The poppy war – R.F. Kuang

Un livre schizophrène, alternant roman d’apprentissage quasi-Young Adult et grimdark fantasy militaire ultra-hardcore

poppy_warRebecca F. Kuang est une sino-américaine de vingt-deux ans, arrivée aux USA en 2000 et étudiante en Histoire de la Chine. Avec The poppy war (tome inaugural d’une trilogie et premier roman de l’auteure), son ambition était de dénoncer les exactions des japonais en Chine durant les années trente et quarante, particulièrement (comme nous l’apprend son site) le massacre de Nankin ou les expérimentations menées par l’unité 731 (j’y reviendrai), ainsi que de montrer comment une personne peut se transformer en dictateur (son personnage principal est modelé sur Mao -en version féminine-). Sur le papier, il s’agit d’une Fantasy militaire (lourdement) grimdark, écrite par quelqu’un qui connaît à la fois bien la Chine et la stratégie / histoire militaire, et qui pense que certaines blessures ne peuvent être refermées qu’après une analyse sans concession du passé. On pourrait donc croire que nous avons affaire à quelque chose d’à la fois solide, engagé et très noir et adulte.

Malheureusement, on s’aperçoit rapidement que ce roman est schizophrène, car il alterne une première moitié qui relève presque du Young Adult (à 2-3 points près) ET qui, de plus, est outrageusement pompée sur Patrick Rothfuss (influence d’ailleurs jamais citée par l’auteure qui, dans un post sur Goodreads, parle plutôt d’Avatar – Le dernier maître de l’air, de La stratégie Ender, de La grâce des rois de Ken Liu et bien entendu du Trône de fer) avec une seconde moitié dont certains passages ne sont vraiment, mais alors vraiment pas faits pour les âmes sensibles. En gros, donc, il y a de tels écarts d’ambiance que ce livre est, pour parler vulgairement, le cul entre deux chaises, divisé en deux moitiés dont chacune plaira à un public bien précis (plutôt Young Adult / adepte de roman d’apprentissage pour la première, et aux fanatiques du plus radical des Grimdarks ou de la plus extrême des Fantasy Historiques pour la seconde) mais (et c’est là le souci) dont l’autre moitié sera détestée par le public en question (les adeptes du Grimdark vomiront la première partie, les fans de YA / roman d’apprentissage la Fantasy militaire extrêmement noire de la seconde partie). Et donc, au final, ce livre n’est taillé pour plaire… à pratiquement personne. Enfin, logiquement et / ou en France, en tout cas. Il faut cependant nuancer lorsqu’on voit la réputation flatteuse et la bonne note dont il peut se vanter sur Goodreads (même si la réception d’un même roman sera parfois très différente entre les USA / l’Angleterre d’un côté et l’Hexagone de l’autre : des livres comme Godblind ou La justice de l’Ancillaire sont là pour en attester). 

Univers *

* The chinese way, Level 42, 1983 (on va se mettre une petite musique sympathique, parce que ce que je vais raconter n’est pas spécialement digne de l’ambiance festive d’un concert de Kassav).

Il est relativement simple à résumer : l’auteure a mélangé un grand nombre de périodes de l’Histoire de la Chine (les Royaumes combattants, les guerres de l’opium, les guerres Sino-Japonaises, la Seconde Guerre Mondiale) pour créer une chronologie et un cadre (dans un monde secondaire) où l’équivalent local des Japonais (la Fédération de Mugen) est responsable de tous les malheurs de celui de la Chine (l’Empire Nikara). Y compris de ceux avec lesquels les vrais japonais n’avaient rien à voir, dont l’introduction massive d’opium, qui était le fait des occidentaux (même si la fin du roman jette un doute sur qui a introduit quoi à l’origine). Dont l’équivalent, ici (les Hespériens), ne sert que de Deus ex Machina pour expliquer la victoire de Nikara dans la seconde Guerre du Pavot (=poppy), se voit dédouané de toutes leurs petites saloperies dans l’histoire réelle et n’a quasiment aucun rôle à jouer dans le récit. Ce qui n’est absolument pas logique, et ce sur plusieurs plans : étant décrits comme ayant des siècles d’avance sur le plan technologique, ils auraient dû exiger autre chose que l’unique port qui leur sert d’enclave, comme cela a été fait dans notre Histoire réelle. Et dont l’intervention dans la guerre (parce qu’ils ont été émus par un massacre) est plus le reflet d’une géopolitique actuelle à la merci de l’opinion publique et de ses émois que de la politique internationale telle qu’elle était pratiquée jadis. Si, dans l’Histoire réelle, les occidentaux ou les russes sont effectivement intervenus pour contenir l’impérialisme japonais, c’est tout bonnement parce qu’il entrait en conflit avec le leur !

Alors que ce soit clair, je n’ai rien contre le fait que l’auteure dénonce, sur le fond, les crimes de guerre de l’armée japonaise, bien au contraire : c’est participer à un devoir de mémoire d’autant plus important que les occidentaux connaissent bien moins ceux-ci que ceux perpétrés par les Nazis. Pour cent personnes qui ont entendu parler d’Auschwitz, combien connaissent l’Unité 731 ou le massacre de Nankin ? Ce qui me gène toutefois, c’est la façon dont elle réécrit l’histoire réelle pour rendre les nippons responsables de tout dans son histoire fantastique reconstruite. Ce qui m’ennuie, c’est que son discours est basé, pendant l’écrasante majorité du roman (sauf sur la toute fin) sur des absolus (les gens de la Fédération, tous les gens de la Fédération, sont le Mal incarné et ne peuvent être rien d’autre), qu’elle tombe à pieds joints dans un discours revanchard (d’ailleurs incarné dans une riposte fantasmée qui n’a jamais eu lieu dans l’Histoire réelle, en tout cas pas du fait des Chinois mais des occidentaux), qu’elle ne nuance qu’extrêmement tardivement dans le bouquin en plaçant les malheurs bien réels du peuple chinois dans un tableau d’ensemble, où d’autres souffraient tout autant qu’eux (y compris les civils japonais). Bref, elle tombe dans la majorité des pièges que Ken Liu, dans l’Homme qui mit fin à l’Histoire, avait su éviter avec brio : il avait participé, avec ce texte, au devoir de mémoire, sans stigmatiser, sans tomber dans une propagande revancharde aussi vaine que dangereuse.

Ce qui me dérange, c’est le fait que quelqu’un qui ne connaît pas l’Histoire réelle (et n’a pas tendance à se renseigner) va croire qu’en plus du reste (qui correspond à des faits avérés, comme le massacre de Nankin), les japonais sont responsables de l’introduction massive de l’opium en Chine. Ce qui me gène, c’est que l’auteure ne se contente pas de proposer une allégorie des massacres et des expérimentations scientifiques militaires japonaises, les rapportant de façon neutre et factuelle, mais qu’elle déforme, stigmatise, attise une haine anti-japonaise encore très vivace en Chine. Elle n’est pas mesurée dans son propos (ou à la rigueur seulement à la toute fin), elle est dans les extrêmes, les absolus, le manichéisme. Tout l’opposé, donc, de ce qu’à fait Ken Liu sur les mêmes sujets, dont, du coup, on recommandera bien plus chaudement la lecture.

Base de l’intrigue

Dans l’Empire, on peut passer un concours, le Keju, qui teste les connaissances dans les quatre « nobles sujets » (Histoire, mathématiques, logique, connaissance des Classiques), et permet d’intégrer des écoles prestigieuses, qui permettront par la suite d’être un bureaucrate ou un général riche et respecté. L’héroïne, Rin, elle, veut préparer cet examen parce qu’à quatorze ans, ses parents adoptifs, les Fang, veulent la marier de force à un marchand qui pourra faciliter leur trafic d’opium, et que c’est le meilleur moyen d’échapper à ce destin. Trafic qui est puni de mort et pourtant, les Fang le pratiquent tellement massivement que Rin peut détourner assez de drogue pour payer un tuteur hors de prix pour la préparer à son examen. Certes, même à notre époque, l’interdiction de certaines drogues n’empêche évidemment pas leur trafic (qui est alors d’autant plus lucratif), mais chez nous, on ne risque pas la décapitation pour autant ! De même, Rin, la protagoniste, est une orpheline parachutée en gros chez les Thénardier (au passage, bonjour l’originalité, on se croirait dans de la High Fantasy, avec la pauvre petite héroïne aux origines « mystérieuses » -sauf pour le lecteur doté de plus de deux neurones- qui se retrouve traitée comme une esclave par ses parents adoptifs…), dont l’élément féminin est décrit comme particulièrement cruel, mais bizarrement, elle détourne sans sourciller et sans être prise la main dans le sac, là encore, l’équivalent de millions d’euros d’opium, ce qui, reconnaissons-le, est tout de même moyennement réaliste. Evidemment, ses résultats sont tels qu’elle peut intégrer l’académie militaire de Sinegard (comprenez : le monastère Shaolin), l’institution la plus prestigieuse de l’empire.

Dans cette assez courte introduction, l’auteure nous fait croire dur comme fer à la théorie de l’ascenseur social via le Keju, une idée qui va rapidement voler en éclats dès l’arrivée à Sinegard, où les élèves qui ne sont pas issus de milieux riches / nobles ne sont en général pas en mesure d’achever leur scolarité (ils n’ont pas subi les années de préparation qui sont une routine chez les fils de bonnes familles, qui étudient les sujets enseignés à l’académie depuis leur plus tendre enfance). Là encore, l’idée manque de cohérence : si l’illusion de l’ascenseur social ne tient jamais, les individus rejetés auraient dû répandre la nouvelle qu’il s’agissait purement d’un système oligarchique et non méritocratique, et donc plus personne ne devrait croire depuis longtemps à ce qui n’est finalement qu’un moyen d’acheter la paix sociale. Et toute la construction de cette idée, de cette illusion, presque, qui est ensuite abandonnée sans autre forme de procès en quelques lignes lapidaires, n’est que la première de toute une série qui va parsemer tout le roman : cela va être la même chose avec le Magicbuilding (voir plus loin) ou le siège dans la deuxième partie. Bref, Kuang passe beaucoup de pages à construire des choses, pour mieux les détruire par la suite. Attitude certes fréquente en SFFF, mais d’habitude ce qui est détruit sert à enrichir, expliquer, voire créer ce qui le remplace ou vient par la suite, ce qui n’est pas vraiment le cas ici.

De plus, et ça va être une constante dans le roman, Rin va faire preuve de capacités assez extraordinaires pendant les deux ans de préparation à l’examen, comme ne pas dormir (ou très peu) pendant de longues périodes ou acquérir en deux ans des connaissances que les autres élèves assimilent normalement en cinq. Sans parler d’une tendance à l’auto-mutilation pour maximiser ses capacités de travail (elle utilise de la cire de bougie brûlante). Là encore, la philosophie sous-jacente est très particulière : je cite « Le succès requiert le sacrifice. Le sacrifice signifie la douleur. La douleur signifie le succès ».

Première partie : quasi-Young adult / roman d’apprentissage *

* Bodhisattva, Steely Dan, 1973 (ici reprise de Toto, en 2003).

Rin se retrouve donc au monastère Shaolin… euh à l’Académie militaire de Sinegard. A partir de ce moment là, soit vous avez lu Le nom du vent ou le sorcier de Terremer, et dans ce cas vous allez constater que Kuang ne s’est pas trop embêtée pour imaginer des péripéties, soit vous ne les avez pas lus et vous êtes bannis de ce blog et vous n’allez y voir que du feu et vivre un roman d’apprentissage comme on en voit des tonnes dans la Fantasy classique (jusqu’à l’excès).

Vous ne me croyez pas ? Petit exercice de littérature comparée :

Dans Terremer (le plus ancien des trois romans), le jeune Ged, apprenti-forgeron venant de l’île rurale de Gont, débarque à l’école des sorciers de Roke, vu les dons extraordinaires pour la sorcellerie qu’il a manifesté dès son adolescence. Il assimile l’enseignement avec une telle facilité qu’il dépasse bientôt des élèves arrivés des années avant lui. Il est pris en affection par un des Maîtres, plus cool que les autres, qui lui donne accès à des savoirs auxquels il n’aurait pas du pouvoir prétendre avant longtemps. Dans le même temps, il est moqué par Jaspe, élève de noble extraction, et c’est leur rivalité qui sera le moteur de l’acte magique insensé qu’il va accomplir, pour l’impressionner, et qui va le lancer sur une route rédemptrice mais ténébreuse.

Dans Le nom du vent, Kvothe, orphelin, entre à l’Université (comprenez l’école de magie), où il est moqué par un individu riche (Ambrose). Kvothe se révèle prodigieusement doué (à un point agaçant pour le lecteur, même), et attire l’attention du professeur le plus excentrique de l’école qui, pour lui montrer ses pouvoirs, fait souffler le vent.

Dans The poppy war, Rin, orpheline, entre à l’Académie, où dès le premier jour, elle est moquée par un fils de grand noble (Nezha) parce qu’elle vient du sud et de la cambrousse, qu’elle est pauvre, orpheline de guerre, à la peau sombre, qu’elle a un accent en mode « crévindiou ! » et donc que sa seule présence offense le système. Elle se révèle incroyablement douée (encore plus que le Chuck Norris local, Altan), y compris quand elle est blacklistée par un des Maîtres (encore une fois, voilà un beau cliché digne d’une High Fantasy à deux balles : la gentille héroïne qui est sacquée par ses professeurs au profit de petits salopards -c’est TROP injuste !-) et apprend les arts martiaux dans des livres, attirant ainsi l’attention du professeur le plus excentrique de l’école qui, pour lui montrer que le shamanisme (la magie) n’est pas une simple superstition, fait souffler le vent. Sa rivalité avec deux autres élèves sera le moteur qui lui fera rechercher des capacités magiques qui pourraient en faire une force destructrice.

Bref, s’inspirer à un tel point de Rothfuss (ou de Le Guin) et ne même pas le citer quand on lui demande quelles sont ses influences, hein, ce n’est pas franchement glorieux. Et ça n’incite pas le lecteur en recherche d’originalité à aller vers ce roman, en plus. Faute avouée est à moitié pardonnée, comme on dit.

Parlons aussi du ton : il flirte dangereusement avec le Young Adult la plupart du temps. Il y a bien 2-3 trucs Dark, mais pas de quoi se relever la nuit. Le type qui est venu là parce qu’on lui a promis une Fantasy militaire d’élite (ce que ce machin n’est pas, je peux vous l’assurer : on est très loin de La compagnie noire, du Livre des martyrs ou des grands livres de la Flintlock Fantasy) ultra-grimdark va rester comme deux ronds de flan, et va se demander quand l’action et le dark commencent. Petit florilège de remarques gnan-gnan, dispersées dans le bouquin : « Comment un garçon pouvait-il être aussi douloureusement adorable, si dépourvu d’un quelconque défaut ? » ou encore « La voix d’Altan était tellement charmante. Il pouvait être si beau, si charismatique, quand il le voulait ».

Intermède : Magicbuilding (ou : « Welcome to the REAL world ») *

* Break on through (to the other side), The Doors, 1967.

Jiang le professeur excentrique qui va prendre Rin sous son aile, va lui montrer que le monde n’est pas ce qu’elle croît, que les dieux et le shamanisme ne relèvent pas de la superstition mais sont des forces bien réelles, et va, comme dirait Mr Morrison, ouvrir les portes de sa perception. Le magicbuilding, donc, n’est pas dégueulasse du tout, mêlant en un tout harmonieux (c’est d’ailleurs surprenant) shamanisme des sociétés primitives, ouverture à un autre niveau de conscience cosmique des drogues psychédéliques et du New Age, élévation du Bouddhisme, et théories scientifiques actuelles les plus pointues (l’univers que nous connaissons n’est qu’une projection / un hologramme, l’univers réel est ailleurs -sur une surface à deux dimensions ?-, les dieux représentent les forces fondamentales de l’univers, et chacun des soixante-quatre -chiffre très proche de celui du nombre de particules élémentaires, 61- a son opposé -son antiparticule ?-, etc). Jusque là, on se dit que tout cela est bien intéressant.

Sauf que… j’anticipe un peu, mais au début de la partie II (vers 43 % du bouquin, en gros), quasiment tout cela est jeté à la poubelle, et on se retrouve avec un simple équivalent de super… j’allais dire héros, mais c’est plus trouble que ça, bref du Suicide Squad (DC) / de Team X (Marvel), où la justification des super-pouvoirs est le fait de laisser dans son esprit une porte via laquelle un dieu peut exprimer sa puissance dans le monde mortel / physique. Point. Il est d’ailleurs significatif que les surnoms des Cyke  (voir plus loin) soient « the bizarre children » et « the freak squad ».

Bref, une fois encore, beaucoup de pages pour tout jeter à la poubelle en utilisant une explication simpliste à deux balles à peine digne d’un YA de base (comme Rebelle du désert). En plus, quand vous saurez que Rin fait du channeling du dieu phénix, vous comprendrez que Rebecca a encore dû « oublier » une influence et que Rin Grey euh pardon Jean Grey n’est pas loin ! (j’en reparle plus loin).

Parties II et III – Seconde moitié du roman – Grimdark Fantasy historico-militaire

Dans les parties II et III du roman (42% et plus), la troisième Guerre du Pavot éclate (ce n’est pas un spoiler, c’est le titre du bouquin ou quasiment 😀 ), et Rin est envoyée sur le terrain, où, après une défense désespérée de Sinegard, elle retrouve certains de ses petits camarades (ou tourmenteurs) de l’Académie. Elle n’est pas intégrée dans une des Divisions normales de la Milice (une pour chacune des douze provinces), mais dans une unité d’opérations spéciales (comme on dirait aujourd’hui), les Cike, formée quasi-exclusivement de Shamans (vous savez, les machins qui n’existent pas et relèvent juste de la superstition…). On y envoie ceux qui sont doués pour tuer leur prochain mais pas propres à servir dans une unité normale, et qui, pour certains, sortent carrément de prison.

Des types avec l’équivalent de super-pouvoirs, marginaux, dangereux, presque incontrôlables parfois, qui sont employés pour des black-ops par le gouvernement et / ou l’armée ? Eh voui, Suicide Squad / Team X (selon votre éditeur de comics préféré) une fois encore ! Ces équivalents de mutants réputés relever du canular ou qui sont craints du commun des mortels ? Pareil, ça sort tout droit de chez Marvel. Bref, rien de nouveau sous le soleil. Mais encore une fois, une influence pas mise en avant par l’auteure.

Ce qu’il faut retenir, c’est que s’il y a encore des scories young adult dans cette deuxième phase de l’intrigue, l’ambiance change en revanche radicalement : les Cike sont envoyés dans une cité côtière assiégée, et doivent la faire tenir le plus longtemps possible tandis que la résistance s’organise dans l’arrière-pays, autour de l’impératrice (un personnage fascinant, au passage) qui s’est installée dans une nouvelle capitale de guerre. D’un roman d’apprentissage, on passe donc à une Fantasy militaire poussant parfois le curseur du grimdark très loin (je vais y revenir) du fait qu’il s’agit aussi d’une Fantasy Historique qui, comme nous l’avons vu, a pour but de rappeler et dénoncer les crimes de guerre japonais en Chine.

Fantasy militaire ? Mouais. Certes, le cadre l’est, mais niveau action, vous allez mais carrément rester sur votre faim : à proprement parler, dans toutes ces centaines de pages, il y a UN combat (en plus de celui de fin d’études de première année à l’Académie dans la partie I, qui est carrément sauvage), ce qui, reconnaissons-le, pour le sous-genre concerné est tout simplement famélique. Comme je l’ai déjà précisé, on est très, très loin de ce que l’on peut voir dans une « vraie » Fantasy militaire dans le genre des Poudremages (notamment le tome 2) ou des Mille noms, pas seulement dans le degré d’action ou la complexité des opérations mais aussi, évidemment, dans le ton employé et la caractérisation des personnages. Le seul point vraiment valable sur le plan militaire est l’emploi d’une allégorie de Sun Tzu et de ses maximes stratégiques, sous le nom à peine masqué de Sunzi. J’ai donc beaucoup de mal à comprendre les critiques qui, sur Goodreads, qualifient ce roman « d’excellente fantasy militaire », voire de « nouvelle référence » dans le domaine…

Grimdark Fantasy ? Ah là oui, par contre, carrément. L’auteure avertit même les lecteurs potentiels de la liste des points qui peuvent les déranger sur son site. Florilège : auto-mutilation, suicide, viol (au passage, il va falloir m’expliquer pourquoi Rin est la seule à y échapper, ce qui n’est pas follement logique), mutilation, torture, utilisation de drogues, expérimentations humaines (j’ajoute : vivisection), guerre chimique (et bactériologique), génocide. Comme elle l’explique, ce sont les deux chapitres qui servent d’allégorie aux crimes japonais (le 21 pour le massacre de Nankin et le 24 pour l’unité 731 -on remarquera avec intérêt que le médecin à la tête de son équivalent chez Kuang s’appelle Shiro-) qui posent problème au plus grand nombre de lecteurs, et elle avertit même carrément « S’il vous plaît, pour l’amour de Dieu, si vous ne pouvez pas supporter la mention de ces termes, alors pour votre propre bien ne lisez pas ce livre » (au passage, voilà une attitude plutôt courageuse et honnête de la part de la jeune femme, qui se tire ainsi une balle dans le pied sur le plan commercial).

Histoire de bien vous faire comprendre à quel point le chapitre 21, par exemple, est ultra-brutal, on y parle de concours de vitesse de décapitation de civils par les soldats pseudo-japonais, de jeux consistant à lancer des bébés en l’air et à les trancher en deux avant qu’ils ne retombent, d’une des camarades de promo de Rin qui se retrouve femme de réconfort et est violée à longueur de journée, littéralement, et enfin d’une femme enceinte dont le bébé est arraché de son ventre et… bon, ok, stop, vous avez compris.

Et, de fait, je pense que vous commencez à discerner le gros souci avec ce roman, celui dont je parlais en introduction : sa violente dichotomie, son changement d’ambiance radical entre les parties I (0-42 %) et II-III (le reste, particulièrement le dernier quart). Si, clairement, la première partie va plaire à l’amateur de High Fantasy initiatique, de roman d’apprentissage, de Young Adult, celui-ci va en revanche commencer à avoir plus de mal au début de la partie militaire et va carrément être horrifié par le dernier quart, en gros, avec ses trois génocides, son utilisation de gaz de combat ou sa mention glaçante d’une guerre bactériologique à venir (sans parler du coup du barrage des quatre gorges). Et donc, soit il va regretter sa lecture et balancer une critique horrifiée sur une quelconque plate-forme, détournant les lecteurs dans son genre de ce livre, soit il va abandonner le livre et ne s’intéressera pas aux tomes 2-3. Même raisonnement pour l’amateur de Grimdark, voire de Fantasy militaire : les centaines de pages gnan-gnan de la partie I vont le laisser froid (et il risque d’abandonner ce livre), le côté militaire de la partie II va le laisser sur sa faim car il est trop mou du genou, ce qui fait qu’il n’est pas sûr qu’il atteigne la partie III, plus taillée pour lui. Et qu’il risque lui aussi de se fendre d’une critique assassine sur l’arnaque que constitue ce roman, présenté comme du Grimdark militaire alors qu’il tarde énormément à être l’un ou l’autre, quand il l’est.

Pour être tout à fait complet, ajoutons que là encore, l’auteure passe beaucoup de temps à développer quelque chose (je ne peux pas dire quoi sans spoiler horriblement, désolé) avant de l’abandonner brusquement comme un jouet dont elle ne veut plus. Une telle attitude et un tel gaspillage de pages poussé à ce point là, je ne l’ai rencontré qu’une seule fois, et c’était dans le très médiocre Les seigneurs de Bohen d’Estelle Faye.

Et pourtant…

Et pourtant, c’est dommage que l’écriture soit aussi maladroite, les curseurs poussés trop ou pas assez loin, la dichotomie entre les deux parties trop grande, le propos pas assez subtil, à la limite de la propagande anti-japonaise revancharde, voire du racisme. Parce que la dénonciation des crimes de guerre japonais est pertinente (même si beaucoup, beaucoup moins bien faite que chez Ken Liu). Mais aussi parce que, sur un pur plan littéraire, le personnage de Rin et la façon dont l’auteure en fait peu à peu un proto-dictateur génocidaire sans empathie est assez fascinante.

Un petit exemple, via un point de la première partie qui m’a frappé : l’héroïne de seize ans a ses premières règles, et l’infirmerie du Monastère où elle s’entraîne lui propose un médicament qui détruira son utérus et la libérera donc de ce tracas mensuel, qui aura forcément une lourde incidence sur ses performances dans ses études. Lorsqu’elle accepte (après une courte réflexion entièrement basée sur le concept d’efficacité), la doctoresse se déclare ravie car les autres (rares) élèves féminines refusent le plus souvent, ce qui explique d’ailleurs qu’elles ne finissent (presque) jamais leurs études (ou aient systématiquement de mauvais résultats). Donc, je vous traduis : si vous voulez être une working-girl performante, il vous faut cramer définitivement votre utérus. On ne parle pas ici d’une contraception réversible, mais d’une destruction irréversible de l’organe via une drogue. Cela participe au processus de déshumanisation construit par l’auteure, car Rin ne pleure jamais la disparition de sa capacité à concevoir, et car lorsqu’elle la met dans la balance avec la possibilité d’acquérir plus de puissance, de capacités martiales, le choix est vite fait. De même, en cours de stratégie, lorsque le prof leur soumet des kriegsspiel, elle propose sans états d’âme des solutions impliquant de sacrifier massivement ses propres troupes ou ses compatriotes. Graine de saloperie, vous dites ?

Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres dans la construction progressive d’un monstre, qui devient ce qu’elle combat, pratique ce qu’elle dénonce. Bref, un personnage intéressant, tout comme la fin, qui remet pas mal de choses en perspective (et sauve, je dois le dire, l’auteure d’une diatribe où j’aurais dénoncé bien plus vigoureusement ce que j’ai perçu, pendant 95 % du bouquin, comme de la propagande anti-japonaise qui n’aurait jamais dû être publiée par un éditeur sain d’esprit) et se révèle plus prenante que presque tout le reste réuni.

(Au passage, ce qui précède est l’analyse qu’on pourrait qualifier d’érudite, ou « gromovarienne », du cheminement de Rin au cours du bouquin. Personnellement, j’en ai une autre, en parallèle, qui est à mon avis tout aussi valable : Rin -Grey-, qui se voit susurrer des promesses de pouvoir absolu tout au long de l’intrigue par le dieu Phénix, se transforme à la fin en Phénix Noir et se met en mode N.K. Jemisin pour cramer le pays, comme dirait Lionel Astier).

Les autres personnages, dites-vous ? Quels autres personnages ? Ceux qui sont stéréotypés, pompés sur d’autres auteurs ou ceux dont Kuang se débarrasse d’un trait de plume après avoir passé pas mal de temps à les caractériser (pour rien, donc) ? Ah sur ce plan là, l’influence de G.R.R. Martin est patente, vu la mortalité / la probabilité de sort terrible élevée !

Malgré, donc, d’indéniables qualités, pas de quoi, cependant, m’inciter à lire les tomes suivants, je préfère prévenir : il y a trop de choses qui me gênent, que ce soit sur un plan purement littéraire ou sur celui du sous-texte idéologique, pour que je poursuive ma découverte de l’oeuvre de l’auteure, en tout cas pas sur ce cycle là.

En conclusion

Ce roman, le premier de son auteure et le tome inaugural d’une trilogie, a pour ambition, via une allégorie dans un monde secondaire, de dénoncer les crimes de guerre (génocide, viol, utilisation d’armes bactériologiques et chimiques, femmes de réconfort, expérimentations humaines, etc) de l’armée japonaise dans les années trente-quarante, tout en mêlant cela à du Shamanisme, un monastère d’arts martiaux et à la façon dont un dictateur « naît ». Noble ambition, hélas lourdement gâchée par un propos qui tarde terriblement à être nuancé (il faut attendre la toute fin du livre) et frôle de fait la propagande anti-japonaise, par une manipulation de l’Histoire pas forcément très pertinente (on met sur le dos des pseudo-japonais l’introduction en Chine de l’opium, dont ils ne sont pas responsables dans notre Histoire) sur un plan éthique pour une Historienne de formation, et, sur un plan bassement matériel, par une construction schizophrène qui alterne une première moitié relevant du roman d’apprentissage sur un ton quasi-Young adult (et qui plus est, lourdement pompée sur Le nom du vent) et une seconde qui donne dans une Fantasy historico-militaire hardcore et hyper-grimdark (à tel point que Kuang elle-même déconseille la lecture de son bouquin à certaines personnes !). Et c’est là que résidera le souci pour la majorité des lecteurs : trop ceci pendant une moitié du roman et pas assez cela pendant l’autre, ou inversement pour d’autres types de lecteurs, cette oeuvre a hélas des chances de finir par laisser tout le monde sur le bord de la route. Et ceci malgré un bon accueil dans le lectorat anglo-saxon qui, comme on le sait, n’a pas forcément les mêmes attentes que celui de l’Hexagone. On conseillera aux gens intéressés par le sujet des exactions japonaises, mais qui cherchent quelque chose de plus solide sur le plan littéraire et de plus nuancé dans la façon de traiter un thème délicat sans stigmatiser, de se tourner vers L’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu, autrement plus pertinent.

Bref, pour moi, si le fond (la dénonciation des crimes de guerre) est pertinent, la forme ne l’est pas, ne poussant jamais les curseurs au bon endroit ou quasiment.

Niveau d’anglais : aucune difficulté.

Probabilité de traduction : sorti le 1er juillet 2020 chez Actes Sud sous le titre La guerre du pavot.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez avoir un deuxième avis sur ce livre, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Gromovar, celle de Chut… Maman lit !, de Snow,

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21 réflexions sur “The poppy war – R.F. Kuang

  1. C’est bizarre parce que dans les avis que j’ai vu justement le fait que ça aille si loin est ce qui a plu aux lecteurs qui normalement lisent plus du YA. Parce que ça les changeaient. Du coup j’ai l’impression que ce livre peut servir de passerelle entre la fantasy YA et adulte, et espérons-le leur donner envie d’aller voir au delà après. (un peu comme les Red Rising qui sont censé être YA mais qui apparemment sont assez sombre même si je ne les ai pas lus donc je n’ai aucune idée de si ils sont vraiment sombre ou pas)

    Surtout que la plupart des jeunes si tu leur dit « ouais, ne le lis pas si t’es sensible » vont bien sur se ruer dessus parce que ça fait « cool » de ne pas être une mauviette (du coup je penche donc justement pour un très bon coup de pub pour le livre plutôt qu’une balle dans le pied).
    Je suis certaine d’ailleurs que beaucoup on dit que c’était génial juste pour les sentiments d’horreur que le livre leur a fait ressentir comparé à la bouillie YA habituelle (et vu qu’ils n’ont aucune comparaison en tête, surement que ça leur a paru suffisamment militaire pour se faire appeler fantasy militaire)

    J’avoue que dés le début je n’avais pas trop envie de lire ce livre, si je reconnais l’intérêt du thème et du devoir de mémoire, ce n’est pas suffisant à lui seul pour me motiver.

    Aimé par 1 personne

    • Pour le lectorat YA, il est possible que ton analyse soit pertinente (bien que là, le côté noir soit vraiment extrême). Pour le lectorat de Fantasy militaire / de Grimdark, en revanche, la première moitié va être rédhibitoire, à mon avis, ce qui fait que le livre va leur tomber des mains ou qu’après avoir lu certaines critiques, ils ne vont même pas l’acheter.

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    • Ce qui ne m’a pas plu personnellement (en-dehors des défauts qui peuvent être rédhibitoires pour telle ou telle catégorie de lecteur que je souligne dans la critique), c’est que ce n’est pas assez militaire à mon goût et que ça manque de subtilité dans la façon de délivrer son message. Et puis honnêtement, niveau style, c’est un poil pauvre pour moi (ça manque de pouvoir évocateur et ça ne génère que peu d’empathie pour les persos, malgré de gros efforts dans ce sens), et le copier-coller de Rothfuss m’a carrément gonflé.

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  2. Merci pour la critique, je l’avais coché dans la case « éventuellement un jour quand j’aurai vidé ma PAL » donc autant dire que je suis pas très optimiste.
    J’ai lu en diagonale et je reviens sur l’aspect historique. Quand tu évoques être gêné par le fait de charger les Japonais de l’intégralité des maux de la Chine alors que ça n’est pas la réalité, ok, mais je doute fortement que quelqu’un qui ne connait pas cette période se mette à le prendre pour argent comptant. Il y a peu de risques, à priori, c’est un livre qui s’adresse à un certain lectorat tout à fait conscient de l’aspect fiction du récit. En tout cas je serais surpris que la majorité des avis mitigés le soit à cause de ça.

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    • Le souci, c’est que l’auteure est diplômée en Histoire. donc ça renforce la probabilité que certains lecteurs prennent la totalité de ce qu’elle raconte comme une allégorie, dans un monde secondaire, des événements réels. Or, comme expliqué, elle mélange des éléments imputables aux japonais, et d’autres qui sont en fait dus aux occidentaux. J’ai donc préféré émettre un avertissement, cela ne coûte rien.

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  3. C’est quand même assez triste de partir sur une bonne intention et d’en arriver à limite de la propagande… Par contre le lancer de bébé pour les découper en deux, l’auteure ne s’est pas dit que ça faisait un poil « too much » (voire nanar) ?
    Toujours est-il que ta critique est vraiment super, tu fais un travail énorme !

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  4. Il y a pas mal de points que tu cites qui m’intriguent, mais je pense que les défauts vont être rédhibitoires pour moi (notamment le pompage sur Rothfuss et le manque de subtilité dans la critique des crimes de guerre japonais…) Dommage ! (par contre je plussoie tout ce que tu dis sur la nouvelle de Ken Liu)

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    • D’ailleurs, à propos de Liu, vivement la sortie de La grâce des rois en octobre, après la Gunpowder Fantasy avec l’Empire du Léopard, le public français va enfin découvrir le Silkpunk !

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  5. Je ne sais pas trop où me situer, il y a pas mal de points que tu soulèves qui m’intéressent et d’autres qui risquent de me bloquer tout autant que toi. Pourtant le livre me tentait énormément à force d’en entendre parler. Je vais voir si je me laisse tenter ou pas.

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  6. Tu as complètement décrit mon sentiment sur l’aspect « dichotomie ». J’ai eu du mal à comprendre les critiques dithyrambiques en parcourant la partie École Militaire YA. Pour après prendre le choc des genocides dans la gueule ! Ce changement de ton fut assez surprenant, bien que pas gênant pour ma part.

    Par contre je ne suis pas d’accord sur le manichéisme perçu. J’ai trouvé au contraire dès le départ qu’il était assez évident que l’auteure dénonçait justement la haine déshumanisatrice des deux côtés, à la fois Japonais ET Chinois. Et que c’est bien cela qui empêche la réconciliation et sert de terreau à ces conflits sans fin.

    Alors certes la nuance apportée n’est écrite noir sur blanc qu’à la fin, mais c’est justement la partie que j’ai trouvée grossière et sans subtilité, en me disant « Oui c’est bon on avait compris ». ^^ Je tiens à dire que je n’ai aucune connaissance préalable sur cette période historique, mise à part le fait de savoir que ces deux peuples ne s’aimaient pas trop haha.

    Ensuite, sur savoir si ça va rendre confus de jeunes lecteurs naïfs qui penseraient que c’est l’Histoire chinoise véridique avec un grand H… j’ai des doutes quand même : peu de gens ont pris Game of Thrones comme une description historiquement réaliste de la Guerre des deux roses 🙂

    Par contre, qu’elle est la partie que tu trouves gâchée/disparue d’un coup à la fin ? Je ne vois pas trop.

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    • Pas à la fin, mais lorsque les personnages se rendent compte que, hum, ils sont au mauvais endroit et découvrent les atrocités commises. Du coup, tout ce qui a été développé dans la ville où ils étaient n’a finalement servi à rien. Parce que sinon, je n’ai rien à reprocher à la fin elle-même, c’est (et de loin) la partie la plus intéressante du roman.

      Sinon, G.R.R. Martin n’est pas historien, Kuang oui. Et lui colle à l’Histoire réelle de bien moins près qu’elle.

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      • Ah oui, je vois. Je n’ai pas trouvé à ma lecture que ce fut un passage inutile, puisque ça a quand même fait bougé d’autres choses d’un point de vue narratif. Mais je comprends ton point de vue, merci de ta réponse 🙂

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