L’elfe et les égorgeurs – Jean-Philippe Jaworski

Une impression mitigée

elfe_egorgeursL’elfe et les égorgeurs est une des cinq nouvelles du recueil Le sentiment du fer, par Jean-Philippe Jaworski. Durant le mois d’avril, elle est offerte (ainsi que celles de quatre autres auteurs) par les Indés de l’imaginaire, afin de vous permettre de découvrir gratuitement les univers des écrivains concernés. Or, malgré l’énorme pression des fidèles du Culte, votre serviteur n’a encore jamais franchi le pas et découvert le plus fameux et respecté des écrivains de Fantasy français. Peur d’un style trop ampoulé pour moi, de longueurs dues aux descriptions détaillées dont il est friand, crainte d’être déçu devant une réputation d’excellence quasi-unanime, les facteurs expliquant le fait que je m’en sois tenu consciencieusement éloigné sont multiples. Mais étant donné que j’ai prévu de lire les plus de 700 pages de Gagner la guerre en Août, cette nouvelle gratuite m’a paru être un excellent moyen de vérifier que j’aurai une affinité minimale avec le style de l’auteur. 

Nous suivons Annoeth, ménestrel et barde en voyage dans le royaume de Leomance, à la recherche de nouvelles ritournelles devant enrichir son répertoire, et divertir la bonne société de contrées plus civilisées. Car Leomance est en guerre : si, jusqu’ici, le conflit se cantonnait aux Marches du pays, il a désormais fait tâche d’huile. De fait, fourbu et affamé, l’elfe arrive en vue d’un village ravagé, et pénètre dans une forteresse qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Et là, chose impensable, il demande, fort civilement, l’hospitalité à la bande de soudards, de condottieres de bas étage qui occupent toujours les lieux. Des mercenaires qui n’ont qu’une idée, le dépouiller de ses beaux atours, et du reste…

Bon… voilà, le premier contact avec Jaworski est fait. Alors, le verdict ? A ce stade, il est mitigé. Je n’adhère pas vraiment à la chute de l’histoire (vaguement Tolkienienne, puisqu’elle rappelle un peu un épisode se passant au Mordor), et le langage ampoulé de l’introduction ne me fait pas franchement tomber en pâmoison devant l’érudition de l’auteur. Mais en revanche, j’ai trouvé, justement, le contraste entre cette langue fleurie, côté elfe, et l’argot gouailleur des coupe-jarrets absolument formidable. De plus, cet univers mélangeant certains des codes les plus basiques de la Fantasy (elfes, etc) et les éléments les plus évocateurs du Moyen-âge et de la Renaissance réels (le langage, par exemple) est, je trouve, très intéressant.

Bref, je suis à la fois rassuré sur la capacité de Jaworski à me plaire sur le fond (on est à fond dans la Dark Fantasy grim & gritty, ce qui ne peut que me séduire), mais pas vraiment moins inquiet sur la forme. Je l’ai exprimé à de multiples reprises, mais la qualité première d’un roman est, pour moi, la fluidité de lecture et la facilité d’immersion dans l’univers et l’intrigue : buter sur quelque chose tous les trois mots ne correspond pas vraiment à cette définition… Ce qui est certain, en tout cas, c’est que je suis décidé à lui laisser une seconde chance, et que Gagner la guerre sera donc bel et bien au programme d’Août. Mais clairement, si mon impression reste aussi mitigée, je ne poursuivrai pas, après ça, l’exploration de l’oeuvre de l’auteur.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce texte et / ou sur le recueil dont il fait partie, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle d’Aelinel, celle de FeydRautha sur l’épaule d’Orion, de l’ours inculte, de Boudicca sur le Bibliocosme, de Lhotseshar sur Au pays des Cave Trolls, de Xapur,

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18 réflexions sur “L’elfe et les égorgeurs – Jean-Philippe Jaworski

  1. « cette langue fleurie, côté elfe, et l’argot gouailleur des coupe-jarrets absolument formidable »
    « les éléments les plus évocateurs du Moyen-âge et de la Renaissance réels (le langage, par exemple) est, je trouve, très intéressant. »

    La langue fleurie et l’argot, c’est ce qui fait la force de Gagner la guerre, dans le style, et sur le fond c’est l’aspect dark fantasy, inspiré de la renaissance.
    Même si Jaworski a beaucoup de « fans », il ne peut pas plaire à tout le monde et honnêtement, ce n’est pas, à mon sens, la meilleure nouvelle qu’il ait produite.

    Avant de lire gagner la guerre, tu devrais peut-être mettre la main sur « Mauvaise donne », une nouvelle inclut dans son recueil Janua Vera. Elle peut servir « d’introduction » à gagner la guerre, puisqu’elle est centrée sur Benvenuto, le personnage principal.

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  2. Ce n’est pas ma nouvelle préférée mais j’avais bien aimé aussi le contraste entre les différentes personnages. Tu retrouveras sans mal tous les points positifs que tu énonces dans Gagner la guerre (c’est le premier texte de Jaworski que j’ai lu et, moi qui apprécie aussi la fluidité avant tout, je n’ai jamais été gênée par son style travaillé…) Je suis pressée de lire ton avis sur le roman ! 😉

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  3. Cette nouvelle m’avait bien fait rire lorsque je l’avais lue. L’elfe Annoeth, tu le croiseras à nouveau dans Gagner la Guerre. L’intérêt de la nouvelle est de fournir un éclairage supplémentaire sur la nature des elfes dans l’univers du Vieux Royaume de Jaworski. Et notamment aide à mieux comprendre ce qu’il se passe dans le passage de Gagner la Guerre où Benvenuto rencontre deux elfes, et d’où cette fascination qu’il éprouve alors provient. Ce qui me plait chez l’auteur, c’est qu’en utilisant les codes de la Fantasy, il désacralise sans cesse ses idôles. Souvent en fantasy, les elfes sont inspirés par la version angélique de Tolkien. Jaworski en fait des personnages déracinés, infréquentables et dangereux. Le recueil Le Sentiment du Fer s’ouvre d’ailleurs sur la phrase « Il y a un paquet de bonshommes qui ne peuvent pas encaisser les elfes ». A mon avis, les nouvelles de Jaworski s’abordent au sein d’un univers, par ailleurs très riche, comme éléments constituants d’un tout. Elles perdent de leur intérêt en stand alone.

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  4. La lourdeur de la langue m’a jamais dérangé chez Jaworski… Jusqu’à ce que je lise le sentiment du fer 😀 Mais c’est pas spécialement sur cette nouvelle-ci que ça m’a paru gênant.

    Mais je préfère largement sa série celte à tout ce qui se passe dans son « vieux royaume », y compris le langage (Et la version audio des rois du monde est top)

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  5. Cette nouvelle était juste une commande, courte et rapide, demandée par l’éditeur, et pas la meilleure. Pour se faire une idée de « gagner la guerre », mieux vaut en effet lire la nouvelle « Mauvaise donne », dans le recueil « Janua Vera ». Chaque nouvelle a son style propre, et le style de « gagner la guerre » est celui de « mauvaise donne », qu’il suit. Donc avant de vous enquiller 900 pages, vous pouvez lire cette nouvelle par précaution.

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    • Merci du conseil, mais je ne pense pas m’amuser à dépenser 8 ou 9 euros (selon la version) pour acheter Janua Vera juste pour me donner une idée de ce que sera « Gagner la guerre », que je possède déjà et que j’ai payé 0.99 euros, de mémoire. L’intérêt de cette nouvelle était justement de me donner une idée rapide et gratuite de l’écriture de Jaworski en général, pas forcément des variations de son style sur tel ou tel recueil particulier.

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  6. Pas mieux que les autres, tu sembles être mûr pour lire « Gagner la guerre ».
    Ce qui est remarquable avec Jaworski, au-delà de sa prose hors norme, c’est que toutes ses nouvelles qui concernent le Vieux Royaume se répondent, d’une manière ou d’une autre, soit à travers les époques, soit avec les personnages. Il n’est pas toujours simple de tout remettre dans l’ordre, surtout avec ces publications relativement espacées dans le temps, mais c’est un élément intéressant je trouve.

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  7. D’abord merci pour ce travail de défrichage di précieux pour ceux qui comme moi ont de plus en plus de mal à accrocher sur un livre de SF ou de Fantasy qui en vaille la peine, c’est à dire bien écrit et doté d’une bonne intrigue. Je découvre ce site aujourd’hui, jamais trop tard !
    Pour ce qui est de gagner la guerre, tu ne devrais pas être déçu par une gouaille omniprésente, une truculence du verbe que, je l’avoue, j’ai beaucoup eu de plaisir à lire. Mais à mon sens, Jaworsky excelle aussi dans les personnages légendaires (la trilogie rois du monde developpe bien cet aspect) et te suggère de lire également la première nouvelle de Janua Vera qui m’avait soufflé par sa force d’évocation. Pour finir, pour ce qui est du talent de conteur, je crois que Stefan Platteau (le sentier des astres) est encore meilleur . Merci encore, je vais m’abonner au blog.

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    • Merci et bienvenue !

      Tu arrives au bon moment, je m’attaque à l’oeuvre de Jaworski dans quinze jours 😉 (le programme de toutes mes lectures est disponible sur la page « prochaines critiques », soit via la barre latérale, soit en cliquant sur l’image de la lecture en cours, soit en passant par le menu-bandeau au-dessus du logo du blog).

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