Afterland – Lauren Beukes

Pas dépourvu d’intérêt, même si celui-ci se révèle relativement mince

2020. Un nouveau virus apparaît, bénin pour les femmes mais provoquant un cancer de la prostate chez les hommes de tout âge, enfants et adolescents y compris. Bilan : 3,2 milliards de morts, moins de 50 millions de survivants. Qui, du coup, acquièrent un statut très spécial : les fanatiques religieuses veulent terminer le travail entamé par leur Dieu en les tuant, les mères / sœurs / compagnes cherchent leur compagnie pour compenser la perte de l’être aimé, le gouvernement veut les protéger à tout prix afin de décoder le mécanisme de leur immunité, et certains individus sans scrupules veulent vendre leur semence, d’autant plus monnayable au marché noir que la « Reprohibition » interdit toute conception en l’absence d’un vaccin.

2023. Miles, fils ado de Cole, une sud-africaine, est ainsi sur le point d’être kidnappé et vendu par sa propre tante à une riche investisseuse, quand Cole découvre le plan de sa sœur, l’assomme, la laisse pour morte, s’enfuit de la base militaire où la famille était hébergée et cherche à traverser les USA d’une côte à l’autre pour prendre le bateau pour son pays d’origine. Mais Billie a survécu, et épaulée par deux tueuses au service de sa patronne, tente de rattraper l’enfant.

Afterland est divisé en trois parties : la première moitié décrit la phase initiale de la fuite, nous montre, via des analepses, comment les personnages et le monde en sont arrivés là, et alterne les points de vue de Billie, Cole et Miles, déguisé en fille pour sa propre sécurité et rebaptisé Mila. Un court intermède s’ensuit, essentiellement un déballage d’infos sur le virus. Dans la seconde moitié, Cole, qui, pour atteindre Miami, est entrée dans une secte axée sur la repentance, devra faire face à la crise d’adolescence de son fils et au fait que lui adhère sincèrement au credo du culte.

Afterland n’est pas un mauvais roman : l’autrice a du métier, et son style caustique fait mouche, du moins dans la première partie. La seconde, qui s’éloigne des questions sociétales intéressantes soulevées auparavant (notamment sur le fait qu’une société presque dépourvue d’hommes n’en est pas pour autant idyllique) pour tomber dans un récit rebattu de mal-être adolescent et de vulnérabilité aux promesses de salvation d’une secte, est de plus plombée par un rythme atone et une fin d’une banalité et d’une prévisibilité affligeante. Même la première partie, si elle est rythmée, voire parfois haletante (mais paradoxalement, on s’inquiète plus pour le sort de Billie que pour celui de Cole / Miles !) ne justifie pourtant pas que, comme Stephen King, nous qualifions ce livre de « thriller splendide ». Sans compter le fait que les thématiques de fond sont abordées de façon trop superficielle, et surtout que le road trip à travers les USA impliquant un adulte et un enfant dans un contexte post-apo, ou bien la société sans hommes, sont du déjà vu, en mieux (on pensera notamment à Cormac McCarthy et Joanna Russ). Bref, si ce n’est certainement pas sans intérêt, celui-ci se révèle relativement mince…

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous recommande la lecture des chroniques suivantes : celle de Célinedanaë, celle de Just a word, de Yogo le Maki, du Nocher des livres, de Tachan, de Feydrautha, de Boudicca, de Yuyine, de Dup, de La Geekosophe, de Gromovar,

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11 réflexions au sujet de « Afterland – Lauren Beukes »

    1. Le roman de Lauren Beukes est antérieur à la série mais postérieur au comic, et effectivement, les fondamentaux sont similaires. Par ailleurs, le monde sans hommes est une thématique archi-traitée dans la SF du milieu des années 70 (notamment), entre autres par James Tiptree Jr. et Joanna Russ (et en mieux / plus subtil, évidemment). Donc rien de bien nouveau ou de notable sous le soleil, en effet. Dans le genre, je signale d’ailleurs que La Porteuse de mort, toujours chez AMI, que j’ai lu mais que je ne chroniquerai pas, est un mélange complètement dispensable entre Firefly / Serenity et La Stratégie Ender.

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  1. Je cite également Les hommes protégés de Robert Merle, qui bien que français avait placé son intrigue aux Etats-Unis. Son virus ne tue que les hommes dans l’âge de la virilité. Donc les enfants survivent tant qu’ils ne sont pas pubères, les vieillards mais aussi les hommes castrés (ce qui devient un enjeu politique fort).

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    1. Oh oui, c’est certain, il y a nombre d’autres exemples possibles. J’ai aussi un très vague souvenir d’une BD érotique / post-apo italienne (type Druuna) lue il y a au moins trente ans, où la semence de la poignée d’hommes restants est extraite continuellement du matin au soir par des machines pour assurer la survie de l’espèce (d’ailleurs, si quelqu’un passe par là et a le titre, je le veux bien, merci).

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      1. Je ne suis pas sûr que la BD qui me vient à l’esprit soit celle que vous évoquez, bien que la thématique soit assez proche : « Zara », de Luc et François Schuitten, a été publié en 1985 aux Humanoïdes Associés, et nous présente une société où les femmes, dominantes, ont calqué leur société sur celle des mantes religieuses. De fait, les hommes, lorsqu’ils sont capturés, sont littéralement « essorés » (je ne vois pas d’autres termes, désolé !) lors de cérémonies cultuelles, puis grignotés vivants par les insectes vénérés. Bon appétit…

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