’est pas foulé sur ce coup là. Cependant, ça reste un bon Hamilton et un bon roman de SF, même si pour le coup il y a carrément de la redite.
  • Dernier point : vous êtes comme moi, vous êtes un érudit de la SF, vous avez tout lu ou presque. Et là, vous allez vous dire « ce roman est agréable, mais outre le fait de s’auto-plagier ou presque, le vieux Peter a du jeter plus qu’un coup d’œil à Hyperion et ses suites ou à Heritage de Greg Bear (ou peut-être à Terre et Fondation et à Star Trek Voyager / Star Trek Deep Space Nine d’ailleurs) ». Rhoooo, le vilain ! Cependant, le résultat est fort agréable à lire, même si pour le coup pas original pour deux sous, et puis après tout, copier une personne, c’est du plagiat, se servir de plusieurs sources d’inspiration, c’est de la recherche et tous les écrivains le font.

Donc, pour résumer, si vous êtes un érudit d’Hamilton ayant lu Pandore, et / ou de SF en général, vous allez voir l’écrasante majorité des rebondissements / grosses révélations arriver cent pages avant (à part une, mais rien ne l’annonçait, donc c’était impossible à prévoir) et vous dire « sympa, mais déjà vu ». Même si (et Dan Simmons l’a prouvé avec Hyperion), un roman-catalogue mélangeant en forme d’hommage des thèmes classiques de la SF peut être très réussi. Et le tome 2 de La Grande Route du Nord le prouve lui aussi.

Du bon…

Ceci étant posé, il y a de très bonnes choses dans le tome 2 (et donc du coup dans le roman complet). J’ai déjà dit tout le bien que je pensais du personnage d’Angela, mais à l’issue du tome 2 elle se pose en dangereuse rivale à Paula Myo en personne ! Contrairement au tome 1, les flash-backs ne concernent pas qu’Angela (enfin… pas directement), et je dois dire qu’ils sont extrêmement bien insérés dans la trame de l’intrigue. Si ce livre était un film, il aurait clairement un oscar du meilleur montage. Le manque de rythme et un certain manque d’intérêt (par rapport aux productions précédentes d’Hamilton, particulièrement la trilogie du Vide) que je reprochais au tome 1 sont dynamités dans le tome 2. Rien que dans les 50 premières pages, on passe de « l’extraterrestre n’existe pas » à « mais si il existe » puis à « mais non », Hamilton joue avec nos nerfs sciemment et amène les révélations à un rythme savamment étudié (même si selon vos lectures antérieures, vous pouvez les voir venir longtemps avant).

Et du moins bon…

Voici venue la partie pénible de ma critique : depuis quinze ans, Hamilton est un de mes auteurs de SF préférés, avec le regretté Iain Banks. Et là, je vais devoir être fortement critique envers lui (mais avec nuance).

Dans ma critique du tome 1, j’ai trouvé dommage que contrairement à son habitude, il ait injecté autant de matière de ses romans / cycles précédents, particulièrement Pandore, dans La Grande Route du Nord. Il y a toujours eu des archétypes ou des thèmes récurrents chez lui, mais jamais à ce point. Entre l’univers qui est très, ou même TROP semblable à celui de Pandore (contraste saisissant avec sa capacité antérieure à réinventer chaque fois des univers entièrement différents), et l’histoire qui a pioché un point clef de celle de ce dernier cycle, ça fait un peu trop à mon goût, rien qu’en matière d’auto-« plagiat ». Mais si on ajoute à ça l’emprunt à certains classiques de la SF, là c’est vraiment too much.

J’ai l’impression que pour la première fois, Hamilton a cédé à la facilité, et j’espère que ça ne va pas devenir une habitude. On est loin, de mon point de vue, du mélange original, osé et époustouflant entre Space Op, zombies de l’espace et Al Capone de L’Aube de la Nuit, au tournant du millénaire. Autre point qui me dérange : toute la fin est cousue de fil blanc, j’ai vraiment l’impression que les protagonistes font faire un saut quantique en sagesse à l’humanité en trois secondes huit alors que vu à quel point ils en ont bavé, ça aurait quand même du (logiquement) se finir de façon un peu plus sanglante et laborieuse. Un résultat identique sur le long terme, oui, mais en un claquement de doigt, mouais, ça me paraît quelque peu artificiel. Difficile d’en dire plus sans spoiler, vous vous ferez votre propre idée après avoir lu le tome 2. C’est pareil, je trouve toute la fin comment dire… gnan gnan quoi. Heureusement qu’il y a le flash-forward dans plusieurs époques de l’avenir, parce que sinon, ça m’aurait carrément déçu.
Mais même avec tout ça mis bout à bout, ne vous y trompez pas, vous en aurez quand même pour votre argent avec La Grande Route du Nord.

Ultime regret : le flou qui entoure le Zanth. J’aurais aimé en savoir plus. Surtout après les dernières phrases de l’épilogue (vous remarquerez d’ailleurs le formidable clin d’œil adressé au personnage le plus insignifiant de l’histoire dans la dernière ligne). J’ai par contre énormément apprécié l’utilisation des « mythes » astronomiques Dogons, qui certes n’ont sans doute aucune existence réelle mais qui restent une fantasmagorie fascinante qui, à ma connaissance, n’avait pas encore été utilisée en SF. Chapeau Mr Hamilton.

Un dernier mot : si vous regardez l’image de la couverture sur cette page, vous remarquerez qu’un génie a jugé opportun d’insérer une citation de Ken Follet juste sous « La grande route du nord au carré ». Oui, oui, vous avez bien lu, sur la couverture avant. Pas sur le quatrième de couverture, pas sur un bandeau amovible (technique employée chez Ailleurs & Demain ou par le Belial), non, non, sur la couverture. Personnellement, je trouve ça du plus mauvais goût, j’aimais bien justement que jusque là, nos éditions françaises évitent ce travers des éditions anglo-saxonnes dont la couverture avant se transforme en vraie revue de presse. D’autant plus dommage que l’illustration de couverture est très réussie et parfaitement en adéquation avec la terrible odyssée de 18 jours d’Elston et d’Angela. Toujours au chapitre pinaillage, le « tome 2 » est toujours aussi petit en bas à droite (et d’un autre côté il fait double-emploi avec le « au carré » du titre). Du coup, je ne suis pas persuadé que des gens enthousiastes ou ne lisant pas la quatrième de couverture (et n’ayant pas entendu parler du tome 1) ne vont pas acheter le tome 2 en le prenant pour un roman complet.

En résumé

Un tome 2 très supérieur au premier, et un roman dans son ensemble (tome 1 +2) allant de l’excellent au pas si mal selon vos lectures antérieures. Mais un gros regret sur une histoire pas du tout originale, avec de grosses redites, voir du recyclage de Pandore (monde + histoire), des ficelles bien épaisses, et un espoir que ce ne soit pas un aperçu de la future production de l’auteur. Même si avec les romans sur Nigel Sheldon, la redite est obligatoire, puisqu’il s’agit de l’univers du Vide.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Yogo

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6 réflexions sur “La grande route du Nord – tome 2 – Peter F. Hamilton

  1. Ping : Une nuit sans étoiles – Peter Hamilton | Le culte d'Apophis

  2. grand fan de Peter Hamilton, j’ai tout lu y compris Greg Mandel et le recueil de nouvelles. Le plus faible de ces ouvrages est le recueil de nouvelles. Hamilton a besoin d’espace pour développer ses idées. Je partage en partie votre analyse de la grande porte du nord. Le tome 1 est un peu fastidieux et pas très original parcoure j’ai bien aimé le second et l’ensemble fait un tout très acceptable. je n’ai pas encore lu le tome 2 des Naufragés. Toujours ce problème de disponibilité au Québec mais grâce au culte d’Apophis je vais être au courant plus rapidement. , le tome 1 m’a un peu déçu mais j’attends d’avoir lu le 2 pour me faire une opinion complète. .

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  3. Ping : La grande route du Nord – tome 1 – Peter F. Hamilton | Le culte d'Apophis

  4. Première incursion chez Hamilton, même si le premier Est un peu fastidieux le second m’a enchanté et lu dans la foulée très prenant, j’ai hâte d’attaquer l’aube de la nuit

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  5. Ping : Peter F. Hamilton – Guide de lecture | Le culte d'Apophis

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