Guide de lecture SFFF – Découvrir la (ou progresser en) Hard SF

ApophisIl y a une profonde incompréhension, de la part du public qui n’en lit pas encore ou qui n’en a que peu lu, au sujet de la Hard SF : certains, qui ne lisent que du Young Adult, pensent que toute la SF adulte ressemble à la Hard SF, ce qui n’est évidemment pas le cas ; d’autres sont persuadés que toute la Hard SF leur est inaccessible, ou bien est réservée aux lecteurs qui ont fait des études scientifiques ou techniques (ce qui, là aussi, est inexact) ; enfin, la majorité des lecteurs est persuadée que toute la Hard SF est du niveau de ses auteurs les plus pointus (typiquement, Greg Egan) ou, plus insidieux encore, que chaque livre de Hard SF d’un auteur donné présente le même degré d’exigence, ce qui, dans les deux cas, est profondément faux : un même écrivain (Greg Egan et Stephen Baxter me paraissent être deux bons exemples) peut, tout en écrivant de la Hard SF dans chaque cas, proposer des textes aux niveaux de complexité très différents. Il y a un gouffre entre Évolution et Exultant de Stephen Baxter, comme entre Zendegi et Schild’s Ladder de Greg Egan ! Et puis bien sûr, il y a les lecteurs qui pensent que tel bouquin est de la Hard SF, alors qu’il ne se qualifie pas vraiment pour ce sous-genre, ou en tout cas pas parmi ses représentants à recommander (cf Retrograde).

En conséquence, la structure que j’ai décidé d’adopter pour ma série de guides de lecture n’a sans doute jamais été aussi pertinente : il est vraiment capital, surtout pour un lecteur non-issu d’une filière scientifique, de commencer sa découverte de la Hard SF par les livres les plus accessibles, faute de quoi vous risquez très fortement de vous dégoûter d’un sous-genre auquel vous ne « comprendrez rien » ! Attention, toutefois, aux généralisations : je connais des lecteurs experts en Hard SF qui n’ont pas du tout une formation scientifique, et à l’inverse, quelqu’un qui bosse à l’ONERA ou au CNRS (les intéressés se reconnaîtront…) peut bien évidemment s’affranchir du parcours conseillé et commencer directement par le plus pointu. Encore que, Schild’s Ladder, une fois encore…

Quelques définitions

Comme nous l’avons vu en introduction, il est capital de bien définir ce dont on parle en évoquant la Hard SF. Premier point, ça peut paraître complètement idiot, mais « Hard » ne se réfère pas à la difficulté de lecture des bouquins appartenant à ce sous-genre ! Il signifie juste qu’ils mettent particulièrement en avant la science par rapport à la fiction : ce qui définit avant tout la Hard SF, c’est son respect des théories scientifiques / des lois physiques telles qu’elles sont formulées ou comprises au moment de la rédaction du livre concerné. Le corollaire étant que c’est cette cohérence interne qui est importante, et que même si, des années ou des décennies plus tard, ce qui est expliqué dans le livre a été invalidé par des théories postérieures, il reste considéré comme un livre de Hard SF.

Attention, « respect des lois physiques / des théories admises » ne signifie pas que l’auteur va forcément s’interdire l’exploitation de quelque chose qui ne cadre pas avec, mais plutôt que ça restera exceptionnel et strictement limité. L’exemple classique est celui d’un univers où la propulsion supraluminique existe, mais où tout le reste cadre strictement avec la science telle que nous la connaissons. Donc pas d’armes à énergie portables, pas de champs de force, etc. Retenez cependant que la plupart des auteurs de Hard SF sont très mal à l’aise avec ce genre d’exception, et que les recoins des théories actuelles leur offrent bien assez de terrain de jeu pour s’en passer.

Au-delà de cette base minimale de plausibilité scientifique, beaucoup de livres de Hard SF (mais pas tous, loin de là) ont aussi tendance à donner d’amples détails techniques qui n’existent pas dans d’autres sous-genres de la Science-Fiction. Un exemple : dans Hypérion de Dan Simmons (non Hard SF), on va vous dire que les vaisseaux-torche ont des propulseurs laissant une longue traînée de plasma derrière eux (d’où le nom). Et… c’est tout. Dans un roman de Hard SF, on va vous expliquer que le vaisseau est doté d’une propulsion magnéto-plasmique à impulsion spécifique variable VASIMR, utilisant de l’argon comme propergol et une centrale à fusion nucléaire inertielle type Tokamak comme source d’énergie. Selon les auteurs, voire les livres d’un auteur donné, ce genre de détails est à géométrie variable : dans son célèbre cycle des Inhibiteurs ou dans House of suns, Alastair Reynolds s’en tient strictement à un univers où le déplacement plus rapide que la lumière est impossible, mais n’entre pas particulièrement dans les détails techniques ; Évolution de Stephen Baxter va même encore plus loin, puisqu’il ne décrit pratiquement aucune technologie alors qu’il relève pourtant incontestablement de la Hard SF via son utilisation de sciences comme la Paléontologie.

La Hard SF est avant tout une littérature de l’imaginaire axée sur la réflexion, notamment sur les dangers de la mauvaise utilisation de telle ou telle technologie ou sur les possibilités qu’elle peut offrir à l’Humanité, voire sur la façon dont elle peut permettre à celle-ci et à sa civilisation de dépasser le stade de l’Humain. Néanmoins, une grosse majorité des livres de Hard SF sont aussi axés sur ce que l’on appelle le Sense of wonder, un sentiment de vertige / sidération / épiphanie / terreur devant les merveilles / étrangetés de l’univers (un aspect partagé avec le Space / New Space / Planet Opera) ou les progrès d’une science ou technologie hyper-avancée. Un livre de Hard SF n’est pas un essai scientifique (sauf chez Robert Forward  😀 ) : l’aventure, un souffle épique, peuvent y être aussi présents que dans d’autres sous-genres de la SF ou de la Fantasy !

Pourquoi est-ce que ça peut m’intéresser ? 

La Hard SF peut vous intéresser si :

  • Vous cherchez une SF au maximum plausible en fonction des lois scientifiques actuellement admises et comprises.
  • Vous désirez lire une SF qui est susceptible d’entrer dans le détail des technologies utilisées dans l’univers du roman, voire des particularités des environnements décrits (cf L’œuf du dragon de Robert Forward).
  • Vous voulez découvrir un sous-genre de la Science-Fiction qui fait la part belle aux merveilles et aux étrangetés de l’univers.
  • Vous souhaitez lire une SF qui privilégie la réflexion au divertissement, par exemple en vous invitant à réfléchir à l’avenir de l’Homme, de la civilisation ou aux dangers des technologies émergentes.
  • Vous ne cherchez pas forcément une SF centrée sur les personnages mais plutôt sur les idées ou l’univers (il est très rare que l’emphase soit mise sur les personnages ou que ceux-ci soient très développés en Hard SF, même si des exceptions existent, la principale étant Peter Watts).

Qu’est-ce que je dois lire pour découvrir ou me perfectionner dans ce domaine ? 

Concernant la définition des profils de lecteurs, je vous renvoie à l’article introductif du guide de lecture (pour vous aider à vous y retrouver, outre un découpage en différentes parties selon le profil de lecteur, j’ai ajouté de 1 à 5 étoiles à côté du titre de chaque roman ou cycle : il ne s’agit pas d’une note mais d’une échelle de difficulté / exigence / ordre de priorité de lecture). Tout d’abord, une remarque préliminaire : certains romans importants en Hard SF n’ont jamais été traduits en français ou bien l’ont été mais ne sont aujourd’hui plus disponibles, que ce soit sous forme papier ou électronique. Si vous voulez vraiment vous investir dans ce sous-genre, la lecture en anglais sera donc une option à envisager (et je vous rappelle que c’est à la portée de la plupart d’entre vous).

Attention, les listes qui suivent sont conçues pour rassembler les livres les mieux adaptés à chaque profil de lecteur et les plus emblématiques de la Hard SF, pas forcément pour être exhaustives à tout prix et recenser n’importe quel livre ou auteur relevant de ce sous-genre. C’est un parcours conseillé, pas le seul qui existe.

Complet débutant (n’a jamais lu de SF… du tout !) *

A priori, on pourrait penser que conseiller à quelqu’un qui n’a jamais lu de Science-Fiction du tout de commencer par de la Hard SF serait complètement abracadabrant. A part pour quelqu’un qui a une formation scientifique / une très forte affinité pour la science, ce sera en effet la plupart du temps le cas, et il existe des tas d’autres sous-genres de la SF qui seront sans doute mieux adaptés pour découvrir en douceur le genre dans son ensemble, quitte à revenir à la  Hard SF plus tard. Toutefois, il faut se garder des généralisations : si je prends mon cas personnel, j’ai commencé la SF par… Arthur C. Clarke, et j’avais quelque chose comme dix-onze ans. Et donc pas encore ma formation scientifique actuelle, ou des décennies d’intérêt et de lectures en matière d’astrophysique / cosmologie (entre autres) derrière moi. C’est donc la preuve qu’il n’est pas formellement impossible de débuter par ce sous-genre, même pour un adolescent.

Néanmoins, pour le profil de lecteur moyen, je conseillerais de ne passer à la Hard SF qu’après avoir pris contact avec la Science-Fiction via quelque chose de moins exigeant. Si, malgré tout, vous tenez absolument à commencer par là, Arthur C. Clarke, Nancy Kress ou des bouquins isolés d’autres auteurs peuvent constituer une porte d’entrée possible. Ces romans sont décrits dans la partie suivante et sont signalés par un signe */**.


Novice (connaît les bases de la science-fiction, veut découvrir plus spécifiquement la Hard SF) **

Vous connaissez déjà un peu de SF, mais pas la Hard-science. Si vous souhaitez découvrir ce sous-genre, les romans ou auteurs suivants seront à privilégier, soit parce que ce sont de grands classiques incontournables, soit parce qu’ils sont faciles à lire et constitueront donc une porte d’entrée idéale :

Arthur C. Clarke */**

fontaines_du_paradisClarke est un des auteurs incontournables de la Hard SF, et sûrement le plus abordable des grands maîtres. La preuve, j’ai commencé à le lire alors que j’avais quelque chose comme dix – onze ans ! Combinant une solide expertise scientifique (il est à l’origine, notamment, du concept de satellite géostationnaire) et une écriture agréable, marquée par une certaine poésie sous-jacente et un sense of wonder omniprésent, c’est l’auteur idéal pour s’initier en douceur au sous-genre le plus exigeant des littératures de l’imaginaire.

On conseillera tout particulièrement 2001 et 2010 (qui vous démontreront notamment clairement que se déplacer dans l’espace est un peu plus compliqué que le pilotage de type avion de chasse des mauvais Space Opera), Rendez-vous avec Rama et Les fontaines du Paradis, ce dernier étant consacré au concept « d’ascenseur spatial » qui a, depuis, fait couler beaucoup d’encre et qui est devenu incontournable dans toute SF moderne qui se respecte.

Nancy Kress */**

danses_aeriennesContrairement à l’écrasante majorité des écrivains majeurs de Hard SF, Nancy Kress n’a ni un passé scientifique, ni technique. Sa compréhension de la science dont elle parle (la plupart du temps l’ingénierie génétique, la pharmacologie, bref la biologie au sens large, avec également un intérêt plus mineur pour l’Intelligence Artificielle) est donc issue de textes accessibles à tous (elle est connue pour se documenter de façon extensive, afin de proposer quelque chose d’aussi réaliste que possible), ce qui explique éventuellement en partie le fait que son oeuvre soit, peut-être même plus encore que celle de Clarke, une porte d’entrée idéale en Hard SF, surtout si vous êtes un complet débutant et que vous n’avez jamais lu de science-fiction du tout. On signalera aussi que loin de glorifier la technique dans des textes froids, où l’humain est négligeable, sa prose chaleureuse le met au contraire au centre des questions et thématiques soulevées dans ses histoires, notamment via la modification du génome de notre espèce ou l’impact sur sa société du développement technologique.

De l’auteure, on conseillera particulièrement le recueil de nouvelles Danses aériennes, ainsi que le roman court L’une rêve, l’autre pas, le premier proposant des sujets variés tandis que le second est une oeuvre importante pour qui s’intéresse à l’ingénierie génétique, son utilisation et ses conséquences.

Stephen Baxter – niveau 1 (*/** pour Évolution, ** pour Retour sur Titan)

evolution_baxterStephen Baxter est un des plus grands écrivains de Hard SF, et dans son oeuvre, protéiforme, on peut, en gros, distinguer trois niveaux d’exigence ou de difficulté de lecture, en fonction de celle des concepts scientifiques abordés. Son roman Évolution illustre idéalement, pour moi, le plus accessible des trois. Il sera donc parfait pour découvrir en douceur l’oeuvre de cet auteur majeur. En effet, même s’il relève de plusieurs sciences « dures » / classiques / naturelles (par opposition aux sciences sociales / humaines), comme la paléontologie, la génétique, l’anthropologie et j’en passe, cela ne se voit pas du tout, et est donc lisible par absolument tout le monde (et donc, là encore, une porte d’entrée idéale soit dans la Hard SF, soit dans le genre tout entier). Le roman (un diptyque dans son édition française) nous montre en effet, comme son nom l’indique, l’évolution de la vie sur Terre, depuis la mort des dinosaures jusqu’à un lointain futur, et ce d’une façon qui se veut réaliste. L’homme lui-même, et surtout la partie technologique de son Histoire (qu’on aurait donc le plus tendance à associer naturellement à la Hard SF) n’y jouent finalement qu’un rôle très réduit.

retour_sur_titan_baxterDe prime abord, je n’aurais pas spontanément classé Retour sur Titan parmi les livres accessibles aux gens ne lisant pas encore de Hard SF (mais déterminés à découvrir en douceur ce sous-genre), mais les nombreuses critiques parues sur ce court roman ont réussi à me convaincre que je me trompais. Vous pouvez donc le lire sans crainte, car même si vous ne comprenez pas forcément tout, vous ne serez en tout cas jamais perdu. De plus, cette novella me paraît idéalement illustrer le concept de sense of wonder (sentiment d’émerveillement / épiphanie / sidération devant les merveilles de l’univers et les découvertes ou possibilités de la science) que la Hard SF a en commun avec le Space Opera. Bref, si vous voulez découvrir les paysages et les biosphères à la fois étrangement familières et complètement étrangères du satellite de Saturne, embarquez avec Stephen Baxter, vous ne le regretterez pas !

Andy Weir */**

seul_sur_marsSeul sur Mars d’Andy Weir est LE miracle de la Hard SF récente, du fait de ses ventes absolument massives (alors que d’habitude, ce sous-genre est si méconnu et mal-aimé que ses chiffres sont faméliques, même pour de la science-fiction) et de son adaptation hollywoodienne. Tout en ne sacrifiant ni le réalisme, ni les explications techniques, l’auteur est pourtant parvenu à toucher un large public, notamment via un style dynamique, un humour là aussi rarissime en Hard SF et un bouquin malgré tout accessible à tout le monde, avec un peu de bonne volonté. Bref, peut-être pas la porte d’entrée la plus orthodoxe ou prestigieuse dans ce courant littéraire, mais sûrement la plus grand public avec l’oeuvre d’Arthur C. Clarke et la plus accessible au lecteur de littérature blanche qui s’encanaille en SF du fait de l’emphase mise sur des éléments d’écriture par ailleurs négligés en Hard SF (notamment l’attachement ressenti envers le protagoniste).

Le sultan des nuages – Geoffrey A. Landis */**

sultan_nuagesLa novella Le sultan des nuages décrit une planète Vénus colonisée d’une façon assez particulière (et pourtant hautement plausible) par l’homme. Combinant un aspect scientifique très digeste, un formidable sens de l’émerveillement et une poésie sous-jacente (le tout formant un mélange qui n’est pas sans rappeler Arthur C. Clarke), ce texte est hautement recommandable pour qui souhaite découvrir en douceur la Hard SF, à condition d’être indulgent sur ses personnages ou son scénario, voire sur une longueur qui ne permet pas au texte d’atteindre son plein potentiel (mais c’est un peu fatal avec une novella, après tout).

Le lecteur plus avancé dans sa découverte de la Hard SF pourra, lui, jeter un coup d’œil sur la nouvelle Marche au soleil de l’auteur.

La sphère – Grégory Benford **

sphere_benfordGrégory Benford est un auteur de premier plan, que ce soit en Hard SF ou en SF tout court. Outre son roman Au cœur de la comète, co-écrit avec un autre poids lourd du genre, David Brin, je vais particulièrement conseiller au lecteur novice souhaitant commencer son exploration de la Hard SF La sphère, cette fois signé par Benford seul. Celui-ci exploite une peur récurrente liée aux grands accélérateurs de particules, mais avec un twist. En effet, certains affirment que ces machines pourraient accoucher d’un trou noir miniature qui, en s’enfonçant vers le cœur de la planète, pourrait en « dévorer » la matière, provoquant ainsi la fin du monde. Le collisionneur de Benford a bien un petit accident, mais celui-ci n’accouche pas d’un Trou noir, mais de quelque chose de beaucoup plus intéressant !

Solide scientifiquement sans être inaccessible au lecteur de bonne volonté (on le déconseillera peut-être par contre au complet débutant en SF, sauf le plus féru de sciences -sans qu’elles fassent partie de son expertise professionnelle pour autant-, à la rigueur), ce roman passionnant a aussi pour qualité de montrer un aperçu réaliste de la vie compliquée d’un chercheur contemporain, faite de luttes d’influence pour l’attribution d’instruments (ou plutôt de temps d’utilisation), de chaires ou de budgets, et bien entendu de tracasseries administratives.

Lorsque vous serez plus avancé dans votre exploration de la Hard SF, vous pourrez aussi lire avec intérêt d’autres romans de l’auteur, comme L’ogre de l’espace, Un paysage du temps, Shiva le destructeur ou son fameux cycle du Centre galactique.

Vernor Vinge **

cookie_monsterSi Vernor Vinge a popularisé un concept, la Singularité informatique, qui a beaucoup inspiré les auteurs de Hard SF, il n’en a paradoxalement pas écrit tant que ça lui-même (il faut dire que ce n’est pas vraiment un auteur prolifique), préférant au contraire jouer avec les lois physiques, notamment dans son chef-d’oeuvre, le New Space Opera Un feu sur l’abîme. Toutefois, on pourra conseiller au lecteur débutant en Hard SF de jeter plus qu’un coup d’œil à Cookie Monster, novella très abordable même pour un non-scientifique et aux implications vertigineuses.

Lorsqu’il sera plus avancé, ledit lecteur pourra aussi s’attaquer à Rainbow’s end, un des meilleurs romans sur la Réalité augmentée jamais écrit.

Greg Egan – niveau 1 **

ceres_vesta_eganGreg Egan a (et de façon totalement justifiée) la réputation d’être le plus pointu des auteurs de Hard SF (bien que Hannu Rajaniemi soit un concurrent sérieux à l’obtention de ce titre). Toutefois, cela ne veut pas dire, comme je le précisais plus haut, que tous ses textes sont illisibles pour quelqu’un qui n’est pas un expert en Hard SF ou dans le domaine scientifique. On remarquera d’ailleurs que sa production récente a tendance à être nettement plus facile à lire pour le débutant ou le profane que celle plus ancienne, et que ses textes orientés biologie sont généralement plus digestes que ceux relevant de la physique, de la cosmologie, etc.

Un texte, la novella Cérès et Vesta, me paraît illustrer cette « light Hard SF », comme j’aime à l’appeler, récemment proposée par l’auteur australien. Accessible à n’importe quel profil de lecteur, elle permettra de tester la prose d’Egan, étant entendu qu’elle n’en est pas vraiment représentative, comme vous allez vous en apercevoir dans la suite de ce guide de lecture. Car Greg Egan est le seul écrivain dont j’ai dû séparer la bibliographie en quatre niveaux de lecture différents !

Au même niveau de difficulté de lecture, vous pouvez aussi tenter sa nouvelle Nuits cristallines, également parfaitement accessible à un très large public, ainsi que son roman Zendegi, à peine plus difficile.


Amateur (a une bonne base en Science-Fiction en général et a déjà lu un peu de Hard SF) ***

Si vous souhaitez aller au-delà des livres de base, je vous suggère les lectures suivantes :

La musique du sang – Greg Bear ***

musique_du_sangAutre auteur de SF majeur, et qui, comme Nancy Kress, n’est pas issu d’une filière scientifique, Greg Bear est notamment l’auteur des formidables cycles Éon, La reine des anges et Darwin, dont je vous parlerai dans d’autres articles de cette série de guides. Je vais plutôt vous présenter, en matière de Hard SF (orientée ingénierie génétique et intelligence artificielle, encore une fois comme chez Kress), son roman La musique du sang, où une expérience visant à convertir des lymphocytes en ordinateurs à l’échelle cellulaire a des résultats inattendus (et assez apocalyptiques) quand le projet est clôturé et qu’un chercheur s’injecte les organismes génétiquement modifiés afin de les sortir clandestinement du laboratoire. Roman d’une très grande richesse, La musique du sang reste abordable même pour le non-expert en SF / Hard SF et largement compréhensible même pour le lecteur qui n’a pas de grandes connaissances en matière scientifique. Il nécessite toutefois une plus grande affinité pour la Hard SF que les romans de la catégorie précédente, et se montrera un peu plus exigeant.

Alastair Reynolds ***

espace_revelation_reynoldsAlastair Reynolds a deux particularités : premièrement, c’est peut-être un des plus hardcore des auteurs majeurs de la Hard SF, dans le sens où il s’interdit non seulement l’usage d’une propulsion supraluminique, ce qui est pratiquement une conception cardinale pour un lecteur puriste de ce sous-genre, mais qu’en plus il a aussi banni les « astuces » comme les trous de ver qui, tout en restant du domaine du possible dans le cadre des lois de la physique (telles qu’actuellement comprises), offrent tout de même un raccourci vers les exoplanètes ; deuxièmement, chez lui, l’étiquette « Hard SF » est due à cette plausibilité scientifique, pas à une débauche de détails techniques. Sa science-fiction montre donc une conquête de l’espace « à la dure », moins rapide que la lumière, ce qui n’empêche pas l’émerveillement, bien au contraire ! Ses romans, particulièrement le cycle des Inhibiteurs ou le formidable House of suns, restent pour moi parmi les plus fascinants et ambitieux jamais écrits en SF, Hard ou pas.

Tau Zero – Poul Anderson ***

tau_zeroL’oeuvre de Poul Anderson, même si elle relève le plus souvent d’autres genres ou sous-genres que la Hard SF, est pourtant caractérisée par un très haut degré de réalisme scientifique, notamment dans la construction de ses planètes fictives et des espèces adaptées à leur environnement (nous aurons l’occasion d’en reparler dans le Guide du Planet Opera). De plus, l’auteur a publié un des romans emblématiques du sous-genre qui nous occupe aujourd’hui, à savoir le formidable Tau Zero, où la défaillance d’un propulseur entraîne un vaisseau spatial vers la fin des temps… et au-delà ! Certes, ce livre a depuis été dépassé en intérêt par la production des Egan, Watts ou autres, mais il n’en reste pas moins un jalon important dans l’histoire de la Hard SF. On remarquera aussi qu’il offre assez peu de péripéties, que ses personnages sont quelque peu caricaturaux, que la physique utilisée n’est plus totalement exacte aujourd’hui (mais rappelez-vous mon avertissement concernant la cohérence interne de l’histoire et celle liée aux connaissances scientifiques à l’époque de sa rédaction) et que l’idée centrale, la dilatation temporelle, prend le pas sur tout le reste. Mais peu importe ! Le sense of wonder colossal généré en fait encore de nos jours une lecture à mon sens tout à fait valable, et accessible, avec un peu de bonne volonté, même à un lecteur peu féru de Hard SF.

Existence – David Brin ***

existence_brinOn classe volontiers Brin parmi les grands auteurs de Hard Science, alors que si on regarde attentivement sa bibliographie, on s’aperçoit qu’il est bien plus connu pour ses livres de Space ou de Planet Opera que pour sa Hard SF. Malgré tout, quand il écrit dans ce domaine, c’est du lourd, comme le prouve sans conteste son roman Existence, par exemple (je vous rappelle aussi Au cœur de la comète, co-écrit avec Gregory Benford). Celui-ci s’attaque, comme nombre d’œuvres de Hard SF majeures récentes, au Paradoxe de Fermi, via une intrigue complexe, pleine de révélations et de sense of wonder. C’est, pour moi, le meilleur bouquin paru ces dernières années sur ce thème avec La forêt sombre (dont je vais vous reparler plus loin) de Liu Cixin.

Stephen Baxter – niveau 2 ***

voyage_baxterLa grande majorité de la bibliographie de Stephen Baxter relève de la Hard SF, et au sein de cette subdivision, beaucoup de romans / nouvelles (ceux traduits, du moins) peuvent se placer dans ce degré (***) de difficulté de lecture, y compris ceux co-écrits avec Arthur C. Clarke ou Alastair Reynolds. Seuls quelques textes encore plus pointus seront moins accessibles à qui connaît relativement peu la Hard SF, n’a pas une formation scientifique ou un intérêt pour ce domaine.

À ce niveau d’exigence, on conseillera Voyage (qui mêle uchronie et Hard SF en un ensemble absolument magistral), Titan (qui n’a rien à voir avec Retour sur Titan), sa série de romans Les univers multiples, Coalescence, son cycle L’Odyssée du temps ainsi que le livre Lumière des jours enfuis co-écrit avec Arthur C. Clarke, ainsi que Les chroniques de Méduse rédigé avec Alastair Reynolds. Notez que la grande particularité des romans de l’auteur réside dans les échelles spatiales et temporelles démesurées qu’il est susceptible d’employer, ou plus généralement dans l’ambition formidable dont sa prose témoigne : chez Stephen Baxter, on joue avec les millions d’années ou d’années-lumière, le trou noir central de la galaxie, d’autres univers, des trous de ver dont les deux extrémités sont séparées par d’immenses gouffres temporels, une vie faite de craquelures dans l’espace-temps, et j’en passe. C’est, pour moi, un des plus grand auteurs de cette SF de la démesure, de l’émerveillement, que j’apprécie tant.

Liu Cixin ***

foret_sombre_liuL’auteur chinois, très respecté dans son pays, a fait une entrée fracassante sur la scène occidentale, d’abord américaine puis française, avec sa formidable trilogie du Problème à trois corps. Même si son oeuvre est volontiers classifiée en Hard SF, elle n’en relève pourtant pas toujours, en raison d’une plausibilité scientifique parfois défaillante (cf Ball lightning par exemple). Toutefois, son cycle-phare est très recommandable dans ce sous-genre, ne serait que via le sense of wonder prodigieux distillé dans les une ou deux dernières centaines de pages de ses tomes 1 et 2. De plus, comme précisé plus haut, le tome 2, La forêt sombre, offre une solution aussi magistrale que glaçante au Paradoxe de Fermi, et sur ce sujet, il s’agit d’une lecture tout à fait incontournable, à mon sens. Le degré d’exigence scientifique de cette trilogie est moyen, et elle est donc potentiellement accessible à un lecteur ou une lectrice de bonne volonté, d’autant plus que l’auteur lui donne volontiers les moyens de comprendre son propos.

Greg Egan – niveau 2 ***

isolation_eganLa majorité des nouvelles de l’auteur (réunies dans les recueils Axiomatique, Radieux et Océanique), ainsi que l’écrasante majorité de ses romans traduits, peuvent se placer dans ce niveau de difficulté de lecture. On citera ainsi Téranésie, Isolation, L’énigme de l’univers et La cité des permutants, même si les trois derniers pourraient presque se placer dans un éventuel niveau de lecture « 2.5 » ou « ***1/2 » selon votre niveau de connaissances scientifiques (ou votre faculté à suivre celles données par l’auteur qui, il est vrai, est nettement moins pédagogue qu’un Peter Watts, par exemple). Vous noterez qu’en général, les nouvelles de l’australien sont moins exigeantes (à quelques exceptions notables près) que ses romans, et que les textes courts orientés biologie sont nettement moins difficiles que la plupart de ceux centrés sur la physique.

The quantum magician – Derek Künsken ***

quantum_magicianSpécialiste de la forme courte jusqu’ici, Derek Künsken a fait une entrée fracassante dans le petit monde de la Hard SF avec son premier roman, The quantum magician. D’habitude, quand un auteur de SF peu connu (ou peu doué…) emploie le mot « quantique », cela lui sert de substitut technologique à « magique », un peu comme dans le légendaire « ta gueule, c’est magique » qui sert de système de magie à un nombre effrayant d’écrivaillons. Sauf que mr Kûnsken emploie, lui, ce terme avec justesse, et bâtit une intrigue centrée sur un homme génétiquement modifié capable de fonctionner comme un ordinateur quantique. Aussi ambitieux qu’un texte de Greg Egan (à part peut-être les plus pointus) mais sans la difficulté de lecture associée, The quantum magician (à paraître en français en 2020), est un roman accessible au plus grand nombre (avec un peu de bonne volonté, comme toujours), combinant un haut niveau de Hard SF avec un sympathique scénario qu’on pourrait décrire comme un Ocean’s eleven de l’espace. Bref, peut-être le roman qui va enfin vous faire aimer la Hard SF !

David Zindell ***

inexistenceDans son cycle Neverness, dont seuls les deux premiers romans ont été traduits en français, Zindell a tout inventé ou montré bien avant la plupart de ses concurrents, et a fourni, via le premier tome, Inexistence, un livre incroyable, mêlant transhumanisme, Planet Opera et surtout une Hard SF de très haute volée, notamment via son utilisation de cerveaux Matrioshka ou Jupitériens, de manipulations génétiques ou moléculaires post-humanistes permises par des nanomachines, ou dans sa description à la fois mathématique et poétique de la navigation d’étoile en étoile.

Zindell n’a pas fait que de la Hard SF, ce n’est peut-être pas pour elle qu’il est le plus connu (sous nos latitudes, du moins), il ne sera probablement jamais cité en premier parmi ses plus grands auteurs, mais pourtant, sa contribution au domaine a été importante, et elle mérite d’être plus connue et d’être appréciée à sa juste valeur !


Vétéran (cherche à aller encore plus loin en Hard SF) ****

Si vous cherchez encore plus pointu mais plus exigeant, les romans ou auteurs suivants sont à conseiller :

Charles Stross ****

accelerandoCharles Stross est un auteur très éclectique, capable aussi bien d’écrire dans le domaine des uchronies et des mondes parallèles, le registre néo-Lovecraftien, celui du New Space Opera que (et c’est ce qui nous intéresse ici) dans celui de la Hard SF. Dans ce domaine, l’assez dispensable (Glasshouse) côtoie l’intéressant (Halting state) et surtout le chef-d’oeuvre, à savoir Accelerando. Comme c’est à la fois le meilleur des trois et le seul à être disponible en français, c’est surtout de ce dernier dont je vais vous parler. Il faut d’abord préciser que si ce roman est une référence absolue en matière de déroulement de la Singularité informatique popularisée par Vernor Vinge, c’est aussi (et de très loin) le plus exigeant de toute la bibliographie de Stross, et que donc, il est vivement déconseillé de commencer votre exploration de la bibliographie de l’auteur, ou celle de la Hard SF, par ce titre.  Toutefois, après avoir pris un départ plus graduel en Hard SF, cette lecture sera indispensable, car Accelerando fait clairement partie des plus grands romans de ce sous-genre : il décrit la Singularité avec une obsession du détail et une inventivité absolument stupéfiantes. Seul problème, mais de taille : une écriture très technique, nécessitant des allers-retours fréquents vers un énorme glossaire, ce qui peut refroidir même le plus motivé des lecteurs. Mais le jeu en vaut toutefois carrément la chandelle  !

Stephen Baxter – niveau 3 ****

accretionSi la plupart des romans de Stephen Baxter restent, parmi ceux des grands maîtres de la Hard SF, les plus accessibles avec ceux d’Alastair Reynolds, il n’en reste pas moins que parfois, lui aussi pousse le curseur jusqu’à 11/10 (Spinal Tap power !), et, sans atteindre les niveaux stratosphériques où évoluent, la plupart du temps, Egan et Rajaniemi, il peut se révéler nettement plus difficile à suivre pour un lecteur ni spécialiste en Hard SF, ni de formation scientifique. Exemple flagrant, son roman Exultant est certes extrêmement ambitieux, mais il jongle avec tout un tas de concepts physiques exotiques qui, s’ils sont évidemment fascinants, peuvent rapidement submerger le lecteur qui a acheté ce bouquin par hasard. On conseillera donc de n’aborder son cycle-phare des Xeelees, par exemple, qu’avec un solide bagage science-fictif ou Hard SF derrière soi, sauf si on a en parallèle un background scientifique universitaire.

Kim Stanley Robinson ****

trilogie_martienne_ksrLui aussi plutôt éclectique (climate fiction, uchronie, fiction historique mêlée de SF, etc), Kim Stanley Robinson est surtout connu pour son oeuvre majeure, à savoir la trilogie martienne. Il y décrit, de façon aussi réaliste que possible et surtout extrêmement détaillée toutes les étapes de la colonisation de la planète Mars, et ce sur tous les plans, qu’ils soient technique, culturel, économique, etc. Le résultat est fabuleux de précision et d’ambition, et sans aucun doute digne du panthéon de la (Hard) SF (et du Planet Opera), mais n’en est pas pour autant à conseiller à un débutant : en effet, le style de Kim Stanley Robinson est très aride (il a beau être considéré aux USA comme un de leurs écrivains les plus littéraires, sa prose manque de charme pour nombre de lecteurs), et il est plus là pour vous faire partager son amour de la planète rouge (puis verte, puis bleue) que pour vous faire vivre intensément une intrigue inoubliable servie par des personnages attachants. Et pourtant, il y a une forme de poésie, chez lui, qui ne laisse pas insensible : quand il vous décrit un paysage martien, on croirait presque qu’il l’a contemplé de ses propres yeux, et les derniers mots de l’ultime tome ont longtemps résonné en moi tant ils hurlent tout ce que ressent l’auteur pour ce monde. Bref, ce n’est pas une lecture « détente », mais un cycle majeur qui se lit, et surtout se relit, tant sa richesse est quasiment infinie et tant, d’itération en itération, on y découvre sans cesse de nouvelles strates et on conçoit une admiration de plus en plus grande pour le monument à la gloire de Mars forgé par cet auteur de génie.

Peter Watts ****

vision_aveugleSi la Hard SF rassemble probablement la plus vaste concentration d’auteurs de tout premier plan de l’ensemble de la science-fiction, aucun, pas même Greg Egan ou Hannu Rajaniemi, n’est pour moi plus grand que Peter Watts. En effet, à la profondeur des thématiques ou des éléments scientifiques maniées par ces deux-là, il ajoute des qualités littéraires et surtout une manière de transmettre l’information, de faire appel à l’intelligence du lecteur, inégalées en Hard SF, et probablement dans les littératures de genre dans leur ensemble actuellement. Qu’il explore l’espace ou les océans (ou bien l’âme humaine), Watts est le seul auteur de Hard SF chez qui les intrigues et surtout les personnages ne sont pas sacrifiés sur l’autel des idées scientifiques, philosophiques ou des thèmes développés, et il réussit l’exploit d’être aussi profond qu’Egan tout en étant nettement plus facile à lire, fournissant à son lecteur tous les éléments nécessaires à la compréhension de son histoire (que ce soit dans le texte principal ou dans des annexes prodigieusement intéressantes) alors que l’australien, ou le finlandais Rajaniemi, ne font aucun effort ou quasiment dans ce sens, la plupart du temps, semblant considérer que leur prose se mérite et que si leur lecteur ne la comprend pas, il n’a qu’à faire des recherches.

Dans l’oeuvre du canadien, tout est à lire, que ce soit sa trilogie Rifteurs, le recueil de nouvelles Au-delà du gouffre (une très bonne porte d’entrée pour qui souhaite découvrir l’auteur en douceur), la novella The freeze-frame revolution, et surtout Vision aveugle, non seulement le meilleur roman de Watts mais aussi pour moi le plus magistral de toute l’histoire de la Hard SF. Si je ne recommanderais peut-être pas ce livre a quelqu’un qui n’a pas une solide base en SF en général et sans doute en Hard SF en particulier (du fait d’un certain degré d’exigence malgré tout et surtout d’une profondeur dont on ne pourra prendre pleinement la mesure qu’avec suffisamment de lectures derrière soi, histoire notamment d’établir les comparaisons qui s’imposent), il n’en reste pas moins que, parmi les chefs-d’oeuvre de ce sous-genre, il est probablement le plus accessible.

Greg Egan – niveau 3 ****

dichronautsCertains textes de l’australien sont nettement plus hardcore que les autres, sans pourtant atteindre le pinacle de ce que je classifie personnellement dans l’hallucinant niveau 4 (voir plus loin). Qu’il s’agisse de nouvelles (Gardes-frontières et sa fameuse partie de football quantique) ou de romans (le cycle Orthogonal, Dichronauts), ils emploient des notions de physique / cosmologie qui, sans être totalement inaccessibles aux non-scientifiques parmi vous, nécessiteront probablement des recherches complémentaires (précisons que Greg Egan fournit parfois le nécessaire sur son site web) et en tout cas beaucoup de bonne volonté, sans compter le fait de ne pas se décourager et une capacité d’attention certaine. Et le pire est que dans le lot, s’il y a évidemment d’excellents textes, d’autres, comme Dichronauts, sont certes un beau jeu d’Egan avec les lois physiques alternatives d’univers tout aussi divergents, mais par contre ne mènent pas bien loin sur un pur plan littéraire, voire même sur celui du bon vieux divertissement. Bref, on ne conseillera les textes du niveau 3 qu’aux plus passionnés de Hard SF, de l’oeuvre d’Egan, ou des deux à la fois !

Hannu Rajaniemi – niveau 1 ****

engineering_infinityAussi incroyable que cela puisse paraître, Greg Egan n’est pas tout à fait seul au sommet de l’échelle de profondeur combinée au degré d’exigence de lecture en matière de Hard SF. Il a en effet un concurrent, le finlandais Hannu Rajaniemi. On peut même dire que sur les textes courts, ceux de ce dernier sont en moyenne plus ardus que ceux de l’australien ! Il n’en reste pas moins que par rapport à son cycle de romans Jean le flambeur, la nouvelle moyenne de Rajaniemi est plus facile à lire, d’où le classement en deux niveaux de lecture. Malgré tout, on conseillera au lecteur qui n’est pas déjà un vétéran de la Hard SF d’éviter une nouvelle comme le pourtant excellent The server and the dragon, tant son degré d’exigence est élevé.

Robert Forward ****

dragon_s_egg_forwardSi Robert Forward écrit une Hard SF pointue (à dominante astrophysique et astronautique), il reste pourtant loin du niveau d’exigence d’un Egan ou d’un Rajaniemi, surtout du fait que dans ses textes, il se montre plutôt pédagogue et peu avare en annexes explicatives. Non, chez lui, le problème est ailleurs : vous aurez peut-être noté que j’ai parlé de textes, et pas de romans, tout simplement parce que ces derniers ont en fait tout… de l’essai scientifique à peine déguisé. On ne cherchera donc pas les qualités littéraires, du style au développement des personnages ou de l’intrigue, de fait extrêmement basiques. Donc, ces livres, par ailleurs excellents dans leur genre très particulier, seront réservés aux vrais amoureux de la Hard SF, et n’auront que peu d’intérêt pour un autre type de lecteur, à moins d’avoir à cœur d’explorer tout ce que ce sous-genre compte de textes fondamentaux.


Expert (cherche à s’attaquer aux livres les plus exigeants en Hard SF) *****

Ce niveau de lecture offre non seulement le pinacle de ce que la Hard SF a à proposer, mais aussi, en terme d’ambition et de difficulté de lecture, ce que le genre tout entier comprend de plus extrême. Un niveau conséquent de connaissances scientifiques est au mieux très utile, au pire indispensable, et une expérience préalable de livres moins exigeants en Hard SF (les niveaux de lecture précédemment décrits) vivement conseillée : s’attaquer directement aux romans de niveau « Expert » est un très bon moyen de se dégoûter à jamais de la Hard SF, voire de la SF tout court, du fait d’un sentiment (le plus souvent justifié) de « n’y rien comprendre » !

Hannu Rajaniemi – niveau 2 *****

le_voleur_quantiqueSi Rajaniemi est déjà ardu à lire dans la  forme courte, il devient carrément cauchemardesque lorsqu’on aborde ses romans de Hard SF (il a aussi publié un roman dérivé du Steampunk comparativement nettement plus digeste, Summerland). Et ce pour une raison simple : dans son cycle Jean le flambeur, il n’explique rien, ni les concepts propres à l’univers développé, ni les notions scientifiques de pointe abordées. En cela, il se rapproche de la période la plus hardcore d’Egan, et va totalement à contre-courant de quelqu’un comme Peter Watts par exemple. Toutefois, avec beaucoup de bonne volonté et quelques recherches, ou bien des connaissances préalables, vous serez récompensé par un trio de romans de Hard SF d’exception (dont seul le premier a été traduit, de façon malheureusement assez logique), écrits par un auteur qui constitue sans nul doute l’avenir du genre (les grands maîtres étant pour la plupart vieillissants…).

Greg Egan – niveau 4 *****

schild's_ladderVous croyez avoir vu le plus ardu parmi ce qu’Egan a publié ? Vous vous trompez ! La légende dit que pour saisir pleinement l’ampleur de la prose de l’australien, il faut non seulement un doctorat en physique, mais aussi passer sa vie sur ArXiv ou autre pour se tenir sans arrêt au courant des dernières avancées. Eh bien croyez-le ou non, mais pour au moins un de ses romans, Schild’s ladder, la réalité rejoint le mythe urbain, tant l’assertion se révèle totalement vraie ! Je pense qu’on peut donc dire que ce livre est celui de Hard SF, et probablement de science-fiction tout court, le plus ardu jamais imprimé. Et autant le dire tout de suite, mais si d’autres romans de l’auteur, comparativement bien plus simples, n’ont jamais été traduits, il n’y a tout simplement aucune chance pour que celui-ci le soit un jour, tout bonnement parce qu’il n’y aurait aucun public à qui le vendre en France, ou quasiment. Si, malgré la VO, malgré le degré d’exigence extrême, vous êtes un tel passionné de Hard SF que vous voulez vous confronter à ce qu’elle peut offrir de plus exigeant, ou que vous êtes un tel expert qu’il ne vous reste tout simplement plus rien d’autre à lire dans le domaine, voilà l’ultime joyau à poser sur votre couronne de grand maître de la Hard Science !


Pour aller encore plus loin

Les titres que je viens de vous présenter me paraissent être les plus indispensables en matière de Hard SF, et l’ordre dans lequel je les ai classés le plus logique et graduel pour découvrir le genre. Toutefois, à partir du moment où vous avez lu au moins un des livres de la catégorie « Novice » (et où, donc, vous avez pris contact en douceur avec ce sous-genre), il y a d’autres textes ou cycles que vous pourriez vouloir découvrir (liste évidemment non-exhaustive et sans ordre particulier) :

  • Les équations froides, par Tom Godwin.
  • Mission Gravité / Question de poids, par Hal Clement (voir ma mini-critique).
  • Cycle du Grand Tour, par Ben Bova (exploration scientifiquement plausible du Système Solaire).
  • Série d’anthologies Projet Infinity, compilées par Jonathan Strahan : la rolls des recueils de nouvelles de Hard SF en anglais (mes critiques : tome 1, tome 2).
  • La toile entre les mondes, par Charles Sheffield.
  • Suprématie, par Laurent McAllister.
  • Collapsium, par Wil McCarthy (Hard SF assez extrême, mais très atypique sur un pur plan littéraire et taxonomique : ma critique).
  • Cycle QuanTika, par Laurence Suhner.
  • The calculating stars, par Mary Robinette Kowal (mélange de Hard SF, d’uchronie et de post-apocalyptique, ressemblant vaguement à Voyage de Stephen Baxter mais en plus facile).
  • Dandelion, par Elly Bangs (nouvelle en anglais, idéale pour s’initier à la Hard SF).

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94 réflexions sur “Guide de lecture SFFF – Découvrir la (ou progresser en) Hard SF

  1. Ping : Guide de lecture SFFF – Concept et point de départ | Le culte d'Apophis

  2. Très bel article, maître Apophis! 😉

    (D’ailleurs, le Maître s’est bien illustré la semaine dernière avec quelques récitals à son actif et une belle coupe en fin de week-end!)

    Que dire ? Je l’ai lu avec passion, car je sens que c’est dans le domaine de la hard-Sf que j’ai le plus de challenge à venir. Avant de commencer l’article de plein pied, je me serais noté vers du niveau 2… bon, je peux attaquer tranquillement le niveau 3 suite à la lecture. Qu’est-ce que c’est flatteur pour mon égo!!! 😉
    Plus sérieusement par rapport à Peter Watts tu fais bien de souligner combien il est pédagogue, tu sais bien que je classe Vision Aveugle parmi mes livres préférés et dans le top (tout comme Au delà du gouffre), pourtant je suis plus « réticente » sur d’autres bouquins de la catégorie comme les baxter du cycle xeeles.
    Je ne compte pas lire le texte/essai et Schid’s ladder…. nous verrons dans quelques années quand j’aurais epuisé cette belle liste.

    J’ai lu tous les niveau 1 UHL, et cette collection est vraiment toute indiquée pour se familiariser avec la hard SF – (retour sur Titan est un superbe joyau!). Je suis très heureuse de trouver plein de titres qui me parlent autant. Mais, je vais faire mon « insatisfaite » : tu n’aurais pas aussi d’autres « incontournables  » en VO que tu suggères fort de lire aussi et avec les niveaux ? 🙂

    Merci ami Apo
    (j’espère que la santé de ton papa s’améliore et que tu vas bien – bises)

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      • Oui, oui, je sais qu’il sort. Et les Ada Palmer, c’est en hard SF, j’avoue que je ne me suis plus penchée sur la question depuis que je sais qu’il vont être publié en VF.
        Donc Diaspora quel niveau ?

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    • Mon père va mieux, merci, il suit le processus normal de « rééducation » cardio-vasculaire après son quintuple pontage coronarien. Il en a encore pour plusieurs semaines en clinique, toutefois. Après ça, pas certain qu’il rentre directement chez lui, cependant, un passage en maison de repos est possible. Merci pour ta sollicitude, en tout cas.

      Oui, UHL est une bonne porte d’entrée dans la Hard SF. De toute façon, quand on parle de ce sous-genre, le Belial’ est incontournable pour ce qui est disponible en français. C’est tout simplement la maison d’édition hexagonale qui s’intéresse le plus à la Hard SF.

      Concernant la VO, vu tout ce qui n’a jamais été traduit chez Egan, Stross, Rajaniemi, Baxter, etc, je pense que tu as de quoi t’occuper un moment avec les niveaux indiqués dans l’article 😉

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        • Merci.

          Il y a quelques belles sorties Hard SF prévues en 2019, que ce soit en VF (Diaspora, comme le soulignait Feyd) ou en anglais (Perihelion Summer de Greg Egan). Même si apparemment, c’est plutôt le Time Opera qui va être particulièrement à l’honneur dans l’édition anglo-saxonne.

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  3. Ah chouette un nouvel article du guide SFFF :)) J’aime beaucoup la hard sf (mais je n’avais pas forcément compris ce que c’était haha) : j’ai dévoré les anthologies d’Egan et les livres de Vernor Vinge, eu plus de mal avec Mars La rouge (aride c’est le mot… j’avais malheureusement acheté la suite en anglais mais je ne me suis jamais sentie de la lire dans cette langue…)… Cet article me motive à finir cette trilogie et surtout à découvrir des auteurs dont j’ai souvent entendu parler sans jamais sauter le pas (Baxter, Brin, Bear, Kress principalement). J’ai découvert Liu Cixin grâce à ce blog et j’ai beaucoup apprécié ma lecture (seulement Le problème à trois corps et un recueil de nouvelles en anglais « The wandering Earth » pour le moment, j’attends que ma bibliothèque mette en rayon les 2 autres tomes ^^). Je referai une lecture approfondie pour noter les livres qui m’intéressent plus particulièrement 🙂 Merci pour ce travail !

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    • Merci 🙂 Normalement, il devrait y avoir 3 autres guides de lecture cette année, un par trimestre, en très gros. Je ne suis pas tout à fait certain des sous-genres que je vais choisir (mais il y en aura au moins un qui relèvera de la Fantasy), même s’il y a de fortes chances pour que le prochain guide soit consacré au Planet Opera. Je me demande aussi si je ne vais pas séparer Planet Opera / Big Dumb Objects et peut-être aussi le vieux Space Opera et le NSO. On verra.

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  4. Bravo, merci.
    J’ai le « guide des genres » au chaud dans mon smartphone mais ce « guide de lecture », s’il en reprend une grande partie, va plus loin et en détail dans les « préconisations », c’est super.
    Petite question : rien de francophone à se mettre sous la dent oculaire ?
    Merci encore et bon an 2019

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    • Bonne année !

      La partie qui est reprise du guide des genres est tout à fait minoritaire, et concerne essentiellement la définition de chaque sous-genre, qui est une version raccourcie sur certains points, développée sur d’autres, de celle qu’on trouve dans le bouquin. Les conseils de lecture, eux, sont beaucoup plus développés que dans ce dernier, où ils se réduisaient à une simple liste, sans explication et surtout sans stratification.

      Si, Suprématie et le cycle QuanTika, cités dans la liste finale, ont été écrits par des francophones.

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  5. Merci pour ce petit point Hard SF. J’ai lu tous les livres proposés en 1 et 2 étoiles. Quelques uns des 3 étoiles. Par contre la trilogie Mars m’était tombé des mains il y a une bonne quinzaine d’années…

    Je vais essayer Egan avec Diaspora, Ada Palmer que quelqu’un site dans les commentaires et ce sera le Kunsken en 2020 ! Et si je trouve Charles Stross pourquoi pas…

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    • Oui, la trilogie martienne est très polarisante, on vénère ou on déteste.

      Pour ce que l’on connaît du programme des différents éditeurs pour le moment, Diaspora et le premier roman de la trilogie d’Ada Palmer vont clairement être les événements SF de 2019.

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  6. Bonjour
    Super article! Je me decouvre amateur de Hard SF surtout grâce à Clarke et le génie Baxter.
    D’après votre définition ne mettez vous pas Van Vogt dans la catégorie Hard SF?
    Et si c’est me cas ne le recommandez vous pas?
    Bonne soirée
    Paul

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  7. Merci pour ce guide et pour ton superbe travail. C’est toujours avec un grand plaisir que je te lis. Pour ma part je suis et resterai un amateur niveau 2. J’ai essaye « Mars la rouge » et un ou deux Greg Egan. Mais bien trop pointu pour moi et pas très « confortable » comme lecture. Mais comme toujours, tes guides me donne envie de rentrer a la maison et de me plonger dans un roman (aujourd’hui dans la suite du problème a trois corps). Merci.

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    • Merci beaucoup. Si mes guides te donnent envie d’en découvrir plus sur le sous-genre dont je parle, ou plus généralement de lire de la SFF, c’est que ma mission est accomplie, et j’en suis heureux !

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  8. Guide génial comme toujours, il serait VRAIMENT génial que les autres sous-genres soient exploités de la sorte (mis à part gunpowder ou SF militaire). Encore bravo pour ce travail et celui du blog en général : continuez !! 🙂

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  9. Excellent article j’adore La trilogie martienne , beaucoup d’autres à approfondir et dans l’ensemble je m’y retrouve bien, un rappel nécessaire bravo! Meilleurs vœux pour Toi et ce blog

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  10. Merci pour cette sélection et bonne année ! Je vais pouvoir allonger ma wishlist. J’ai lu un peu de Hard SF, mais ce n’est pas forcément le sous-genre que j’ai le plus approfondi ! J’ai lu Arthur C. Clarke (2001 notamment) et j’ai prévu de lire Liu Cixin pour cette année 🙂

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  11. Merci pour cet article !
    Ma femme l’a lu avec moi. Elle est passée d’un rejet initial viscéral vis-à-vis de la hard SF à une pointe de curiosité bienveillante sur la fin. Il se pourrait bien qu’elle se décide un jour à tenter Retour sur Titan ou l’un des textes de Danses aériennes.
    Je suis ravi pour ma part de constater que j’ai atteint le niveau 5 étoiles, avec le voleur quantique (que je n’ai pas du tout apprécié soit dit en passant).
    Petite question : as-tu lu Destination Vide de Frank Herbert ? Dans l’affirmative, l’as tu aimé et à quel niveau le situerais-tu ?

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    • j’ai Destination vide à l’époque de sa sortie en France. À l’époque je faisais partie d’un cercle de SF lecteurs. Je fus le seul apprécier (beaucoup) ce roman d’Herbert. Il pose un problème fondamental qu’est-ce que la conscience. et ou se situe-t-elle dans notre cerveau. 40 ans plus tard, on commence à en savoir un peu plus scientifiquement.

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      • Le roman avait été révisé par l’auteur 12 ans après sa parution pour justement tenir compte des progrès scientifiques. Je crois d’ailleurs seule la version révisée a été traduite. S’il était toujours en vie, il est bien possible qu’Herbert eut souhaité écrire une v3 compte tenu effectivement des nouvelles avancées réalisées depuis lors.
        (Ceci dit, il avait été carrément visionnaire. Je ne sais pas si le deep learning avait déjà été théorisé à cette époque, mais Herbert avait bien identifié la nécessité d’avoir une boucle de rétroaction pour créer une conscience. Il me semble qu’il avait également posé comme condition la capacité à comprendre et utiliser des symboles. Ce qui est précisément la direction suivie actuellement en AI.)
        Et oui, comme vous deux, le livre m’avait vraiment marqué. Roman vraiment ardu, mais alors quelle tension de la première à la dernière page ! a l’instar de Watts, Herbert savait développer de vrais personnages, à la psychologie complexe (je ne sais toujours pas si je dois admirer, plaindre ou détester Raja Lon Flatterie par exemple). Et bon sang, cette phrase finale ! Juste parfaite.

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  12. super ce guide hard sF. Je viens de finir la mort immortelle totalement comblé par ce pavé très exigeant. Il faut le savourer à petite dose. Je vais regarder ce qu’il y a de dispo au Bélial de ce côté de l’Atlantique. je ne connait pas vraiment Baxter (lu un seul roman) mais je vais le découvrir. Je surement lire le Greg Egan Schild’s Ladder. Dans la liste ne vrac, j’ai beaucoup aimé la trilogie QuanTika de Suhner, quand même assez solide scientifiquement sans exclure une certaine fantaisie très imprégnée de mythologie asiatique.

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  13. Je suis toujours sur le cul (donc admiratif) de ce type d’articles que tu prends le temps d’étayer au maximum. Je ne connaissais pas le quart des livres proposés et il est vrai que je n’en n’ai jamais lu aucun car, tu t’en rappelles peut-être, j’avais exprimé au début de mon blogging que j’étais pas du tout à l’aise avec cette forme de SF. Si je souhaite aller au-delà de la difficulté, je sais quel article je dois consulter 😉 Merci Senseï !

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  14. Salut,

    Je passe régulièrement sur ce blog et aujourd’hui je laisse mon premier commentaire, étant donné la qualité de cet article.
    Typiquement le genre de guide que je cherchais pour aller plus loin en Hard SF.

    J’ai toujours un peu de mal avec le côté « plausibilité scientifique » revendiqué par la Hard SF. Certes il y a des exceptions comme rappelé dans le guide mais si on prend par exemple l’Énigme de l’Univers, le côté scientifique de l’intrigue n’a quasiment aucun intérêt (elle est plus cosmétique que fondamentale) et la fin perd toute plausibilité en mon sens.

    Je dis bien « en mon sens » car plus un bouquin va loin dans l’exploitation de théories scientifiques, plus la plausibilité scientifique est subjective. On pourrait penser que plus le lecteur est diplômé et cultivé scientifiquement, plus il est à même d’apprécier la plausibilité d’un roman de Hard SF, mais je pense au contraire qu’une formation en recherche scientifique permet de prendre conscience du caractère spéculatif de la science, de manière générale (et surtout dans des domaines comme la cosmologie par exemple où il s’agit souvent de manier des modèles spéculatifs et où l’Histoire nous a démontré le côté éphémère des modèles phares). Du coup, cette formation scientifique permet de relativiser ce qu’on appelle « plausibilité » et d’avoir une vision beaucoup plus large de ce qui peut être admis comme étant de la Hard SF.
    Premier exemple : la singularité. Par définition même de la singularité, comment juger la plausibilité scientifique de quelque chose qui nous dépasse de loin ? Second exemple : si on prend le Gambit du Renard, on aurait tendance à le classer dans la science-fantasy mais une largesse d’esprit permet de relativiser la plausibilité des technologies utilisées et d’admettre que le bouquin a une structure et une écrite parfaitement compatible avec la Hard SF même si l’auteur lui-même ne le revendique pas.

    Les scientifiques sont souvent en désaccord sur les modèles qu’ils abordent. En découle une frontière parfaitement floue pour la Hard SF, même si évidemment certains bouquins ne peuvent pas prétendre à cette dénomination.
    Pour moi, la « vraie » définition de la Hard SF est celle que tu donnes implicitement dans tes paragraphes introductifs : il s’agit de bouquins qui se donnent un cadre scientifique et qui s’attellent à rester parfaitement cohérent avec celui-ci. Peu importe, finalement, le degré de plausibilité de ce cadre tant que les règles qu’il édicte sont respectées. Et dans le cadre de cette définition là, j’ai du mal à apprécier l’Énigme de l’Univers qui m’a énormément déçu parce que j’en attendais plus que ce qu’il prétendait pouvoir m’apporter sur l’exploration scientifique des concepts abordés.

    Bref. C’est du pinaillage. Dans les faits on s’en fout un peu de savoir dans quelles cases on va mettre un bouquin. Mais ça peut amener à être déçu !

    Ce qui m’amène à l’objet principal de mon post : Vision Aveugle.
    Je ne connaissais pas du tout Peter Watts et ton guide m’a donné envie de m’y mettre. Pour l’instant j’en suis dans la première moitié du roman mais j’adore ce que je lis, c’est typiquement ce que je recherche. Alors merci pour cette découverte. 😀

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  15. Ping : La littérature s’empare du net #9 – Histoire naturelle de bibliophiles

  16. Ping : Isolation – Greg Egan | Le culte d'Apophis

  17. Ping : Diaspora – Greg Egan | Le culte d'Apophis

  18. Wahou, quel travail ! Merci pour ce guide incroyablement complet Apophis ! Bon, avant Diaspora, je vais donc d’abord écumer ma PAL pour en sortir certains livres que tu nous présentes ici (parmi lesquels figurent en bonne place… Tous les Heure-Lumière, évidemment x) ). C’est vraiment un travail remarquable. Merci, merci, merci :

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    • Merci beaucoup. Le travail sur le prochain guide de lecture de cette série (Planet Opera) a commencé. Il n’est pas totalement impossible qu’il sorte d’ici quelques semaines.

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  19. Ping : Guide de lecture SFFF – Découvrir le (ou progresser en) Planet Opera | Le culte d'Apophis

  20. Salut Apophis,
    D’abord merci pour ton blog. A l’origine grand lecteur de fantasy, je me suis attaqué à la SF depuis peu. Après avoir lu quelques classiques (Asimov, Simmons) je me suis éclaté avec la saga du commonwealth d’Hamilton (je ne comprend toujours pas pourquoi la trilogie du vide est si sous estimée au sein de la saga, j’en garde des souvenirs émus), puis grâce à ton blog avec Honor Harrington (les premiers tomes en tout cas) et un feu sur l’abîme. Vu que j’aime les défis, j’ai décidé, suite à ce superbe guide de lecture, de faire mes premiers pas dans la Hard Sf, avec Retour sur Titan et Existence. N’étant pas particulièrement féru de science j’espère ne pas regretter le voyage.
    Je repasserai faire le retour de ces lectures.
    Et longue vie à ton blog !

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  21. Ping : Sortie prévue en 2020-2021, déjà chroniqué sur le Culte d’Apophis ! | Le culte d'Apophis

  22. Ping : Bilan 2019 – L’ascension de Skywal… de l’Apophisme ! | Le culte d'Apophis

  23. Ping : Le magicien quantique – Derek Künsken | Le culte d'Apophis

  24. Bonjour. je vois ce jour sur le site de Greg Egan que l’échelle de Schild a été traduit en Europe en italien et en roumain. toujours pas en français ?

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    • Bonjour,
      ce serait très étonnant, car ce roman est, et de très loin, non seulement le plus exigeant de l’auteur, mais probablement de la Hard SF dans son ensemble. Même Diaspora est de la rigolade à côté. Le consensus est qu’il n’y a tout simplement pas de public pour un livre de ce calibre en France, et donc que le traduire se ferait à perte vu qu’il ne se vendrait pas.

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  25. Ping : Aurora – Kim Stanley Robinson | Le culte d'Apophis

  26. Ping : Anthologie Apophienne – épisode 10 | Le culte d'Apophis

  27. Ping : Prix Apophis 2020 | Le culte d'Apophis

  28. Ping : Bilan 2020 – Overkill * | Le culte d'Apophis

  29. Wow. Je suis impressionné par la qualité de votre article. Étant moi-même un lecteur inconditionnel de hard sf (niveau 3 selon votre classement 😊) j’ai beaucoup appris et découvert des auteurs dont je n’avais pas entendu parlé.
    Si je suis très réticent à l’œuvre de Egan (je ne sais pas pourquoi mais tous ses romans que j’ai lu mon fait l’effet d’un grand n’importe quoi), je vais de ce pas m’intéresser à Watts ou à Stross.
    Merci à vous, donc.

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  30. Comme j’ai déjà pu le dire, je te remercie pour ce guide très éclairant qui me permet de me rendre compte de plusieurs choses. Déjà, j’avais une idée erronée du genre hard sf et de la signification du terme « hard ». Ensuite, et bien j’en ai déjà lu alors que je n’en avais pas conscience, je ne suis donc pas aussi bas dans l’échelle que je le pensais ! Sur base de ta définition, je ne suis toutefois pas sûre que ce soit un genre littéraire dans lequel je peux m’épanouir mais ça reste intéressant d’avoir des pistes de lecture et de savoir par où commencer (et par où ne pas commencer surtout).

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    • Oui, ce n’est pas un genre qui est apte à séduire tous les profils de lectrices ou de lecteurs, et ce d’autant plus qu’en France (voire dans l’ensemble de l’espace francophone), on est tout au contraire très, très fortement orienté Soft SF (sauf chez le Belial’, voire chez Bragelonne depuis quelques années et parfois chez quelques autres éditeurs / collections, comme Lunes d’encre).
      Sinon, d’après la liste des titres à paraître chez le Belial’ dans le dernier Poul Anderson, il y a une Hard SF très accessible (si, si) et très intéressante qui va paraître très prochainement en Une heure-lumière 😉

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  31. Ping : Eriophora – Peter Watts | OmbreBones

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  34. Ping : Apophis Box – Février / Mars 2021 | Le culte d'Apophis

  35. Bonjour,
    Merci pour votre article qui est une belle source d’inspiration pour mes lectures. Dans votre liste, Stéphan baxter niveau 3 est illustré par Accretion. Peut on lire ce livre sans avoir lu les autres romans du cycle des Xeelees ?

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  36. Ping : Retour sur Titan – Stephen Baxter | OmbreBones

  37. Ping : La hard SF au cinéma - Dans la Lune

  38. Ca y est, je viens enfin de poser mon premier jalon en hard SF en terminant les Odyssées de l’espace d’Arthur C. Clarke.

    Traditionnellement, dans les romans de SF, les activités quotidiennes tels que les repas sont anecdotiques, et les personnages vont rarement aux toilettes… Dans cet ouvrage, j’ai commencé à percevoir ce que pouvait être la hard SF quand j’ai découvert que l’auteur pousse la précision jusqu’à décrire sur plusieurs paragraphes le protocole que les protagonistes doivent respecter pour aller aux toilettes en pesanteur faible !!! XD
    Bien évidemment, bien d’autres aspects scientifiques de la vie pratique sont couverts, tels que justement la prise des repas, le couchage, l’activité physique, le suivi médical, etc… j’adore !

    Merci Apophis pour la recommandation 😀
    (je suis d’ailleurs surpris de ne pas avoir posté un merci plus tôt sur ce guide, tellement il répond aux questions que je me posais !)

    Peut-être saurez-vous éclairer ma lanterne, car la toute fin, bien qu’elle donne l’impression d’avoir été finie à la va-vite, m’a tout de même inspiré un profond sentiment de vertige, sans doute involontairement de la part de l’auteur. En effet, bien que lecteur débutant (et j’imagine que ces trois points ont été bien mieux traités dans d’autres romans; à tous le moins par d’autres lecteurs avant moi), je trouve que les humains ont faits preuve d’une terrible légèreté en injectant des virus informatiques dans le monolithe : au-delà des réactions locales imprévisibles que cet outil immensément puissant aurait pu déclencher, au-delà du fait que le chapitre s’appelle précisément « frappe préventive » et qu’on imagine tous les conséquences d’une telle attaque contre un tel autre parti (la civilisation ou le comité utilisant le monolithe) et d’en être à l’initiative, il faut garder à l’esprit que le monolithe est connecté au moins à un « centre superviseur », à AMT-0 et AMT-1… et sans doute une porte d’entrée d’un réseau d’interconnexion de taille à minima galactique ! Que peut-il se passer si le virus se propage dans ce réseau, dans tous les équipements de cette structure galactique voire universelle, et atteigne et frappe les civilisations qu’ils interconnectent et qui en dépendent ??? C’est de l’inconséquence pure ! Quelles fabuleuses suites auraient pu être écrites avec ces conséquences d’un effondrement d’une telle portée, et les humains se trouvant responsables et ennemis désignés de l’Univers entier, voire au-delà !!! (autant ne pas se limiter et étendre les connexions et conséquences à d’autres (bulles/multi) univers et dans le temps ! 😀

    Avant de poursuivre avec Rendez-vous avec Rama, je me demande si je peux faire un détour par la tétralogie d’Hypérion ? Je me pose la question parce que ce n’est pas de la hard SF, alors je me dis que peut-être il serait plus facile de le lire avant de trop progresser en hard SF, car je crains de le trouver trop simpliste après… d’un autre côté, j’ai cru comprendre qu’Hypérion était une perle rare, alors je me demande si je ne vais pas me gâcher sa lecture en le lisant trop tôt… trop tôt car n’ayant pas suffisamment de bagages SF et d’ouvrages en comparaison pour l’apprécier à sa juste valeur… qu’en pensez-vous ?

    Merci ! 😀

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    • Merci ! Si 2001 et 2010 ont été très bien accueillis, en revanche les deux tomes suivants ont été très mal reçus par le lectorat et la critique. Et pour ce qui est du fait de s’attaquer au Monolithe avec des virus informatiques, outre les interrogations très pertinentes que vous soulevez, reste celle de la vraisemblance d’une attaque de cette nature contre une civilisation technologiquement aussi avancée (on peut imaginer que nos attaques les plus redoutables paraîtraient risiblement simplistes pour une culture capable de créer des étoiles ou de franchir d’une pensée les gouffres interstellaires). C’est d’ailleurs la même question qui est au centre du (très mauvais) film Independence Day, au passage.
      Pour ce qui est d’Hypérion, vous pouvez vous y attaquer immédiatement. Quelques références à d’autres œuvres vous échapperont, mais vous ne perdrez rien de l’essentiel. Et oui, je le place, personnellement, au sommet de mon panthéon personnel de la SF dans son ensemble.
      Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas.

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