Moins de batailles aériennes, mais tout aussi passionnant
Le trône de jade est le second volume du cycle de Téméraire, après Les dragons de sa majesté. Le moins qu’on puisse dire est que la phase de mise en place de l’univers et des personnages est bel et bien terminée, puisque ce tome 2 démarre sur les chapeaux de roue. Inutile de dire que si vous n’avez pas lu le tome 1, il est totalement vain de vous lancer là-dedans en espérant y comprendre quelque chose, ce ne sera pas le cas.
Alors que le tome 1 se déroulait en Angleterre (et un peu en mer), celui-ci déplace l’action vers des contrées beaucoup plus exotiques, à savoir la Chine mystérieuse de l’époque Napoléonienne. Mais le récit ne concerne pas que la destination, car il laisse en fait une part prépondérante (330 pages sur 500) au voyage et à ses péripéties.
Le Capitaine Laurence sombre *
* Le Capitaine, L’Affaire Louis Trio, 1993.
Le capitaine Laurence est dans la tourmente dès la première page du roman (et non, ce n’est pas un flash-forward, c’est juste qu’il n’y a pas de « round d’observation »). Le frère de l’Empereur de Chine a débarqué et réclame que Téméraire leur soit « rendu » (ce qui est tout de même cocasse, puisqu’il a été donné aux français, puis capturé légalement par les anglais lors de la prise du navire… français sur lequel son œuf se trouvait). Et comme par hasard, les politiciens et diplomates anglais ne font rien pour tempérer la demande des chinois, bien au contraire (des intérêts commerciaux énormes sont en jeu, nécessaires au financement des alliés européens sur le continent). Quand Laurence et son dragon résistent, seule la bienveillance de ses supérieurs sauve le premier de la Cour Martiale. Mais bon, après quelques péripéties, il faut bien se rendre à l’évidence : Téméraire doit embarquer sur un Transport de dragons anglais en partance pour l’Asie. Et comme le seul moyen de le calmer est que Laurence l’accompagne, du coup c’est l’équipage tout entier du dragon qui se retrouve embarqué dans l’aventure.
Dès le début, le côté « politiques et diplomates veules face à la noblesse et au volontarisme des militaires » fait (une fois encore) très fortement penser aux épisodes les plus précoces de la saga Honor Harrington.
In the Navy *
* Village People, 1979, ici version de Alestorm, 2013.
Du coup, hop, on retrouve l’ambiance navale / Horatio Hornblower / Richard Bolitho / Jack Aubrey du début du premier tome. On fait connaissance avec les transports de dragons, qui, bien loin de la bétaillère, tiennent plus du porte-avions de l’ère Napoléonienne, avec la bagatelle de cent pièces d’artillerie histoire de se « défendre ».
Au cours du (long) récit du (long) voyage (sept mois), l’H.M.S. Allegiance et ses passagers vont subir tout un tas de désagréments : attaque française, tempête, rivalités entre marins et aviateurs, entre anglais et chinois, tentatives de meurtre, attaque d’un dragon des mers sauvage, et j’en passe. Ce sera aussi l’occasion de voir Téméraire tenter de voler la vedette à la légendaire Martine, avec toute une série de thématiques : Téméraire a bobo à sa papatte, Téméraire a un rhume, Téméraire à la plage, Téméraire au restaurant chinois, Téméraire apprend le Mandarin, et là aussi, je ne vous dis pas tout. Bon, j’ai l’air de me moquer, mais en fait on ne s’ennuie pas une seconde dans cette partie du livre, Naomi Novik a bien assez de talent pour rendre ces péripéties intéressantes, même pour celui comme moi qui est plutôt là pour voir du combat Napoléonien ou de l’uchronie. Et au passage, il y a quand-même 2-3 trucs sérieux qui sont abordés, comme l’esclavage par exemple.
The Chinese Way *
* Level 42, 1983 (ici version live de 1991).
Même si la partie du livre concernant le voyage était prenante et intéressante, elle fait pâle figure face à la description de cette Chine uchronique. Naomi Novik a très intelligemment tiré les conséquences des particularités de la civilisation chinoise afin de les projeter dans son oeuvre, tout spécialement dans la place accordée aux dragons dans cette société. Les chinois traitent leurs dragons avec bien plus d’humanité, de respect ou d’équité que ne le font les anglais ou plus généralement les européens, en les intégrant complètement dans leur société au lieu de les utiliser comme de simples machines de guerre vivantes. J’ai également beaucoup apprécié la logique conduisant à faire des femmes les seuls membres de l’Aerial Corps local, les écoles où garçonnets et dragonnets se mêlent, ainsi que le règlement par chèque draconique !
Je sais que les tomes suivants abordent d’autres grandes civilisations (les Incas par exemple), et franchement, si c’est à chaque fois fait avec la même habileté et la même intelligence, je sens que je vais prendre un plaisir rare à lire ces ouvrages.
Que ce soit au cours du voyage (dragon marin, dragon canadien entraperçu) ou, surtout, une fois arrivé en Chine, on fait aussi la connaissance de toutes nouvelles espèces de dragons, un vrai bonheur pour l’amateur de ces nobles créatures tel que votre (humble) serviteur.
Globalement, il y a beaucoup moins de batailles aériennes que dans le premier tome, ce qui ne signifie en rien qu’il n’y a pas de combats, même si l’aspect martial est moins mis en avant que dans Les dragons de Sa Majesté (au profit de l’aspect diplomatique et politique). Malgré tout, dans la plus pure tradition de la Flintlock Fantasy, nous avons droit à un petit engagement type Rorke’s Drift / Camerone à la fin du roman. Autant dire que l’amateur de Fantasy militaire en a quand-même pour son argent.
En conclusion
J’ai pris autant de plaisir à lire ce tome 2 que le tome 1, même s’il est moins orienté combats. L’intrigue est plaisante, l’écriture de Naomi Novik toujours aussi redoutablement fluide, prenante et efficace, et il y a cet exotisme et ce dépaysement qui sont pour moi si importants en Fantasy. C’est donc avec joie que je compte continuer le cycle le mois prochain avec la lecture du tome 3, Par les chemins de la soie (qui inclura, pour mon plus grand bonheur, les Ottomans et leurs dragons).
Pour aller plus loin
Vous souhaitez lire un autre avis sur ce roman ? Je vous conseille la Critique de Boudicca sur le Bibliocosme, celle de Lutin sur Albedo, celle du Blog uchronique de Daidin,
Ce roman fait partie d’un cycle, dont il est le second tome : vous pouvez retrouver sur Le Culte d’Apophis les critiques du tome 1, du tome 3, du tome 4
Vous avez aimé le mélange Victorien + dragons ? Vous pourriez également apprécier Une histoire naturelle des dragons de Marie Brennan.
Et de 3!
Trop fatiguée pour commenter davantage… (mais j’ai gagné mon match).
A demain!
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Ah, félicitations ! Il y avait un beau Wawrinka – Kyrgios à Madrid cet après-midi.
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Tu t’es régalé, donc c’est déjà bon signe pour le sort de ce livre chez moi. Ensuite, dragons, partie militaire bien maîtrisée et époque napoléonienne, exotisme … je ne peux que prendre! De plus, il y a un aspect auquel je suis sensible (et tu comprendras pourquoi), c’est quand les militaires sont « présentables », ouverts et pas bas du plafond. Bref, quand ils sont au moins respecter.
Bravo pour la programmation musicale avec le petit hommage à l’affaire Louis Trio. Et j’ai adoré « In the Navy » . -)
(présentement, je me lance dans la critique de Pair de l’Empire)
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Merci 🙂
Il faut quand-même être conscient qu’on est à la limite extrême entre le Young Adult et l’oeuvre pleinement destinée aux adultes, donc des fois c’est vaguement naïf ou gnan-gnan (mais d’autres fois, en revanche, c’est d’une surprenante profondeur). C’est profondément différent de la dark fantasy tendance gritty, c’est certain, mais ce qui est agréable c’est que ça ne tombe pas non plus dans le livre pour enfants où personne ne meurt, personne n’est mutilé, ne saigne et où les gentils gagnent forcément à la fin. La partie militaire est de la pure Flintlock, c’est prenant et bien décrit, vivant, on sent littéralement la poudre et on entend le tonnerre des canons. Sinon oui, c’est agréable de voir un traitement des militaires non caricatural ou péjoratif.
Effectivement, j’aimais beaucoup l’Affaire Louis Trio (sur les quelques centaines de CD que je possède, il doit y avoir trois albums d’artistes français, en gros, et Mobilis in Mobile est l’un d’eux), et j’ai tenu à rendre hommage à leur chanteur récemment disparu. Et comme en plus un de leurs titres collait parfaitement à un des paragraphes… Quant à Alestorm, personnellement j’adore, ils sont complètement barrés ces écossais avec leur « True Scottish Pirate Metal ».
Ah, j’ai hâte de lire ça. Surtout que le tome 2 est assez différent du premier, finalement (une Mara indépendante, amoureuse, et surtout plus de surnaturel que dans le roman précédent).
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