Dinosaures – Walter Jon Williams

Glaçant

Le paradoxe avec Walter Jon Williams est qu’il est méconnu à la fois de la nouvelle génération de lecteurs de SF mais aussi (et là, de prime abord, c’est plus surprenant) des vieux briscards du fandom traditionnel : les premiers n’en auront jamais entendu parler, ou seulement via La Peste du léopard vert sorti en UHL chez le Bélial’ en 2023, les seconds savent son importance en matière de Cyberpunk… mais réduisent souvent l’auteur à cette facette de sa bibliographie. Or, elle est bien plus vaste que ça, allant de romans Historiques d’aventure navale à de la SF militaire, en passant par des ouvrages de Jeu de rôle et par une SF Trans- ou Posthumaniste de haute volée (dont l’UHL susnommé et surtout le BEAUCOUP trop méconnu Avaleur de mondes). C’est de ce dernier registre dont relève la novelette (longue nouvelle, une trentaine de pages ici) dont je vais vous parler aujourd’hui, Dinosaurs. Ce texte est disponible en français (sous le nom Dinosaures), dans l’anthologie Futurs à gogos (qui, par ailleurs, comprend aussi d’autres nouvelles plus ou moins intéressantes, dont une de Geoffrey A. Landis), parue en 1991 mais que vous aurez probablement du mal à trouver d’occasion. En revanche, il se trouve sans problème sous forme électronique (mais en anglais, bien qu’il soit d’un niveau franchement accessible), pour moins d’un euro. C’est d’ailleurs dans la langue de Shakespeare que je l’ai lu.

Lorsque je cumule plusieurs lectures très mauvaises / décevantes (respectivement Le Sabre de neige de Salomé Han et – la VO de – Dans le berceau du temps d’Adrian Tchaikovsky), j’ai pour habitude d’enchainer avec une valeur sûre, histoire de rééquilibrer ma chimie cérébrale et de garder intacte ma motivation à lire de la SFFF. Et je dois dire que Dinosaures ne m’a pas (vraiment) déçu, bien qu’il manque de l’atome de tranchant ou de sense of dread nécessaire pour lui faire franchir le pas qui sépare un très bon texte d’un Culte d’Apophis. Une lecture certes glaçante, comme nous allons le voir, mais vraiment très digne d’être faite. On espère aussi que quelqu’un aura l’idée de rééditer cette nouvelle, parce que c’est carrément dommage qu’elle ne soit plus (facilement) à la disposition du lectorat français. Continuer à lire « Dinosaures – Walter Jon Williams »

Le Sabre de neige – Salomé Han

Être et paraître

J’ai reçu ce roman dans le cadre d’un Service de presse fourni par l’éditeur. Merci à Gilles Dumay pour cet envoi.

Salomé Han est, comme nous l’apprend son interview sur le site d’Albin Michel Imaginaire (AMI), une autrice française vivant depuis une décennie en Corée du sud. Et donc, très logiquement, elle a choisi d’inscrire son premier roman, Le Sabre de neige, tome inaugural d’une trilogie (mais on nous précise qu’il peut se lire de façon isolée), dans un Japon fantasmé, et… « Eh, une minute, dans un Japon fantasmé ? Mais pourquoi pas en Corée, nom d’Apophis ?! », vous dites-vous probablement. Ayant, comme nombre d’entre nous, grandi exposée aux mangas et aux anime, elle a fait le choix d’écrire d’abord sur le pays du soleil levant plutôt que sur celui du matin calme, mais assure qu’elle a plusieurs projets, dans différents sous-genres de la SFF, prenant pour cadre ce dernier. On lui souhaite sincèrement de pouvoir les concrétiser.

Ne faisons pas durer le suspense : nous avons affaire à un premier roman assez hautement critiquable, à une Fantasy pour gros débutants (voir plus loin), dangereusement proche d’un New Adult, et, surtout, à une incontestable Romantasy, malgré le fait que l’idée qu’on accole cette étiquette à son livre paraisse visiblement risible à l’autrice. Mais après tout, AMI n’a pas forcément vocation à ne s’adresser qu’à des vétérans de la SFF, et la Romantasy a le vent en poupe, donc pourquoi ne pas surfer sur la vague ? J’entends toutefois presque Gilles Dumay nous dire : « Ah non, non, ce n’est pas de la Romantasy, c’est une Dark Romance Yaoi avec un pervers narcissique dans un Japon réenchanté, ça n’a rien à voir ! ». Continuer à lire « Le Sabre de neige – Salomé Han »

Le Chemin de l’espace – Robert Silverberg

Certes Silverbergien, mais pas seulement

J’ai reçu ce roman dans le cadre d’un Service de presse fourni par le Bélial’. Merci à Erwann Perchoc et Pierre-Paul Durastanti pour cet envoi.

Le Chemin de l’espace est la réédition, publiée en 2024, d’un roman de Robert Silverberg, avec une traduction révisée par Pierre-Paul Durastanti, par ailleurs directeur de la collection dans laquelle paraît l’ouvrage (Pulps, chez le Bélial’). Dans la préface, l’auteur revient sur l’histoire éditoriale complexe de ce dernier, composé de cinq novelettes (longues nouvelles) d’une cinquantaine de pages chacune. Attention, il ne s’agit pas, pour autant, d’un fix-up (de textes qui n’avaient initialement rien à voir et qui ont été réunis plus tard en un tout plus ou moins cohérent par l’ajout de passages supplémentaires, voire d’un fil rouge : un écrivain comme A.E. van Vogt, par exemple, était un spécialiste de la chose), puisque ces cinq textes ont toujours été pensés comme une Histoire cohérente du Futur / d’une religion scientifique. On a plus affaire à une intégrale qu’à un fix-up, techniquement.

Comme la quatrième de couverture le rappelle à juste titre à un public SF des années 2020 dont la maigre connaissance du domaine est de plus en plus lacunaire, Robert Silverberg est un des géants du genre (je vous ai par exemple souvent parlé sur ce blog de son recueil Le Nez de Cléopâtre ou de certains des textes qui le composent, par exemple dans cet article). Pour appuyer son propos, le rédacteur de ladite quatrième cite certains des chefs-d’œuvre de l’auteur, comme Le Livre des crânes, L’Homme dans le labyrinthe et L’Oreille Interne. Cette sélection, si elle reflète effectivement certains des livres majeurs de Silverberg, n’est à mon avis pas faite au hasard : ces trois romans exploitent en effet deux thématiques (l’immortalité pour le premier, les pouvoirs psi pour les deux autres) centrales dans Le Chemin de l’espace. Dans la préface, l’auteur déclare avoir initialement voulu s’inspirer de Neil R. Jones, Cordwainer Smith et Poul Anderson, mais que le résultat final ne reflète pas leurs oeuvres (à part celle du premier, auteur totalement inconnu en France mais important dans l’histoire du genre via les concepts créés ou l’influence sur d’autres écrivains majeurs ; on pense à Murray Leinster, en moins prononcé). En fait, l’ouvrage est, d’abord, très Silverbergien, comme nous allons le voir, mais pas seulement : il fait également penser à d’autres auteurs (y compris des gens ayant publié leurs romans après celui de Silverberg), de Frank Herbert à Isaac Asimov en passant par Walter M. Miller.

Si je ne ferais pas de ce Chemin de l’espace un roman incontournable en SF ou dans la bibliographie de Silverberg, il se lit avec fluidité et développe méthodiquement l’ascension d’une de ces religions scientifiques fréquentes dans l’histoire de la Science-Fiction (Asimov, Iain M. Banks, A.E. van Vogt, etc.), et peut constituer une synthèse abordable d’au moins un pan de l’œuvre protéiforme de l’auteur (SF, Fantasy, Uchronie) et surtout de certaines de ses thématiques de prédilection (dont les pouvoirs psi). C’est déjà pas mal ! Continuer à lire « Le Chemin de l’espace – Robert Silverberg »

De l’espace et du temps – Alastair Reynolds

There and back again

J’ai reçu ce roman dans le cadre d’un Service de presse fourni par le Bélial’. Merci à Erwann Perchoc pour cet envoi.

Je ne pense pas avoir besoin de présenter Alastair Reynolds, ni aux fidèles lecteurs de ce blog (c’est le huitième texte de cet auteur qui y est chroniqué), ni à ceux de Bifrost (dans le numéro 110, qui lui est consacré, je vous parlais du cycle centré sur La Maison des soleils et d’Éversion) ou à ceux des livres du Bélial’, qui publie encore une fois la novella du gallois qui est le sujet de cet article. Mais au cas où, sachez que Reynolds est un des maîtres de la Hard SF, ce sous-genre de la Science-Fiction qui ne doit PAS se comprendre comme « SF difficile à lire » (il renferme des textes de tout niveau de difficulté) mais bel et bien comme « SF solide sur le plan scientifique / technique ».

Ce texte, au parcours éditorial tortueux (que l’auteur nous détaille dans la postface), est vraiment surprenant, et ce sur quatre plans différents : d’abord, après un départ diesel, il accélère de façon exponentielle ; ensuite, alors qu’au début, nous sommes sur un registre précis de la SF (le post-apocalyptique, la survie d’un homme seul sur Mars comme dans le roman / film du même nom), la suite, très singulière, va changer de sous-genre et de thématique, passant de la Hard SF à un posthumanisme radical ; d’un postulat de départ sinistre (la fin quasiment actée de notre espèce), il va se muer en récit à la gloire de la persévérance et de l’ingéniosité de l’Humanité ; enfin, et c’est sans doute là le plus ahurissant, après avoir atteint le sommet indépassable du Posthumanisme, on va revenir à quelque chose de plus proche de l’expérience humaine, « mortelle », comme si Frodon Sacquet redébarquait de Valinor pour retrouver el famoso « la vie d’avant ». Si je me suis fait la réflexion, avant un stade pivot de ma lecture, que ce texte était bien sympa mais qu’on pouvait se demander ce qu’il faisait en Une Heure-lumière, la suite a balayé ce doute (homme de peu de foi que je suis…) et donc oui, c’est sans conteste un texte à la hauteur de la prestigieuse collection. Datant du début de la carrière de Reynolds, il y fait déjà preuve d’une imagination, d’une ambition, d’une démesure, d’une vision et d’une qualité qu’il ne fera que confirmer, encore et encore et encore, durant les vingt années suivantes. Si je n’en ferai pas tout à fait un (roman) culte d’Apophis ou un des sommets de la collection (qui restent pour moi Rossignol d’Audrey Pleynet et L’Homme qui mit fin à l’Histoire de Ken Liu), parce que ça ressemble tout de même pas mal à des tas d’autres oeuvres, je le recommande toutefois sans réserve, surtout si vous connaissez déjà et appréciez l’auteur. Mais ce texte me paraît aussi être une bonne porte d’entrée dans son œuvre, voire en Hard SF. Continuer à lire « De l’espace et du temps – Alastair Reynolds »

Blood Brothers Beyond – Rob J. Hayes

Hayes se révèle aussi à l’aise dans le registre émouvant que dans l’épique

Je vous ai déjà parlé sur ce blog du cycle Mortal Techniques de Rob J. Hayes, auteur auto-édité très prolifique et très talentueux, véritable couteau suisse capable de balayer un éventail assez ahurissant de sous-genres de la SFF (de la Fantasy essentiellement, mais pas seulement). Ce cycle comprend des textes de différentes tailles (du roman à la nouvelle en passant par la novella), cinq pour le moment, d’une Sword & Sorcery d’inspiration asiatique, Chine ou Japon selon les cas. Leur particularité est que s’ils partagent un univers (imaginaire) commun, ils peuvent tous se lire de façon indépendante. J’avais été très impressionné par le roman Never Die, notamment par sa fin absolument bluffante qui remettait tout le reste en perspective, ainsi que par la nouvelle The Century blade, épique et surnaturelle s’il en est, surtout dans un genre, la Fantasy, qui va, tout au contraire, de plus en plus vers le « réalisme » (la Low Fantasy, en termes taxonomiques). Ayant récemment acquis tous les autres textes du cycle, je me suis avidement lancé dans la lecture du plus court d’entre eux et du plus récent, Blood Brothers Beyond. Que vous pouvez acquérir à un prix fort sympathique, aussi bien en version électronique que papier (à la couverture d’une qualité hallucinante, une constante dans ce cycle), cette dernière n’étant pas plus onéreuse qu’un Une Heure-lumière.

Si cette novella est moins épique et réserve moins d’énormes révélations que les deux textes précédents, elle offre en revanche une émouvante catharsis, la façon de dire au revoir à un frère décédé. La lecture de la postface ne fait que confirmer que le récit a une composante autobiographique, car cela se devine clairement à la lecture du texte. Je sors, une fois de plus, très satisfait de la découverte d’un texte de Hayes, et me réjouit de penser qu’il me reste deux romans pleine taille (dont un de près de 650 pages) à lire dans cette saga. Continuer à lire « Blood Brothers Beyond – Rob J. Hayes »

Dix sagas de SFF à lire pour… leur système de magie

Vous trouverez sur ce blog un grand nombre de guides de lecture, qu’il s’agisse de ceux où les livres sont classés par sous-genre, relèvent d’une thématique commune (il y en a aussi dans l’Apophis Box) ou concernent un auteur bien précis. Le néophyte y trouvera de quoi le guider dans la jungle des milliers de titres de Science-Fiction ou de Fantasy publiés, tandis que le vétéran y cherchera la perle rare qui aurait échappé à son radar au fil de décennies, parfois, de lecture de nos genres de prédilection. Il y a toutefois une autre façon de proposer aux aponautes des conseils de lecture, en regroupant les romans non pas par sous-genre, thématique ou auteur commun, mais par caractéristique saillante, qu’il s’agisse d’un univers particulièrement intéressant, de personnages hors-normes, d’une ambiance unique, etc. Le guide que je vous propose aujourd’hui se concentre sur dix écrivains / sagas / livres tout particulièrement recommandables sur le plan de leur système de magie. Il a été conçu pour venir en complément / illustration de mon récent article sur le magicbuilding, mais peut aussi évidemment se lire de façon isolée. Sachez aussi qu’un seul guide de lecture, surtout s’il a vocation à rester digeste, ne saurait mentionner tous les ouvrages qu’il est important ou intéressant de lire dans un domaine littéraire donné : il est donc possible que je propose une deuxième liste de lecture consacrée à la magie dans le futur (manière polie de vous inviter à vous dispenser d’un commentaire du type « il y a aussi le bouquin X / cette liste ne comprend pas le roman Y, liste nulle, c’est un scandale, Apophis imposteur » ; commentez tant que vous voulez ce qui est présent dans l’article, pas ce qui en est absent).

Vous pouvez retrouver les autres guides de lecture par caractéristique saillante commune sous ce tag.

N’oubliez pas que contrairement aux autres types de guides que je propose sur le Culte, qui ont été conçus pour être, autant qu’il est humainement possible de l’être, consensuels (on parle de romans qui, sur le plan mondial, font consensus dans le genre traité) et objectifs, ceux par caractéristique saillante contiennent une plus grande part de subjectivité, de choix personnel (je vous propose donc une liste, ma liste, pas LA liste). C’est particulièrement vrai sur un sujet comme les personnages, par exemple : si dire que ceux de l’auteur Z sont monodimensionnels est factuel (si ce sont des archétypes ambulants pouvant être décrits en quelques mots, voire un seul, et qui n’évoluent jamais, on peut difficilement les qualifier autrement), par contre entre deux autrices ou auteurs dignes de ce nom (proposant des personnages complexes, nuancés, qui évoluent), le lecteur A pourra trouver ceux de X fascinants, tandis qu’ils laisseront B totalement froid, alors que ce deuxième lecteur vouera un culte à ceux de l’auteur Y, qui ne marqueront par contre pas spécialement A ou C, et ainsi de suite. Au-delà d’un minimum vital de maîtrise technique et / ou de talent littéraire possédé par l’auteur, apprécier l’ambiance, les personnages, le style ou certains autres facteurs de son roman est essentiellement subjectif, même s’il existe certains écrivains qui, sur ce plan précis, font un large consensus (voire l’unanimité) autour d’eux. Continuer à lire « Dix sagas de SFF à lire pour… leur système de magie »

Parade Nuptiale – Donald Kingsbury

Un chef-d’œuvre (de worldbuilding) méconnu

Cette chronique est dédiée au père spirituel de ce blog, Kallisthene

Donald Kingsbury est un auteur américano-canadien extrêmement paradoxal : il publie son premier roman, celui dont je vais vous parler dans la suite de cet article, à l’âge de… 53 ans, c’est d’emblée une réussite si impressionnante qu’il gagne un prix Locus, le tout premier prix Compton-Crook, un prix Prometheus en 2016 et est nominé pour le Hugo en 1983 ; quelques mois après sa parution, il annonce qu’il est en train d’apporter la dernière touche à un autre roman se déroulant dans le même univers, The Finger Pointing Solward (le titre faisant référence à une nébuleuse / un courant d’étoiles mentionné dans le paratexte de Parade Nuptiale), qui ne sortira pourtant pas dans la foulée : un extrait, sous la forme d’une nouvelle appelée The Cauldron, paraîtra toutefois douze ans plus tard (en 1994), et la dernière mention à l’ouvrage aura lieu encore douze ans plus tard, en 2006… et depuis, plus rien. Au moment où je tape ces lignes, Kingsbury a 95 ans, et ce second livre n’est toujours pas paru. De façon plus générale, en une quarantaine d’années, Kingsbury a très peu publié (une grosse demi-douzaine de nouvelles, et deux autres romans, dont un, traduit en français, Psychohistoire en péril, se plaçant, comme son nom l’indique, dans le prestigieux univers d’Asimov, sans en constituer une part officielle et reconnue par les héritiers de ce dernier, toutefois).

Ce paradoxe, de l’auteur qui publie extrêmement tard, qui achève une suite à un roman qui marque d’emblée les esprits mais ne la sort jamais, qui, de manière plus générale, publie très peu après son arrivée fracassante sur la scène du roman de SF, et presque systématiquement des nouvelles se déroulant dans les univers d’autres auteurs prestigieux (Asimov, Niven), dont une bonne partie des autres nouvelles sont des bouts ou des embryons de ses romans, se retrouve dans l’essence même de Parade Nuptiale : alors que fondamentalement, il s’agit d’une « banale » lutte de pouvoir entre clans rivaux, doublée de péripéties romantiques, elles-mêmes doublées d’une période de brusques changements de paradigme technologique / d’un déblocage d’une société figée dans la tradition et le primitivisme (à quelques exception près, comme nous le verrons) depuis longtemps (siècles, voire millénaires), le tout dans une perspective ethno-SF qui rappelle plus ou moins fortement Le Guin et Herbert (et, à mon humble avis, Gene Wolfe) et avec le thème classique d’une utopie dans laquelle le ver est dans le fruit et qui fait chuter cette belle société, en fait absolument rien de ce que je viens d’énumérer n’est classique, alors que tout tendrait à indiquer, pourtant, le déjà-vu, voire le banal, et donc, l’inintéressant. La lutte de pouvoir entre clans concerne des gens qui inventent à peine le véhicule à roue (en métal) et la radio mais qui pratiquent une ingénierie génétique très poussée depuis des lustres, et qui ne connaissent pas le concept de guerre ; les péripéties romantiques concernent un mariage polygame rassemblant trois hommes et deux épouses qui se bat pour convoler avec une troisième femme de son choix, alors que pour des raisons politiques, on lui ordonne d’en courtiser une autre ; les changements de paradigme sociétaux mettent en jeu ladite femme, qui est qualifiée d’hérétique parce qu’elle veut mettre un terme à la cruauté institutionalisée sur sa planète ; contexte qui, par bien des côtés, rappelle effectivement Le Guin et (surtout) Herbert, mais qui est bien plus extrême que les leurs, et qui possède son identité et son pouvoir attracteur (je n’ose parler de « charme », vu le cannibalisme) propres ; et utopie (cannibale !), en un sens, où la redécouverte d’éléments du passé de cette civilisation, qui ne tuait que quand c’était nécessaire et voyait le meurtre de masse d’individus (donc la guerre) que l’on n’aurait pas le temps de manger comme une abomination inutile, mène à un début de changement sociétal radical, embryon d’unification totale de la planète et, conjuguée au progrès technologique, menace de lâcher sur le reste de l’univers humain une force militaire forgée dans un milieu et une philosophies plus radicales encore que celles des Fremen ou des Sardaukar.

En un mot comme en cent, Parade Nuptiale est un de ces chefs-d’œuvre rarissimes de la SF (ethnologique, mais pas seulement), « évidemment » complètement méconnu en France (où il n’a d’ailleurs pas été réédité depuis une vingtaine d’années), et hélas trop exigeant, très probablement, pour les goûts du public SFFF d’aujourd’hui. Il me faut, par ailleurs, vous prévenir si vous comptez lire ce roman, ou la suite de cette critique : Kingsbury emploie des concepts absolument abominables, de notre point de vue (mais qui sont une nécessité pour les habitants de sa planète imaginaire), et même si ce blog ne pratique pas le trigger warning, je me dois d’avertir les plus sensibles d’entre vous qu’il faut avoir le cœur bien accroché pour en prendre connaissance. La lecture de ce qui suit est donc entièrement à vos risques et périls. Continuer à lire « Parade Nuptiale – Donald Kingsbury »

Apophis Box – Février 2025

Trois chefs-d’œuvre de la Science-Fantasy, Extraterrestres : oui, mais…, et « Vieux, pas obsolète »

L’Apophis Box est une série d’articles… n’ayant pas de concept. Enfin presque. Bâtie sur le modèle des « box » cadeau, vous y trouverez à chaque fois trois contenus / sujets en rapport avec la SFFF, qui peuvent être identiques ou différents entre eux, et qui peuvent être identiques ou différents de ceux abordés dans la box du mois précédent. Pas de règle, pas de contraintes, mais l’envie de créer du plaisir, voire un peu d’excitation, à l’idée de découvrir le contenu de la nouvelle Box. Le but étant aussi de me permettre de publier des contenus trop brefs pour faire l’objet d’un des types d’articles habituellement proposés sur ce blog ou dérogeant à sa ligne éditoriale standard, et bien sûr de pouvoir réagir à une actualité, à un débat, sans être contraint par un concept rigide.

Vous pouvez retrouver les Apophis Box précédentes via ce tag.

Au sommaire de cette box de février 2025 :

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