Hors-série 2018 – Une heure-lumière

Un premier hors-série proposant une nouvelle de Ken Liu absolument extraordinaire

HS1_UHLLa collection Une heure-Lumière (UHL), créée par le Belial’, s’est imposée, en à peine trois ans, comme un vrai succès commercial et critique (si j’en juge par le nombre de réimpressions de certains titres et par ce que je vois passer dans la blogosphère ou sur Babelio, par exemple), attirant vers les littératures de l’imaginaire (ou y faisant revenir) des lecteurs qui, jusqu’ici, n’en lisaient pas, ou en tout cas pas des textes du calibre de ceux proposés. Il était temps de tirer un certain bilan, et de récompenser la fidélité des plus acharnés des lecteurs, ceux qui se ruent sur toute nouvelle parution, ce que fait un hors-série de 96 pages. L’ouvrage est distribué gratuitement par les libraires participants, ainsi que sur le site de l’éditeur, pour tout achat de deux UHL, parmi les seize existant actuellement, effectué entre le 6 septembre et le 31 octobre (sauf à la FNAC, où l’opération se termine le 25 septembre). Histoire de vous aider à faire votre choix, si vous voulez pouvoir lire ce numéro collector, je vous propose en fin d’article des liens vers les critiques des UHL que j’ai eu l’occasion de chroniquer.

Le contenu de ces cent pages est divers mais invariablement intéressant. Ce qui fait l’intérêt de ce petit livre est, outre la splendide couverture signée Aurélien Police (ma préférée avec celle de Poumon Vert au sein de la collection), la nouvelle de Ken Liu proposée, qui sera une baffe monumentale pour tout amateur de SF qui se respecte. 

De la nouvelle comme idéal littéraire

Pour commencer, Olivier Girard nous explique la longue gestation de la collection, sa singularité, le défi, pour ne pas dire le risque, qu’elle représentait sur le plan commercial pour un éditeur indépendant comme le Belial’, le tout étant lié à la place très réduite occupée par la novella (ou roman court, à défaut d’un meilleur terme en français) dans l’Hexagone. Comme d’habitude riche en informations sur le paysage éditorial et le lectorat français, et de la passion qui anime le bonhomme, passion qui transparaît à chaque ligne, cet article s’avère très intéressant pour comprendre d’où UHL vient, pourquoi elle est apparue il y a seulement trois ans (et pas avant) et ce qui lui donne son caractère unique dans l’édition francophone.

Rencontre avec Aurélien Police

Dans cette interview, réalisée par Erwann Perchoc, l’illustrateur attitré de la collection, Aurélien Police, revient sur ses débuts et surtout sur son approche graphique concernant les UHL. Ce sera l’occasion pour vous, comme cela l’a été pour moi, de vous rendre compte de récurrences qui ne sautent pas forcément aux yeux mais prennent un tout autre sens une fois qu’on en a conscience.

Notez qu’Aurélien remercie les blogueurs qui disent un mot de son travail, et qu’à mon tour, je le remercie pour faire partie de ces acteurs du monde de l’édition qui ne traitent pas la blogosphère par le mépris.

Sept anniversaires – Nouvelle, par Ken Liu

Cette nouvelle est le joyau de ce hors-série, et ce qui doit ab-so-lu-ment être votre moteur pour chercher à vous le procurer. Comme son nom l’indique, elle nous montre sept anniversaires différents d’une certaine Mia, depuis ses sept ans (qui se situent environ à notre époque) jusqu’à un avenir inimaginablement lointain. Elle a été traduite (comme d’habitude avec brio) par le camarade Durastanti.

Ken Liu est incontestablement l’auteur-phare de la collection, et un écrivain majeur de la SFFF récente. Avec ce texte, il le prouve (s’il en était besoin) d’une manière aussi magistrale que définitive. Si vous l’avez déjà lu, vous savez que dans ses nouvelles, même les plus courtes, il est capable de mêler une énorme densité de thématiques avec une émotion palpable. Sept anniversaires ne déroge pas à cette règle, et, comme Cosmic Spring par exemple, nous conduit sur des terres qu’on imaginerait plus volontiers arpentées par un Chiang ou un Rajaniemi, et pas forcément par le sino-américain. Des contrées au sense of wonder prodigieux (sentiment d’effroi / épiphanie / vertige / émerveillement provoqué par des échelles spatiales et / ou temporelles démesurées, les merveilles de l’univers, les développements d’une technologie ultra-avancée, le devenir de l’humain confronté au choc de la Singularité, etc). Car la nouvelle part des préoccupations écologistes de la mère de Mia pour notre Terre du XXIe siècle et, d’anniversaire en anniversaire, au fur et à mesure d’une progression exponentielle au travers d’abord des décennies, puis des siècles, des millénaires et enfin des éons, invoque tout l’arsenal le plus débridé de ce que la Hard SF et la SF Transhumaniste ont à offrir (y compris un essaim de Dyson et un moteur de Shkadov, excusez du peu !), mêlant uchronies et réalité simulée d’une façon tellement enthousiasmante qu’on déplore amèrement que le texte soit si court, car il y a probablement là matière à un roman, voire un cycle, formidable.

Et le tour de force est que le texte s’inscrit à la fois dans la SF la plus spéculative mais aussi dans celle la plus ancrée dans le monde réel, dénonçant sans détour les inégalités entre pays / ethnies, la rapacité du monde occidental, le colonialisme, le fait de saloper la planète du fait de calculs à court terme, le frein mis par l’Occident sur le développement des pays du tiers-monde sous des prétextes… écologistes d’un cynisme écœurant, et j’en passe. Mais comme toujours chez Liu, c’est fait avec une grande classe, sans agressivité ou militantisme extrémiste, sans même un côté moralisateur. Depuis le temps que je vous martèle que c’est un génie !

Le texte présente des ressemblances avec certains autres, qu’ils émanent de gens comme Greg Egan (La cité des permutants), Peter Hamilton, Iain Banks (les virtualités des Enfers virtuels) ou d’autres, et se termine sur une phrase qui, je trouve, a un très fort parfum d’Arthur C. Clarke.

Bref, une réussite absolue, spectaculaire même, qui devrait être un argument de poids, si vous avez foi en mon jugement, pour dépenser vos 20 euros pour acquérir vos deux UHL, de toute façon d’excellents textes eux-mêmes !

Catalogue Une Heure-Lumière 2018

Ce hors-série est aussi un catalogue des seize titres existant au moment de sa parution (y compris les deux derniers fraîchement sortis), chacun bénéficiant d’une présentation sur deux pages (dont une reproduisant la couverture). Les plus éveillés d’entre vous auront aussi remarqué qu’une des dernières pages en mentionne six autres, dont au moins un qui n’avait jamais été évoqué ou annoncé jusque là (et pourtant, je vous prie de croire que je suis ce genre de choses via de multiples sources d’informations et avec une grande attention !). L’aventure UHL n’est clairement pas sur le point de s’arrêter, et ce pour mon plus grand bonheur, si la qualité des textes proposés se maintient.

Une petite aide Apophienne au choix

Si vous ne savez pas quels UHL choisir pour avoir droit à ce hors-série, je vous propose de lire ou relire les critiques des novellas de la collection présentes sur le Culte :

Cookie monster – Vernor Vinge

Un pont sur la brume – Kij Johnson

L’homme qui mit fin à l’histoire – Ken Liu

Cérès et Vesta – Greg Egan

Poumon vert – Ian MacLeod

Le regard – Ken Liu

24 vues du Mont Fuji, par Hokusai – Roger Zelazny

Le sultan des nuages – Geoffrey A. Landis

La ballade de Black Tom – Victor Lavalle

Retour sur Titan – Stephen Baxter

Pour aller plus loin

Si vous voulez avoir un deuxième avis sur cet ouvrage, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Dionysos sur le Bibliocosme, celle de FeydRautha sur L’épaule d’Orion, de Célindanaé sur Au pays des Cave Trolls, d’Aelinel, de Lorhkan, de l’Ours Inculte, du Chien critique, d’Ombre Bones,

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35 réflexions sur “Hors-série 2018 – Une heure-lumière

    • Tu peux remercier les camarades Djokovic et Del Potro et leur finale de l’US Open. Vu le décalage horaire, je savais que le match allait finir très tard (de fait, il s’est achevé à deux heures du matin), ce qui fait que je suis disponible aujourd’hui. Donc hop, reçu, lu, chroniqué 😀

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  1. Laquelle n’avait-on jamais teasé ? La Hutchinson ? La Heinlein ? (J’avais été tenté quand j’avais vu des réactions sur le mode : « Han, le Dozois c’est un vieux texte. » ;))
    Et oui, la nouvelle de Liu est — surprise ! — superbe. Je l’avais proposée et traduite pour Bifrost, mais ensuite le Girard m’a fait : « Attends, mon coco, j’ai une meilleure idée… »

    Aimé par 1 personne

  2. Commande faite le 6 au matin, et j’espère recevoir bientôt cette pépite. Un seul poit de divergence avec Oliver Gérard, la nouvelle n’est pas mon idéal littéraire. Novella, OK. Mais un format trop restreint me laisse souvent un petit regret. Et je ne parle pas de celles qui s’inscrivent dans un univers établi.

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