Planetside – Michael Mammay

Surprenant

planetside_mammayMichael Mammay est un auteur de SF et de Fantasy qui, de son propre aveu, met le plus souvent en vedette des personnages militaires (et son propre passé dans l’Armée -c’est un vétéran de la première guerre du Golfe, de la Somalie, de l’Irak et de l’Afghanistan- n’y est sûrement pas étranger). Son roman Planetside, le premier d’un cycle (le second, Spaceside, sort fin août 2019), ne déroge pas à la règle, puisqu’on y suit le Colonel Carl Butler, envoyé sur une lointaine planète, où les humains affrontent des insurgés indigènes, pour y retrouver le fils d’un gros ponte, dont on a perdu la trace. Ou comment mélanger Avatar (mais avec un gros twist…) avec les classiques de l’enquête militaire, que ce soit au cinéma (Presidio, Des hommes d’honneurLe déshonneur d’Elisabeth Campbell, A l’épreuve du feu, etc) ou à la télévision (JAG, NCIS, etc), plus un petit bout de Au coeur des ténèbres (ou d’Apocalypse Now, c’est la même chose).

Au vu du résumé, si je m’attendais à un roman sympa, je n’étais cependant préparé ni au fait qu’il soit aussi prenant, ni à une fin très particulière (qui ouvre de fascinantes perspectives sur la suite). Au final, et même s’il ne s’agit certainement pas du livre de SF de l’année, cette lecture s’est avérée excellente, et je lirai la suite avec un grand plaisir.

Univers

L’action se passe dans un futur indéterminé mais assez lointain (des siècles). Les vaisseaux mettent des mois pour passer d’un système à l’autre (les passagers voyageant en stase -non-cryogénique, c’est clairement précisé-), tandis que sur la même distance, les messages voyagent instantanément. La planète Cappa est la seule connue où la forme de vie dominante (humanoïde) soit suffisamment intelligente pour 1/ communiquer avec les humains en apprenant leur langage et 2/ posséder sa propre technologie, même si celle-ci ne dépasse pas le vol atmosphérique. Ainsi, lorsque les Compagnies minières humaines ont voulu exploiter les riches filons d’Argent, la plupart des Cappans ont coopéré, mais 10 % environ sont entrés en résistance. La différence de niveau technologique fait cependant qu’ils ont vite appris à ne mener que des actions de guérilla et à éviter les batailles rangées. Pour protéger les opérations minières, vitales pour l’industrie, l’Armée a déployé une grosse base spatiale en orbite, ainsi que des troupes au sol.

Notez que l’armement utilisé dans cette SF militaire n’est pas précisément exotique : à part des « pulseurs » sur lesquels on ne saura rien, on se sert surtout de bons vieux flingues cinétiques, à balles explosives ou guidées cybernétiquement via le viseur tête haute du casque du fantassin.

L’univers est brossé à grands traits, et l’auteur ne s’embarrasse pas d’éléments superflus, ne décrivant que ce dont il a besoin pour son intrigue. Sur ce tome 1, ce n’est en rien gênant (et c’est un lecteur pour qui la richesse du contexte est un point capital dans un bouquin de SFF qui vous l’assure), même si j’ose espérer que tout ça va un peu s’étoffer dans le ou les tomes suivants.

Intrigue

Le Colonel Butler est un soldat de légende (là aussi, l’auteur ne va pas vous expliquer ce qu’il a fait dans le passé pour mériter cette aura), tout près de l’âge de la retraite et passant le temps qui lui reste dans l’armée à l’académie formant les cadets. Il reçoit cependant un appel d’un vieux camarade de tranchées, le Général Serata, un gros ponte de l’état-major. Celui-ci veut qu’il se rende sur la lointaine Cappa pour enquêter sur la disparition d’un lieutenant, fils d’un Haut Conseiller qui a la haute main sur le budget militaire. En raison de la vieille amitié qui le lie au Général, Butler accepte.

Une fois arrivé sur place, il s’aperçoit que cette affaire sent mauvais. Serata ne lui a pas donné de détails, et il découvre que le lieutenant Mallot n’a pas disparu au combat, n’est pas aux mains de l’ennemi, mais a en réalité été blessé aux jambes par une mine, a été pris en charge par un aéronef médical, puis s’est purement et simplement volatilisé. Il n’a jamais été officiellement admis à l’hôpital de la base orbitale, et, comme par hasard, l’équipage de l’aéronef concerné a été tué quelques jours après.

Et Butler va avoir de fortes difficultés pour mener son enquête : si le commandant de la base a l’air affable et prêt à tout pour aider en surface, notre enquêteur doute de lui (et de l’officier de liaison qu’il lui attribue). De plus, ledit commandant n’a pratiquement aucune autorité sur la section médicale, et encore moins sur le secteur réservé aux Forces Spéciales. Entre l’hostilité du médecin-chef, le côté évasif du Colonel en charge des FS, les enregistrements radar qui disparaissent comme par magie, les tentatives de meurtre et j’en passe, Butler va avoir fort à faire pour boucler ses investigations !

L’intrigue est assez intéressante, même si certains points se voient venir de loin, surtout lorsqu’on a compris quelles étaient les influences (surtout cinématographiques) de l’auteur. Mais attention, d’autres points sont bien plus surprenants, notamment quand Mammay fait subir un gros twist à une de ces influences. Et puis il y a la fin qui, d’après ce que j’ai pu constater, a pas mal divisé les lecteurs : certains ne l’ont pas aimée du tout, d’autres n’en pensent rien de particulier à part le fait qu’elle est un peu abrupte (ce que je confirme), tandis que certains autres l’ont adorée. Pour ma part, je l’ai trouvée un peu radicale (et très surprenante), ne cadrant pas avec la retenue dont fait preuve le protagoniste tout au long de l’histoire mais, d’un autre côté, pouvant se comprendre au vu des circonstances. Mais clairement, si vous lisez un peu de SF militaire mais n’appréciez pas particulièrement l’institution, cette fin risque de vous poser un problème.

Style, personnages

L’écriture de l’auteur est fluide et agréable, les dialogues sont rondement menés (et heureusement, vu qu’ils sont très nombreux), les (rares) scènes d’action convaincantes (je précise néanmoins que si vous cherchez avant tout beaucoup de combats dans la SF militaire, vous risquez d’être un peu décontenancé par celle-là : c’est l’enquête qui prime), c’est plutôt rythmé, il y a des rebondissements, quelques surprises, comme je l’ai déjà évoqué, la narration à la première personne du singulier est immersive, bref, sans atteindre le niveau d’un David Weber ou s’imposer comme le roman de SF de l’année, le livre est bien mené et plaisant.

Le personnage de Butler est solide, quelque part entre Mark Harmon dans NCIS ou Presidio (pour le côté enquêteur), Clint Eastwood dans Le maître de guerre (pour le côté vieux héros de guerre pas loin de la retraite) et peut-être surtout Tommy Lee Jones dans Space Cowboys (pour le côté officier supérieur avec un redoutable sens de l’humour -partagé par l’auteur, d’ailleurs : cf le débit de boisson nommé… le K Bar, jeu de mot avec Ka-Bar, nom à la fois du couteau de combat de toutes les forces armées américaines et de la société qui le fabrique- et une certaine coolitude). L’auteur nous montre bien ses doutes, sa volonté de découvrir la vérité, son penchant pour l’alcool, son stress post-traumatique, sa volonté de protéger ses subordonnés, etc. Les autres personnages sont moins travaillés (à part sans doute Elliot), sans pour autant être des pantins sans âme.

En conclusion

Planetside est une SF militaire sacrifiant en bonne partie l’action pour se concentrer sur l’enquête menée par un colonel vieillissant, ancien héros de guerre, sur la disparition d’un lieutenant, fils d’un politicien d’envergure, dans un lointain système où l’Armée protège les opérations minières des corporations alors que certains indigènes tentent de résister à l’invasion. Tirant autant sa substance d’Avatar (ou d’Aquablue, d’ailleurs) que de Presidio (ou autre film d’enquête militaire), de JAG ou d’Apocalypse Now, mais le tout avec certains twists, ce roman prenant n’est peut-être pas le livre de SF de l’année (une prétention qu’il n’a cependant pas), ne plaira peut-être pas forcément à ceux qui sont là pour voir de l’action pure et dure (même si elle est tout de même un peu présente), propose une fin abrupte et assez polarisante, mais reste néanmoins une lecture fort agréable, avec un personnage principal travaillé, crédible, humain et attachant. Je lirai d’ailleurs le tome suivant du cycle avec plaisir.

Niveau d’anglais : facile.

Probabilité de traduction : pas impossible.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Lianne,

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14 réflexions sur “Planetside – Michael Mammay

      • C’est vrai qu’il y a beaucoup d’auteurs et de romans que l’on découvre grâce à toi… le problème c’est quand on sait qu’ils ne seront probablement jamais traduits ! (Je ne parle pas de celui-ci mais ce n’est aps celui qui m’inspire le plus…)

        Enfin merci pour les découvertes.

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        • Après, comme le dit Gromovar, si un roman que je vous présente vous inspire, exprimez-vous en commentaires, car vu qu’il y a des gens d’AMI, du Belial’, de l’Atalante, etc, qui lisent mes articles, s’il y a suffisamment d’aponautes qui se déclarent intéressés, ça peut les inciter à jeter un coup d’œil (voire un deuxième coup d’œil si le livre en question avait été écarté). Après, ça ne garantit en rien que le bouquin sera traduit, évidemment (surtout que vu le coût des traductions, les éditeurs ont tout intérêt à privilégier de la SFF francophone), mais au moins ils seront conscients qu’il existe un intérêt pour le livre concerné.

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  1. Ping : Programme de lecture des sorties en VO – 2019 | Le culte d'Apophis

  2. Bonjour,
    Je vous suis depuis plus d’un an et quelle frustration… Frustration car vous présentez des romans intéressants mais ils ne sont pas traduits en français !
    Je ne connais pas les coûts de traduction mais je pense néanmoins qu’il y a un marché bien présent.
    Par contre, pensez-vous réalisable de créer une rubrique (ou directement via les réseaux sociaux ?) où des livres étrangers sont traduits en français ?

    Merci beaucoup, et continuez !

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    • Bonjour,

      Tout d’abord, merci pour votre fidélité !

      Les coûts de traduction se chiffrent en milliers, voire dizaines de milliers d’euros, selon le livre, le traducteur, l’éditeur, etc. On comprend donc que vu que le lectorat SFFF s’est drastiquement réduit ces deux ou trois dernières décennies en France (au début des années 1990, un livre passable se vendait à 15 000 exemplaires, un très bon comme Hypérion à 50 000 ; aujourd’hui, vendez plus de 2000 exemplaires d’un roman relevant des littératures de l’imaginaire, et vous aurez affaire à un succès retentissant), l’énorme production anglo-saxonne ne peut en aucun cas être traduite en intégralité. Sans compter le fait que Planetside relève d’un sous-genre (la SF militaire) mal-aimé dans l’Hexagone, ce qui fait que les probabilités de traduction décroissent encore.

      Je ne suis pas certain de bien vous comprendre, vous voulez dire diffuser des traductions « maison » ? Sans l’accord de l’auteur, c’est contrevenir gravement aux droits de ce dernier. Je me refuse à prendre part à une telle démarche, pour ma part.

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      • Merci pour la réponse.

        –> Ah non pas du tout, pas de traduction maison ! Je me suis mal exprimé. Lorsque des éditeurs publient des romans étrangers en français, tout simplement !

        – Je ne savais pas que le lectorat SFFF s’est réduit autant. C’est bien dommage. On connait les causes ? Plus de jeux vidéos, productions visuelles qui siphonnent « la clientèle » de la littérature SF ?

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        • Ah, désolé, j’avais mal compris. Personnellement, je signale la parution en français de tout ce que j’ai critiqué à partir de la VO. Pour le reste, le mieux est de suivre les sites officiels / blogs / pages Facebook ou Twitter des éditeurs, ainsi que les forums spécialisés comme celui du Belial’ ou Elbakin, un site comme Noosfere qui possède un programme détaillé de parutions, ou encore certains blogs comme celui de Chut, Maman lit, qui suit de façon hebdomadaire l’actualité de la SFFF. On peut aussi jeter un coup d’œil aux sites marchands pour voir les sorties à venir.

          Les causes de la baisse du lectorat sont multiples : désaffection pour la lecture en général, mépris envers les littératures de genre considérées comme puériles ou de mauvaise qualité, dichotomie entre une SFFF omniprésente dans les séries ou les films et des gens qui, tout en regardant massivement lesdits films ou séries, ne vont en revanche pas lire des romans relevant des mêmes domaines. Plus une surproduction qui fait que mécaniquement, chaque roman se vend moins. Voilà une partie des explications.

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