The wrong stars – Tim Pratt

Attention, zone de micro-gravitas

the_wrong_starsTim Pratt est un auteur (et poète) américain de SF et de Fantasy vivant à Oakland, Californie. Senior editor pour le magazine Locus, titulaire du Hugo 2007 catégorie « nouvelle » pour son texte Impossible dreams, finaliste du World Fantasy Award 2008, il a publié 18 romans, y compris sous pseudonyme. The wrong stars est son premier Space Opera, et le tome inaugural d’un cycle appelé Axiom. Il déclare, dans la postface, avoir été fortement influencé (entre autres) par Iain Banks et Alastair Reynolds, et le moins qu’on puisse dire est que c’est gros comme une maison à la lecture de son bouquin. Du premier, il a pris ce ton franchement dépourvu de gravitas (concept romain recouvrant les notions de poids de la déclaration, de sérieux, dignité, substance / profondeur du propos, engagement et prise de responsabilité envers la tâche à laquelle on doit faire face) qui a été reproché à l’écossais par une certaine critique (et dont il s’est tellement amusé via ses noms de vaisseaux employant par la suite Gravitas –Very Little Gravitas Indeed, Zero Gravitas, etc– en un comique de répétition). Du second, il a pris un point clef de l’univers.

Le problème est que, outre le fait que ce n’est pas original (c’est un peu trop inspiré par Reynolds à mon goût), tout le sense of wonder (voire un côté thriller, pour ne pas dire SF d’horreur) impulsé par l’inspiration Reynolds est plus ou moins annihilé par le côté léger, dépourvu de gravitas, donc, de l’inspiration Banks. Si on ajoute à cela le fait que je me suis surpris à penser à Becky Chambers plus d’une fois (avec un univers tout de même plus solide), on se retrouve avec un roman qui frôle parfois de très près le Young Adult, alors qu’il commençait plutôt bien et avait tout pour générer frisson et / ou émerveillement. Bref, j’ai un peu de mal à comprendre comment un auteur qui n’en est tout de même pas à son premier livre a pu livrer une copie finale aussi insipide, quelque part. 

Univers

XXVIIe siècle. Après une période de guerres pour l’eau, de quasi-effondrement écologique, la Terre va mieux. Trois siècles auparavant, des extraterrestres ont débarqué (des octopoïdes adeptes du trans-octopo-isme -de la modification de leur conformation de base grâce à la génétique et / ou la cybernétique-), semblant sortir de nulle part, près de Jupiter. Ils ont expliqué faire partie d’une grande Fédération galactique pacifique, et proposé à l’Humanité sa technologie avancée et de les guider vers l’adhésion en échange de quelques milliards de mètres cubes d’eau salée et de la planète Vénus (dont, de toute façon, les humains ne font rien, non ?). Après avoir reçu leur paiement et avoir, effectivement, fourni une technologie avancée (dont des Activateurs permettant d’ouvrir une « graine » (officiellement appelée « tête de pont ») de Trou de ver en orbite autour de Jupiter (ce qui explique leur apparition subite), ils ont disparu sous les nuages de l’étoile du Berger, puis ont refusé tout contact (et même au bout de trois siècles, les humains n’ont jamais rencontré d’autres espèces par la suite, ce qui fait que la grande communauté galactique tient visiblement du mirage). Les choses se sont compliquées quand un deuxième vaisseau de la même espèce s’est présenté, racontant une histoire différente et demandant pour prix de ses services Mercure (dont les humains ne se servent pas, de toute façon), puis quand un troisième est arrivé, racontant encore un bobard différent et proposant de débarrasser la Terre des lunes de Jupiter, qu’elle n’occupe de toute façon pas… Dès lors, rien d’étonnant à ce qu’on ait surnommé ces aliens les Liars (menteurs en anglais).

En bombardant la « tête de pont » autour de Jupiter avec différentes sortes de particules à diverses fréquences (dualité onde / particule, tout ça…), elle peut générer un trou de ver vers la bagatelle de 29 systèmes stellaires différents (ce qui rappelle les Transchangeurs dans Starplex de Robert J. Sawyer), tous colonisés par l’Homme. Les Liars vivent en bonne intelligence avec ce dernier, car on s’est aperçu qu’ils mentaient surtout pour les choses sans importance. Pour les contrats ou tout ce qui concerne la technologie, ils sont par contre assez dignes de confiance. De plus, ils ne sont jamais violents, et globalement, ce premier contact a été bon pour l’humanité, qui a eu accès à des technologies avancées (même sans forcément les maîtriser ou les comprendre) et qui s’est étendue à 29 systèmes solaires en plus du sien.

Notez qu’il y a une géopolitique relativement complexe à l’oeuvre dans cet univers, vaguement inspirée par James S.A Corey (une autre des influences admises par l’auteur dans la postface), avec planètes intérieures d’un côté, Jovian Imperative, astéroïdes disputés entre ce dernier et Mars, et Autorité Transneptunienne. Notez aussi que Pratt n’en fait pas grand-chose, du moins dans ce premier tome, et que deux de ces entités sont plus proches d’une corporation que d’un État-nation.

Cinq siècles auparavant, au moment où la Terre était dans une situation désespérée, on a lancé un grand programme de vaisseaux colonisateurs à congélation (le prochain article à paraître sur ce blog vous expliquera en détails ce concept, pas de panique), infraluminiques (un dixième de c) et dotés d’un équipage d’une demi-douzaine d’astronautes maintenus en hibernation artificielle et devant, une fois arrivé à destination, mener à terme l’incubation des centaines d’embryons humains contenus dans les banques cryogéniques de l’astronef. Inutile de dire que vu la technologie primitive employée, le taux d’échec était très élevé (surtout compte tenu du fait que la présence de planètes habitables n’était pas garantie une fois arrivé à destination !). En ce XXVII siècle, on continue cependant à en retrouver en colonisant les 29 systèmes, soit parce qu’ils arrivent à destination, soit parce qu’on tombe sur leurs épaves. Encore faut-il qu’ils soient parvenus à sortir du système solaire. Ce qui nous conduit à…

Amorce de l’intrigue

Callie est le capitaine du White Raven, qui travaille en free-lance pour l’Autorité Transneptunienne (une corporation qui gère, de fait, l’espace s’étendant au-delà des deux géantes de glace du système solaire). Son vaisseau traque principalement les fugitifs, les pirates et les contrebandiers, mais lorsque ce genre de contrat vient à manquer, elle fait du sauvetage spatial. Et justement, elle vient de tomber sur un des vieux colonisateurs, l’Anjou, parti il y a cinq siècles de la Terre. Contre toute attente, elle trouve une survivante à l’intérieur (les autres cercueils cryogéniques sont vides, et il n’y a aucune trace du reste de l’équipage à bord). De plus, à la fois l’extérieur et la salle des machines ont été modifiés avec des appareils bizarres. Enfin, l’ordinateur de navigation indique que le vaisseau a parcouru cinquante années-lumière en moins de trente secondes, ce qui est impossible, surtout sans Activateur de tête de pont. Callie et son équipe (Stephen, docteur et officier en second, Ashok, mécano et cyborg, Drake, pilote, Janice, navigatrice, et Shall, l’IA) réveillent la belle au bois dormant, qui s’avère être le docteur (biologiste) Elena Oh. Qui se met immédiatement à hurler que le reste de l’humanité doit être averti que le très attendu premier contact avec une race extraterrestre a eu lieu. Goguenards, les autres lui font remarquer que son scoop a trois siècles de retard, jusqu’à ce qu’ils s’aperçoivent qu’elle ne parle pas des Liars, et que les aliens auxquels elle a eu affaire sont bien moins sympathiques. Tout va s’emballer lorsque Callie et Ashok vont montrer un cube provenant de la technologie de la nouvelle espèce (l’Axiome -en anglais Axiom, d’où le nom du cycle-) récupéré sur l’Anjou et que le Liar recruté pour son expertise technique va s’enfuir, terrifié, avant d’entraîner un exode massif de son peuple. Et qu’une expédition de secours va être lancée pour récupérer le reste de l’équipage de l’Anjou, retenu dans une station spatiale de l’Axiome.

Je ne vous dirais rien du reste de l’intrigue, mais disons que c’est très, très inspiré par Alastair Reynolds. Personnellement, les Liars m’ont un peu rappelé les Cadeaux de Williams / Dix dans Les envoyés (plus une petite touche d’Affronteurs Banksiens, le militarisme en moins), et le concept même des colonisateurs infraluminiques lancés tous azimuts et tombant sur une race étrangère rappelle lui aussi partiellement ce roman. Enfin, le ton léger et l’importance donnée aux petites histoires de l’équipage évoque vaguement L’espace d’un an de Becky Chambers (en -un peu- moins gnan gnan et avec un univers plus solide), bien qu’ici, Pratt ait plus eu l’intention de donner dans le sense of wonder et le thriller, voire l’horreur spatiale, que dans ce roman feel good.

Le système de pensée des Liars est plutôt intéressant (la raison pour laquelle ils mentent sans arrêt), bien qu’à mon avis clivant : certains lecteurs n’y adhéreront pas, ce qui va poser des problèmes pour accrocher au reste de l’intrigue, évidemment. Signalons leur manière de se transmettre des nodules organiques mémoriels, qui rappelle les understandings de Children of time. Par contre, la façon de créer des IA, entre Stross et Westerfeld, est intéressante.

Personnages, ton, rythme

L’auteur a relativement soigné ses personnages : ils ont tous une particularité et une histoire. Ashok est un cyborg et un partisan enthousiaste de l’auto-amélioration, Shall, l’IA du bord, a été construit (comme tous ses « congénères ») à partir du scan d’un esprit humain, et pas n’importe lequel (vous verrez ça si vous lisez ce bouquin), Stephen est un adepte d’une religion basée sur les psychotropes (entre Dick et Watts, disons), et Janice et Drake ont une particularité commune assez extraordinaire et inédite (là aussi, je ne vais pas en dire plus). Le souci n’est pas tant dans la conception des personnages que dans leurs relations : on n’échappe pas à la romance gay (et aux personnages secondaires bi-, trans- ou neutres -avec un emploi du « them » pour Uzoma qui va rappeler des choses à celles et ceux qui ont récemment lu Jy Yang), alors que ça m’a carrément l’air de relever du « t’as vu, je suis dans l’air du temps » à destination des jurys de prix de SF plutôt que du vrai intérêt pour la cause. Sans compter que le jeu de séduction entre Callie et Elena est vraiment maladroitement écrit (certains dialogues en général sont d’ailleurs très faibles, c’est à souligner). En plus, tout ça navigue plus souvent dans le pathos guimauve que dans l’émotion qui prend aux tripes.

Et d’ailleurs, à ce sujet, l’auteur n’adopte presque jamais le bon ton : trop léger (dans le sens humoristique et / ou frôlant dangereusement le Young Adult), il désamorce un aspect horrifique ou thriller qui aurait pourtant pu être formidable s’il n’avait pas voulu nous refaire La petite maison dans la prairie dans l’espaaaace. Et pourtant, même comme ça, même en singeant Alastair Reynolds, il est parfois arrivé à générer un sense of wonder non négligeable chez moi : l’Axiome est tout de même formé de sacrés numéros, dont la moindre des qualités n’est certainement pas l’ambition et la vision. Remarquez au passage que tout ce qui tourne autour de l’Axiome est aussi inspiré par Banks (à qui Pratt n’emprunte donc pas que le ton de son livre), particulièrement par La sonate hydrogène.

Ce roman est donc une déception : il commence très bien (l’amnésie partielle d’Elena à la sortie de la stase cryogénique aide à maintenir plus longtemps le suspense sur l’Axiome), mais part en vrille (sans être catastrophique, juste pas du tout à la hauteur de ses promesses de départ, de son potentiel ou de ses illustres inspirateurs) assez vite, surtout si vous avez lu Reynolds et Banks avant et avez donc deviné les tenants et aboutissants de l’histoire. Pourtant, l’auteur sait remettre un coup d’électrochoc à intervalles réguliers, à coups de rebondissements ou de révélations à demi-inattendues (la vérité sur la nature exacte du contexte, de l’Histoire et de l’intrigue se dévoile par couches successives -ainsi que la nature exacte de Shall, Drake et Janice, au passage-, tout comme les plans à l’intérieur des plans des Liars). Au final, ça se finit sans réel déplaisir, je ne suis pas contre lire la suite (il y a encore des choses à apprendre sur l’Axiome, et la situation des humains va forcément évoluer), mais clairement, nous ne sommes pas sur le roman de SF de l’année. C’est surtout cette étrange alternance de zones à forte et à faible gravitas qui m’a dérangé : déjà que j’accroche très peu à ce genre de ton léger (sauf si l’auteur s’appelle Banks, évidemment), mais si en plus ça torpille un vrai potentiel à prendre aux tripes ou à émerveiller… Je passerai par contre l’éponge sur l’info-dump : il y en a beaucoup, mais il est intéressant, donc ça compense.

En conclusion

Très (trop…) inspiré par Iain M. Banks, Alastair Reynolds et James S.A Corey, ce roman (le premier d’un cycle) n’adopte jamais le bon ton, torpillant des scènes à haute tension dramatique ou avec un gros potentiel de sense of wonder via un ton trop léger qui, s’il marche chez Banks (ou, pour ses adeptes, chez Becky Chambers), ne fonctionne pas ici. Outre des défauts d’écriture (des dialogues parfois très faibles, une romance particulièrement maladroite), d’ailleurs étonnants pour quelqu’un qui a le vécu littéraire de Pratt, outre le manque d’originalité (surtout par rapport à Reynolds), c’est donc la façon de raconter l’histoire qui pose problème, ce qui est dommage parce que, malgré tout cela, elle avait du potentiel. Pour autant, l’univers (même « très inspiré par ») est loin d’être inintéressant, certains personnages sont attachants (Shall, Ashok et Lantern le Liar, pour ma part), et il reste certains mystères ou cliffhangers à élucider, ce qui fait que, sans en faire une priorité, je lirai éventuellement la suite, surtout si les retours des lecteurs anglo-saxons sont meilleurs que pour ce tome 1. Si vous êtes allergique aux romans qui frôlent d’un peu trop près le niveau Young Adult, par contre, celui-là n’est clairement pas pour vous.

Niveau d’anglais : facile, très rapide et fluide à lire.

Probabilité de traduction : à mon avis, faible. C’est trop bancal et ça manque trop d’originalité pour convaincre, à mon avis, sauf un éditeur justement en recherche d’un ton léger (L’Atalante ?).

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31 réflexions sur “The wrong stars – Tim Pratt

  1. Le concept des menteurs était génial, j’ai beaucoup ri et je n’ai rien contre les livres de SF légers. Les Ian Banks et Reynolds ne sont pas accessibles à un vaste public.
    Le changement de ton me semble inévitable vu le côté comique de la situation de mensonge permanent. J’ai eu un peu plus de mal sur la justification du non anéantissement de l’espèce humaine et surtout sur la romance maladroite que vous soulignez.
    Une lecture sympathique en tous cas !

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    • Je suis assez d’accord, ça reste sympathique malgré un nombre conséquent de défauts ou de points de crispation potentiels, au moins pour certaines catégories de lecteurs. Et oui, de mon côté aussi, j’ai vraiment aimé la justification du mensonge permanent, même si je ne suis pas non plus persuadé que tout le monde va accepter ce paradigme.

      Par contre, je suis assez étonné de voir que vous considérez que Banks n’est pas accessible à un vaste public, ce n’est pas du tout la vision que j’ai de cet auteur (un de mes préférés), à part à la rigueur pour L’usage des armes (voire Transition et Effroyabl’ange), dont la construction et la noirceur peuvent effectivement laisser pas mal de monde sur le bord de la route.

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      • Bon, Reynolds est en effet pire que Banks niveau intelligibilité, mais c’est la complexité de Banks plus son usage d’univers loin du nôtre qui en fait sa difficulté.
        D’autant plus que notre civilisation s’éloigne du culte de la science. Vous aurez noté l’effondrement de la Hard SF depuis les années 80.
        Je compte sur un retour de la SF avec des livres plus accessibles, écris en dehors du genre, comme la très bonne trilogie de Dennis Taylor (Bobiverse) à sortir chez B.

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        • « Vous aurez noté l’effondrement de la Hard SF depuis les années 80. »

          Personnellement, non, je n’ai pas noté un tel effondrement. La Hard SF ne s’arrête pas à Arthur C. Clarke et Poul Anderson. Au contraire, j’ai noté un nombre toujours croissant d’auteurs participant au genre depuis les années 80 : Kim Stanley Robinson, Stephen Baxter, Greg Egan, Alastair Reynolds, Charles Stross, Peter Watts, Vernor Vinge, Andy Weir, David Brin, pour ne citer que les plus connus. Et je ne vois pas non plus que notre civilisation s’éloigne du « culte » de la science, pour la simple et bonne raison qu’elle n’a pas le choix car la science y occupe une place de plus en plus importante, et que cela va aller en s’accélérant, avec un net raccourcissement du temps entre les découvertes fondamentales et leurs applications technologiques. Sans même évoquer la singularité qui approche. Il y aura un durcissement inévitable de la SF, car notre société évolue vers une plus grande complexité tant conceptuelle que technologique.

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          • Je suis d’accord avec toi, mais je pense que Kallisthène parlait d’un effondrement du nombre de ventes. Sur ce plan là, je pense qu’il a raison : même au sein du lectorat SFFF, le pur et dur de la Hard SF (comme toi, moi, ou quelques autres intervenant régulièrement en ces lieux) est devenu une espèce en voie de raréfaction, pour ne pas dire hautement exotique.

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            • Ah si on parle de nombre de ventes, alors oui, peut-être. Arthur C. Clarke vendait certainement plus que Greg Egan. Mais alors, je noterai que la Hard-SF s’invite de plus en plus dans les blockbusters de SF au cinéma ces dernières années (Seul sur Mars, Gravity, Premier Contact, Interstellar…) Et là en terme de ventes..!

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              • C’est le même paradoxe que pour les séries et films de Fantasy : les gens y adhèrent massivement, par contre ils ne franchissent pas le pas qui consiste à lire la littérature correspondante. Et la raison est souvent la même : la réputation. De sous-littérature pour la Fantasy, de livres pour intellos pour la Hard SF. Alors que Watts, par exemple, est beaucoup moins compliqué à lire qu’Egan (dans la plupart des cas, du moins), et que Clarke est ultra-compréhensible. Je l’ai lu à dix ans, j’en sais quelque chose.

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                • Si je peux intervenir pour moi le faite que les gens sont nombreux à regarder de le sf/fantasy à la télé ou au ciné et que la littérature à autant de mal à vendre ce n’est pas principalement la réputation ça fait parti du problème , pour moi il y a bien plus que ça .Les principaux problèmes sont le manque de visibilité ( pas d’argent pour faire de la communication bien costaud du coup les gens ne cherche pas ) et le format ( le livre pour les gens c’est chiant mater une série c’est paisible je me pose devant ma télé ça me prend 20 ou 40 min et c’est finit ) , le problème c’est qu’une personne lambda veut un truc facile et rapide on le voit aussi dans tous ce qui est produit en divertissement ( jeux vidéo , de société etc…)

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                  • Manque de visibilité de la littérature SFFF ? Ça fait combien de décennies qu’il existe des éditeurs ou des collections spécialisées ? Combien de temps que la FNAC par exemple les référence ? Ce n’est tout de même pas comme si c’était vendu à moitié sous le manteau dans des bouis-bouis perdus au fond d’impasses glauques, non ? Alors c’est sûr, on voit rarement des pubs à la télévision pour la sortie du dernier roman de machin chez l’éditeur Trucmuche, mais manque de visibilité, faut tout de même pas délirer non plus. Les gens savent que les bouquins existent, il ne faut pas les dédouaner de leur ostracisme envers la SFFF écrite ou de leur fainéantise intellectuelle (lire, c’est trop dur pour les pauvres petits, vite, un Advil !) sous prétexte qu’elle serait « peu visible ».

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            • Je reviens sur le sujet car je suis allé regarder les chiffres de vente de livres pour le marché américain. De manière générale, la SFFF se porte très bien. C’est même le genre qui ressort grand gagnant des ventes de livres depuis 2013, avec une augmentation des ventes de 44% en 2015, et encore 38% en 2016. Ce qui est intéressant, c’est que alors que la fantasy domine toujours le marché avec 65% des ventes, contre 35% pour la SF, cet écart tend à se réduire car la fantasy baisse en terme de vente alors que la SF grimpe. Et parmi les rares auteurs actuels dont les ventes se comptent en millions de livres, on trouve les hardeurs David Brin, Alastair Reynolds, Greg Bear, et Kim Stanley Robinson. (Il faut aussi rappeler que Reynolds a signé en 2009 un contrat d’un million de sterling avec son éditeur pour fournir 10 livres en 10 ans.) Donc j’ai l’impression que la Hard-SF se porte plutôt bien depuis les années 80, et que ça va continuer.

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              • Oui, sauf que tu ne peux pas appliquer les données issues du marché américain chez nous. Le lectorat n’est pas le même, ni en terme de pourcentage (l’américain moyen est bien plus ouvert à l’imaginaire), ni en valeur absolue (population 5 à 6 fois supérieure à la nôtre oblige).

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                • Si j’utilise les données du marché américain, c’est parce que c’est lui qui fait et défait les tendances en SFFF. Le marché français est marginal et n’a strictement aucune influence. Ce n’est pas ici que se dessine les courants créatifs. Ce que tu sais par ailleurs très bien puisque toi même tu lis et chroniques sur ce blog essentiellement de la littérature anglo-saxonne, en regrettant régulièrement le manque de pertinence des éditeurs hexagonaux dans leur choix de traduction.
                  Par ailleurs, je ne crois pas que le lectorat français soit si différent du lectorat américain, mais je crois qu’il est soumis au filtre arbitraire des éditeurs. Je lisais récemment un article, tiré de la presse américaine, qui rappelait le fait que la SF se distingue des autres genres littéraires par son universalité et ne dépend que peu des particularismes culturels locaux. En France, la SFFF a souffert durant des années des choix politiques et goûts de « personnalités » qui y ont fait la pluie et le beau temps. La situation change sous l’action de nouveaux venus, fort heureusement, mais le lectorat français est toujours dépendant des éditeurs qui décident a priori ce qui va marcher ou pas, en étant à mon avis souvent à côté de la plaque. Il existe ici une génération de trentenaires et quarantenaires, particulièrement représentés dans mon milieu professionnel, qui lit l’anglais, dispose d’une culture geek poussée, possède un fort pouvoir d’achat et dévore de la SFFF à haute dose. Grâce aux plateformes internationales comme Amazon, ces gens contournent les éditeurs français et suivent les tendances à la source. Je n’ai aucun doute que le lectorat français non anglophone montrerait les mêmes goûts, suivrait les mêmes tendances, si les éditeurs suivaient d’un peu plus près le marché anglo-saxon. Cela s’applique bien sûr aussi à l’audiovisuel. Rappelons qu’en France nous avons Joséphine Ange Gardien, alors que Netflix adapte en ce moment même Carbone Modifié. Vu le succès de la série Games of Throne, on ne me fera pas croire que les français ne s’intéressent pas à la SFFF. C’est juste qu’on ne leur propose qu’un choix limité et décidé sur des a priori erronés.

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              • Je continue car plus je regarde et plus je trouve cela intéressant. Sur le marché des ebooks, c’est encore mieux. La SF est l’un des plus gros vendeur des littératures de genre, se classant 2ème en volume de vente derrière les romances et devant la young adult. Orbit books (groupe hachette) a doublé le nombre de ses sorties en 2016 pour répondre à a demande. Ils n’hésitent pas à parler de Nouvel Age d’Or de la SF. Tor publie tout une partie de son catalogue uniquement en ebook. La comptabilisation de ventes d’ebooks n’est généralement que très mal prise en compte, notamment de par le fait que de nombreux ebooks n’ont pas d’ISBN. De plus, Amazon ne communique pas publiquement ses chiffres de vente car cela fait partie des données qui sont vendues aux professionnels. Mais on peut tout de même avoir accès à des chiffres, et s’y révèlent des choses intéressantes. Amazon représente 75% des ventes d’ebooks au niveau mondial. Les US représentent 50% du marché des ebooks. La SF représente 29% des ventes d’ebooks. Un ebook sur 4 ou 5 vendu vient d’un auteur indépendant. Cela représente donc des volumes de vente très important. Un des gros succès récents de l’auto-publication est The Martian d’Andy Weir, qui au passage est un livre de Hard-SF.

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                • Et je te le répète, tu ne peux pas appliquer les enseignements tirés du marché américain, plus globalement anglo-saxon ou même mondial à la France. Outre le nombre de lecteurs potentiels, l’approche du lectorat français n’est pas du tout le même qu’aux USA, où lire de la SFFF ou des comics à l’âge adulte est tout à fait normal. Chez nous, dès le Collège / lycée, on te fourre dans le crâne que ce sont des enfantillages et / ou de la sous-littérature et qu’il faut vraiment être puéril ou inculte pour continuer à en lire une fois adulte. Théorie complètement débile, qui soutient que seule la littérature 1/ blanche et 2/ classique serait valable, et qui ne résiste pas au simple fait suivant : parmi les trois plus gros posteurs sur ce fil (Kallisthène, toi, moi), aucun n’a moins de quarante ans et nous avons tous un Doctorat ou équivalent. Bonjour les incultes et les gars puérils…

                  Mais plus que ça, le volume de ventes n’a rien de comparable, et il est en effondrement constant en France depuis au bas mot 25 ans (extrême minimum) : Hypérion, c’était 50 000 ventes, et à l’époque même un livre moyen pouvait faire dans les 15 000 exemplaires. Aujourd’hui, 5000 ventes en SFFF est un succès retentissant, digne d’être fêté au champagne… Donc Kallisthène a raison (et il est bien placé pour connaître les chiffres, tu peux me croire), et de toute façon les récents Etats-généraux de l’imaginaire ne disent pas autre chose. Il y a suffisamment de pros qui passent en ces lieux au moins de temps en temps (de Pierre-Paul Durastanti à Gilles Dumay ou d’autres encore) pour te confirmer sans peine l’énorme différence de l’état du marché français par rapport à l’anglo-saxon, l’américain en particulier.

                  Partant de la résistance du lectorat français à l’imaginaire dans sa forme écrite, dire « c’est la faute des choix éditoriaux et de traduction » est certes partiellement vrai, mais un peu simpliste. Les gens qui lisent déjà de la SFFF seraient effectivement prêts à lire ce qui ne leur est pas forcément proposé à la trad’ actuellement, mais le vrai souci n’est pas là : il est de faire lire de la SFFF à des gens qui n’en lisent pas du tout.

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                  • Ben oui, mais je ne cherche pas à appliquer les enseignements du marché américain au marché français puisque je ne m’intéresse pas à ce dernier que je considère négligeable en tant que force motrice de la SF. On tourne en rond là, non ? Depuis le début de ce fil, je ne fais que m’interroger à haute voix sur la question de l’effondrement de la Hard-SF en tant que sous-genre de la SF dont parlait Kallisthène. J’ai considéré cette question d’un point de vue global. Si Kallisthène ne parlait que du marché français, je ne l’ai pas compris, et alors mon propos est effectivement hors sujet. Si on parle de l’état de la SF mondiale, qui me semble être le champs de ton blog, je maintiens mon propos. Si on parle de la situation franco-française, plus que la Hard-SF, c’est effectivement tout l’édifice qui s’effondre. J’ignore personnellement les raisons de ce désamour, que par ailleurs je ne constate pas dans mon entourage direct. Que les pros qui passent m’éclairent. (Et ce n’est pas que la faute de l’éducation nationale !)

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                    • Aie aie aie. Je suis tombé sur un mémoire d’HEC datant de 2010 sur le marché de la SF en France. La constatation est encore pire que ce que je pensais. En fait, il n’y a qu’une poignée de lecteurs de SF en France. Si ça se trouve, on se connait tous ! Vu ainsi, on doit être 3 à lire Greg Egan, à tout casser.

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                    • Alors ce qui est rassurant est que tout le monde a raison ! Enfin je crois 😁. La Hard SF en tant qu’héritière de 60 ans de SF est déclinante aux états unis mais d’autres types de SF l’ont remplacé. De la SF qui ignore délibérément ou non cette histoire. Comme Andy weir ou Hugh Howey ou Dennis Taylor et la myriade d’auteurs de ebook qui font du western de l’espace à la pelle.
                      Ces auteurs là sont infiniment plus accessibles que des auteurs qui ont la lourde charge d’innover par rapport à l’historique du genre.
                      Les Anciens n’aiment pas mais impossible de nier qu’ils touchent bien plus de monde !

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      • Merci de votre confiance !
        Hélas c’était devenu une contrainte avec le temps et mes lectures « découvertes » sont remplies de livres que je n’aime pas et ce n’est pas agréable de dire du mal trop souvent.
        Par ailleurs mes enthousiasmes doivent rester … discrets, d’où impossibilité de faire partager mes coups de coeurs quand ils arrivent.
        Et puis Apophis met la barre trop haut aussi ! C’est de sa faute 😋

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  2. >>>le côté léger, dépourvu de gravitas, donc, de l’inspiration Banks

    Faudrait pas non plus exagérer ce côté chez Banks. Par exemple (et comme tu le sais) le roman « L’usage des armes » est très loin d’être léger. C’est même bien bien noir.

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    • Ce n’est pas moi qui irais taxer Banks de manque de Gravitas, surtout, effectivement, sur L’Usage des armes (ou Transition, La plage de verre, voire Une forme de guerre ou la fin de Trames). Il n’en reste pas moins qu’à une époque, une certaine frange de la critique a reproché vertement ce « défaut » à Banks, à tel point qu’il lui a fait payer via son running gag des noms de vaisseaux pendant des années.

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  3. Ce n’est pas si bête que ça, acheter les planètes à proximité autour de la Terre, ça permet de garder un œil sur les humains… Sauf que cette hypothèse est impossible. Car s’ils n’engagent aucune hostilité et qu’ils offrent à l’humanité 29 systèmes où ils ne seront pas (trop) surveillés, où est la logique ? Et que dire de cette affaire d’eau salée ? L’univers n’est peut-être pas très original, mais ses intrigues m’en ont l’air…

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    • Le coup des 29 systèmes est au contraire parfaitement logique lorsqu’on connaît le cœur de l’intrigue, que je ne vais évidemment pas dévoiler pour ne pas spoiler un éventuel lecteur (comme Lianne, par exemple, voire Lutin, bref les consommateurs réguliers de VO qui fréquentent ces lieux). Cependant, même sans rien dévoiler, on peut remarquer que ce roman fait partie de cette SF qui prend réellement en compte l’espace / le nombre de systèmes disponibles dans une galaxie moyenne, et qui donc, logiquement, indique qu’il est futile de se battre pour les ressources ou l' »espace vital » : il y a tellement de planètes habitables (des dizaines de milliards dans une galaxie de taille moyenne comme la Voie Lactée) que l’idée même de compétition « foncière » est ridicule. Après, bien entendu, reste les histoires de suprématie et autre xénophobie, mais c’est un autre problème.

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  4. Les commentaires sont passionnants. Je n’avais pas noté que Reynolds était particulièrement ardu, mais c’est sans doute le cas si l’on débute plus ou moins en SF.
    Pour le présent tome, je me pose une question au niveau du ton. ESt-ce volontaire de l’auteur ou pas? Cherche-t-il un quelconque effet parodique ou acide ?

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