The crimson campaign – Brian McClellan

Je s’appelle Grunt

crimson_campaignThe crimson campaign est le second tome de la Trilogie des Poudremages, dont seul le premier a été traduit en français (La promesse du sang ; au passage, les récentes rumeurs disant que le cycle allait être relancé semblent être fausses). Sachez également que l’auteur a publié de nombreuses nouvelles donnant corps à l’histoire de son univers et à ses personnages, et qu’il a mis en chantier une seconde trilogie se déroulant dans le même monde (elle reprend un personnage de la première et un autre introduit dans les nouvelles). Le premier tome est paru, le second attendu en mars 2018.

En général, le roman intermédiaire d’une trilogie est le moins intéressant, puisqu’il ne réserve pas l’effet de surprise de son prédécesseur et pas l’apothéose de son successeur. Pourtant, celui-ci est réputé être beaucoup plus solide sur ce plan : alors, qu’en est-il ? Eh bien ce n’est pas du marketing ou une rumeur infondée, c’est tout à fait exact !

Si t’es cool, je vais te présenter chez les planeurs *

Platoon

Tout d’abord, une remarque  : le roman ne s’embarrasse pas de préambule, vous êtes projeté immédiatement dans l’action, puisque vous suivez une opération « commando » menée par Adamat (assisté par des soldats de Tamas) pour délivrer ses enfants, prisonniers de Lord Vetas. Le détective va d’ailleurs passer une bonne partie de l’intrigue à chasser l’infâme personnage, à la fois pour délivrer sa femme et son fils aîné et pour exercer sur lui un juste courroux. Il sera assisté, dans l’aventure, par divers personnages, dont Ricardo Tumblar et Borbador.

Tamas, lui, est au front, sur la frontière sud du pays, à Budwiel. Il va monter une offensive audacieuse contre les Kez (et le million d’hommes qu’ils lancent à l’assaut d’Adro), qui va se retourner contre lui lorsque l’ennemi va faire usage d’une arme nouvelle et dévastatrice. Dès lors, il va passer le reste du bouquin a fuir devant des hordes de Dragons (cavaliers) et de Cuirassiers, faisant un long détour en territoire Kez pour rejoindre d’abord un pays ami (ou du moins neutre), puis Adro par sa frontière Nord-ouest.

Taniel, que Tamas pense dans le coma suite aux événements de la fin du tome 1, est en fait réveillé… enfin si l’on peut dire. Il passe ses journées dans l’équivalent local d’une fumerie d’opium (quelqu’un l’a présenté aux planeurs :D), et seule la rumeur (que le lecteur sait infondée) de la mort de Tamas va le ramener en première ligne, où il ira de mauvaise surprise en mauvaise surprise…

Enfin, Nila (dont le point de vue s’étoffe dans d’assez vastes proportions par rapport au roman précédent) est captive de Vetas, et veille toujours sur Jakob. Elle va faire la connaissance de Faye, l’épouse d’Adamat, et toutes deux vont attendre une occasion de se venger de leur tourmenteur.

Je s’appelle Grunt *

* « Je s’appelle » est la manière de s’exprimer de Groot, dans Les gardiens de la galaxie ; « grunt » est le terme argotique américain pour désigner le fantassin « de base ».

Je vais passer rapidement sur les aventures de Nila et d’Adamat, qui sont intéressantes et pleines de rebondissements et de tension, mais font pâle figure par rapport à ce qui arrive à Taniel et Tamas. Ce dernier, notamment, se retrouve dans un situation désespérée, coincé en territoire Kez, sans ravitaillement, avec seulement deux brigades d’infanterie mais poursuivi par plus de dix mille cavaliers et des dizaines de milliers de fantassins, un peu plus à la traîne. Entre les marches forcées, les balles et la poudre qui manquent, la nourriture qui constitue un problème sans cesse plus préoccupant, la mauvaise volonté de certains officiers et le fait que le Maréchal se retrouve opposé au seul général ennemi qui ait une vraie science de la guerre, le pauvre aura fort à faire pour atteindre ses objectifs, d’autant plus que dans la dernière partie du roman, il va tomber sur une très, très mauvaise surprise. Qu’on se le dise, cette partie est vraiment très intéressante (je précise que les points de vue des quatre personnages mentionnés plus haut s’entrelacent, non pas à raison d’alternances de chapitres entiers à point de vue unique, mais à l’intérieur d’un seul d’entre eux). Certes, nous ne sommes pas au niveau de l’intensité émotionnelle extraordinaire de la retraite de Coltaine chez Erikson (mais bon, vous aurez vraiment, vraiment beaucoup de mal à trouver quelque chose de ce calibre dans l’ensemble de la Fantasy), mais ça reste tout de même passionnant à suivre.

Côté Taniel, on va avoir droit à de l’action de très haute intensité également, d’autant plus que le pauvre va devoir se battre sur deux fronts : extérieur, bien entendu (contre les Kez), mais aussi intérieur, puisque la mort présumée de Tamas fait que ses généraux jettent très rapidement le bébé avec l’eau du bain, et n’en font plus qu’à leur tête (et très mal, est-il besoin de le préciser ?), menant la guerre n’importe comment et adoptant une attitude très surprenante avec le dernier des Poudremages en activité sur ce front, et leur plus efficace, qui plus est. Et d’autant plus redoutable que Taniel semble avoir acquis de mystérieuses capacités de résistance, qui en font une véritable armée à lui tout seul sur le champ de bataille. Inutile de dire que, conjugué à la sorcellerie de Ka-Poel, son pouvoir de Poudremage donne lieu à des scènes à grand spectacle.

Bref, entre les batailles et les combats « individuels » (notamment l’assaut final de Tamas et le grand final de Ka-Poel), l’amateur de Fantasy militaire, de Flintlock et d’affrontements mêlant le fracas de la sorcellerie à celui de la poudre en aura carrément pour son argent (signalons tout de même pour les âmes sensibles que les pugilats en question sont particulièrement brutaux et réalistes). Mais ce qui est peut-être encore plus intéressant est le côté immersif de la chose : on est dans les tranchées avec les hommes, on sent le poids des marches forcées dans les jambes, notre estomac gargouille en pensant à la famine que subissent les soldats, on est assourdi par le tonnerre des canons et le claquement des mousquets, on a le visage couvert de suie et le t-shirt de sang. L’immersion est donc tout à fait admirable.

Attention toutefois, l’aspect militaire n’est pas le seul qui soit présent : outre les enquêtes menées par Adamat, la politique joue aussi un rôle non négligeable. Avec la mort présumée de Tamas, il y a une vacance du pouvoir, et des politiciens ambitieux vont essayer de devenir le Premier ministre par tous les moyens, y compris les plus surprenants !

Les personnages, leur évolution et la dynamique de leurs relations

L’immersion, donc, est admirable, le côté militaire au top, c’est très rythmé, du début à la fin, sans temps morts, mais ce qui m’a le plus impressionné dans ce tome 2 est l’évolution des personnages et la dynamique de leurs relations. McClellan aurait pu se contenter de lancer Taniel aux côtés de Tamas dans une résistance héroïque contre la Grande Armée Kez, mais il a décidé de rebattre complètement les cartes : le maréchal est traqué contre une bête, et certains de ses plans géniaux se retournent contre lui ; Taniel commence le roman à nouveau dans un état d’addiction, non pas à la poudre, cette fois, mais à l’opium local (je trouve d’ailleurs que l’exploitation récurrente dans ce cycle de la dépendance à une drogue est à la fois inhabituelle en fantasy et très intéressante, c’est pour moi un des innombrables points forts de la trilogie). Et lorsqu’il retourne au front, il s’aperçoit que, son père présumé mort, il n’est plus considéré comme une superstar, ne bénéficie plus du statut hors-normes et hors-hiérarchie classique dont il usait jusque là, mais est au contraire considéré comme un dangereux électron libre, insubordonné  et… de peu de valeur ! J’ai adoré ce « renversement de la table », il est très surprenant (et assez déstabilisant, aussi, surtout en ce qui concerne Taniel) mais finalement franchement réussi.

La dynamique de la psychologie de chaque personnage, ainsi que de leurs relations entre eux, est également fascinante : on découvre un Tamas bien plus humain, faillible, usé (« je suis trop vieux pour ça ») que celui qu’on connaissait jusque là, et cela ne rend le personnage que plus complexe et intéressant encore. A l’inverse, Taniel devient de plus en plus comme ce qu’il perçoit être l’essence de son père, intrépide, impitoyable, et meneur d’hommes adulé. Sa relation avec Ka-Poel (Pole) évolue elle aussi, dans une direction qui n’est finalement pas si surprenante. Par contre, entre Tamas / Olem / Vlora, il y a des modifications que nous n’attendions pas forcément, des choses qui sont sous-entendues et qui risquent d’être fort intéressantes, des dynamiques pas toujours positives.

Signalons, pour finir, de nouvelles relations qui s’établissent entre personnages jusqu’ici largement déconnectés entre eux (Adamat – Borbador, par exemple), ainsi, bien entendu, que l’introduction de nouveaux personnages, principalement féminins, vraiment intéressants (Fell, Hailona, Doravir, Ket).

Le roman se termine sur une situation assez mitigée : certes, le pays et les protagonistes en ont bavé, certes, certaines perspectives sont plutôt sombres pour l’avenir, mais d’un autre côté, il y a de l’espoir, et ça promet beaucoup pour le troisième et dernier tome. Et on a hâte d’avoir la réponse à certaines questions, particulièrement concernant la toujours plus mystérieuse Ka-Poel… et la non moins étonnante Nila !

En conclusion

Ce tome 2 de la trilogie des Poudremages se révèle au moins aussi intéressant que le premier, mais dans un genre différent : à coup de contre-pieds (vous attendiez Tamas en chef de guerre intrépide menant fièrement la résistance contre un million de Kez ? Il va passer le roman à fuir ! Vous pensiez que Taniel allait être le héros adulé, sauvant Adro à lui seul ? Il va se retrouver dans la position d’un officier accusé de tous les maux par sa propre hiérarchie !) et de rebondissements pour la plupart hautement inattendus, Brian McClellan nous offre un roman sans cesse surprenant, mais dans le bon sens. Il n’a pas cédé à la facilité et aux clichés, et c’est tant mieux, tant, si ce changement de paradigme surprend dans un premier temps, il est aussi, au final, très intéressant.

L’amateur de Flintlock et de Fantasy militaire en aura aussi carrément pour son argent, tant ce livre très rythmé regorge de combats mêlant mousquets et sorcellerie de façon très brutale, immersive et réaliste. Les personnages évoluent sur le plan psychologique, et il y a une vraie dynamique de leurs relations, qui ne restent pas statiques mais se modifient sans cesse. Les enjeux sont très élevés, et à la fin, on se pose beaucoup de questions sur la nature réelle de deux des protagonistes, qui sont bien plus que ce qu’ils semblent être de prime abord. Les perspectives, militaires, politiques et magiques ouvertes par cette conclusion sont passionnantes, ce qui fait que j’attends la lecture de l’ultime tome avec une grande impatience !

Niveau d’anglais : moyen (tendance facile).

Probabilité de traduction : acheté par les éditions Leha, parution du cycle à partir de mars 2022.

Pour aller plus loin

Ce roman est le second tome d’une trilogie : retrouvez sur Le culte d’Apophis les critiques du tome 1, du tome 3 et de la dizaine de nouvelles complétant ces livres ici et . Vous pourriez également être intéressé(e) par celles de la second trilogie des Poudremages : tome 1,

Si vous voulez avoir un deuxième avis sur ce roman, je vous conseille la lecture des critiques suivantes : celle de Lutin sur Albedo, celle de l’ours inculte,

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37 réflexions sur “The crimson campaign – Brian McClellan

    • Ah mais il faut, surtout toi qui maîtrise la lecture en anglais ! C’est vraiment une Fantasy novatrice, avec des personnages très forts sur le plan de leur « présence » et de leur psychologie.

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            • Tous d’abord merci pour ton blog c’est ta critique qui ma décider à lire le nom du vent et je te remercie pour cela . Si je peux intervenir je pense que par rapport à erikson cette trilogie est plus accessible que le cycle malazéen et aussi qu’elle apporte un peu de nouveauté dans l’univers exploité.

              Aimé par 1 personne

            • N’aie pas peur, nous sommes gentils, ils sont gentils aussi!…. Ils tuent vite et bien, c’est presque indolore…
              Non, tu peux y aller les yeux fermés. Je ne dis pas que ces romans rentreront forcément dans ton panthéon personnel, mais je sais que tu passeras un bon moment. N’st-ce pas l’essentiel, finalement?

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            • Je confirme les propos de Xamenek, pour avoir lu les deux, je peux t’assurer que ça n’a rien à voir avec Erikson. Chez McClellan, il y a beaucoup moins de personnages et de sous-intrigues, et le style est plus simple et direct. Je suis, comme Lutin, persuadé que ça a pas mal d’atouts pour te plaire. Et si, de toute façon, tu as déjà le tome 1, autant au moins tenter le début, quitte à abandonner si tu vois que tu n’accroches pas.

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  1. J’adore!!!! J’ai « hâte » que fin septembre arrive pour le lire.
    Merci de cette critique qui donne envie de jeter mon planning aux calendes grecques!
    J’en rediscuterai avec toi très vite, mais déjà ce ue tu en dis augure une bien belle lecture. 🙂

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  2. excellente critique et j’ai exactement le même ressenti sur ce second tome ( avec une mention spécial pour l’explication entre Vlora et Tamas a propos de la relation entre elle et Taniel , scène intéressante car j’avais trouvé Vlora un peu sous exploité dans le tome 1) . Sinon je suis à la moitié du tome 3 et je pense pas que tu vas être déçu. Toujours en pensant que pour beaucoup de lecteur anglais la seconde trilogie est meilleur que celle-ci c’est dire le niveau annoncé dans l’ensemble.

    Aimé par 1 personne

    • Merci ! Oui, effectivement, les échos sur la seconde trilogie sont aussi très bons.

      Concernant Vlora, elle apparaît dans deux des nouvelles associées au cycle (The girl of Hrusch Avenue et Return to honor), et elle passe personnage principal dans la seconde trilogie (aux côtés d’un nouveau perso et de Ben Stykes, de la nouvelle Ghosts of the Tristan Bassin).

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  3. « Probabilité de traduction : très faible ! » C’est ce qui est dommage ; il va peut-être falloir que je me remette un peu à l’anglais…

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    • Le niveau d’anglais utilisé par McClellan est tout à fait abordable : ce n’est pas Marko Kloos (par exemple), qui utilise un niveau vraiment facile (et pour cause, ce n’est pas sa langue natale), mais ce n’est pas non plus Steven Erikson, qui utilise un anglais assez… littéraire.

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