La rédemption de Christophe Colomb – Orson Scott Card

Un excellent roman aux thèmes multiples

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M’intéressant de près à tout roman impliquant le temps, l’histoire, les uchronies, les paradoxes temporels, etc, j’ai récemment découvert l’existence de ce livre. Après l’avoir lu, je suis étonné qu’il ne soit pas beaucoup plus connu, car clairement, il devrait, selon moi, être une référence dans ces thématiques. Mais pas seulement dans ces thématiques, ce que je vais tenter d’expliquer. Car résumer une telle histoire sans vous gâcher le plaisir de la découverte et des rebondissements ne va pas être facile. Non pas parce que la lecture de cet ouvrage est difficile (c’est vraiment très bien écrit, le rythme et la construction sont proches de la perfection), mais parce que si j’en dis trop, je vais faire des ellipses qui vont saboter le rythme très précis amenant chaque changement de cap de l’histoire minutieusement mis en place par l’auteur. Car dans ce roman, on part avec des certitudes, et au fur et à mesure que l’histoire se déroule, les personnages s’aperçoivent peu à peu que rien n’est en fait ce qu’il semblait être jusque là. Je sais, dis comme ça ça a l’air nébuleux, mais impossible d’en dire plus sans tout gâcher.

De l’art délicat du résumé garanti sans spoilers

Bon, tentons de résumer sans en dire trop : l’action démarre dans le futur. Guerres et désastres écologiques on fait passer la population de la Terre de sept milliards à 700 millions. Des cultures entières ont disparu, ainsi que des espèces animales, des écosystèmes ou des oeuvres d’art. Ces pertes sont aussi cruelles que, pour la plupart, irremplaçables. Les survivants ayant tiré les leçons de leurs erreurs, la paix règne désormais, ainsi qu’une certaine prospérité matérielle. Tout le monde mange à sa faim, tout le monde bénéficie de l’éducation, etc. La technologie a progressé, et elle permet de mettre au point un appareil permettant, d’une certaine façon, de retrouver une partie de ce qui a été perdu à jamais : un dispositif permettant de voir et d’entendre à volonté ce qui s’est passé dans le passé.

Tagiri s’en sert pour observer ses ancêtres africains. Elle est témoin de la mise en esclavage de l’un d’eux. De là, elle en vient à s’intéresser au sujet, et, de fil en aiguille, à Christophe Colomb, et au rôle qu’il a joué dans l’explosion de ce système. Elle observe son enfance, et aperçoit le moment qui en a fait un des pivots de l’histoire. Le pivot autour duquel l’histoire aurait pu tourner dans un autre sens. Un sens évitant esclavage aux populations indigènes d’Amérique.
Oui mais… selon ce qu’elle voit, Colomb aurait dû en toute logique tourner son désir d’or, de titres et sa volonté d’amener d’autres populations au Christ vers la reprise de Constantinople aux Turcs et de la Terre Sainte à l’Islam. Son extraordinaire pouvoir de persuasion aurait dû inciter les souverains d’Europe à organiser une nouvelle Croisade, qui aurait balayé la civilisation musulmane tout comme, dans notre histoire, la conquête a balayé les civilisations précolombiennes. Tagiri continue à chercher ce qui a bien pu tourner le regard de Colomb vers l’Ouest et non vers l’Est. Et là, elle découvre une chose théoriquement impossible : quelqu’un est apparu à Colomb, se faisant passer pour le divin, et lui a ordonné d’aller vers l’Ouest pour la gloire de Dieu. Ce qui explique la détermination inébranlable de Colomb à convaincre les Portugais, puis les Espagnols, de financer son expédition. Il savait. Mais cela soulève une question d’une toute autre ampleur : qui lui est apparu, pourquoi, et surtout comment ? C’est après tout théoriquement impossible. Et les implications sont vertigineuses : cela veut dire que Tagiri vit dans une uchronie du monde « réel ». Ou en tout cas d’un monde précédent.

Bref, vous le voyez, le livre est très riche. Il alterne entre séquences se passant dans le futur et séquences vues du point de vue de Colomb. Il balaye de nombreux thèmes, des personnages ou points-pivots de l’histoire à l’esclavage, la religion, etc. Outre le comportement de Colomb, certains mystères sont aussi résolus au passage, de l’Atlantide à Noé, des événements qui trouvent des explications tout à fait rationnelles. De plus, les séquences vues du point de vue de Colomb peuvent être lues comme un roman historique, du moins jusqu’à un certain stade du roman (et là, j’en ai déjà révélé trop).

Bref, ce livre s’est révélé passionnant de bout en bout, patiemment, logiquement et méticuleusement construit (chaque chapitre amène son lot de révélations et de changements de point de vue très bien introduits par le chapitre précédent) pour brosser un tableau fascinant de ce qui a été et de ce qui aurait pu être. Il ne plaira peut-être pas à tout le monde (j’avoue être fasciné par le monde précolombien et les uchronies, donc forcément ça me parle peut-être plus qu’à d’autres), mais en tout cas il faut le lire et ainsi éviter de passer à côté d’un grand roman, tout simplement. Et puis ce n’est quand même pas souvent qu’on voit une uchronie dans l’uchronie d’une uchronie (vous comprendrez en le lisant), ainsi que les actions délibérées de gens qui savent exactement comment faire pivoter l’histoire autour de son axe et le résultat final qu’ils vont obtenir.

4 réflexions sur “La rédemption de Christophe Colomb – Orson Scott Card

  1. Ping : Comprendre les genres et sous-genres des littératures de l’imaginaire : partie 7 – Sous-genres majeurs de la SF | Le culte d'Apophis

  2. Ping : L’œil d’Apophis – Numéro 16 | Le culte d'Apophis

  3. Ping : Jour J – Tome 13 – Colomb Pacha – Collectif | Le culte d'Apophis

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