Brother’s ruin – Emma Newman

Et là, c’est le drame…

brothers_ruinEmma Newman est une autrice anglaise, écrivant aussi bien de l’Urban Fantasy (parfois mélangée avec du post-apocalyptique) que de la SF (le récent -et acclamé- Planetfall, le premier tome d’une trilogie -le second sortira en VO dans un an-). C’est aussi une narratrice professionnelle de livres audio et la co-créatrice et animatrice du podcast Tea & Jeopardy (nominé pour le Hugo), avec Peter Newman, l’auteur de The Vagrant (qui, si j’en juge par la postface, serait son mari).

Brother’s Ruin relève de la Gaslamp Fantasy (voir plus loin). Cette novella est présentée comme le premier texte d’un potentiel cycle (tout dépendra des ventes, selon son propre aveu), Industrial Magic, qui, comme son nom l’indique, se déroule dans une variation uchronique de l’Angleterre Victorienne dans laquelle la Révolution industrielle a été impulsée par la magie et non la technologie.

Genres

Il s’agit de Gaslamp Fantasy (c’est l’éditeur lui-même qui classifie cette novella comme tel, merci à lui, ça m’évite une analyse « taxonomique » pas toujours aisée !). Cette dernière adopte ce que l’on pourrait appeler une esthétique steampunk (et Victorienne) sans forcément que l’action se déroule dans notre monde (mais parfois dans un univers imaginaire), sans qu’il y ait toujours un aspect uchronique, ni obligatoirement de science rétrofuturiste. Par contre, les aspects fantastiques (magie, créatures et races extraordinaires, etc) sont beaucoup plus présents que dans le Steampunk.

On peut aussi classer ce texte, de façon plus large, dans la Fantasy historique et dans l’Uchronie de Fantasy (voir la définition de ces catégories dans la barre latérale du blog, si besoin).

Contexte

Angleterre, 1850. Il y a bien eu une Révolution industrielle, mais elle n’a pas été impulsée par la science… mais plutôt par la magie. Les mages non-entraînés et n’ayant pas prêté serment d’allégeance à la Couronne étant craints, on a créé la Société Royale des Arts ésotériques, à laquelle chaque mage latent doit adhérer de gré ou de force (les récalcitrants sont emprisonnés, voire exécutés). Les mages ont tellement peur d’être vus comme des menaces pour la Reine ou la noblesse que, d’une part, ils font preuve d’un immense zèle dans la protection de l’Empire et son développement (économique… ou autre), et que, d’autre part, ils ont accepté des conditions draconiennes : faire partie de la Société, ça veut dire renoncer au mariage (une lignée de magiciens serait pour le moins dangereuse…) et à toute autre activité rémunérée que la magie. En contrepartie, ils gagnent des fortunes et jouissent d’un haut statut social.

Les gens sont encouragés à « dénoncer » ceux de leur entourage qui montrent des signes d’affinité magique, officiellement pour éviter les « accidents » liés à un pouvoir occulte non-maîtrisé. En contrepartie, ils touchent une forte somme d’argent, qui n’est qu’un prélude à ce que le membre de la famille qui est un Latent sera en mesure de leur fournir une fois initié (l’entraînement étant très court : quelques semaines pour les plus doués, quelques mois en moyenne, toujours moins d’une année : ce n’est clairement pas dans cet univers que nous aurons droit à une structure à la Harry Potter). Cependant, certains démagogues de rue prétendent que tout ceci n’est qu’un prétexte. En tout cas, pour une personne douée du talent magique et qui, pour une raison ou une autre, ne souhaite pas être découverte, la peur des Enforcers (la police magique, disons) est constante.

Intrigue

Nous suivons Charlotte et son frère Ben Gunn. Ce dernier, étudiant en ingénierie civile, est de santé fragile, ce qui fait que sa sœur doit souvent rester à son chevet. La jeune femme, fiancée à un officier d’état-civil, vit dans la peur de voir son pouvoir magique latent découvert, car d’une part, elle ne pourrait pas se marier, et d’autre part, elle devrait mettre un terme à sa carrière naissante mais d’ores et déjà à succès d’illustratrice de livres. Alors qu’un individu patibulaire lui donne une lettre destinée à son père, la curiosité la pousse à l’ouvrir, et elle découvre que pour financer les études de Ben, leur père s’est endetté, et que l’organisme financier concerné se fait pressant quant au remboursement. Charlotte décide d’aller plaider sa cause auprès de ces gens là, à Whitechapel. Elle n’y découvre qu’un bâtiment peu engageant, par les fenêtres duquel on aperçoit une cage : simple aménagement destiné à retenir les mauvais payeurs en attente de la police, ou dispositif bien plus sinistre ? Son fiancé lui en donnera une idée…

Sur ces entrefaites, elle découvre que son père a attiré l’attention des mages, et qu’un groupe d’entre eux va venir tester le Latent potentiel qui se trouve sous leur toit.

Personnages

Le début du roman nous montre une Charlotte qui n’est pas une fleur délicate, sans pour autant donner (à ce stade) dans un super-badass qui aurait été bien peu adéquat dans un tel contexte victorien. Sa personnalité est complexe, puisqu’elle est tiraillée entre son altruisme envers sa famille (elle finance en partie les études de son frère pour alléger le fardeau financier qu’il constitue pour leur père, sans le dire à ce dernier, et elle est prête à se livrer à la Société Royale pour assurer une vie décente à sa famille) et ses désirs « égoïstes » de se marier et de poursuivre sa carrière naissante d’illustratrice. Le premier quart de la novella donne confiance, on se dit qu’on va avoir affaire à un protagoniste nuancé et intéressant.

Dans un registre connexe, il y a, toujours dans la même partie du texte, des amorces d’allégories de divers systèmes politiques ou organisations totalitaires qui donnent confiance dans la capacité d’Emma Newman à évoluer dans des sphères à la fois intéressantes, dotées d’une certaine profondeur et surtout adultes. Enfin, ce qu’on commence à découvrir du système de magie et de la façon dont ce dernier a transformé ce monde  (à la fois sur le plan industriel et social : la Société est le seul secteur de la société anglaise où la parité est réelle) est tout à fait passionnant, et on apprécie également l’atmosphère de mystère et d’enquête qui entoure l’organisme financier ayant prêté de l’argent au père de Charlotte, la cage dans ses locaux et la concentration statistiquement anormale de décès dans son quartier.

Et là, c’est le drame… Dès l’apparition du Mage Thomas Hopkins, tout déraille : ce bellâtre fait tomber Charlotte (pourtant fiancée) en pâmoison dès qu’il amorce un mouvement ou qu’il émet un son, et on bascule dans une quasi-Paranormal Romance d’une mièvrerie fort désagréable. De plus, l’intrigue sombre dans un quasi-Young Adult cousu de fil blanc, avec une héroïne qui devient, pour le coup, super-badass et en rébellion contre le système, comme dans le plus médiocre des dystopiques YA.

Bref, alors que le début pouvait laisser présager d’un univers, d’une intrigue et d’un protagoniste intéressants, et surtout adultes, la suite est beaucoup moins convaincante, en tout cas selon ma grille de lecture.

En conclusion

Cette novella d’Emma « Planetfall » Newman, éventuelle amorce d’un nouveau cycle, relève de la Gaslamp Fantasy, genre cousin du Steampunk où la magie remplace la science rétrofuturiste. De fait, le pouvoir occulte est au centre de l’univers (l’Angleterre de 1850), puisqu’il y a impulsé une Révolution industrielle. Nous suivons Charlotte, mage latente qui essaye de régler les problèmes financiers de son père, de protéger son frère et de se cacher des mages recruteurs, qui mettraient un terme à son futur mariage et à sa carrière naissante d’illustratrice. Le début du texte propose une atmosphère d’enquête et de mystère agréable, un monde et un système de magie bien construits, et conduit à penser que nous aurons affaire à une intrigue et un protagoniste solides. Hélas, dès l’apparition d’un mage beau comme un dieu, tout s’effondre, et les trois quarts suivants sont nettement moins convaincants, naviguant entre la Paranormal Romance et un niveau qui relève plus du Young Adult que de ce que l’on pouvait espérer à la lecture du début de la novella.

Bref, pour ma part, ce texte est une déception, même si je pense que je lirai une éventuelle suite, histoire de voir l’évolution de Charlotte et d’avoir plus de détails sur l’implication de la magie dans les processus industriels de cet univers.

Niveau d’anglais : moyen.

Probabilité de traduction : moyenne (c’est plus la faible longueur du texte qui va poser un problème qu’autre chose : rares sont les éditeurs / collections de SFFF en France qui proposent des novellas isolées de nos jours).

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12 réflexions sur “Brother’s ruin – Emma Newman

  1. C’est dommage, l’univers a l’air sympa (mais si l’intrigue ne suit pas…) Le côté « révolution industrielle liée à la magie » me fait un peu penser aux enquêtes de Lord Darcy de Randall Garrett (d’ailleurs là aussi l’univers était intéressant mais l’histoire beaucoup moins)

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    • C’est nettement plus hardcore que Lord Darcy, en fait : à la lecture de la Novella, on s’aperçoit que tout ce qui relève de la technologie dans notre propre ère victorienne est mû par la magie dans le monde de Brother’s Ruin : les moulins, les « fiacres sans chevaux », les horloges style Big Ben, et apparemment les trains (en gros, il y a 3 sortes de magie, toutes d’essence télé / cryo- ou pyro-kinésique). Alors que chez Lord Darcy, il y a des objets technologiques qui ne relèvent pas du tout de la magie, qui coexistent avec elle, si je me souviens bien.

      J’aime

  2. Ah ben c’est bien dommage dis donc, j’aime bien ce genre d’univers et ta critique laisser présager quelque chose de sympa. J’aime beaucoup la couverture aussi. Je n’aime pas du tout quand on nous annonce une couleur et que ça se révèle être autre chose, surtout dans ce sens-là de qualité !

    Aimé par 1 personne

  3. Oh! C’est bien dommage tout cela, et franchement tu es un poil cruel. Je sais, il faut bien que tu sois à la hauteur de ton dieu avatar, et cela se mérite. Mais, faire saliver comme cela sur un univers fort sympathique et un intrigue prometteuse, puis abattre la carte « Paranormal Romance », c’est vicieux!
    Au fait, je passe, et d’un côté ma PAL te remercie. 😉

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