Opar – Intégrale – Philip José Farmer

Do it yourself

oparPhilip José Farmer (1918-2009), grand écrivain de SFFF s’il en est, était également un fervent admirateur de personnages historiques ou de fiction, et il en a réutilisé un certain nombre dans ses romans, dont Tarzan, créé par E.R Burroughs. Il se trouve en effet que l’Opar qui donne son titre à cette intégrale est la première « cité perdue » (mais certainement pas la dernière) redécouverte en Afrique par le seigneur de la jungle. Elle a une grande importance dans ses aventures (elle apparaît dès le second roman du cycle, est mentionnée dans le titre du cinquième, puis fait son retour dans les volumes neuf et quatorze). Cette intégrale proposée par Mnemos remet en scène cette ville, cette fois dans le lointain passé (vers 10 000 avant notre ère), alors qu’elle est une modeste colonie minière de l’empire de Khokarsa. Sachez également que deux personnages sont probablement issus d’Allan Quatermain de Henry Rider Haggard, et qu’un dieu mentionné dans le récit est en fait John Gribardsun, un homme ayant effectué un voyage dans le temps (qui est relaté dans un roman, lié au cycle de Tarzan, écrit par Farmer).

Si je vous raconte ça, ce n’est pas totalement pour le plaisir, mais bel et bien parce que quasiment rien de tout cela n’est expliqué dans l’intégrale (à part une vague mention au roman Allan and the Ice Gods en note, p 235), ni sur la quatrième de couverture, ni dans la préface (vu… qu’il n’y en a pas !). En fait, il faut lire les remerciements de l’auteur (ou avoir lu les romans consacrés à Tarzan) ou jeter un coup d’œil à la postface (une chronologie) pour commencer à comprendre qu’il y a anguille sous roche, et qu’il ne s’agit pas « juste » d’un monde imaginaire, mais bel et bien d’une époque (fictive) du passé de l’Afrique en lien avec les cycles phares de E.R. Burroughs et H. Rider Haggard (entre autres; voir plus loin). Histoire de vous éviter d’en baver comme votre serviteur, je vais vous proposer tout ce qui manque en début de roman, à savoir une mise en perspective avec les cycles connexes de ces deux grands écrivains, une petite explication géopolitique et bien entendu l’indispensable-carte-dont-les-éditeurs-français-se-dispensent-pourtant-régulièrement. Merci qui ?

Dernière précision : sur les trois romans qui constituent cette intégrale, les deux premiers sont signés P.J Farmer lui-même (dans leur traduction française des années 70), tandis que le troisième a été mis en forme par l’écrivain, spécialiste de Farmer et haut-gradé chez Paizo (éditeur de Pathfinder) Christopher Paul Carey, sur l’autorisation de Farmer et à partir de son début de manuscrit, de son résumé et de ses notes. Commencé en 2005 et terminé en 2008, ce travail a été approuvé par l’illustre auteur en personne. Notez qu’après la mort de ce dernier, Carey a continué à écrire ses propres textes sur Opar, avec la bénédiction des gardiens du temple Farmerien.

L’Afrique, 10 000 ans avant le Christ

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Carte de l’Afrique du monde d’Opar – Source : pjfarmer.com – cliquez ici pour agrandir – Légende : 1- Mukha, 2-Miklemres, 3- Qethruth, 4- Siwudawa, 5-Wethna, 6-Kethna, 7-Wentisuh, 8-Sakawuru, 9-Mikawuru, 10-Bawaku, 11-Towina, 12-Rebha, A- Pays Klemqaba

Opar et Khokarsa, donc, se situent en Afrique, dix millénaires avant J.-C., lors de la dernière ère glaciaire. Sur le plan géographique, ce continent est très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui : deux vastes mers intérieures, Kemu (au nord) et Kemuwopar (au sud, près de l’équateur), reliées par un mince passage, en occupent le centre. De plus, de vastes glaciers recouvrent la partie nord du continent. L’ensemble des deux mers a une surface en gros équivalente à celle de la Méditerranée.

Les humains partagent ces terres avec des races hybrides (mélange d’Homo Sapiens et d’autre chose, du néandertalien -Klemqaba- au grand singe), avec de purs néandertaliens ou des anthropoïdes qui sont les ancêtres du Yéti ou du Sasquatch modernes. De tous ces groupes, seuls les hybrides et les humains ont une certaine prospérité et ne sont pas en voie de disparition à l’époque des romans.

On pourrait donc s’attendre à une civilisation très primitive, de l’âge de pierre, mais il n’en est rien, car des milliers d’années auparavant, Sahhindar, un dieu (en fait un homme venu d’un lointain futur), a enseigné aux hommes vivant autour de ces mers l’agriculture, la domestication, la métallurgie du bronze et d’autres arts, leur faisant faire un bond prodigieux dans l’échelle de la technologie. Les Khoklem (du nom de leur déesse suprême, Kho), venus du nord (certaines sources parlent de savanes situées au nord du continent -à l’emplacement du Sahara actuel-, le site de Christopher Paul Carey de l’Europe), et les Klemsuh (hommes jaunes venus de Sibérie) bâtissent le grand empire de Khokarsa, du nom de sa capitale. Cette dernière est établie sur l’île (également appelée Khokarsa) située tout au nord de la Kemu (cette ville et cette île seront, au passage, à l’origine du mythe de l’Atlantide, ce qui explique que dans les aventures de Tarzan, il soit suggéré qu’Opar était une colonie d’Atlantis).

A son apogée, cet empire comprend trente royaumes ou cités-états (dont Opar, une ville minière, est un bien modeste représentant), dirigés par une Grande Prêtresse de Kho et par un Roi (dont les seules attributions sont, en gros, la défense et les grands travaux, tout le reste étant régi par la reine). Les prêtresses sont, avec les Numatenu (pensez Samouraïs version antique), les groupes dirigeants. La puissance de l’empire est assurée par son degré d’évolution technologique, puisqu’il se trouve à l’âge du bronze (et est même encore plus avancé dans certains domaines précis : on nous parle d’un dispositif d’impression, d’armes en fer, etc) alors que le reste du monde en est encore au Paléolithique.

Un point important est à remarquer : ce système fortement matriarcal (les reines ont le vrai pouvoir, les déesses ont plus de pouvoir que les dieux, les prêtresses sont la « caste » suprême devant les guerriers, etc) est une curiosité, pour ne pas dire une singularité, en Heroic Fantasy, sous-genre quasi-invariablement (à quelques exceptions près, comme Jiriel ou Raven) fortement marqué par un puissant machisme, une virilité triomphante.

D’autres points, comme les prostituées sacrées ou les totems animaux caractérisant les différents clans ou cités-états, renvoient directement aux sociétés de l’Antiquité qui viendront plus tard (cf les courtisanes au service d’Ishtar) ou à celles de l’Afrique ou des Amériques.

Notez que le nom Khokarsa est directement dérivé de la Carcosa d’Ambrose Bierce, qui inspira également Robert W. Chambers pour son Roi en jaune, qui à son tour inspira H.P Lovecraft, ainsi qu’une quantité faramineuse d’écrivains de SFFF (citons Karl Edward Wagner, James Blish ou Marion Zimmer Bradley).

La cité de Kôr (au sud d’Opar) est, pour l’anecdote, redécouverte en 1873 par le légendaire Allan Quatermain, dans le onzième volume de ses aventures. Elle apparaît aussi dans Elle, autre roman de Rider Haggard (et « accessoirement » un des livres les plus vendus de tous les temps : les estimations vont de 80 à 100 millions d’exemplaires !), dont la reine, Ayesha, sera plus tard incarnée au cinéma par la sublime Ursula Andress. Enfin, comme précisé plus haut, une légende racontée dans le deuxième roman de l’intégrale est directement liée à Allan and the Ice Gods, quatorzième (et dernier) roman du cycle de Quatermain.

Après la période couverte par les trois romans du cycle, les deux mers intérieures s’assèchent (le début de ce processus est montré dans l’épilogue de La Geste de Kwasin), ce qui fait que la civilisation qui dépend d’elles pour le commerce, les déplacements rapides et les communications disparaît. Les seuls vestiges qui en resteront seront le Lac Tchad (reliquat de la Kemu) et le bassin du fleuve Congo (reste de la Kemuwopar), ainsi que quelques cités perdues, la principale étant Opar, qui sera redécouverte par Tarzan bien des millénaires plus tard. Philip José Farmer a déclaré que son intention était de faire fuir Kohr, le fils d’Hadon, vers le sud lors du cataclysme, où il finira par fonder la ville de Kôr, bouclant la boucle avec les aventures de Quatermain tout comme Opar boucle celle avec les aventures de Tarzan.

Une superbe couverture, qui cache une catastrophe éditoriale

C’est la troisième de ces intégrales Mnemos que je lis, et comme à chaque fois, la présentation est absolument impressionnante : illustration superbe (une des meilleures de l’année, tous éditeurs confondus, à mon humble avis) signée Grant Regan, couverture cartonnée, reliure avec signet intégré, beau papier, sur ces plans là, rien à dire. En revanche, contrairement à mes expériences précédentes, je dois dire que cette fois, j’ai été quelque peu désappointé (comme dirait M. Zorg) par ce qui se trouve à l’intérieur de ce bien bel emballage : là, ça se gâte sérieusement. Outre l’absence de préface mettant en perspective le cycle avec l’oeuvre de Burroughs et Haggard (en plus de présenter Farmer et Carey), outre l’absence de carte (lorsqu’une intrigue fait autant la part belle au voyage, une carte est in-dis-pen-sa-ble, il serait temps que les éditeurs le comprennent), on pourra déplorer une erreur grossière de mise en page (la page 34, au lieu d’être blanche, est en fait une copie… de la page 36), dont je me demande vraiment comment elle a pu échapper à l’éditeur, ainsi que des erreurs d’impression (il manque parfois la première lettre d’un mot : cf p 210, 244, 261, 435, 449, 468) et surtout la réutilisation des traductions datant des années 70 pour les deux premiers romans.

Ces traductions réalisées à l’époque pour le compte des éditions Albin Michel souffrent de nombreux problèmes :

  • Un style lourd : les répétitions du même terme dans une seule phrase ou un seul paragraphe sont vraiment trop nombreuses à mon goût. Petit florilège : « Nous nous trouvions pris au piège dans une caverne entre l’ours de la caverne et les hommes au-dehors » (p 123), « Son nez était droit, pas très long, mais il était encore trop jeune pour que son nez soit devenu long » (p 337).
  • Un style maladroit : je ne compte plus les tournures malhabiles, voire qui relèvent pratiquement de la traduction littérale, sans souci d’obtenir un texte français correct ou agréable. Quelques exemples : « Abeth courut en pleurant à sa mère » (p 247), « Tu es en état d’arrestation, comme soupçonné de trahison » (p 341), « Ce ne fut pas avant que le canot fut à moitié chemin de la ville » (p 382).
  • Un style vieillot : les traductions des romans 1 et 2 datent des années 70, et franchement, ça se sent dans le vocabulaire employé, qui donne parfois un aspect désuet et pesant au texte. Exemples : « Leur presse était si grande » (p 303, dans le sens de hâte), emploi du verbe marmotter (p 303) à la place de marmonner, du terme vanterie (p 104) en lieu et place de vantardise, ou encore d' »arthritisme » (p 378) qui n’est plus guère employé aujourd’hui (et j’en parle en connaissance de cause). Notez que parfois, le traducteur tombe dans l’excès inverse, et emploie des termes au contraire un peu trop modernes (poncho, par exemple) qui cassent l’immersion dans le passé mythique de l’Afrique.
  • De grossières erreurs de relecture : citons les yeux d’Hadon, qui sont noisette à la page 20 et verts à la 62…

En grand optimiste que je suis (ou naïf), je pensais que la traduction du troisième roman, réalisée spécialement, en 2016, pour cette intégrale, serait exempte de ces défauts. Hélas, il n’en est rien, car les défauts, s’ils sont différents, sont au moins aussi nombreux :

  • Des phrases qui ne veulent strictement rien dire : « et atterrit à lourdement sur l’arête de son nez » (p 391), ou encore « La reine est devenue folle. Les prêtresses disent qu’elle a perdu la tête quand son enfant est mort de la peste peu après elle… » (p 596), ce qui n’a aucun sens vu que la reine est vivante (et de toute façon, comment peut-elle devenir folle si son enfant meurt après elle ?).
  • Des mots manquants : par exemple la phrase « Les deux derniers d’Awineth » (p 534), qui devrait visiblement comporter le mot « homme » pour être correcte.
  • Des termes trop modernes : je suis désolé, mais le terme guérilleros (p 410) coupe instantanément mon immersion dans l’Afrique du Paléolithique pour me projeter dans les jungles de l’Amérique latine moderne… Je pense qu’il aurait avantageusement pu être remplacé par rebelles ou un autre mot moins spécifique à une période historique précise. Même chose pour le terme « limerick » (p 567), qui me ramène au XIXème siècle, pas en -10 000.
  • Des termes employés à mauvais escient : « patauger à l’aveugle dans ce bourbier terrible quasiment impassible » (p 454) par exemple. Ici, impassible est utilisé à la place d’infranchissable (ou du néologisme impassable).
  • Des termes corrects mais qui auraient pu avantageusement être remplacés par d’autres plus aisément compréhensibles : outre le « limerick » cité plus haut, citons ce « contrat synallagmatique » qui aurait gagné à être remplacé par contrat bilatéral, tout simplement… Toujours cette obsession des traducteurs, éditeurs et auteurs français pour un niveau de langage de m’as-tu-lu au détriment de l’efficacité et de la fluidité de lecture !
  • Des traductions littérales qui donnent des phrases incorrectes en français : par exemple, p 527, on trouve « Les troupes Phoeken » au lieu des troupes de Phoeken (qui est une personne, pas une nation), ce qui est visiblement une traduction sans tenir compte du contexte de Phoeken’s troops.
  • Des fautes d’accord (« celles de Mukha étant prédominante » -p 467-) et une utilisation assez hasardeuse de la concordance des temps (« Une fois qu’il était suffisamment loin pour prendre assez d’élan, il revient en force » -p 520-, « Il y aura […] qui se seraient » -p 566-).
  • De très nombreuses fautes de relecture : Sisiken au lien de Sisisken (p 393), Awineth au lieu de Weth (p 408), Lahhindar au lieu de Sahhindar (p 416), la galère de Kwasin au lieu de sa barque (p 518), Rebha devient Rehba (p 521), la position au lieu de la procession (p 552), tête au lieu de tente (p 555), « la surveillance constance » au lieu de constante (p 560), princesse oraculaire au lieu de prêtresse (p 582), ou encore Pyrargue au lieu de Pygargue (p 613).
  • Des termes non-harmonisés entre les deux traducteurs : par exemple, alors qu’on parle logiquement de la Kemu dans les deux premiers romans (c’est une mer), la traductrice de La geste de Kwasin en parle systématiquement au masculin, ce qui n’est ni logique, ni raccord avec le traducteur précédent.

A partir de là, je me pose la question : qui a effectué la relecture et les corrections ? Stevie Wonder et Gilbert Montagné, sous la direction de Matt Murdock ? Parce que sincèrement, pour avoir laissé passer autant d’erreurs de relecture, il faut soit être aveugle, soit ne pas mériter son salaire, soit être tenu par des délais totalement incompatibles avec la réalisation d’un travail sérieux. J’ajoute un point important : si je dénonce ces erreurs ou maladresses, ce n’est pas uniquement pour pinailler ou pour exprimer mon insatisfaction en tant que consommateur devant un travail mal fait; c’est aussi et surtout parce qu’en tant que lecteur, j’ai été gêné dans ma lecture par le fait de buter sans arrêt sur ces problèmes, qui cassent sa fluidité et surtout l’immersion dans l’Afrique mythique d’âges oubliés.

Bref, c’est du do it yourself. Tu veux une mise en perspective avec Burroughs, Haggard, Bierce et Chambers ? Tu la fais toi-même (ou tu t’abonnes au Culte d’Apophis). Tu veux une carte pour t’aider à suivre ? Idem, c’est à toi à la trouver sur le net (ou tu vas voir chez Apophis). Tu veux un texte lisible ? C’est à toi, ami lecteur, à recomposer le texte correct en passant outre les insuffisances des traducteurs, beta-lecteurs et correcteurs.

Je suis le premier à louer la qualité du travail de Mnemos en temps normal, mais là je suis désolé, c’est totalement indigne d’eux. Et indigne des 35 euros qu’on nous demande de payer pour acquérir cette intégrale : travail en-dessous du minimum syndical sur le paratexte (je n’arrive même pas à comprendre par quel miracle la relation avec le cycle de Tarzan n’est établie nulle part -à moins de considérer que la dédicace de Farmer sur le premier tome en tient lieu ?-, et surtout pas sur la quatrième ou la première de couverture, alors que ça a visiblement été un puissant argument marketing pour les éditions américaines), pas de carte, relecture indigne d’un éditeur de ce calibre, traductions des années 70 re-balancées telles quelles, traduction du tome 3 réalisée en 2016 multipliant les bourdes, je le dis tout net, sur ces plans là je ne conseille absolument pas l’achat de ce livre. Et comme nous allons le voir, il n’est pas vraiment plus recommandable sur le fond que sur la forme.

Hadon, fils de l’antique Opar

Ce premier roman ne s’embarrasse pas d’explications ou de vrai prologue, vous êtes projeté dans l’histoire tout de suite, et ne découvrez ce monde et le pourquoi du comment que par petits bouts au fur et à mesure de votre lecture. Si vous n’avez lu ni la postface de cette intégrale, ni le cycle de Tarzan, ni le propos liminaire de mon article, bon courage à vous.

Bien, donc, dans le premier roman de cette intégrale d’Opar, nous découvrons cette ville, et… une petite minute, Houston, nous avons un problème !

Opar, Opar masquée ohé, ohé *

Au bal masqué, La Compagnie Créole, 1985.

Pour un cycle avec Opar dans son nom, le début est extrêmement surprenant : par les yeux d’Hadon, le héros, tout ce que nous voyons de la ville ou en connaissons est le fait qu’il s’en éloigne ! Pas une scène de ce premier roman ne se passe dans la cité elle-même, qui n’est donc jamais décrite. Voilà qui est pour le moins étrange, un peu comme du Lankhmar dont pas une seule ligne ne se passerait à l’intérieur des murailles de la ville… J’anticipe un peu, mais il faudra attendre un stade très avancé du second roman (p 337 de l’intégrale, ce deuxième livre se terminant à la p 382) pour enfin pénétrer dans Opar ! Et La geste de Kwasin, le troisième volume de la saga, n’est guère mieux loti : la cité n’y apparaît, très brièvement, que dans une poignée de pages… de l’épilogue. Dès lors peut se poser la question de la pertinence d’avoir baptisé le cycle ou l’intégrale de ce nom là…

Mais bon… Hadon, donc, est un des trois concurrents sélectionnés lors de jeux préliminaires, en cette année 10 011 avant J.-C., par son royaume pour rejoindre la capitale et le représenter dans les Grands Jeux qui vont désigner le nouveau Roi des rois (si tant est que la Grande Prêtresse soit d’accord, elle peut choisir de refuser le vainqueur théorique…). Ce jeune homme de 19 ans est tellement athlétique et sportif qu’on est en plein dans les codes de l’Heroic Fantasy : en gros, il court comme un guépard, saute comme une antilope, frappe comme un lion, à l’endurance d’un buffle, nage comme un crocodile, et bien entendu, c’est un maître de l’épée. Il est évidemment le plus grand et le plus beau des hommes d’Opar, avec une profonde fossette au menton, des épaules larges et puissantes, etc. Ses performances sexuelles sont, on s’en doute, hors-normes (la page 68 est à cet égard assez cocasse), tout comme son succès auprès des femmes. Bref, on est sur un exemple parfait d’utilisation des codes de l’Heroic Fantasy. C’est même poussé jusqu’au point où une interdiction divine interdit aux hommes de Khokarsa d’employer les arcs (ils se contentent occasionnellement de lancer un javelot, un poignard ou une hache) : le combat au corps-à-corps est roi. Les motivations d’Hadon, enfin, sont simplistes et égoïstes : gagner les jeux, devenir Roi de ses propres mains, se taper la princesse, puis une autre jeune femme un peu plus tard dans le récit (mais tout en restant Roi si possible, hein, faut pas déconner non plus), se venger de ceux qui lui ont enlevé son dû et les zigouiller bien comme il faut, bref la routine habituelle de l’Heroic Fantasy, quoi.

Les Grands Jeux, donc, voient s’affronter 90 candidats pour devenir le Roi des rois de la ville (et donc de l’empire) de Khokarsa, et épouser la belle Awineth. Il s’agit d’un mélange de jeux olympiques (divers types de course à pied, lutte, boxe, saut, natation, etc) et de jeux du cirque, avec des affrontements de groupes de concurrents contre des bêtes sauvages (gorilles, fauves, etc), des épreuves mêlant sport et crocodiles, et bien entendu le clou du spectacle, un combat à mort à l’épée. Comme vous vous en doutez (et ce n’est pas un spoiler, c’est sur la quatrième de couverture), Hadon triomphe, et en plus, l’attraction entre Awineth et lui est mutuelle. Sauf que… le Roi actuel ne veut pas lâcher son trône, il est très intéressé par sa superbe fille (si vous voyez ce que je veux dire), veut supplanter le règne des prêtresses de la Lune par celui du dieu-soleil, ce qui fait qu’il trouve une astuce pour envoyer Hadon au loin. Il se trouve que le seul survivant d’une expédition envoyée à l’extrême-nord du continent est revenu en disant que le dieu Sahhindar était de retour, et qu’il avait confié à son groupe la charge de ramener à Khokarsa une splendide jeune femme, Lalila, sa fille Abeth, ainsi qu’un nain (pas la race à la Tolkien, la personne de petite taille), Paga, porteur d’une hache forgée dans un métal venu des étoiles. Sur le chemin du retour, tous les membres de l’expédition sauf un ont été tués, et Lalila, sa fille et le nain Paga ont été séparés des autres et sont présumés morts. Selon le roi, seul le récent héros des Jeux, Hadon, est assez fort et déterminé pour retrouver leur trace et s’assurer de leur mort éventuelle.

Style

Personnellement, j’ai eu un gros problème avec le style : c’est épouvantablement plat et bien peu immersif. Bien souvent, j’ai eu l’impression de lire une liste de courses, un inventaire, ou un rapport militaire en style à-demi télégraphique. Cela se réduit bien souvent à : voyagé tant de jours / milles, perdu x hommes de la cause y, mangé ça, ça et ça, couché avec z femmes, rencontré x villages habités par y habitants, concouru à l’épreuve machin des jeux, x concurrents éliminés à cause du facteur y, z restants, etc. La scène la plus soporifique étant sans doute celle où la petite bande se retrouve dans une prison, où ils font sauter une grille et où l’un d’eux explore un réseau de conduits : on dirait les épisodes de Kaamelott parodiant D&D et la description au centimètre près de la longueur, largeur et hauteur des couloirs, de leur direction, du matériau des murs, etc.

Bref, on est très, très loin, de l’immersion que je m’attends à ressentir dans la bonne Heroic Fantasy, du souffle épique et sauvage d’aventures extraordinaires se déroulant dans des mondes primitifs peuplés de démons, de merveilles, de peuplades hautes en couleur et de monstres sanguinaires, jalonnés de jungles mystérieuses et d’opulentes cités aux édifices cyclopéens où l’or, le marbre et les joyaux sont des matériaux de construction presque ordinaires. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de bons passages (la fin est même pas mal du tout), mais ils restent malheureusement l’exception plus que la règle. On se contente de prendre note d’informations, on ne vit pas l’action, on n’est jamais vraiment immergé dans ce sauvage monde d’aventures.

Je vais prendre un exemple relevant plutôt de la Science-Fantasy, mais qui, sur de nombreux plans, reste pertinent par rapport à l’Heroic Fantasy moyenne, mais quand les Hawkmoon ou Michael Kane (à ne pas confondre avec le Kane de Karl Edward Wagner) de Moorcock parcourent leur planète en tout sens et font la rencontre de nouvelles peuplades, qu’elles soient amicales ou hostiles, là je suis dépaysé, là j’en prend plein les mirettes. Je n’ai jamais approché ce niveau là au cours de ma lecture de ce premier roman du cycle d’Opar.

Personnages

Cela a beau être de l’Heroic Fantasy, donc forcément stéréotypé et souvent assez simple sur le plan psychologique, ça reste quand-même, sur ce livre précis, une belle catastrophe. Que les personnages féminins soient des ectoplasmes uniquement définis par leur physique, on s’y attend; que les personnages secondaires s’effacent complètement devant le grand Héros, c’est parfaitement dans les codes de ce sous-genre; mais en revanche, que ce dernier ne provoque chez son lecteur que désintérêt, c’est beaucoup plus grave, surtout lorsqu’on fait la comparaison avec ces pointures du genre (ou de ce sous-genre connexe qu’est la Sword & Sorcery) que sont Conan, Fafhrd ou Kane.

Le seul point vaguement intéressant à ce niveau est que Lalila est une Hélène de Troie avant l’heure : elle est trop belle pour son propre bien, celui des hommes qui la désirent ou des royaumes qui l’accueillent. Sans le vouloir, elle apporte le malheur. Et puis évidemment, il y cet aspect fortement matriarcal de la société, qui est loin d’être habituel en Heroic Fantasy.

Par contre, Hadon est typique du héros Farmerien, dans sa démarche consistant à s’intéresser à la culture et aux langues exotiques des peuples qu’il croise sur sa route. Au passage, la forte place laissée à la religion et au sexe (bien qu’à ce niveau, ça reste plus « sage » que dans le roman typique de l’auteur) dans l’intrigue est également caractéristique de l’oeuvre de Philip José Farmer.

Mon avis

Narration plate, personnages sans grand intérêt (y compris -et c’est le plus grave- le héros), intrigue ultra-prévisible, immersion qui n’est pas au-rendez vous, contrat qui, par rapport à la référence à Conan et Ulysse sur la quatrième de couverture, n’est pas rempli, la lecture de ce premier roman du cycle d’Opar se révèle être une vraie déception.  Un seul point est intéressant : le worldbuilding, assez détaillé et surtout qui fait une habile connexion (si tant est que vous disposiez des connaissances nécessaires pour l’établir) avec le cycle de Tarzan et certains romans d’Henry Rider Haggard. J’enchaîne cependant avec le second tome, les 2-3 derniers chapitres étant nettement plus réussis et immersifs, et la fin réservant un énorme cliffhanger qu’on a envie de voir résolu.

Fuite à Opar

Ce deuxième roman commence au moment précis où son prédécesseur s’était arrêté : alors qu’Hadon s’apprête à engager un combat perdu d’avance contre les hommes du roi, afin de laisser une chance à ses compagnons de s’enfuir.

Le conflit entre le Roi des rois Minruth et Awineth s’étend à tout l’Empire : les cités prennent parti pour l’un ou l’autre, pour le dieu Resu ou la déesse Kho. Le souverain ne veut plus être en-dessous de la Reine, il veut jeter à bas tout l’aspect matriarcal de cette société. Les cités qui refusent d’adhérer à sa rébellion sont incendiées, leurs habitants massacrés.

Alors qu’Awineth voudrait qu’Hadon prenne la tête de ses troupes, celui-ci refuse, car une seule chose le préoccupe : une prophétie des prêtresses de Kho a statué que l’enfant à naître de Lalila, fruit de son idylle avec lui, aurait une vie brève et misérable à moins qu’elle n’accouche dans le temple de la déesse à Opar. C’est-à-dire à l’autre bout d’un empire ravagé par la guerre civile. Si cette condition est remplie, en revanche, son existence sera longue et glorieuse, et elle (c’est une fille) donnera naissance à une dynastie qui se prolongera durant douze mille ans.

Avec quelques compagnons, Hadon se lance donc dans le long et périlleux voyage qui doit le ramener dans sa ville de naissance, sachant qu’il doit y parvenir avant que sa compagne n’accouche. On voit donc que nous sommes parfaitement dans les codes de l’Heroic Fantasy : l’empire s’effondre, Hadon pourrait redresser la situation, mais il préfère suivre sa voie, quelque part égoïste, et ne s’occuper que de sa femme et de lui. Difficile de trouver un plus bel exemple d’anti-High Fantasy que celui-ci. D’ailleurs, tout aussi typique est le sort réservé aux personnages secondaires compagnons du héros : l’un d’eux, pourtant présent depuis le roman 1, disparaît d’une façon particulièrement abrupte, d’un simple trait de plume, et n’est plus jamais évoqué par la suite. On ne le répétera jamais assez, mais en Heroic Fantasy, seul le héros, le protagoniste, compte, tout le reste est secondaire.

Cette fois, le contrat est en bonne partie rempli : le rythme et l’immersion sont bien meilleurs, et le dépaysement, les mondes sauvages et fabuleux, sont au rendez-vous. En effet, au cours de son périple, Hadon traverse de nombreux lieux exotiques, dont Rebha, prodigieuse ville sur pilotis, ou le radeau de 1.5 mille de long et 0.5 de large d’un peuple de commerçants nomades. Et puis bien entendu, il y a la fabuleuse Opar elle-même, dont on a enfin un aperçu (un poil frustrant tant il est relativement court et peu détaillé). Le pauvre Hadon va aller de surprise en surprise une fois de retour dans sa cité natale, certaines bonnes, d’autres moins (le roi local, Gamori, a décidé de faire comme son empereur et d’entrer en rébellion contre la reine Phebha). A noter une fin qui, si elle règle la plupart des arcs narratifs, laisse une impression un poil abrupte. Et encore, si vous achetez cette intégrale, vous n’avez qu’à tourner une page pour lire le roman suivant : songez que ceux qui ont lu ce deuxième livre du cycle à l’époque de sa parution initiale auront dû attendre pratiquement quatre décennies pour le faire…

En résumé, un second roman nettement plus intéressant que le premier, où le contrat héroïsme + exotisme est cette fois correctement rempli. Toutefois, si on est, en gros (et dans un genre légèrement différent) sur le niveau d’un honnête Moorcock (d’un Hawkmoon ou du Guerrier de Mars, disons), on reste loin des références dans le genre Heroic Fantasy / Sword & Sorcery, comme les cycles de Conan ou de Kane, par exemple. Notamment du fait qu’Hadon passe en fait tout le roman ou quasiment à fuir, ce qui, pour moi, ne correspond pas vraiment à l’image que j’ai du personnage badass d’Heroic Fantasy.

La Geste de Kwasin

Ce troisième roman du cycle, inédit jusqu’ici en français, a été écrit par Christopher Paul Carey avec la bénédiction de Philip José Farmer, à partir du début de manuscrit de ce dernier, de son résumé des grandes lignes de l’intrigue et de ses notes. La version finale a été approuvée par l’illustre auteur en personne. Celui-ci a toujours eu l’intention d’écrire une suite aux aventures d’Hadon, mais les décennies se sont succédé sans que le projet ne se concrétise, jusqu’à l’implication de Carey. Notez que ce dernier a, depuis la mort de Farmer et avec l’accord de ses ayants droit, écrit ses propres histoires en lien avec Opar.

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Carte de l’île de Khokarsa (source : site de Christopher Paul Carey) – Cliquez ici pour agrandir

Alors que la fin du roman précédent faisait miroiter d’alléchants aperçus du destin d’Hadon et surtout de celui de ses enfants, ce tome 3 met en scène… Kwasin, son cousin croisé dans le tome 1 et dont on avait seulement vaguement entendu parler dans Fuite à Opar (Hadon n’apparaît que dans l’épilogue). De retour dans sa ville natale, Dythbeth, il en devient roi, puis l’âme de la résistance des fidèles de Kho dans la guerre civile (et religieuse) qui embrase l’île de Khokarsa (sur laquelle Dythbeth est également située) et l’empire tout entier. Signalons aussi que certains personnages secondaires des deux précédents romans sont de retour, comme Ruseth, le marin croisé dans Fuite à Opar.

Kwasin est encore plus profondément inscrit dans les codes de l’Heroic Fantasy que Hadon : géant de 2 mètres (une taille considérable à une époque où un homme de 1m80 est déjà considéré comme extrêmement grand), à la musculature impressionnante (et à la force physique prodigieuse, souvent mise en avant dans le roman), armé de la terrifiante hache de fer météorique du nain Paga, à la science des armes insurpassable (en une seule bataille et quelques pages, il massacre trois grands champions ennemis) et dont la psychologie (du moins au début du livre) se résume à « je mange, je baise, je tue », il ne se fie guère qu’à son arme (p 388 : « Rien ne me ferait plus de plaisir que de discuter de la plus fidèle de toutes mes femmes… »). Vantard, violent, ripailleur, peu subtil, uniquement intéressé par sa petite personne et par les femmes en tant qu’objet sexuel (vite oublié et remplacé), il incarne parfaitement les clichés associés à ce sous-genre.

Franchement, le début de cet ultime roman m’a fait peur : ça commence encore par une fuite. Heureusement, on s’aperçoit rapidement que Kwasin n’est pas son cousin, et dès qu’il en a l’occasion, il se lance systématiquement à l’offensive. Nommé Roi par la grande prêtresse locale uniquement pour des raisons politiques et militaires, il prendra peu à peu une tout autre envergure, devenant un symbole de la résistance acharnée de la déesse et de ses fidèles au Roi des rois Minruth, qui essaye, via celle du dieu Resu, d’imposer en fait la domination de l’homme dans une société jusqu’ici matriarcale. Ce tome 3 nous montre donc le déroulement de la guerre de religion commencée à la fin du tome 1, et dont le peu qu’on nous permettait de voir dans Fuite à Opar était assez frustrant. Au passage, on retrouve une thématique religieuse chère à Philip José Farmer, ici exploitée à fond.

kwasinKwasin se révèle surprenant : sa psychologie s’étoffe tout au long du roman. D’un individu égoïste comme Hadon, il se mue en vrai souverain inquiet du bien-être de son peuple; de vi(ri)l séducteur se servant des femmes uniquement pour son plaisir avant de les abandonner sans remord, il découvre l’amour véritable pour l’une d’entre elles; enfin, alors qu’il n’avait jamais été préoccupé jusque là par l’inévitable descendance engendrée par ses nombreux rapports sexuels, il devient concerné par le sort d’un de ses (nombreux) enfants (c’est une évolution qui est particulièrement visible dans le livre : il y met deux femmes enceintes, se désintéresse de son premier descendant mais pas du second). Il se révèle aussi attachant pour le lecteur féru d’Heroic Fantasy, qui suit, un sourire carnassier au lèvres, cette tornade de destruction dans sa quête de vengeance et de liberté (ce qui est amusant, c’est qu’il suit le chemin inverse de celui, classique, du protagoniste de roman relevant de ce sous-genre : il est d’abord roi, puis esclave !). Les combats et batailles sont rondement menés, les surprises et retournements de situation sont là, bref, cette fois, c’est sans réserve que (dans les limites imposées par ce sous-genre) j’affirme que nous avons affaire à un roman réellement intéressant. Oh, certes, nous ne sommes pas à la hauteur d’un Conan ou d’un Kane, mais ça n’a pas à rougir d’une comparaison avec les plus moyens des David Gemmell, par exemple. De plus, le fait que le roman ait été essentiellement écrit par un autre auteur que Farmer, sur une trame élaborée par ce dernier, n’a aucun impact négatif, bien au contraire. D’ailleurs, le style est franchement respectueux de celui des deux romans précédents, et nul n’aura, je pense, le sentiment d’avoir affaire à du sous-Farmer à sa lecture. Signalons au passage que si le style des deux auteurs n’est pas désagréable, il n’a rien d’extraordinaire non plus, on est très loin de Karl Edward Wagner par exemple.

La fin de ce troisième roman est plutôt réussie (dans le genre : je laisse planer un délicieux doute), tout comme l’est l’épilogue, qui donne un aperçu du monde nouveau à venir.

En conclusion

Je ne conseille pas l’achat de cette intégrale (et surtout pas à 35 euros), car ni le fond ni (surtout) la forme ne sont satisfaisants ou à la hauteur du prix demandé :

  • Sur la forme : paratexte très en-dessous du minimum syndical (la relation avec Tarzan et les œuvres de Burroughs et Haggard n’est expliquée nulle part de façon claire et explicite, il n’y a aucune présentation de Farmer ou de Carey, aucune mention du lien entre Khokarsa et Le roi en jaune ou Lovecraft, etc), traductions présentant un nombre absolument impressionnant de problèmes (dont une relecture à revoir de fond en comble), y compris, et c’est le plus grave, celle du troisième roman effectuée en 2016 spécialement pour la parution de cette intégrale, absence de carte ou de Dramatis personæ, problèmes d’impression, la jolie couverture ne saurait occulter la très mauvaise qualité de cette édition.
  • Sur le fond : sur les trois romans, le premier est si plat qu’il tient plus de l’inventaire ou de la liste de courses que de la fresque épique et exotique promise, le second est tout juste honnête (mais chez moi, un grand héros d’Heroic Fantasy qui passe son temps à fuir, ça a du mal à passer), tandis que le troisième et dernier livre (inédit jusque là en français) du cycle tient beaucoup plus ses promesses, mais présente deux défauts : sa lecture ne peut s’envisager sans celle de ses deux prédécesseurs, et d’autre part, s’il est intéressant, il n’arrive pas à la cheville des cycles phares d’Howard ou de Karl Edward Wagner. Et encore, je n’ai personnellement aucun problème avec la psychologie simple (voire simpliste) et stéréotypée des personnages d’Heroic Fantasy, ce qui ne sera peut-être pas le cas de tout le monde : si vous cherchez des personnages complexes et élaborés, fuyez, pauvres fous…

Bref, à ce prix là ou dans des genres identiques ou connexes (dont la Sword & Sorcery), vous pouvez facilement trouver mieux que cette lecture assez hautement dispensable, même sur le fond.

***

C’est la dernière critique publiée en cette année 2016 sur ce blog : par un curieux hasard, la première était également de l’Heroic Fantasy / de la Sword & Sorcery (Kane). J’ai donc décidé d’en faire une tradition : la première critique de 2017 concernera également ce sous-genre !

 

23 réflexions sur “Opar – Intégrale – Philip José Farmer

  1. Superbe article, tu as du bossé un sacré bout de temps. Si jamais j’avais eu dans l’idée d’acquérir cette « belle » intégrale, j’aurais été plus qu’heureuse de cette mise en perspective de l’oeuvre. C’est vrai que ce genre de préface qui permet de faire la relation entre hommages, clin d’oeil, et liens divers et variés est crucial dans l’appréciation et la « dégustation » d’un tel cycle – idem pour les romans.
    C’est un oubli criminel!
    Cela ne le fait ni dans le fond, ni dans la forme, je ne le veux pas.

    Quelle est la prochaine critique alors ? le Holdstock ?

    Meilleurs voeux pour 2017!

    A quand un magnifique article sur Le cycle malazéen d’Erikson ?

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    • Merci 🙂

      Oui, ça m’a pris beaucoup de temps pour recoller tous les petits bouts d’hommages, influences et clins d’œil, effectivement.

      Oui, la prochaine critique est le Holdstock. De l’Heroic Fantasy féminine, ça ne se refuse pas !

      Même chose, bonne année 2017 avec un peu d’avance et meilleurs vœux !

      L’intro de la critique des Jardins de la Lune parle un peu de l’ensemble du cycle. Si un jour j’arrive à achever ce dernier, je crois qu’un article plus conséquent et spécifique s’imposera, en effet.

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  2. Si je peux me permettre, il me semble que tu as relevé une erreur qui n’en était pas : « des fautes d’accord comme celle de la p 118 (« délices temporelles »). »
    « Délice » (tout comme « amour » et « orgue » -lorsqu’il s’agit de l’instrument) est féminin au pluriel.
    D’après ce que tu écris il y a assez de bourdes dans ce livre, pas la peine d’en rajouter ^^.

    Sinon, ta chronique était, comme toujours plaisante et même distrayante 🙂
    Au moins ta mauvaise expérience est un peu compensée par le plaisir qu’elle donne à tes lecteurs… même si je préfère partager ton enthousiasme que ton énervement.

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    • J’oubliais, merci pour le « contrat synallagmatique » : je ne connaissais pas ce mot. Il m’amuse, j’aimerais bien réussir à le ressortir (oui, comme ça au détour d’une conversation, ça fera très naturel j’en suis sûre).

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    • Corrigé pour délices, merci (la langue française est décidément extrêmement bizarre et illogique, parfois…).

      Il y a même des gens qui veulent me faire lire exprès de mauvais livres parce qu’il paraît que je suis très drôle quand je m’énerve 😀 (la preuve)

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  3. Tout comme Albédo, ça m’aurait bien plu, mais la traduction et les problèmes de relecture me rebutent quelque peu, ahem…
    Après, je ne sais pas si c’est le cas ici, mais c’est le risque quand on paie au lance-pierre les personnes en charge de la traduction et de la relecture. Donc, je ne sais pas si c’est le cas ici, mais disons que ça ne m’étonnerait pas (bon, après, il y en a qui font simplement mal leur boulot aussi).

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  4. Aïe ! Je l’avais noté mais je pense que je vais passer du coup :s Quant aux erreurs que tu signales au niveau de la forme, je trouve malheureusement que c’est de plus en plus récurrent (et pas que chez Mnémos)

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  5. Un choix plutôt surprenant de rééditer le cycle d’Opar qui n’est certainement pas ce que Farmer a fait de mieux. Evidemment les deux cycles phares (Les hommes dieux et le monde du Fleuve) ont déjà été plusieurs fois réédités.

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  6. Je n’avais jamais entendu parler d’Opar avant que tu le mentionnes dans ton article sur les sous-genres, comme exemple notable d’heroic-fantasy… Jusque-là ça me tentait bien, j’avais repéré cette intégrale, mais je crois qu’en fait on peut s’abstenir sans regret vu ce que tu en dis. Il y a encore du Conan et du Kane qui m’attendent, autant aller vers ce qui se fait de mieux !

    (D’ailleurs c’est grâce à ta critique de début 2016 que je me suis intéressé à Kane, et je ne regrette vraiment pas cette découverte, un grand merci donc !)

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    • Tout à fait, je pense qu’avant de lire ce cycle d’Opar qui est à la fois loin du meilleur de P.J Farmer et du meilleur de l’Heroic Fantasy, il y bien d’autres romans de plus grande qualité à découvrir.

      Merci 🙂 J’ai moi aussi été bluffé par le cycle de Kane, à tel point que j’ai un peu de mal à comprendre qu’il ne soit pas plus connu que ça. C’est vraiment une saga que je conseille à tous les amateurs de Fantasy (à la seule condition de ne pas être gêné par le mélange des genres, la science-fantasy et le Fantastique Lovecraftien ayant une part importante dans ce monde).

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      • Je me souviens avoir lu une interview de Gilles Dumay dans laquelle il citait la publication du cycle de Kane parmi ses grandes erreurs en tant qu’éditeur… Autrement dit, ça a dû être un monumental flop commercial. Pour quelles raisons ? Je n’en sais rien, mais c’est en tout cas parfaitement immérité au vu de la qualité de l’œuvre !

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  7. Effectivement, c’est bien dommage de sortir un tel volume, très typé « luxe », sans un minimum de paratexte, surtout quand il s’agit d’une oeuvre finalement assez méconnue mais très référencée (et faire l’impasse sur l’importante phase « Tarzan » de la carrière de Farmer, au moins dans une préface pour présenter l’oeuvre et la remettre dans son contexte, c’est au mieux une boulette, au pire une faute éditoriale), c’est bien dommage…

    Si Mnémos continue à se « spécialiser » dans ce genre de rééditions luxueuses (et je n’ai rien contre, ça permet de remettre en avant certaines oeuvres fondamentales de la SFFF, de nous donner de beaux volumes pour garnir nos bibliothèques et de nous donner une nouvelle occasion de combler nos manques culturels dans le genre), la moindre des choses serait quand même que le contenu soit au niveau du contenant…

    M’enfin, nous verrons bien ce qu’il en sera par la suite (« L’histoire du futur » de Heinlein, tu tentes le coup ?).

    Bonne année 2017 et continue ce beau boulot que tu fais sur ce blog ! 😉

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    • Merci, bonne année et meilleurs vœux à toi aussi !

      Je suis tout à fait d’accord avec toi sur l’intérêt du travail de Mnemos sur cette collection d’intégrales. C’est la troisième que je lis, et j’ai été enchanté par les deux premières (notamment par celle sur Zelazny, où le paratexte était par contre d’une qualité impressionnante). Et je suis encore une fois d’accord sur le fait que la qualité du contenant ne doit pas cacher la pauvreté du contenu.

      Je me suis posé la question pour l’Histoire du Futur, mais vu qu’il s’agit des vieilles traductions, j’ai mis l’idée de côté pour l’instant. Je vais attendre de voir les retours sur le paratexte, et on verra après (étant donné le prix de ces intégrales, je ne suis guère chaud pour jouer au défricheur souvent…).

      Merci, c’est toujours un plaisir de lire tes articles également, d’autant plus que nous avons fréquemment des avis similaires.

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      • Juste comme ça, mais je n’ai aucun moyen de vérifier sans avoir le livre sous la main, Mnémos avait confirmé sur Facebook qu’il s’agissait bien des nouvelles traductions pour l’intégrale de Heinlein (ce qui semble aller à l’encontre de la discussion qui a eu lieu sur ce sujet sur le forum du Bélial…).
        Reste à voir vraiment ce qu’il es est…

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