Anthologie Apophienne – épisode 3

Eye_of_ApophisL’anthologie Apophienne est une série d’articles sur le même format que L’œil d’Apophis (présentation de trois textes dans chaque numéro), mais ayant pour but de parler de tout ce qui relève de la forme courte et que je vous conseille de lire / qui m’a marqué / qui a une importance dans l’Histoire de la SFFF, plutôt que de vous faire découvrir des romans (forme longue) injustement oubliés. Si l’on suit la nomenclature anglo-saxonne, je traiterai aussi bien de nouvelles que de novellas (romans courts) ou de novelettes (nouvelles longues), qui sont entre les deux en terme de nombre de signes. Histoire de ne pas pénaliser ceux d’entre vous qui ne lisent pas en anglais, il n’y aura pas plus d’un texte en VO (non traduit) par numéro, sauf épisode thématique spécial. Et comme vous ne suivez pas tous le blog depuis la même durée, je ne m’interdis absolument pas de remettre d’anciennes critiques en avant, comme je le fais déjà dans L’œil d’Apophis.

Dans ce troisième épisode, nous allons parler de trois nouvelles, signées Stephen King, H.P. Lovecraft et Poul Anderson. Sachez que vous pouvez, par ailleurs, retrouver les anciens épisodes de cette série d’articles sur cette page ou via ce tag.

L’excursion – Stephen King *

White mist, The Pineapple Thief, 2018.

brume_kingOn a tendance à l’oublier, parce qu’on le catégorise préférentiellement dans l’Horreur, et parce que dans certaines de ses œuvres (comme La tour sombre), il peut mélanger plusieurs genres littéraires, mais Stephen King est aussi un auteur de SF. Et il a rarement donné dans une science-fiction plus classique que dans sa (longue) nouvelle L’excursion, publiée en VO en 1981 et en VF en 1987, et que l’on peut retrouver dans (l’excellent) recueil Brume (dont la novella éponyme, très Lovecraftienne, justifie à elle seule l’achat). Pourtant, ce n’est pas le fait qu’il permette de démontrer que l’auteur est capable d’écrire, « comme tout le monde », des histoires de téléportation et de colonies martiennes qui fait son véritable intérêt (on se doute bien que l’américain peut le faire, merci), mais bel et bien l’impact sur le lecteur de la fin du texte. J’ai lu ce recueil il y a quelque chose comme un quart de siècle, et je garde encore un souvenir extrêmement vif de la fin de L’excursion, et du gouffre vertigineux qui s’est ouvert à mes pieds à ce moment là. Il est des écrits qui marquent à vie, et L’excursion est de ceux-là. Il a donc toute sa place dans mon anthologie personnelle et idéale des textes courts relevant des littératures de l’imaginaire.

Au XXIVe siècle, on dispose d’une technologie de téléportation, surnommée « l’excursion », qui permet de se rendre instantanément d’un point à l’autre, y compris entre différentes planètes du système solaire. Un père de famille, muté sur une colonie martienne, va raconter à ses deux enfants, alors qu’ils attendent leur tour pour passer le portail de transport, sur Terre, l’histoire de cette technologie, notamment la raison pour laquelle le voyage se fait obligatoirement sous anesthésie (on vous fait respirer un gaz soporifique). Et… c’est tout ce que j’en dirai. La chute se voit venir, mais elle a tout de même une puissance évocatrice colossale et est d’une horreur sans bornes. Et sur le fond, toutes les saloperies, scientifiques ou gouvernementales, liées au perfectionnement ou au contrôle de cette technologie sont également intéressantes.

La maison de la sorcière – H.P. Lovecraft

maison_sorciere_lovecraftSoyons clairs, La maison de la sorcière n’est certainement pas la nouvelle la plus connue du Maître, ni la plus appréciée de ses exégètes. Logiquement, ce n’est donc pas celle dont j’aurais dû vous parler en premier dans l’Anthologie Apophienne (et je vais vous reparler souvent d’H.P.L, vous pouvez en être certains). Il se trouve, cependant, que comme le texte de Stephen King, celui de Lovecraft a eu un impact considérable sur moi, et que je le place donc parmi mes favoris au sein de l’oeuvre du natif de Providence. Et puisque L’excursion a été un coup de cœur, il m’a paru logique de lui associer La maison de la sorcière dans le même article.

Paru en 1933 (et disponible en français dans les très nombreux ouvrages suivants), ce texte décrit les cauchemars qui assaillent Walter Gilman, étudiant très doué en mathématiques et en physique de l’université Miskatonic (et là, les adeptes de L’appel de Cthulhu, le jeu de rôle, ont déjà dressé les deux oreilles) qui loue une chambre dans une maison délabrée de la ville d’Arkham, une pièce réputée avoir servi d’antre à une célèbre sorcière à la fin du XVIIe siècle. Dans ses songes enfiévrés, d’un troublant réalisme, il est justement visité par la pratiquante des arts noirs et par son horrible familier, Brown Jenkin. Devient-il fou, ou le miséricordieux voile entre notre monde cartésien et la réalité indicible de l’univers est-il en train de se déchirer ?

Ce texte a une puissance évocatrice colossale, mais pour vous en faire prendre la dimension, il faut que je rentre un peu en mode 3615 Ma vie. J’ai lu la majorité des textes de Lovecraft à partir de 11 ans, environ, après avoir découvert le jeu de rôle consacré à son univers. En revanche, je n’ai lu La maison de la sorcière que BEAUCOUP plus tard, au début de ma vie active (je ne me souviens plus de la date exacte, je dirais vers 25 ans, environ, donc il y a vingt ans). Eh bien cette nouvelle m’a fichu une trouille pas possible. Et pourtant, je supporte très bien les textes du Maître d’habitude, étant plus dans le fait de savourer sa prose que de trembler en surveillant les angles de la pièce. Moralité : si un être peu impressionnable comme moi est marqué, adulte, par ce genre de texte, c’est que croyez-moi, il est rudement immersif et évocateur.

Je signale, pour terminer, qu’une BD a été tirée de cette histoire, et que je vous en propose une critique sur mon très méconnu (et très peu alimenté) blog secondaire. C’est d’ailleurs sa couverture qui illustre cette partie de l’article.

Jupiter et les Centaures – Poul Anderson

chant_du_barde_andersonSortons du cadre des coups de cœur pour, cette fois, examiner une nouvelle qui a, elle, une certaine importance dans l’Histoire de la SF. Si je vous parle d’un type en fauteuil roulant qui projette son esprit dans un corps ressemblant à celui d’un indigène afin d’explorer une planète étrangère, vous allez me dire que j’évoque le film Avatar, signé James Cameron. Eh bien non. Car voyez-vous, en 1957, le génial Poul Anderson a sorti une nouvelle, Jupiter et les centaures, qui partait sur les bases décrites en début de paragraphe (et donc similaires, d’une façon particulièrement suspecte, à celles du très postérieur long-métrage de Cameron), mais qui n’est pourtant que rarement mentionnée quand on s’intéresse aux sources d’inspiration de ce dernier. Le comble étant atteint quand Jean-Daniel Brèque, érudit Andersonien d’élite, nous apprend, dans la préface de cette nouvelle dans le recueil Le chant du barde, qu’en 1978 (donc toujours bien avant James Cameron), Anderson a employé le même procédé, mais en l’inversant (c’est la psyché d’un extraterrestre qui est dans un corps humain, afin d’étudier notre espèce), dans un roman appelé… The Avatar !

Jupiter et les centaures, bien qu’intéressant, a toutefois moins d’intérêt que d’autres textes du recueil Le chant du barde (ou que d’autres pans de l’oeuvre d’Anderson), mais si vous voulez remonter aux sources de certains des grands films de SF, il est, sur ce plan précis, une lecture aussi valable que La sentinelle chez Clarke concernant le 2001 de Stanley Kubrick.

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19 réflexions sur “Anthologie Apophienne – épisode 3

    • C’est marrant que ce texte ait si mauvaise réputation chez les érudits Lovecraftiens, parce qu’avec ton témoignage, celui de célindanaé et le mien, ça fait déjà trois lecteurs qui, sans forcément le mettre sur le même plan que les textes les plus connus de Lovecraft, soulignent son impact. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai voulu le remettre en avant en premier, parce que j’ai l’impression que les gens vont plutôt vers Innsmouth, Dunwich, l’AdC et compagnie, alors que celui-ci est aussi puissant même si littérairement sans doute moins abouti.

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  1. Je ne lirai pas La maison de la sorcière….

    Pour le Poul Anderson, lu et adoré, j’insiste sur la qualité des textes, Je garde un souvenir émerveiller de la nouvelle titre, mais également, de Sam Hall, ainsi que La Reine de l’AIr et des Tènèbres…
    Et oui, pour « l’emprunt » sans crédit en fin de film, c’est totalement criant une fois que la lecture de Jupiter achevée. Cameron a pris un sacré coup dans mon estime.

    Toujours super intéressant ces articles « anthologie ».

    Pour finir, le King, j’au tant à lire, que j’avoue ne pas être plus tentée que cela, surtout que nous sommes dans un registre qui me convient bien moins.

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