Sublimation angels – Jason Sanford

Bof…

sublimation_angelsJason Sanford est un auteur américain assez prolifique en matière de nouvelles de SF, qu’il publie via différents magazines, dont Interzone. Sublimation angels est en revanche une novella (roman court), et la postface nous apprend qu’il ne s’agit que de la première devant décrire ce qui se place sur la planète Eur. La précision est d’importance, puisque comme l’auteur l’explique, le fait qu’il ne s’agisse pas tout à fait d’une histoire isolée peut expliquer le sentiment de trous dans l’intrigue ou le worldbuilding que certains peuvent ressentir (*lève la main*). Au passage, Goodreads n’indique pas d’autre novella appartenant au même cycle, donc il est possible que le projet de l’auteur ne se soit finalement pas concrétisé. Le texte semble pourtant avoir été apprécié, puisqu’il a été finaliste pour le Nebula 2009 dans sa catégorie.

On m’a parlé de lui comme « du Egan, mais en mieux » (l’auteur, lui, dit s’être inspiré de A pail of air de Fritz Leiber, qui traite également de survie sur un monde glacé). Et vu que je suis en train de lire tout ce qui me paraît intéressant en matière de textes courts primés ou finalistes au Hugo / Nebula / Locus / etc ces dernières décennies, et que je m’étais mis en tête qu’il s’agissait de Hard SF, je l’ai mis en haut de ma PAL. Sauf que… ce n’est pas, pour moi, de la Hard SF, et que ça n’arrive pas à la cheville de Egan. Bref, je ressors de cette lecture profondément dubitatif, parce que sans être totalement mauvais, ce roman court présente trop de défauts pour me convaincre, et que j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi il a une telle réputation. 

Freeze ’em all *

* Trapped under ice, Metallica, 1984.

L’action se déroule entièrement sur la planète Eur, monde d’origine de l’espèce Aural (qui se manifeste sous forme de boules d’énergie), la seule race extraterrestre intelligente voyageant dans l’espace rencontrée par l’Humanité. Dans ce futur lointain, les humains sont dirigés par des IA, qui s’introduisent jusque dans leurs pensées, et sont très dépendants de leur technologie. Les Aural détruisent toute manifestation de cette dernière, que ce soit une sonde ou un vaisseau tentant de pénétrer dans leur espace. Et ils sont si avancés et puissants que même les IA aux inimaginables pouvoirs ne peuvent rien faire contre eux.

Un jour, pourtant, ils vont faire une surprenante proposition : ils viennent de modifier l’orbite de leur planète d’origine, et proposent d’accueillir une délégation d’humains et d’IA (à la condition qu’elles s’incarnent dans des corps biologiques) dessus. La nouvelle trajectoire de Eur autour de leur soleil fait que, pendant 500 ans, l’expédition humaine sera dans l’espace Aural, et ne pourra être atteinte. Au bout de ces cinq siècles, le reste de la civilisation humaine pourra venir la chercher.

Les conditions de vie sont spartiates : la technologie disponible est strictement limitée, l’atmosphère a gelé (donc il faut extraire l’oxygène glacé à la surface pour pouvoir respirer), et suite à une révolte cinq ans à peine après le début de la mission, la société de l’immense caverne unique où vit l’expédition s’est vue, littéralement, subir une stratification à la fois physique et sociale (comme dans Strata de Beaulieu / Gaskell ou dans Les monades urbaines de Robert Silverberg). Tout en bas de l’immense puits vertical, là où il fait le plus froid et où le dioxyde de carbone s’accumule, triment les Low kids, basse caste astreinte aux travaux pénibles et ne bénéficiant ni d’une éducation pointue, ni de tâches valorisantes ; dans les niveaux intermédiaires, vivent les middle workers, la classe moyenne, et en haut, dans la chaleur et l’oxygène pur, les moms (dont Big Mom, l’IA incarnée, et les gros bras qui lui servent à maintenir sa dictature même pas bienveillante ; notez que malgré le nom, mom ne signifie pas forcément femme). La vie est dure, rythmée par les exigences de la survie : extraire de l’oxygène, des matières organiques, réparer les éléments de chauffage ou les combinaisons spatiales vétustes (car on ne sait / peut plus créer de tech moderne, seulement réparer celle qui existe : comme les Aural s’en prennent à la technologie humaine, on maintient celle-ci à un très bas niveau pour ne pas provoquer leur ire), etc. Et elle l’est rendue encore plus par le fait que la colonie de 2000 personnes est menée d’une main de fer : si vous désobéissez ou posez trop de questions, vous avez un « accident », vous vous, hum, « suicidez », vous vous tuez littéralement au travail, voire on fait un exemple explicite de vous.

Et des questions, il y en a, notamment sur le fait que malgré le fait que la planète était supposée sortir de l’espace Aural au bout de cinq siècles, cela en fait six que la mission a commencé, et aucun humain / IA avancé n’a pointé le bout de son nez pour rapatrier les survivants ou faire revivre ceux qui sont morts grâce à sa technologie de pointe. Pire encore, la communication avec les Aural, dont les motifs semblent bien mystérieux, est restée au même point : ils n’ont réagi qu’une seule fois, en montrant de l’intérêt pour le frère jumeau (désormais mort) du narrateur. Et ce dernier va chercher à découvrir les secrets des uns (les Aural) et des autres (Big Mom) !

Mon avis

J’ai eu plusieurs problèmes avec ce roman court, et ce dès les premières pages. Déjà, alors que le résumé (le mien ou celui de la quatrième) évoque plutôt de la Hard SF, on a en réalité plus affaire à de la Soft SF, que ce soit dans le traitement d’une société inégalitaire et dictatoriale ou dans l’expérience menée par les Aural (car c’en est une). Car, d’une part, les éléments Hard SF présents ne le sont finalement pas tant que ça, et car, de mon point de vue, quelques-uns d’entre eux ne suffisent pas forcément à classer un bouquin dans ce sous-genre (et ce d’autant plus que l’emphase est plus mise sur le côté social que sur la quincaillerie, même s’il est vrai qu’elle a un rôle à jouer). De plus, il y a plusieurs points qui évoquent vraiment plus de la science à deux balles, voire même une espèce de Science Fantasy (les extraterrestres boules de lumière, le sort du cadavre d’Omare, les plantes soi-disant conservées intactes dans la glace, etc), qu’une Hard SF rivalisant prétendument avec celle de Egan.

Ensuite, le worldbuilding et l’intrigue ne m’ont pas vraiment convaincu, même si dans les deux cas, il y a de bonnes choses dedans (mais surtout des points déjà vus -et en mieux- ailleurs). Les extraterrestres qui sacrifient leur monde d’origine en modifiant son orbite et en le condamnant à la glaciation jusqu’au zéro absolu ou quasiment, déjà, ça ne tient pas la route : au stade de puissance / technologie décrit (maîtrise des trous noirs, etc), il aurait été beaucoup plus simple et logique de détourner de sa trajectoire un simple astéroïde, ou à la rigueur une lune ou autre planète mineure et inhabitée. Pour le plan des Aural, le résultat aurait été le même. De plus, comment expliquer que l’orbite de la planète la sorte de l’espace Aural en cinq siècles à peine, alors qu’il est clairement sous-entendu que ces derniers occupent plusieurs systèmes solaires ? Et je ne parle pas des Deus ex Machina en série qui font que l’intrigue n’est pas franchement passionnante.

Le style, lui aussi, m’a posé problème : pour un auteur écrivant autant, je l’ai trouvé assez brouillon, voire basique, et pas prenant pour deux sous (même en-dehors du langage de type SMS utilisé par les Low kids, hein). Les personnages étaient supposés être le gros point fort par rapport à Egan, et s’ils sont effectivement plus travaillés que les siens, ils ne sont ni convaincants, ni particulièrement attachants. On sent bien que Sanford tente de créer de l’émotion, de l’empathie, mais chez moi, en tout cas, ça n’a pas fonctionné des masses.

Bref, je ressors de ma lecture dubitatif, car sans être mauvais, Sublimation angels s’est révélé très en-dessous de mes attentes, de ce que présageait la quatrième ou des autres lectures primées / nominées que j’ai pu faire ces derniers temps. Et même si, un jour, l’auteur finit par sortir une suite, je ne la lirai pas, n’étant pas assez intéressé par le plan Aural ou le sort de la civilisation humaine d’Eur pour y consacrer plus de temps, et ce alors que des masses de textes bien plus convaincants m’attendent encore.

Niveau d’anglais : facile.

Probabilité de traduction : plutôt faible.

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4 réflexions sur “Sublimation angels – Jason Sanford

    • Cet aspect est aussi présent (par exemple) dans Strata de Beaulieu / Gaskell, ou dans Gravité de Stephen Baxter, qui sont tout de même plus solides sur le plan du worldbuilding, de l’intrigue ou du style.

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    • En plus, le texte ayant une dizaine d’années, si c’était vraiment du « Egan, mais en mieux », Sanford aurait eu carrément une autre carrière que ça. Je ne dis pas que les génies méconnus n’existent pas, mais en ces temps où la moindre maison d’édition est à la recherche de la perle rare, il faut avouer qu’un tel anonymat n’incite guère aux comparaisons flatteuses.

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