L’œil d’Apophis – Numéro 12

Eye_of_ApophisDouzième numéro de la série d’articles l’œil d’Apophis (car rien n’échappe à…) ! Je vous en rappelle le principe : il s’agit d’une courte présentation (pas une critique complète) de romans qui, pour une raison ou une autre, sont passés « sous le radar » des amateurs de SFFF, qui sont sortis il y a longtemps et ont été oubliés, qui n’ont pas été régulièrement réédités, ont été sous-estimés, mal promus par leur éditeur, ont été noyés dans une grosse vague de nouveautés, font partie de sous-genres mal-aimés et pas du tout dans l’air du temps, sont connus des lecteurs éclairés mais pas du « grand public », et j’en passe. Chaque numéro vous présente trois romans ou cycles : aujourd’hui, il s’agit de la saga des Princes d’Ambre de Roger Zelazny, du Bureau des atrocités de Charles Stross et de La brèche de Christophe Lambert.

Au passage, sachez que vous pouvez retrouver les anciens numéros de l’œil via ce tag ou bien cette page. Je vous rappelle aussi que les romans présentés ici ne sont pas automatiquement des chefs-d’oeuvre ou ceux recommandés par le site à n’importe quel amateur de SFFF (si c’est ce que vous cherchez, voyez plutôt les tags (Roman) Culte d’Apophis ou Guide de lecture SFFF).

Cycle(s) des Princes d’Ambre – Roger Zelazny

princes_d_ambreSi on ne peut certainement pas dire que la saga des Princes d’Ambre de Roger Zelazny a été oubliée, on ne peut, à mon sens, pas dire non plus qu’elle bénéficie encore aujourd’hui de l’énorme aura qui était la sienne il y a une trentaine d’années, au moment de sa réédition poche bénéficiant des splendides couvertures signées Florence Magnin (vous en apercevez une ci-contre). Il n’en reste pas moins que si il est méprisé par certains puristes pour son aspect commercial, indigne selon eux de la partie SF de l’oeuvre de l’auteur, ce vaste cycle de dix romans (divisé en deux sous-cycles de cinq) a, depuis cinquante ans, été une référence pour de très nombreux lecteurs de Fantasy.

Les cinq premiers romans parlent de Corwin, qui, dans le tome 1, se révèle être amnésique, mais qui ne le restera pas longtemps et (re)découvrira qu’il fait en réalité partie de la famille royale d’un, hum, endroit très… particulier. Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler ceux qui n’ont pas encore lu ce cycle, mais disons que sa fratrie ferait passer les Lannister pour des gens sympathiques et les Ewing de Dallas pour une famille soudée. Dans cette Fantasy politique de haute volée, donc, nous allons assister aux luttes de pouvoir pour le trône, et un des tomes en fait même un des précurseurs… de la Fantasy à poudre ! (même si ici, la « poudre » est très inhabituelle !).

Les cinq romans suivants, largement considérés comme moins intéressants (une opinion que je ne partage qu’à-moitié), sont consacrés au fils de Corwin, Merlin. Ils restent cependant une lecture tout à fait valable, même si ce nouveau protagoniste est loin d’avoir le charisme de son illustre géniteur, pour être honnête. En revanche, il existe un troisième cycle de quatre romans (dont trois traduits), rédigé à la demande des héritiers de l’auteur après son décès, et qui est supposé éclairer les circonstances de la fondation de la ville d’Ambre. Et celui-là a une réputation nettement moindre, ce que je ne peux confirmer ou infirmer vu que je ne l’ai pas encore lu. Quoi qu’il en soit, au minimum, les cinq premiers romans du cycle écrit par Zelazny sont une lecture très intéressante (et personnellement, je dirais même incontournable), que ce soit du fait du riche style de l’auteur, de l’univers unique décrit (sur lequel je ne m’étendrai surtout pas vu que la découverte de sa nature est un des points forts du tome 1), de l’attachement ressenti envers des personnages au puissant charisme (Corwin, Eric, Bénédict, Brand, Fiona, etc) ou des intrigues de cour tortueuses qui les opposent (ou, rarement, les rapprochent).

Le bureau des atrocités – Charles Stross

bureau_atrocitésLe bureau des atrocités est le tome d’ouverture d’un vaste cycle (neuf livres au moment où je rédige ces lignes), La laverie, mais peut également se lire de façon isolée. Les deux premiers romans ont été traduits en français par deux éditeurs différents ayant pignon sur rue, tandis que les deux suivants l’ont été dans le cadre du projet Exoglyphes dont Je vous ai déjà parlé. Malgré son titre sinistre, c’est en fait à un roman fortement teinté d’humour auquel nous avons affaire, mélangeant, en un cocktail assez unique, XXIe siècle, anti-James Bond bossant certes pour l’équivalent occulte du MI6, mais passant plus de temps plongé dans la paperasse générée par une bureaucratie omniprésente que dans le décolleté de quelque étourdissante femme fatale, Lovecrafteries (et puis un peu de mysticisme Nazi, hein), références geek et horreur. Bref, pour résumer, du pur Stross. On aime ou on déteste, mais c’est le genre d’univers et d’auteur qui ne laisse en aucun cas indifférent.

La plupart des gens s’accorderont pourtant sur deux défauts : d’abord, évidemment, les couvertures des éditions poche et grand format signées Jackie Paternoster, et ensuite une traduction qui n’a pas su rendre toutes les private jokes et la subtilité du texte original. Même s’il est vrai que le challenge n’était pas évident. On conseillera donc à ceux d’entre vous qui lisent en anglais de passer directement par la VO (ou par Exoglyphes), qui sera de toute façon incontournable si vous voulez aller jusqu’au bout du cycle.

Quoi qu’il en soit, dans le registre néo-Lovecraftien, La Laverie est une référence incontournable (à laquelle on compare volontiers certains autres textes, comme Agents of Dreamland de Caitlin R. Kiernan par exemple), et si vous vous intéressez à ce courant littéraire, la lecture d’au moins ce tome 1 le sera tout autant.

La brèche – Christophe Lambert

la_breche_lambertPremière précision utile, non, il ne s’agit pas de l’acteur ayant incarné (avec brio ?) le célèbre Highlander, mais d’une personne différente. Bon, là j’ai perdu la moitié des lecteurs. Christophe Lambert (bis), donc, est un auteur très prolifique, mais exerçant d’habitude plutôt son art dans la SFF jeunesse. il lui arrive cependant de publier aussi pour les adultes, dont La brèche, sorti en 2005. Ce roman exploite une variante du thème du tourisme temporel, notamment exploré par Robert Silverberg (Les temps parallèles), tout en lui mêlant celui de la modification délibérée du cours de l’Histoire par deux factions antagonistes cherchant à l’infléchir à leur profit, comme chez Fritz Leiber par exemple. Mais l’auteur adapte ces tropes à notre époque, puisqu’au lieu de parler de voyages organisés, lui met en scène une télé-réalité d’un nouveau genre.

En 2060, la technologie de voyage dans le temps existe, mais ne peut remonter que sur une période de 120 ans, donc jusqu’en 1940 au maximum. Après avoir exploré différents événements marquants (l’assassinat de JFK, notamment), la télé-réalité de cette époque est obligée, devant la lassitude des téléspectateurs, de proposer toujours plus spectaculaire. Et quoi de plus sensationnel que le Débarquement du 6 juin 1944 en direct-live ? Ce court livre, assez nerveux et au style efficace à défaut d’être particulièrement remarquable, nous montre donc un journaliste et un historien expédiés en Normandie le jour J, où ils remarquent vite que la bataille ne semble pas se dérouler comme le disent les manuels. D’étranges armes, complètement anachroniques, semblent soutenir chacun des deux camps… (Et non, ce n’est pas vraiment un spoiler, cf la couverture). D’où viennent-elles, et quel est le but de ceux qui les manient ? La télé-réalité va-t-elle accoucher d’une Dyschronie ? Ou l’Histoire réelle est-elle secrète ?

Bref, ce n’est peut-être pas le roman du siècle (il n’en a pas la prétention, toutefois), mais cela reste un agréable moment de lecture, qui a en plus le mérite de nous faire réfléchir sur les dérives de la télé-réalité.

Envie de soutenir le blog ? 

Ces livres vous intéressent, vous êtes client d’Amazon et souhaitez soutenir le blog ? Passez par un des liens suivants pour votre achat, cela ne vous coûte strictement rien de plus mais permet d’aider à financer l’infrastructure du blog (nom de domaine, etc), des concours, etc :

Cycle des Princes d’Ambre : Acheter le tome 1 en version poche / acheter le tome 1 en version Kindleacheter l’intégrale du cycle de Corwin en version papier

Le bureau des atrocités : Acheter en version poche (pas de version Kindle en français)

La brèche : Acheter en version poche (idem).

***

Retour à la page d’accueil

31 réflexions sur “L’œil d’Apophis – Numéro 12

  1. Rien que d’évoquer le cycle des Princes d’Ambre, j’ai les larmes aux yeux. Il fait partie de ces cycles, comme ceux de Moorcock et de toute cette génération, dont j’ai eu tous les volumes. 11 déménagements et trois dégraissages de bibliothèque plus tard, il n’en reste rien. Aujourd’hui, je pleure ces volumes perdus.

    Aimé par 1 personne

  2. tu fais bien de préciser pour Lambert. La première fois que j’ai vu ce patronyme je me suis posée la question!!!!
    J’avais repéré La brèche depuis quelques temps, mais comment dire, j’avais sans doute un petit pré-jugé… Je me le note donc!

    Aimé par 1 personne

    • Je pense que tout le monde se pose cette question. En même temps, c’est un nom et un prénom répandu, donc l’homonymie avec l’acteur doit être relativement fréquente.

      Comme précisé dans l’article, ce n’est pas le roman du siècle, mais c’est fort sympathique, il y a des thématiques propices à la réflexion et c’est vite lu.

      Aimé par 1 personne

  3. Si je peux apporter mon grain de sel, et mes meilleurs vœux :

    Le Christophe Lambert est à mon avis un bon roman de divertissement.
    « Le Commando des immortels » est tout aussi excellent. Ou encore « Zoulou kingdom » du même Christophe Lambert.

    « Le Bureau des atrocités » [https://artemusdada.blogspot.com/2012/08/le-bureau-des-atrocites.html] est excellent, la rencontre improbable de Lovecraft et de Len Deighton. Le roman suivant, du cycle dit désormais de la « Laverie™ », intitulé « Jennifer Morgue » [https://artemusdada.blogspot.com/2016/06/jennifer-morgue-charles-stross.html] , convoque l’ambiance d’un James Bond, mélangé (encore) à des lovecrafteries. Brrrr !!!!

    Le tout dans un joli bain métafictionel revigorant.

    Mais empiler les assiettes ne fait pas la vaisselle, et Charles Stross a la bonne idée de d’abord, raconter une histoire. Donc même si vous n’êtes pas un aficionados des auteurs cités, vous devriez trouver votre bonheur.

    Le Cycle se poursuit ensuite, mais il n’est disponible (en français) que par souscription [https://fr.tipeee.com/exoglyphes]. Et c’est de la bombe.

    On pourrait résumer le cycle en question (donc de la Laverie™), par un mélange d’horreur cosmique et d’espionnage, et de pas mal d’humour. Bref, de la super came. Abonnez-vous !
    [-_ô]

    J’aime

    • Effectivement, je ne pense pas que le Stross soit ton genre de bouquin. Pour le Lambert, je suis un peu plus surpris, en revanche. Et honnêtement, tu devrais au moins tenter le tome 1 des Princes d’Ambre, ça reste du Zelazny, donc une lecture incontournable en matière d’imaginaire.

      J’aime

    • Il est certain que sur la forme, c’est relativement différent de ce que propose l’auteur en SF. Maintenant, sur le fond, c’est la même chose, avec toujours ces thématiques du surhomme, de la mythologie, de l’immortalité, etc.

      Aimé par 1 personne

  4. J’ai adoré le cycle des Princes d’Ambre (même si je l’ai découvert sur le tard). J’aime aussi beaucoup les romans de Christophe Lambert, il a toujours des idées originales : Zoulou Kingdom et Vegas Mytho sont très bien aussi, de même que Aucun homme n’est une île ou Le commando des immortels (qui met en scène Tolkien en personne). Bref, je partage ton avis sur la Brèche : ce n’est pas un chef d’oeuvre mais les idées sont bonnes et l’écriture dynamique. 🙂

    Aimé par 1 personne

  5. Hop, le bouquin de Lambert termine sur ma PAL (je ne connaissais même pas l’auteur/superbe couv de Manchu).

    Concernant Zelazny, ça fait maintenant plusieurs mois que j’hésite à me lancer dans les Princes d’Ambre. J’ai lu les premiers chapitres il y a sacrément longtemps et je crois me souvenir d’avoir trouvé ça un peu aride, niveau écriture.

    Merci pour l’article Apo ! Quand je disais dans mon précédent com « espérer un retour de L’œil d’Apophis », je ne m’attendais pas à ce que ce soit si rapide 😉

    Aimé par 1 personne

    • Les prières adressées à Apophis sont toujours entendues 😉

      Je la trouve très intéressante, cette couverture de Manchu. On a spontanément tendance à associer l’illustrateur aux vaisseaux spatiaux et aux merveilles de l’espace, alors qu’il est visiblement aussi à l’aise dans d’autres registres.

      Je pense sincèrement qu’il faut au moins tenter le tome 1 des Princes d’Ambre, d’autant plus que pour moi, c’est probablement le plus intense et prenant du cycle tout entier.

      J’aime

  6. Aaahh j’adore ces numéros qui font découvrir de potentiels futurs histoires à lire ^^ Je connaissais de loin la réputation des princes d’Ambre, je vois qu’en fait c’est pratiquement un Must-Have de la littérature Fantasy. Je vais me pencher sur son cas tout comme les 2 autres qui m’ont l’air intéressants également !
    Gloire à ta clairvoyance !

    Aimé par 1 personne

  7. Ah! Les neufs princes d’Ambre… j’en parlais dans ma dernière chronique (sur Mount Char)… qui m’y a fait repenser…
    Je m’étais jurée d’essayer de reprendre la série (je note pour les 5 premiers), pour tenter de l’apprécier. Je pense avoir lu le premier tome (le 2è aussi???) au début de ma découverte de la fantasy… donc bon du coup, j’étais pas encore prête je crois 😉 hihihi (Wais j’avais bloqué au bout de 30 pages de la huitième couleur de Prachett…. réparation faite une dizaine d’années plus tard ouf ;-))
    Donc, ya plus qu’à! Vu qu’en plus je les ai à la maison.

    Aimé par 1 personne

  8. Ping : Dans la boucle temporelle – itérations 8-9 : août – septembre 2016 | Le culte d'Apophis

Les commentaires sont fermés.