Cycle de la Culture – Iain M. Banks – Analyse

Un article, onze critiques, la dimension d’un livre

En avril 2020, je vous ai proposé un premier Guide de lecture du cycle de la Culture de Iain M. Banks, qui se voulait le plus pratique possible, y compris via une longueur contenue, à dessein limitée, afin de ne pas effaroucher le lecteur potentiel. Le corollaire étant que je n’entrais pas dans une analyse approfondie, me bornant à dessiner les contours des ouvrages concernés, histoire de donner aux gens l’envie de les lire… ou d’en savoir plus. Cet article a, si j’en juge par les retours positifs que j’en ai eu, rempli son office, mais il m’a toujours laissé un goût d’inachevé. Ayant, au cours des trois derniers mois, relu de fond en comble le cycle, avec 50 pages de notes manuscrites à la clé, je vous propose aujourd’hui une analyse nettement plus minutieuse de cette saga, tout spécialement axée sur ses deux points forts / saillants, son aspect politique et son worldbuilding. C’est ma manière de rendre hommage à un de mes auteurs de SF préférés, et de marquer le dixième anniversaire de sa disparition.

La quatrième de couverture de l’édition poche (initialement parue en 1997) d’Une Forme de guerre, premier roman écrit par Iain M. Banks s’inscrivant dans le cycle de la Culture mais troisième publié en France, statue :  » Voici le troisième volume de la série de la Culture, la plus grande épopée galactique depuis Fondation, Dune et Hypérion. » À l’époque, cette assertion n’était absolument pas exagérée : il y a un quart de siècle, l’aura de la saga de Banks était telle (alors qu’elle était loin d’être achevée, puisque l’ultime tome ne sortira en VO que 15 ans plus tard) qu’on pouvait effectivement la comparer à ces références. En cette fin 2023, les choses ont pourtant bien changé : si, auprès des nouvelles générations de lecteurs, le rayonnement de Fondation et Dune est intact (peut-être d’ailleurs du fait de la sortie de séries ou films qui leur ont été consacrés et, incontestablement, d’une remise en avant continuelle des romans concernés), l’aura de Dan Simmons est moindre qu’à l’époque (et il est sans doute plus connu pour Terreur que pour autre chose, désormais, du fait de la série qui en a été dérivée) alors qu’il reste, pourtant, l’auteur de ce qui est peut-être le meilleur cycle de SF jamais écrit (les Cantos d’Hypérion) et, aussi sidérant, injuste et cruel, mais néanmoins malheureusement vrai, que cela paraisse, Banks est devenu un quasi-inconnu. Il était donc temps de proposer au lectorat d’aujourd’hui une analyse aussi complète que possible sur ce qui fait l’importance de ce cycle, sans le moindre doute un des plus essentiels sortis, en New Space Opera et SF Transhumaniste du moins, ces quarante dernières années. Un cycle qui réussit le paradoxal et impossible alliage de la noirceur la plus absolue et de l’humour le plus débridé, d’une SF hautement politique qui pourrait être l’héritière de la Nouvelle Vague mais qui, pourtant, déborde de Sense of wonder comme le plus exubérant des Space Opera de l’âge d’or, d’une littérature qui a l’énergie de la Science-Fiction américaine et la finesse de celle d’origine britannique.

Sommaire

Avant de débuter l’examen approfondi de chaque livre, je vais vous résumer ce qu’est la Culture qui a donné son nom au cycle, ce que fait d’ailleurs l’auteur de façon plus ou moins détaillée (et à chaque fois très légèrement différente) dans chaque roman ou dans le recueil de nouvelles L’Essence de l’art, y compris (même si c’est fait d’une manière très détournée) dans Inversions. En effet, chacun d’eux peut, théoriquement, se lire de façon indépendante ou dans le désordre (je vous invite à parcourir mon précédent article sur le cycle pour comprendre à quel point ce postulat doit être nuancé), et il est donc nécessaire à chaque fois de rappeler certains fondamentaux de cet univers (je rassure ceux qui souhaitent lire l’ensemble du cycle, la chose est faite avec suffisamment d’habileté pour ne pas être d’une redondance insupportable quand on enchaine les tomes). Mon résumé s’appuie sur l’ensemble des ouvrages (il est donc plus complet que le tableau de la Culture qui est brossé dans chaque bouquin individuel), sur des déclarations de Banks en interview et sur un article d’une vingtaine de pages écrit par l’écossais, Quelques notes sur la Culture, que vous retrouverez dans le paratexte de Trames. Si vous connaissez déjà les fondamentaux de cet univers, vous pouvez vous rendre directement au Sommaire des critiques.

Avant d’aller plus loin, deux précisions de nature chronologique importantes sont à apporter : premièrement, par rapport à notre propre présent, en tant que lecteurs, au XXIe siècle, certains romans de la Culture se situent dans le passé (Une Forme de guerre se déroule au XIVe siècle, Excession et une partie – les flashbacks – de L’Usage des armes au XIXe), une des nouvelles du recueil L’Essence de l’art se déroule quasiment dans le présent (1977), la plupart des tomes se passent dans un futur plus ou moins lointain (XXIXe siècle pour Les Enfers virtuels, le plus avancé dans la chronologie interne de cet univers), et l’histoire de l’un a lieu à une époque non spécifiée (Inversions). La correspondance avec le calendrier terrien est explicitement donnée par l’auteur dans le paratexte d’Une Forme de guerre, qui décrit la guerre Idirane, et le reste peut le plus souvent être déduit de mentions furtives au fait que le tome X se déroule Y années après cette dernière, voire Z ans après un tome précédent (par exemple, on sait que Trames se déroule vingt ans après « la débâcle de Chel », au centre du Sens du vent). De fil en aiguille, on peut donc voir où chaque tome se situe, et constater que Banks fait des allers-retours dans le temps, la plupart du temps, tout comme il change dans l’écrasante majorité des cas de protagoniste, à quelques exceptions près (les textes étant le plus souvent complètement déconnectés entre eux ou l’apparition ultérieure dudit protagoniste étant plus anecdotique qu’une réelle continuation de ses aventures précédentes). Continuer à lire « Cycle de la Culture – Iain M. Banks – Analyse »

Iain M. Banks – Cycle de la Culture – Guide de lecture

cropped-apophis-ra_symbolBien que le cycle de la Culture de Iain M. Banks (1954 – 2013) soit une des œuvres les plus importantes du New Space Opera et de la SF Transhumaniste, et plus généralement de la science-fiction dans son ensemble de ces trente dernières années, on s’aperçoit fréquemment que les lecteurs débutants n’en ont pas forcément entendu parler, et que beaucoup de fans de SF ne l’ont pas lu en entier. Il faut dire qu’il n’est pas toujours évident de savoir par quel bout l’attaquer, surtout compte tenu de l’assertion selon laquelle les tomes étant « indépendants », on peut les lire dans n’importe quel ordre (ce qui est souvent faux). Il était donc plus que temps d’essayer de débroussailler tout ça, en vous proposant un guide de lecture dans le même esprit que ceux déjà disponibles sur ce blog, qu’ils soient consacrés à Peter Hamilton ou à l’Honorverse de David Weber. Il a été conçu pour être le plus digeste et pratique possible, mais si vous souhaitez plutôt lire une étude du cycle la plus détaillée et analytique possible, mon Guide avancé du cycle de la Culture est à votre disposition  😉 Continuer à lire « Iain M. Banks – Cycle de la Culture – Guide de lecture »

David Weber – Honorverse – Guide de lecture

cropped-apophis-ra_symbolAprès le guide de lecture consacré à Peter Hamilton, je vous en propose un second, cette fois consacré à David Weber, même si cette fois, je n’explorerai pas la totalité de sa vaste bibliographie, mais seulement celle qui s’inscrit dans l’univers d’Honor Harrington (son héroïne la plus connue), un contexte connu en anglais sous le nom d’Honorverse. En revanche, comme pour Hamilton, je vais me restreindre à ce qui est paru en français, vu que l’écrasante majorité d’entre vous ne lit pas en VO.

Un guide de lecture est plus qu’utile, car l’Honorverse est loin de se limiter aux quatorze romans qui forment l’histoire d’Honor Harrington elle-même : il existe en effet deux cycles dérivés (traduits : il y en a plus en VO), plus un ensemble de nouvelles plus ou moins longues, dont certaines peuvent apporter un vrai plus au lecteur désireux de mieux comprendre certains événements ou la psychologie de certains personnages. Sans compter que les trois cycles de romans (le principal + les deux dérivés), dont les événements se déroulent initialement en parallèle, finissent par virtuellement fusionner à partir d’un certain stade, ce qui fait que la lecture de La couronne des esclaves et de Saganami, d’optionnelle, devient indispensable passé un certain stade du cycle principal. Bref, il y a beaucoup d’éléments à intégrer et de parcours de lecture possibles, plus qu’on ne pourrait le croire de prime abord. D’où l’existence de ce guide.

Afin d’alléger cet article, je vais partir du principe que vous savez un minimum de quoi parle cette saga et pourquoi elle est une référence absolue en matière de cycles de SF militaire. Si ce n’est pas le cas, vous en trouverez une présentation succincte dans mon Guide de lecture de la SF militaire. Continuer à lire « David Weber – Honorverse – Guide de lecture »

Peter F. Hamilton – Guide de lecture

cropped-apophis-ra_symbolJe vois souvent passer, sur Babelio, dans la blogosphère, par mail ou sur ce blog, en commentaires, des questions de gens ayant entendu parler de Peter F. Hamilton, souhaitant découvrir l’auteur mais ne sachant pas par quel bout prendre son oeuvre, il est vrai considérable. Le même genre de questionnements se pose pour une personne ayant lu un livre ou cycle, et ne sachant pas trop quoi lire ensuite, surtout si elle sait que certains desdits cycles sont liés entre eux. Il se trouve toujours une bonne âme (dont votre serviteur) pour répondre à ces questions, mais les réponses données sont forcément subjectives, et ne correspondront donc pas forcément aux goûts de la personne. Sans écarter cette dimension là, le présent article va essayer de vous donner le maximum de données pour faire votre choix, sachant que plusieurs parcours de lecture sont possibles, en fonction de vos préférences en tant que lecteur, mais aussi (et c’est bien malheureux) de la disponibilité du livre majeur (il fallait que ce soit celui-là…) de l’auteur.

Si la formule vous plaît ou vous est utile, je vous proposerai d’autres guides de lectures dans le même style (sachant que j’en propose déjà par genre / sous-genre des littératures de l’imaginaire –clic– ou par thématique – clic et clic-). De nombreuses personnes se posent, en effet, des questions similaires à propos (par exemple) du cycle de la Culture de Iain M. Banks ou de l’Honorverse de David Weber, donc il y a de quoi faire.  Continuer à lire « Peter F. Hamilton – Guide de lecture »