Encore plus intéressant que le tome 1 (et pourtant la barre était placée haut)
Le sang du roi est le deuxième tome du cycle La dague et la fortune, après La voie du dragon. Connaissant la propension de Daniel Hanover (et de Ty Franck) à faire disparaître ou apparaître des personnages principaux dans chaque nouveau tome de The Expanse, vous vous demandez peut-être si on retrouve Cithrin, Geder, Marcus, Dawson, Clara et l’Apostat, les protagonistes (et narrateurs) de La voie du dragon, dans cette suite. La réponse est oui : nous retrouvons nos héros quelques mois après les événements ayant eu lieu à la fin du tome 1. Chaque chapitre est aussi vu selon le point de vue de l’un d’entre eux. Par contre, il y a des différences dans le nombre de chapitres auquel chacun a droit (sachant que leur nombre total est quasiment égal -46 au lieu de 47- par rapport au tome 1) : les deux changements les plus notables concernent Clara (qui passe de 2 à 7 chapitres) et Cithrin, qui est le personnage le plus représenté, avec 12 d’entre eux (au lieu de 14 pour Geder dans La voie du dragon).
Evolution des personnages, rythme
Le tome 1 adoptait un rythme que je qualifierais non pas de lent, mais de posé, l’auteur prenant son temps pour mettre en place ses personnages, son univers et son intrigue. Rien de tel ici. Les événements sont contés sur un rythme nettement plus nerveux et haletant, maintenant que les acteurs et le décor sont en place.
Les péripéties sont assez prévisibles, mais ce n’est en aucun cas un point négatif : en lisant ce roman, j’ai eu le même sentiment que lors de ces retransmissions où des figures géantes formées de milliers de dominos se mettent en branle une fois le premier d’entre eux poussé. On a beau avoir eu sous les yeux la figure d’ensemble bien avant ce coup de pouce fatidique, on n’en reste pas moins captivé au fur et à mesure que la chute de chaque domino entraîne celle du suivant, et ainsi de suite. Là, c’est pareil : on sent bien comment tout ça va finir, et pourtant on reste fasciné.
Au delà de l’intrigue ou du contexte, ce qui fait la grande force de ce cycle est pour moi sa galerie de personnages. Si Cithrin se taille cette fois la part du lion en terme de chapitres, il ne faut pas s’y tromper, c’est en fait Geder qui est au centre de pratiquement tout. Geder qui va encore s’élever, avant de retomber brutalement et de s’élever plus haut encore qu’auparavant. Geder qui, dans la droite ligne du tome 1, est un personnage psychologiquement complexe, à la fois doux et terriblement violent, gentil et impitoyablement cruel. Geder, dont on assiste, à la fois fasciné et horrifié, au passage vers une forme de Côté obscur.
Ce qui est très intéressant, c’est que chaque personnage évolue, ils ne sont en aucun cas figés dans leur psychologie, leur situation ou leurs buts du tome 1 : Cithrin a perdu le contrôle de sa branche de la Banque et doit rendre des comptes, ce qu’elle ne supporte pas ; Marcus va être amené à aller contre tous ses instincts ; Dawson va faire de même, dans un raisonnement tordu en se disant que c’est « pour la bonne cause » ; Clara, beaucoup plus mise sous la lumière des projecteurs que dans le tome précédent, va voir sa situation évoluer d’une façon radicale ; et comme dans le tome 1, l’Apostat va ouvrir et fermer ce tome 2, s’associant pour l’occasion avec un autre protagoniste pour ce qui promet une aventure passionnante dans le tome 3. Et puis évidemment, il y a Baraship, qui joue, lui, exactement la partition qu’on attend de lui.
La fin de Le sang du roi est à nouveau très réussie, sans effets de manche faciles type cliffhangers mais avec quelques aperçus de ce qui nous attend tout à fait réjouissants.
Plus d’action, plus de retournements de situation
Il y a nettement plus d’action dans ce tome 2 que dans ce tome 1 : après tout, il y a une guerre, puis une guerre civile… De ce point de vue là, et en ajoutant le fait que le rythme soit plus nerveux, ce tome 2 est sans doute plus attractif que le 1, qui adoptait un rythme posé qui pouvait faire fuir certains. Mon conseil est vraiment, si c’est votre cas, de serrer les dents : même si le tome 1 est un peu lent pour vous, c’est un passage obligé si vous voulez profiter de ce cycle. Georges R. R. Martin n’est pas avare de compliments vendeurs copieusement mis en exergue par les éditeurs sur la couverture des bouquins écrits par ses protégés, mais il faut avouer que Daniel Hanover / Abraham a rédigé là une oeuvre qui, si elle n’atteint pas les sommets du Trône de Fer, est extrêmement recommandable, à la fois en elle-même et par rapport à celles des autres écrivains du cercle de Martin (Ty Franck, Victor Milan, etc).
Il faut signaler aussi pas mal de retournements de situation, certes assez prévisibles, mais qui font que chaque personnage reste très intéressant tout au long du livre. Rien n’est figé, tout peut changer brutalement, que ce soit sa situation, ses perspectives d’avenir (ou leur absence…) ou le simple fait… qu’il soit mort ou vivant ! Là aussi, la patte du « père spirituel » est bien présente (je vous renvoie à la genèse du cycle dans ma critique du tome 1).
Un univers et un background des personnages qui s’étoffent, de nouvelles associations qui se créent
Ce n’est pas parce que le gros du décor est en place qu’il n’y a pas de place pour de nouveaux lieux, des informations supplémentaires sur les treize races (qui n’étaient pas du luxe, loin de là, tant le tome 1 était nébuleux à ce niveau…) dans une postface assez indispensable, de nouveaux personnages (ou des personnages dont on avait juste entendu parler mais jamais vu), de nouveaux pays, etc. Parce que si l’aspect géopolitique était déjà sensible dans le tome 1, il devient capital dans ce tome 2, et certaines allusions prouvent qu’il va être au centre du tome suivant.
De même, on en apprend un peu plus sur le passé de l’Apostat et beaucoup plus sur celui de Marcus (encore une fois, ce n’est pas du luxe…).
Je l’ai déjà un peu évoqué, mais certains personnages opérant jusqu’ici plus ou moins chacun dans leur coin, ou se connaissant mais sans plus, vont désormais avoir des relations beaucoup plus étroites : l’Apostat et Marcus, mais aussi et surtout Cithrin et Geder, dont les routes vont désormais se croiser.
Un mot sur l’édition
Pour terminer, un mot sur la relecture : tout comme pour le premier tome, elle a clairement été insuffisante. Une faute ou deux dans un bouquin de 400 ou 500 pages, ça peut arriver à quasiment n’importe quel traducteur / relecteur / éditeur (encore que, il y en a chez qui c’est tellement anecdotique que quand ça arrive UNE SEULE FOIS tout le monde est étonné), et du coup c’est quelque chose que je ne mentionne même pas dans ma critique ; mais là, nous sommes plus sur 2-3 fautes… toutes les 100 pages. Et pas des petites fautes, hein, des choses qui normalement doivent sauter aux yeux lors d’une relecture, du genre « le prit part le bras » (p 257) ou encore « deux ans, dont une dans une branche différente » (p 396). A 22 euros la version physique et 16 pour la version électronique, on est incontestablement en droit d’attendre un travail un peu plus soigné.
En conclusion
J’avais trouvé le tome 1 solide, cohérent et intéressant, mais clairement, ce tome 2 se sert de ces robustes fondations pour proposer une histoire trépidante, certes prévisible mais très prenante. Les personnages, toujours aussi solides, sont de plus en plus complexes sur le plan psychologique, et les intrigues prennent une nouvelle ampleur au fur et à mesure que certains d’entre eux acquièrent plus de pouvoir et d’indépendance au sein de leur branche respective. On est autant fasciné de voir certains d’entre eux s’élever que d’assister à la chute vertigineuse de certains autres. Et tout ça sans (quasiment) jamais tomber dans le voyeurisme parfois complaisant, commercial et balourd du grim & gritty.
On sent clairement que le tome 3 va être assez énorme, et on espère que la traduction des tomes 4 et 5 est prévue pour pouvoir lire l’intégralité du cycle dans la langue de Molière (malgré quelques recherches, je n’ai pas pu trouver d’infos à ce sujet). Vous l’aurez compris, c’est sans réserve que je conseille ce cycle très intéressant, sans doute le plus valable de ceux estampillés « G.R.R Martin approved ».
Pour aller plus loin
Ce roman fait partie d’un cycle : vous pouvez retrouver sur Le Culte d’Apophis les critiques du tome 1, du tome 3
Il faut vraiment que je récupère le tome 1 chez ma belle-maman!!! Ta critique me fait presque regretter de lui avoir laisser. Je sais déjà que je vais me régaler une fois que le héros sera sorti de prison pour l’escorte (le moment ou je me suis arrêtée dans la lecture)…. C’est une lecture que je prévoie pour mes vacances estivales (tu vois je fais de la prévision aussi 😉 ).
J’aime beaucoup que tu fasses un point sur l’évolution des personnages dans cette critique, je vois qu’il y a du mouvement dans le livre. J’adore ces romans où les protagonistes sont également façonnés par les éléments, mais en dehors d’un rite ou une quête initiatique. Bref, marqués par leur vie. Cela participe vraiment à la crédibilité de l’ensemble.
C’est vrai que tu donnes rarement une appréciation sur l’édition elle-même. Je suis 100% d’accord avec toi. Une à deux fautes cela est « attendus », plus cela ne fait pas pro.(bien que je m’aperçois régulièrement que j’en fais un paquet. Je ne sais pas pourquoi, je ne les vois pas à la relecture alors que quelques jours après elles me sautent aux yeux… Mon cerveau ou ma paire d’oeil ne doit pas fonctionner de manière optimale!)
Je suis en train de lire le tome 3 de la trilogie de l’Empire (70% achevé), c’est géant et je ne te remercierais pas assez de me l’avoir recommandé!
Surtout, que je m’estimais un peu blasée par la fantasy et je m’en étais partiellement détournée. Tu fais découvrir des incontournables qui marquent vraiment!
Sur ce je repars en compagnie de Mara.
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Merci 🙂
Je te rassure, moi c’est pareil pour les fautes d’orthographe. J’ai beau me relire x fois avant de publier, il suffit que je revienne sur l’article quelques jours ou semaines plus tard pour qu’au moins une énorme faute me saute instantanément aux yeux. C’est malheureusement le gros inconvénient d’un blog « solo » par rapport à un site tenu par une équipe : dans ce dernier cas, sur un site sérieux, rien n’est publié avant d’avoir été relu par au moins deux personnes différentes. Question de recul, et de faute qui va sauter aux yeux de l’un et passer inaperçue à ceux de l’autre… et inversement.
Oui, c’est clair que chaque tome de la Trilogie de l’Empire est encore plus énorme que le précédent, même si avant de le commencer, on se dit qu’il n’est pas possible de faire mieux 😀
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