Le Sabre de neige – Salomé Han

Être et paraître

J’ai reçu ce roman dans le cadre d’un Service de presse fourni par l’éditeur. Merci à Gilles Dumay pour cet envoi.

Salomé Han est, comme nous l’apprend son interview sur le site d’Albin Michel Imaginaire (AMI), une autrice française vivant depuis une décennie en Corée du sud. Et donc, très logiquement, elle a choisi d’inscrire son premier roman, Le Sabre de neige, tome inaugural d’une trilogie (mais on nous précise qu’il peut se lire de façon isolée), dans un Japon fantasmé, et… « Eh, une minute, dans un Japon fantasmé ? Mais pourquoi pas en Corée, nom d’Apophis ?! », vous dites-vous probablement. Ayant, comme nombre d’entre nous, grandi exposée aux mangas et aux anime, elle a fait le choix d’écrire d’abord sur le pays du soleil levant plutôt que sur celui du matin calme, mais assure qu’elle a plusieurs projets, dans différents sous-genres de la SFF, prenant pour cadre ce dernier. On lui souhaite sincèrement de pouvoir les concrétiser.

Ne faisons pas durer le suspense : nous avons affaire à un premier roman assez hautement critiquable, à une Fantasy pour gros débutants (voir plus loin), dangereusement proche d’un New Adult, et, surtout, à une incontestable Romantasy, malgré le fait que l’idée qu’on accole cette étiquette à son livre paraisse visiblement risible à l’autrice. Mais après tout, AMI n’a pas forcément vocation à ne s’adresser qu’à des vétérans de la SFF, et la Romantasy a le vent en poupe, donc pourquoi ne pas surfer sur la vague ? J’entends toutefois presque Gilles Dumay nous dire : « Ah non, non, ce n’est pas de la Romantasy, c’est une Dark Romance Yaoi avec un pervers narcissique dans un Japon réenchanté, ça n’a rien à voir ! ».

Univers / Base de l’intrigue *

* Adventure, Kawaguchi Senri, 2019.

Alors c’est simple, mais moins que ce que la quatrième de couverture (d’ailleurs bizarrement peu bavarde) exprime plutôt mal en parlant d’un « Japon fantasmé, qui jamais ne fut » : il s’agit en fait d’un pseudo-Japon dans un monde secondaire (un monde imaginaire, qui n’est pas la Terre), où absolument tout (coutumes, vêtements, classes sociales, etc.) ressemble au vrai mais où l’autrice n’est pas obligée d’avoir le niveau de détails / véracité requis par un vrai roman Historique (un bon, du moins). J’en vois déjà qui s’excitent : « Comme Guy Gavriel Kay, alors ? » ; eh bien non, rien à voir, ni en matière de « reconstitution », ni (surtout pas) en matière de personnages (ceux de Han sont extrêmement stéréotypés, mauvais, ou les deux à la fois, alors que ceux de Kay sont connus pour leur extrême qualité). Le « Japon » du roman est correctement rendu, mais ça ne vole guère au-dessus de ce que n’importe quel romancier digne de ce nom aurait pu proposer en possédant une collection de mangas / anime, quelques livres sur le pays et / ou après avoir fait quelques recherches sur internet. Sans compter, justement, les convergences avec des mangas / anime bien connus (je vous recommande particulièrement la lecture de la chronique de Tachan sur ce sujet, elle vous détaillera ces convergences bien mieux que je ne saurais le faire, ma connaissance du manga restant relativement basique). On notera l’emploi assez fréquent de termes en japonais, et la présence d’un glossaire en fin d’ouvrage, mais pas de notes de bas de page. On se dit que dans certains cas, Han aurait pu se passer de l’emploi (du sur-emploi, plutôt) de ces termes, qui alourdissent le texte un peu pour rien (elle a une tendance digne de Dan Simmons à décrire l’habillement complet de tout personnage qu’on croise, ce qui est un poil agaçant à la longue).

Les Kami (les dieux / esprits) ont créé des Sabres Sacrés (<– trope de l’artefact de pouvoir), qui, chacun, confèrent une forme d’immortalité à leur Porteur (avec un grand « P »), le figeant souvent dans l’âge qu’il avait quand il a été choisi par l’arme (<– trope de l’élu). L’immortalité peut être due à l’absorption du sang / de l’énergie vitale des victimes du sabre (<– Stormbringer), être conférée « par défaut », octroyer la faculté au Porteur de se réincarner après sa mort dans un corps différent mais avec tous ses souvenirs, etc. Chaque sabre confère aussi de puissants pouvoirs en rapport avec son nom : le Sabre de neige permet d’employer le froid, le gel, les vents glacés, le Sabre du Temps permet de voyager dans… le temps, et ainsi de suite (notons d’ailleurs que ce petit rattachement à la Fantasy Temporelle en plein essor est un des points positifs à mettre au crédit de ce roman). Chaque Sabre peut aussi rejoindre la main de son Porteur à volonté, qu’il se trouve à quelques mètres ou à l’autre bout de la contrée. On ajoutera qu’en plus des Sabres et de leur science martiale, les Porteurs (et d’autres guerriers suivant la Voie du sabre, sacré ou pas) peuvent utiliser leur ki (force intérieure) pour accomplir d’autres exploits, ici moins dignes du Wuxia que de Star Wars (il y a d’ailleurs des tas de relents de Siths dans l’ensemble de l’intrigue, particulièrement via un personnage de la Maison des fleurs scellées) ou de la Psylocke de chez Marvel, comme par exemple générer un « sabre de Ki », une lame d’énergie mentale. Et d’ailleurs, un certain combat mental / dans un décor illusoire a de forts échos de celui de Charles Xavier contre En Sabah Nur (dans le film X-Men Apocalypse) ou Amahl Farouk (dans les comics).

Le héros, Isao, est, depuis sept ans, le disciple du Porteur du Sabre de neige, qui l’a recueilli après… après on ne sait pas quoi (sauf à la fin, ULTRA prévisible), vu que le gamin ne se souvient quasiment de rien (<– trope de l’amnésique). Ils vivent dans un ermitage retiré du monde, en pleine forêt. Isao n’a donc quasiment aucune expérience de celui-ci (<– trope de l’oie blanche). Maître Shiro, surnommé « le Héron Blanc », a un demi-millénaire, mais est un Bishōnen typique (apparence de jeune homme androgyne, à la Aphrodite – le chevalier d’or des Poissons – ou Shun – chevalier d’Andromède – dans Les Chevaliers du Zodiaque). Depuis sa puberté, Isao en est amoureux (<– Yaoi), mais Shiro joue (de plus en plus) le chaud et le froid et le laisse dans le doute sur le fait de partager (ou pas) ses sentiments. Notez toutefois qu’Isao est le SEUL disciple qu’il ait jamais formé. J’en profite pour dire que cette relation est assez glauque, parce qu’on sent clairement que le maître manipule les sentiments du disciple tel un pervers narcissique, et que ce n’est pas le seul facteur qui contribue à créer un sentiment de malaise (il y a, à la moitié du roman, une scène en mode Les Chiens de paille ou quasiment, qui, en outre, ne sert absolument à rien et est clairement racoleuse ; donc oui, sur ce plan là, ce n’est pas de la Romantasy, c’est pire, c’est de la Dark Romantasy, donc de la Dark « Romance » dans un cadre Fantasy).

Cette petite vie bien réglée va prendre fin quand l’ermitage va être découvert et envahi. L’Empereur cherche en effet à s’emparer de tous les Sabres sacrés, soit en tuant leurs Porteurs, soit en les contraignant à le servir. Après certaines péripéties initiales, le maître et le disciple vont être séparés, et le second ne va avoir de cesse de retrouver son sensei bien-aimé. Apprenant au passage certaines vérités hautement dérangeantes (que 99% des lecteurs auront deviné avant lui, mais bon…). Le « gros twist » se révélant téléphoné et fade, surtout en comparaison de celui d’oeuvres similaires (voir plus loin).

Pick up the pieces *

* AWB, 1974 ; version de The Jazz Avengers (Kawaguchi Senri, Serita Juna, Segawa Chizuru, Takeda Marie, Nakazono Ami, Terachi Miho, WaKaNa – non, pas la chanteuse -, Yonezawa Miku), 2022.

Comme le dit le proverbe japonais, « Le clou qui dépasse appelle le marteau ». J’ai lu l’interview de l’autrice deux fois, une avant de commencer son roman, une après l’avoir fini. La première fois, je me suis dit à plusieurs reprises que son profil ou ses déclarations étaient très intéressants. La seconde, je me suis fait la réflexion que l’écart entre l’image qu’on se fait du Sabre de neige via l’interview (ou la communication de l’éditeur / de l’autrice) et l’impression qu’on en retire en le lisant est pour le moins conséquent. Quelques exemples : d’abord, elle nous précise qu’elle a pratiqué le kendo, l’escrime nippone. Naïvement, je me dis que la description des combats va être soignée, technique. Quelle n’a donc pas été ma consternation de constater qu’ultra-courte, elle se réduit souvent (littéralement) à clic, clang, paf, et surtout qu’il n’y a pas un seul terme d’escrime là-dedans. À comparer, par exemple, avec La Cité de la Bête, roman écrit par un tout jeune Moorcock (et publié en français, il y a presque une quarantaine d’années, par l’ancêtre d’AMI au sein d’Albin Michel) et qui en compte un nombre appréciable, alors que ce dernier n’a pas, dans le milieu SFF, la notoriété d’un épéiste comme peuvent l’avoir Zelazny, Heinlein, L. Sprague de Camp, Bova, Leiber ou Pournelle. Comme pour le fait de vivre en Corée mais d’écrire sur le Japon, voilà une opportunité manquée de plus.

Pour ce qui est du « Ce n’est pas de la Romantasy ! », on me permettra, en tant que taxonomiste de l’imaginaire, d’être carrément en désaccord ; oui, la révélation (téléphonée) finale remet un peu les choses en perspective, mais le lecteur aura passé tout le roman à voir l’histoire sentimentale entre Isao et le Héron Blanc comme la pièce centrale du scénario et de la construction du protagoniste. En même temps, on peut difficilement accuser un éditeur de vouloir publier ce qui marche ces derniers temps, surtout dans un marché SFF en grande souffrance. Le souci étant justement qu’un des points qui me pose le plus de problèmes avec Le Sabre de neige est le fait qu’il laisse la nette impression d’être avant tout un livre cochant des cases, mercatiques… ou autres (voyez le bas de la page 185, qui coche la case féministe, celui de la page 200, qui valide la case identité de genre, la page 316 qui tamponne la case lutte contre la pédophilie, etc.).

Le pire, dans tout ça, ne réside pourtant pas dans les occasions manquées ou dans la vision qu’à l’autrice de son propre travail (sachant que l’important n’est pas la façon dont vous, auteur, percevez votre livre, mais celle dont le lecteur le comprend), mais dans la maladresse avec laquelle ce roman a été écrit. On ne parle pas ici de style (à part un tout début bizarrement convoluté, le reste est fluide et raisonnablement évocateur, avec quelques envolées occasionnelles pas vilaines du tout ; mais voyez plus loin tout de même), mais d’une part de l’empilement de tropes (motifs scénaristiques récurrents) évoqués plus haut (élu, amnésique, quête d’un artefact de pouvoir, roman d’apprentissage, etc.), et d’autre part d’un protagoniste absolument insupportable tant il est con comme un balai (pardon pour le langage, mais je vois mal comment l’exprimer plus nettement), mièvre, passif et étonné par tout (on a envie que le Belmondo local lui apprenne à ne plus l’être, façon Itinéraire d’un enfant gâté), fait n’importe quoi en absolument toute circonstance, et fait très longtemps l’inverse de ce qu’un personnage de son profil est supposé faire (dans le genre tuer son adversaire ; bonjour la « rupture de ton », en quelque sorte). J’ai vraiment beaucoup de mal à comprendre par quelle espèce de sortilège personne, de l’autrice à l’équipe éditoriale (Lecteur d’AMI, etc.), ne s’est rendu compte qu’un protagoniste aussi falot risquait d’aliéner les sympathies d’une partie non négligeable du lectorat…

C’est probablement le plus gros point faible du roman : si l’empilement de clichés et un protagoniste aussi peu charismatique (d’ailleurs bizarres pour une autrice ayant un profil de scénariste dans l’audiovisuel) peuvent passer chez un lecteur débutant en Fantasy (visiblement la cible marketing), en revanche les lectrices et lecteurs plus expérimentés auront souvent, d’après les retours que j’ai vu passer, un avis beaucoup plus mitigé. Et la maladresse sur le plan scénaristique ne s’arrête pas à la multitude de stéréotypes et banalités, mais s’étend aussi à des incohérences : histoire de donner un exemple, acceptable pour une primo-romancière, moins si elle est issue d’une prestigieuse école sud-coréenne, le « détecteur de ki » d’Isao ne marche que quand ça arrange l’autrice, alors que normalement, il aurait dû sentir venir à des dizaines de mètres l’embuscade dans laquelle il tombe à un moment (seconde attaque des Yakuzas).

On signalera aussi le côté niais et l’impression tenace d’avoir affaire à un New Adult qui planent sur l’ouvrage : le contraste avec d’autres Fantasy d’inspiration asiatique (à commencer par celle écrite par… Gilles Dumay, sous son pseudonyme le plus connu, Thomas Day) est, à cet égard, frappant. Le pire, c’est que le côté passif, mièvre et agaçant du protagoniste est une volonté consciente de la part de Salomé Han : voyez la page 219, et constatez que les autres personnages ont, comme le lecteur, envie de donner une claque à Isao tant il les exaspère. Sans doute un désir, à mon sens excessif, de rester dans les codes du roman d’apprentissage / du Yaoi, bien qu’à mon goût, la bascule avec la version dur à cuire du héros se fasse de façon bien trop abrupte. Attention toutefois à ne pas vous faire une image trop mièvre du Sabre de neige non plus : nous ne sommes pas seulement sur une forme de Dark Romantasy avec une relation toxique et un personnage qui prend du plaisir alors qu’il est agressé sexuellement, il y a aussi, dans les passages à l’intérieur de la Maison des fleurs scellées, de la pédophilie ainsi que des scènes de torture et BDSM.

Concernant le côté roman d’apprentissage, justement, le fait de s’accrocher pour réaliser son rêve ou son objectif malgré tout ce que la vie nous envoie à la figure, on voit clairement, à la lecture de l’interview et du livre, le côté autobiographique de la chose, mais pour ma part, j’y vois surtout l’omniprésence de l’influence (de mon point de vue désormais néfaste) du monomythe campbellien (ou « voyage du héros »), à une originalité près, puisque ici le protagoniste part d’un monde surnaturel pour aller vers le monde ordinaire, alors que d’habitude, de Frodon Sacquet à Paul Atréides en passant par Luke Skywalker, c’est l’inverse. Il faut vraiment 1/ que les auteurs de SFF, français ou autres, arrêtent avec le monomythe, et que 2/ les éditeurs aussi passent à autre chose (ou alors à des romans d’apprentissage / récits initiatiques inspirés par d’autres sources, je ne sais pas, moi, une version SF ou Fantasy du Cercle des poètes disparus, par exemple). Oui, je sais, certains des plus grands succès de l’histoire de la SFF, littéraire ou cinéma, sont basés dessus, mais franchement, pour ma part, je ne le supporte plus, et je dois être loin d’être le seul dans ce cas.

Je reviens un instant sur l’écriture : outre le fait que je me demande bien pourquoi Salomé Han emploie le terme sorceresse (obsolète depuis le début du XVIIe siècle, minimum…) au lieu de sorcière, on se demande aussi pour quelle raison elle parle d’UNE daimyo (nom masculin) ou d’une seigneuresse (terme correct, en revanche, du moins en français) alors qu’il existe des termes japonais connexes comme onna-daimyō, hime ou okugata qui auraient pu les remplacer avec plus d’élégance. De plus, c’est à se demander pourquoi Han nous inonde de termes japonais pour les vêtements alors qu’à part faire couleur locale, ça alourdit plus le texte qu’autre chose, et pourquoi, par contre, elle nous fait du Ann Leckie quand sortir un terme nippon serait plus pertinent.

Dans un registre connexe, l’autrice a parfois des tournures quelque peu étranges, comme « Puis son masque de solennité craquela en échange d’un rire clair comme une source » (page 26), « En contrebas l’on entendait des cris déchirés » (page 102 ; « déchirants » semble nettement plus approprié), « donnant directement sur une chute d’eau active » (page 181 ; pourquoi « active » ? Soit le terme ne sert à rien, soit, si c’est pour la distinguer d’une cascade gelée, « eau vive » serait bien plus pertinent), ou encore « Escalader directement le mur des remparts » (page 270 : un rempart est une muraille, donc un mur, cela revient donc à dire, en l’état, escalader le mur du mur…). On notera aussi plusieurs mentions à l’espace-temps (page 325, par exemple), ce qui, dans un livre qui ne relève ni de la SF, ni d’une Science-Fantasy, est tout de même assez étrange, une autre forme de « rupture de ton », en quelque sorte.

La révélation ultime et la fin sont ULTRA prévisibles, on est très loin d’un Never Die à ce niveau. Pire encore, on a le sentiment (peut-être faux, je n’en sais rien) que l’épilogue ne sert absolument à rien, ce qui contribue à diminuer un peu plus le maigre impact que la fin a pu avoir.

Je suis bien conscient que tout ce qui précède dessine un tableau franchement négatif de ce roman, mais il faut AUSSI dire qu’il y a quelques côtés positifs à mettre au crédit de l’autrice : d’abord, la prose est fluide, on ne tombe pas dans l’esbrouffe stylistique qui est la plaie de nombre d’écrivains français de Fantasy et ça se lit sans déplaisir (à ce niveau précis, du moins) ; ensuite, dans un genre penchant de plus en plus vers la Low Fantasy, on a un nombre important de créatures fantastiques (Yokai) et d’utilisations de pouvoirs magiques, ce qui est très appréciable (même si on est loin du côté tellement épique qu’il est presque mythologique d’un Rob J. Hayes) ; de plus, on sort du cadre « traditionnel » de la fantasy d’inspiration européenne pour aller vers une pseudo-Asie imaginaire, ce qui, en 2025, n’est certes plus une révolution mais demeure un choix agréable et pertinent ; sur le même registre, le petit aspect Fantasy temporelle place, par contre, le roman bien dans son époque, vu que les voyages dans le Temps ou d’autres utilisations de ce dernier sont de plus en plus fréquents (certes surtout en Fantasy anglo-saxonne non traduite, ce qui fait que le lectorat français peut ne pas avoir pris la mesure de cette tendance) ; enfin, le magicbuilding est, à mon sens, un vrai point fort du roman, pas tellement sur une dissection des mécanismes qui alimentent la magie mais plutôt sur le côté très évocateur de ce que nous raconte Salomé Han à son sujet.

If you live by the sword, then you will DIE by the sword *

* Slayer, 1983.

La question épineuse est cependant de savoir si vous devez lire Le Sabre de neige ou pas : pour moi, tout dépendra de votre profil de lecteur ; si vous êtes un débutant en Fantasy, vous pouvez tenter cette lecture, l’empilement de clichés ne vous causera pas de problème, tout bonnement parce que pour vous, ce ne seront pas (encore) des clichés croisés dans 20 ou 50 lectures précédentes, jusqu’à la saturation ; si, par contre, vous êtes plus expérimenté, et que vous êtes capable de passer outre les dits clichés, tout dépendra de votre tolérance à l’aspect romance, au côté New Adult, au fait de cocher de façon balourde des cases, à l’aspect vraiment problématique / glauque de certains passages et à ce protagoniste passif, mièvre et complètement con (pardon, mais c’est difficile de l’exprimer autrement). Je ne voudrais toutefois pas descendre un roman qui, par ailleurs, a quelques qualités incontestables, parce que je ne serais pas sa cible marketing (novice, New Adult, amateur de Dark Romantasy).

Si vous avez lu Le Sabre de neige mais n’y avez pas trouvé ce que vous cherchiez, ou si ma critique vous a dissuadé de le lire pour les mêmes raisons, vous pourriez plutôt trouver votre bonheur dans des romans comme La Voie du sabre de Thomas Day / Gilles Dumay (ou dans son adaptation BD très réussie) ou, si vous êtes anglophone, dans le cycle Mortal Techniques de Rob J. Hayes. En VF, vous pouvez aussi lire avec intérêt les chroniques de mes camarades blogueuse et blogueur Brize et L’Ours Inculte sur la traduction ou la VO de The Sword of Kaigen de M.L Wang (tiens, au passage, encore un éditeur qui laisse le nom anglais dans la VF…). Si le côté sabre / Yokai / Kami / magie / épique n’est pas forcément ce que vous vouliez voir en priorité, mais plutôt un roman initiatique LGBT bien fait dans un cadre d’inspiration asiatique, je ne peux que vous conseiller le cycle Tensorate par JY Neon Yang, à commencer par le magistral (et « évidemment » jamais primé et jamais traduit) The Black Tides of Heaven (j’ai essayé de le faire lire au Durastanti et au Perchoc pour UHL, je n’ai jamais eu d’écho : ils ont oublié ou détesté, je n’en sais rien). Enfin, si vous cherchez une histoire d’amour (hétéro, cette fois) dans un cadre sinisant / japonisant mais où celle-ci ne constitue pas le point focal de l’intrigue (qui est une course politique intense au pouvoir suprême), je vous recommande la non moins magistrale Trilogie de l’Empire de Wurts / Feist, qui débute par Fille de l’empire, et met en vedette, cette fois, une protagoniste inoubliable, Mara des Acoma.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous recommande la lecture des chroniques suivantes : celle de Célinedanaë, celle de Tachan, de Dup, de L’Ours Inculte, de Boudicca, de Sometimes a book, de Geek-it,

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45 réflexions au sujet de « Le Sabre de neige – Salomé Han »

  1. L’empilement de tropes ne me dérange pas spécialement vu que j’adore la Fantasy classique, par contre la relation/romance toxique et les trucs glauques… meh. Je vais plutôt me tourner vers Kaigen, et on attendra les avis sur les suites.

    Par contre : « une version SF ou Fantasy du Cercle des poètes disparus, par exemple » => ok, pas merci, maintenant je veux lire ça !

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  2. Tout d’abord merci pour la citation, je suis flattée !
    Et merci d’avoir mis les mots sur tout ce qui m’a gênée dans cette lecture. A l’heure où j’ai publié mon avis, je me sentais un peu seule en la matière et je me demandais si je n’étais pas devenue une vieille conne râleuse xD
    Ça me fait plaisir donc de voir d’autres briscards ayant roulé leur bosse en imaginaire ressentir la même chose.
    Je vais sûrement tester Kaigen ses prochains jours mais non sans appréhension quand même 😅

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    1. De rien pour la citation, c’est bien normal !
      Oui, ça m’avait fait ça pour Les Chants de Nüying, et en publiant un micro-avis dans une des Apophis Box, j’ai vu que ma mauvaise impression était beaucoup plus partagée que je ne le croyais. Comme tu dis, on se sent moins seul ^^
      Concernant d’autres briscards, j’ai vu que Boudicca du Bibliocosme l’avait commencé aussi. Telle que je la connais, ça m’étonnerait franchement qu’elle ne ressente pas elle aussi la même chose…

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  3. Je me doutais bien qu’il s’agissait d’une romantasy déguisée… et j’attendais votre retour pour en avoir la certitude. Quand l’éditeur a présenté le livre je lui ai d’ailleurs fait remarquer. Pour moi ce sera donc également Kaigen. Il est d’ailleurs amusant de constater que cette traduction sort sur un label de romantasy exclusif alors qu’il en est pas, tandis que le Salomé Han dans une ME qui n’est pas sensé en produire. Mais bon, les temps sont durs et il faut bien vivre… J’ai malheureusement bien l’impression qu’il va falloir s’y habituer (en attendant que la mode passe).

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    1. C’est vraiment un des points qui m’a le plus posé problème, cette volonté manifeste de ne pas assumer publier une Romantasy, depuis une quatrième de couverture inhabituellement peu bavarde (on a l’impression que le raisonnement a été « Moins on en dit, moins ça fera fuir de monde ») pour un AMI jusqu’à la communication de l’autrice, en passant par cette interview qui insistait lourdement sur le fait que non, ce n’était pas une Romantasy, mais vous n’y pensez pas, ah, ah, ah.

      En plus, il y a un truc que je ne saisis pas du tout : si le marché est au plus bas et que la seule solution pour vendre est de faire de la Romantasy et en VF pour ne pas avoir à payer des dizaines de milliers d’euros de traduction, pourquoi signer 1/ une primo-romancière et 2/ TOUTE UNE TRILOGIE d’un seul coup ? Et quitte à faire une Romantasy, pourquoi ne pas l’assumer ? Ils auraient moins vendu au lectorat traditionnel de SFF mais sans doute plus au lectorat spécifique à la Romantasy, qui lisait de la Romance mais pas de la Fantasy et qui s’enthousiasme pour ce sous-genre hybride (même si en fait, il existe depuis longtemps). Je ne sais pas, moi, je fais partie de ce lectorat là, je lis « Albin Michel sort sa propre Romantasy ! « , j’aurai une forte tendance à tenter le coup, à la fois en me disant que vu que c’est un gros éditeur, ça va être de qualité, et puis par simple effet de curiosité. Non, en fait, leur positionnement n’a aucun sens (de mon point de vue) sur le plan marketing, parce que du coup, en n’assumant pas, ils se coupent du lectorat Romantasy ET se mettent une partie du lectorat SFF à dos. Il n’y a qu’à voir les réactions allant de passable à franchement négatif qui tombent de plus en plus chez beaucoup (pas tous) de lecteurs et lectrices expérimentés. Ou alors ils voulaient le vendre sous l’angle « Fantasy asiatique », assez populaire ces dernières années. Mais reste que même des gens qui ne l’ont pas encore lu étaient déjà méfiants avant la sortie de ce livre, et ont été carrément échaudés par des retours antérieurs au mien, si j’en juge par les commentaires sous les critiques concernées.

      Pour ce qui est d’un fataliste « il va falloir s’y habituer… », clairement pas, pour ma part du moins (mais je comprends très bien votre position). Je vais continuer mon combat pour faire connaître, faire lire, faire rééditer ou traduire des romans ou cycles de valeur (les goûts et les couleurs mis à part), récents ou pas, francophones ou non, auto-édités comme Rob J. Hayes ou issus de circuits traditionnels de l’édition.

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      1. A mon avis, la trilogie va faire un carton. Ce qui va forcément faire des petits, chez AMI bien sûr (regardez leur dernière signature), mais connaissant l’état du marché, très probablement ailleurs. Surtout s’ils se rendent compte que les lecteurs ne savent pas vraiment ce qu’est une romantasy… Dans un groupe, certaines personnes affirmaient qu’Ursulla Le Guin et Moorcock écrivaient de la romantasy… C’est dire.

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        1. Ah oui tout de même !

          Sinon, je ne veux pas vous faire peur, mais il y a pire que la Romantasy qui débarque : Editis se lance dans la LitRPG avec un label qui s’appelle Lorestone. Il faut tout de même savoir qu’à de rarissimes exceptions près, c’est un sous-genre de la SFF tellement médiocre que c’est le SEUL que je n’ai pas repris de mes articles taxonomiques quand j’ai écrit les deux versions de mon livre paru chez Albin Michel. Là c’est clair, on a atteint le fond du trou. Mais parait-il qu’un sous-genre / dérivé de la LitRPG (la Progression Fantasy) est populaire ailleurs qu’en France, ceci expliquant peut-être cela. Et puis je crois qu’avec la Romantasy, les éditeurs ont compris qu’il existait des gisements de lecteurs inexploités, donc avec la LitRPG, ils tentent de toucher le milieu jeu de rôle / RPG en jeux vidéos (dont MMORPG).

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          1. Concernant la LitRPG je tenterais quand même le « dungeon Crawler Carl » de Matt Dinniman. Les notes sur goodreads sont incroyablement élevées, ce qui éveille ma curiosité. Dans mon esprit j’imagine quelque chose dans le genre du « Donjon de Naheulbeuk » ce qui serait bonne pioche pour moi. A voir donc.

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    1. Sauf que précisément, il n’y a dans le roman aucun terme de Kendo tels que vous les citez. On en revient donc au problème initial, occasion manquée, pauvreté du vocabulaire d’escrime employé et mauvais emploi des termes japonais, trop quand il en faudrait de façon modérée, trop peu quand ce serait vraiment pertinent.

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  4. Je suis contente également de voir quelqu’un d’autre partager mon avis et celui de Tampopo 24. Quand on voit les autres avis, je me demandais si j’avais lu le même roman 🙂

    Merci aussi pour cet avis très détaillé et qui explique très bien ce qui ne va pas dans ce roman. En tout cas, ça me confirme encore plus que la romantasy n’est vraiment pas pour moi 🙂

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    1. Merci ! J’ai demandé un SP à Gilles (c’est très rare que je demande un SP, d’habitude on m’en propose et je dis oui ou non), et on peut souligner son courage parce qu’il savait très bien que je n’allais pas aimer (il m’a même mis un petit mot allant dans ce sens) et qu’il n’a pourtant pas hésité à jouer le jeu. Respect ! En fait, moi je croyais lire un truc dans le même genre que La Voie du sabre, roman que je vénère. Cela me paraissait logique que Sensei Dumay publie lui-même le bouquin de sa « disciple », son héritier spirituel. Inutile de dire à quel point je suis tombé de haut ! Si j’avais su que c’était de la Romantasy, je n’aurais jamais demandé de SP, ça c’est clair et net.

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        1. Ah mais pareil. Je pense aux gens qui craignaient que ce soit de la Romantasy, qui ont été rassurés par la communication de l’autrice, qui ont payé son bouquin de leur poche, et qui se sont rapidement aperçu que oui, c’était bel et bien de la Romantasy. Moi qui l’ai eu en SP, ça m’a aussi fait rire jaune, mais si j’avais dépensé une vingtaine d’euros pour ça, je crois que j’aurais été carrément énervé.

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    1. Ah oui, oui, je pense qu’on se rejoint. Trop gentil, je ne pense pas, comme toujours, tu dis ce que tu as à dire, mais avec suffisamment d’empathie pour ne pas oublier qu’il y a un être humain à l’autre bout de la critique, autrice ou directeur de collection. Et ça c’est tout à ton honneur. Je pense que tout le monde a bien saisi ta position sur les points forts et faibles du bouquin, pas de souci.

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  5. Merci pour cette critique détaillée qui m’a provoqué moult rires silencieux (lue au travail… mais en pause déjeuner !). Hélàs, c’est ce que je craignais et trop de clous appellent le marteau ! Je vais donc continuer ma lecture tranquilou de Never Dies sur vos bons conseils.

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  6. J’étais circonspect après la lectures de critiques sur d’autres blogs et tu achèves de me convaincre : je vais me pencher sur La voie du sabre. D’autant que j’ai aussi commandé Juste un peu de cendres du même Thomas Day qu’il est plus que temps que je découvre.

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  7. Bonjour, merci pour cette critique, je vais passer pour celui là et partir sur la trilogie de l’Empire.

    Dans le genre Fantasy française a base Yokai et monde secondaire Japonisant il y a l’héritage de l’Esprit Roi de Claire Krust. Il brasse quelques clichés mais évite les lourdeurs et surtout l’eceuil de la Romantasy. De mémoire l’Ours Inculte l’avait apprécié, ce qui est un gage de qualité.

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  8. Bonjour, cela ne m’étonne pas au vu du résumer que j’avais lu. Je passe mon tour. Tres belle critique.

    C’est hors sujet mais as tu vu qu’Amazon allait adapter Iain Banks, une forme de guerre? Ça pique.

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    1. Merci !
      La Culture n’est jamais hors-sujet sur ce blog 😉
      Oui, je le sens mal. S’il me pondent un truc bidon, je vais me fendre d’une critique tellement explosive que dans le reste de la Voie Lactée, les astronomes extraterrestres vont croire que le Soleil s’est inexplicablement transformé en supernova 😀

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  9. Lorsque l’on voit le mass… l’adaptation du Problème à 3 corps chez Netflix, j’ai tenu 15 minutes, surtout que je venais de terminer la trilogie, c’était très présent dans mon esprit.

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  10. Je l’avais acheté à la sortie à cause de la couverture et du résumé, qui donnait une autre impression que ton avis et ceux que tu recommandes. Du coup, il était dans la PAL, mais il va en sortir sans même être lu… Je crois que je vais le donner à la biblio de ma ville, histoire qu’il ne soit pas perdu…

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    1. Après, il y a d’autres avis plus positifs sur le net, je fais le relais des blogueurs / sites que je connais et apprécie et de ceux qui relaient mes propres critiques, pas forcément de toute personne qui écrit une chronique sur ce livre, qu’elle soit positive ou négative. Pour moi c’est un livre faible qui n’avait rien à faire chez AMI, pour d’autres c’est un chef-d’œuvre. Personnellement, je tendrais à te dire de ne pas perdre ton temps, effectivement, avec ce truc, mais d’un autre côté, vu que tu l’as déjà acheté, tu peux aussi en lire une partie et te forger ta propre opinion. Je n’en conseille clairement pas l’achat, mais s’il a déjà été fait…

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  11. Je viens tout juste de rédiger ma chronique (pas encore publiée), du coup j’étais curieuse de voir si d’autres lecteurs avaient un avis similaire au mien. Bingo, je suis d’accord avec la quasi totalité de tes remarques (même si je n’ai, pour ma part, pas eu le courage de décortiquer l’oeuvre avec autant de précision).

    Bref, merci, je me sens moins seule (même si j’avais déjà vu passer l’avis de Tampopo24 et qu’il m’avait grandement rassurée ^^).

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    1. Si tu regardes bien (c’est-à-dire au-delà des chroniques relayées par le site officiel d’AMI, qui sont exclusivement positives, pour ne pas dire dithyrambiques), il y a au moins autant de critiques mitigées, pour ne pas dire plus ou moins lourdement négatives, sur ce roman que de positives. D’un côté, je peux comprendre qu’un éditeur ne fasse pas lui-même sa contre-publicité ; de l’autre, je ne peux pas m’empêcher de remarquer que d’autres maisons (Lunes d’encre période Godbillon ou le Bélial’, notamment) font / ont fait le relais de TOUTES les critiques, les bonnes comme les mitigées et les mauvaises. D’autant plus que comme me l’a expliqué un jour un directeur de collection de l’Atalante, paradoxalement certaines critiques négatives (les précoces et les très argumentées) ne sont pas forcément un mal pour le bouquin : elles détournent de cet achat les lecteurs à qui il n’a aucune chance de plaire, ce qui fait que mécaniquement, il y a beaucoup plus d’acheteurs satisfaits (donc de critiques positives) qu’insatisfaits. Et donc, même sans avoir à « sélectionner », les avis sont bien plus majoritairement positifs que négatifs ou mitigés.

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