Féerie – Paul McAuley

Des fées issues… du génie génétique ! 

féerie_mc_auley_2Paul McAuley est un auteur de Science-Fiction britannique (qui s’est également essayé à l’uchronie avec Les conjurés de Florence) plutôt orienté Hard-SF (il est botaniste de formation) mais ayant balayé un grand nombre de sous-genres au travers d’une assez prolifique carrière (plus d’une vingtaine de romans) : Space-Operas très ambitieux et situés dans un futur extrêmement lointain (son cycle Confluence, jamais traduit en France) ou centrés sur le système solaire et un futur plus proche (La guerre tranquille), Planet Opera (Sable rouge) ou encore Univers parallèles (Cowboy Angels). Il a aussi publié des novellas (romans courts), dont Le choix récemment traduit par le Belial’.

Etant donné sa formation, vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’il a aussi publié quelques textes basés sur les biotechnologies, dont Les diables blancs et celui dont je vais vous parler aujourd’hui, tous deux considérés comme des piliers du Biopunk (à ce sujet, je vous invite à consulter la critique de Ribofunk pour plus de précisions).

Cette lecture fait d’ailleurs partie du « cycle » SF biologique dont je vous annonçais l’arrivée sur le blog en 2016 / 2017. Pour que vous puissiez les retrouver plus facilement, tous les livres qui en feront partie porteront le tag correspondant, sur lequel il suffit de cliquer pour arriver sur une page recensant chaque critique publiée sur le blog et marquée par le dit tag. Le tag se trouve dans le pied-de-page de chaque critique concernée, ainsi que dans la colonne de droite du blog, dans le nouvel onglet « étiquettes (tags) ».

Univers *

Master of Puppets, Metallica, 1986.

Alors première précision (parce que je sais qu’à la lecture du titre du roman, une certaine abonnée de ce blog a du faire trois loopings) : oui, ça commence comme du pur Biopunk, mais non, le titre Féerie n’est pas usurpé. Oui je sais, l’idée de faire cohabiter des fées et du cyberpunk orienté biotechnologies a l’air saugrenue de prime abord (à part dans l’univers de Shadowrun, à la rigueur), mais en fait tout ça est très logique. Mais laissez-moi vous l’expliquer…

L’histoire commence à Londres, dans un futur très proche (d’après ce que j’ai pu en déduire, la première partie du roman se déroule en 2008 -le roman est paru en 1995-, la seconde -celle concernant les Fées- en 2020). Le changement climatique a complètement changé le visage de la planète (mousson à Londres, Malaria en Finlande, etc), l’Etat-providence n’est plus qu’un lointain souvenir (dans la partie Londonienne du roman, tout du moins ; voir plus loin), et celle d’ordre public est devenue assez relative. On nous cite plusieurs endroits contaminés par des radiations (sans nous préciser -à part une ou deux fois- s’il s’agit d’un accident industriel ou de retombées nucléaires après un bombardement ou un attentat à la bombe radiologique), on nous parle d’une guerre civile aux USA (sans entrer dans les détails, ce qui fait que ce point reste extrêmement nébuleux) et de groupes extrémistes de tout poil.

Le livre a pour cœur les biotechnologies, qui sont d’ailleurs rapidement supplantées par les nanotechnologies. Son sujet principal est ce que l’on appelle les Poupées : il s’agit d’êtres artificiels, conçus sur une base génétique de primate pour servir de… d’animal de compagnie, il n’y a pas d’autre mot. Pour les distinguer clairement des êtres humains, on leur donne une peau bleue (coucou A. Bettik…), on diminue leur intelligence (et leur taille), on en fait des êtres asexués (dotés d’un simple cloaque), et surtout on leur implante une puce électronique de contrôle qui en fait des toutous à sa mémère bien dociles.

Alors ce genre de Réplicant / Bioroïde / Splice / Transgénique, appelez-les comme vous voulez selon vos références, est de l’archi-vu dans toute la SF à dominante biologique. Sauf que… c’est sans doute la première fois que je tombe sur un livre dans ce genre où ces serviteurs ne sont ni des esclaves sexuels, ni des soldats, ni des ouvriers en environnement hostile. C’est du moins le cas dans le premier tiers du roman, après quoi les Poupées sont transformées en gladiatrices, en ouvrières et en objets sexuels. Il faut signaler que les extrémistes de tout poil que j’évoquais plus haut sont principalement polarisés contre- ou pour- les Poupées, au détriment des amitiés ou inimitiés traditionnelles. Ce qui donne par exemple des alliances de circonstance extrêmement étranges, comme celle entre la SPA, les catholiques intégristes et les djihadistes.

Au début de la seconde partie du roman, on fait un saut de douze ans, pour se retrouver en 2020 et sur le continent (le premier tiers du roman se passe à Londres aux alentours de 2008) : la technologie a fait des progrès (les biotechnologies traditionnelles ont pratiquement été rendues obsolètes par la nanotechnologie), les classes moyennes vivent dans des arcologies (pour résumer : une ville dans un seul immeuble géant pourvu de tous les services imaginables) et bénéficient d’une allocation appelée Rente Universelle Gratuite. La durée de vie ne cesse de s’allonger, et il est probable que la plupart des citoyens verront le début de leur second siècle sans problème. Enfin ça, c’est pour le Premier Monde, parce qu’il existe encore et toujours un quart-monde qui vit dans des conditions très éloignées de ce luxe là. Pendant que certains se posent sur Mars, d’autres dorment dans la rue et se débrouillent comme ils peuvent pour manger. Au passage, l’auteur s’est livré à une prédiction d’une étonnante justesse sur l’arrivée massive de réfugiés (climatiques, de guerre) africains via l’Italie en Europe (sauf que chez lui, ces arrivées font doubler la population du continent). On peut d’ailleurs dire que dans l’ensemble, nous sommes sur une anticipation assez solide, bref rien à voir avec Terre de David Brin par exemple, qui se plante sur de multiples points.

L’aspect Cyber- / posthumaniste n’est pas oublié : touristes visitant par téléprésence Paris, Mars ou Jupiter, vie simulée dans un ordinateur, upload de consciences dans le cyberespace, IA, etc.

Insane in the brain *

Cypress Hill, 1993.

Une bonne partie de l’intrigue du livre tourne autour des diverses possibilités offertes par la technologie futuriste de manipuler l’humeur, l’état de conscience, la mémoire ou les perceptions des gens : rétrovirus psychoactifs (une sorte de drogue extrêmement ciblée allant directement manipuler une poignée de neurones-cibles très spécifiques), fembots (de femto- et -(ro)bots, des machines faisant un millionième de la taille de la nanotech et faisant la même chose que les virus, mais de façon encore plus fine) servant de mèmogène (= vous implantant un Mème bien précis dans la matière grise : ça peut être n’importe quoi, comme vous faire voir des extraterrestres, des dragons, vous faire croire en la religion x ou y, etc), baiser des fées (voir plus loin) transmettant le Soma (idem), bombes amourigènes, et ainsi de suite.

Mais la bio- ou nano-tech n’est pas la seule mise en jeu, la bonne vieille informatique est aussi de la partie : on nous parle d’un Lougiciel (Loup -celui de Blanche-Neige ou le Loup-Garou- plus logiciel), un ancien soldat de la Légion Étrangère. Il se trouve que dans les années 2020, cette prestigieuse unité implante aux Képis Blancs une puce contenant une Personnalité Partielle (= une Intelligence Artificielle) qui, en cas de besoin, peut prendre le contrôle du corps du soldat. Les avantages ? Réflexes accrus, aucun scrupule moral, les ordres suivis à la lettre, et aucun souvenir des éventuelles actions borderline commises.

Alors attention, ce n’est pas parce qu’il y a des pseudo-réplicants et une perception altérée de la Réalité qu’il faut automatiquement faire des parallèles avec P.K. Dick (ou avec Christopher Priest, sur le second point). Le style, la narration sont très différents, moins psychédéliques que chez le premier de ces auteurs et moins ancrés dans un certain flou, une ambiguïté, que chez le second.

Les Fées 

Les Fées sont en fait des Poupées intelligentes et autonomes. Pour les créer, on (je vais y revenir) enlève la puce de contrôle, on booste leurs neurones, leur poitrine et leur musculature à coups d’hormones de synthèse, et le tour est joué. Un des points focaux de l’intrigue est que les Fées tenteront d’aller bien plus loin que ça, en faisant l’acquisition d’un système reproducteur fonctionnel.

Les fées et les Poupées ne se mélangent pas : il ne s’agit pas, pour reprendre les termes de l’auteur, d’un « mouvement de libération autocatalytique ». De plus, toutes les Fées ne se mélangent pas entre elles : il y en a de trois types :

  • Les Elémentals : ils vivent seuls.
  • Les Succubes : elles « ensorcellent » (comprendre : à coups de fembots / virus / hormones / produits chimiques) les humains afin de récolter du sperme devant féconder des ovules artificiels et ainsi perpétuer la race.
  • Les Fées de Milena (voir Personnages).

La dernière catégorie fabrique le Soma (même nom que dans l’Hindouisme, mais propriétés différentes), une substance à accoutumance rapide qui transforme la perception de la réalité, procurant une sensation de bien-être intense (vous m’en mettrez deux caisses…). Absorber du Soma, c’est comme prendre un ticket pour le Pays des Merveilles, comme lever le voile qui nous masque le miracle de la Création au quotidien. Les Fées l’administrent via leur baiser, mais il ne peut fonctionner que si elles ont au préalable fait absorber à la personne une autre substance, qui se diffuse dans le système limbique du sujet (partie du cerveau jouant un rôle déterminant dans le comportement / la mémoire / les émotions -dont le plaisir-). C’est, pour elles, une façon aisée de contrôler les changelins (humains enlevés dans le contexte du roman).

Dans la deuxième partie (qui correspond au second tiers) du roman, les Fées de Milena vivent dans un parc d’attraction abandonné de la banlieue parisienne, le Royaume Magique (mot passe-partout et ne violant pas de Copyright pour parler de… voilà, vous y êtes). Celui-ci est entouré d’une barrière, l’Interface, supposée filtrer les Fembots et autres virus psycho-actifs que le Petit Peuple relâche en permanence dans l’atmosphère. Les corporations (je vous rappelle que le Biopunk n’est qu’une variante du Cyberpunk, et qu’il n’y a pas de Cyberpunk sans magouille des Corpos) sont particulièrement intéressées par les produits synthétisés par les Fées, qui ont de potentielles applications commerciales pouvant rapporter des sommes faramineuses.

La troisième partie du roman (celle qui se déroule en Albanie) montre des Fées qui ont mis à profit toutes les possibilités du génie génétique et du « morphing par fembots » pour donner une réalité concrète aux créatures de contes : gobelins, géants, homme cornu, etc. De même, elles utilisent les fembots pour modifier la perception de la réalité des humains, donnant cette ambiance onirique tellement caractéristique des textes parlant de fées.

Ces fées sont (du moins celles ayant prêté allégeance à Milena ou aux Succubes) de bien tristes personnages : elles volent leurs ovaires aux gamines et leur sperme aux ados, elles piratent les puces de contrôle d’anciens militaires pour en faire des tueurs psychopathes (versions high-tech du Loup-Garou ou du Dr Jekyll, et au passage retour de boomerang dans la figure de ces mêmes humains qui utilisaient sans états d’âme ce genre de puces pour en faire leur esclaves dociles), elles modifient les sentiments ou la perception de la réalité des gens à coups d’hormones, de virus ou de nanotech, elles portent des colliers d’oreilles tranchées, etc.

Personnages, narration, écriture

Le roman se divise en trois parties : la première se passe à Londres, la seconde à Paris et la troisième en Albanie. Le personnage principal est Alex Sharkey, Hacker génétique (je me refuse à employer l’horrible « Pirateur de gènes » de la traductrice), concepteur de virus psychoactifs et ex-membre de la bande de l’Enchanteur (LE concepteur de drogues révolutionnaires de cette époque). Les choses sont vues exclusivement de son point de vue dans la partie Londonienne, avant que la narration ne devienne éclatée entre beaucoup plus de personnages (Armand, Morag, Katrina, Todd, etc) dans le reste du livre.

La particularité d’Alex est qu’il est celui qui conçoit et fournit des hormones de synthèse capitales dans la transformation de la première Poupée en fée pour le compte de Milena. Cette dernière est un autre genre d’expérimentation génétique imaginée par les Corporations : le cas classique, en SF futur proche, de la tentative de création de super-génie devant résoudre tous les problèmes scientifiques du monde. Mais la créature prend rapidement le dessus sur ses créateurs, et met en oeuvre ses propres plans.

Mon souci avec l’écriture est qu’il y a trop de scènes, voire de personnages, plus ou moins inutiles, qui allongent le récit et diluent l’impact d’un contexte et d’une intrigue pourtant à la base très intéressants. C’est le troisième livre de McAuley que je lis (après Cowboy Angels et La guerre tranquille), et c’est la troisième fois que j’ai cette impression : le concept de base et le début de ses livres sont très bons, rythmés, intéressants, puis rapidement on tombe dans des longueurs préjudiciables au rythme, à l’intérêt et à l’impact, qui font qu’on finit par lire en diagonale et qu’au final, on a affaire à un roman pas terrible alors qu’il avait tout, à la base, pour être très bon. J’ajoute qu’alors que la première partie est très claire, la seconde l’est déjà un peu moins, et la troisième est (je trouve) relativement confuse. J’ai eu beaucoup de peine à comprendre qui travaillait pour qui dans la partie Albanaise du roman, qui trahissait qui, les tenants et les aboutissants de la Croisade des Enfants, et ainsi de suite.

L’écriture est paradoxale : quand il veut, McAuley peut être très bon, avec de bons dialogues, il est très à l’aise pour tout ce qui concerne la technologie, il a de l’humour (noir), ce qui est souvent appréciable (à petites doses ; voir par exemple le groupe de Trash qui s’appelle les Thalidomides Babies – du nom du médicament qui a créé les Phocomèles chers à Philip K. Dick-), il place des références musicales en titre de chapitre, comme votre serviteur (par exemple Welcome to the pleasuredome de Frankie goes to Hollywood), mais ce n’est que pour mieux repartir ensuite dans des longueurs soporifiques. J’en viens à croire qu’il n’était pas taillé pour le format long mais pour celui, court, des novellas ou nouvelles.

Une édition de très mauvaise qualité

(PS : depuis la parution de cet article, une nouvelle version électronique de ce roman est parue, qui a probablement corrigé certains défauts relevés, sinon tous).

Un point positif : ce livre est bon marché (2.99 euros en version électronique), ce qui, comme vous allez vite vous en rendre compte, est encore trop cher pour la qualité à la fois de l’édition et de la traduction. Que ce soit en VO ou en VF, toutes éditions confondues, je crois que je n’ai jamais vu une collection de couvertures aussi peu soignées et surtout aussi peu évocatrices. C’est à croire que les illustrateurs concernés n’ont vraiment, mais alors vraiment pas été inspirés par cet ouvrage. La beauté est dans l’œil du spectateur, je le sais bien, mais là quand-même…

Mais là n’est pas l’important. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’édition électronique de ce livre est plus que perfectible  : mots manquants, mots en trop (ou fragments de mots sans signification…), phrases sans queue ni tête, ponctuation manquante ou en trop (ce qui ne rend pas la lecture fluide, vu qu’on bute fréquemment sur quelque chose), espaces manquants, guillemets quasi-systématiquement manquants en début de dialogue, tirets longs manquants, coquilles (« il s’est même lait expulser d’un bar »), fautes grossières (sert la main au lieu de serre, un interface virtuel), soucis de mise en page (du genre une note de la traductrice en plein milieu d’une page), il y a tout à revoir au niveau relecture et corrections.

Une traduction je-m’en-foutiste

Ce qui caractérise un bon livre Cyberpunk (en général, pas seulement Biopunk), c’est l’utilisation judicieuse du slang, ou argot des rues. L’auteur ne s’y est pas trompé, et du coup la pauvre traductrice a du transcrire une assez grosse quantité de dialogues qui en font usage. Je suis assez mitigé à propos du résultat : d’une part, le challenge était à mon avis suffisamment ardu pour considérer qu’elle s’en est honnêtement tirée; d’un autre côté, le verlan et le « parler Cité », voire SMS (fautes d’orthographe énormes à l’appui) m’a aussi souvent paru artificiel, voire lourdingue. J’ai eu l’impression de lire La justice de l’Ancillaire par moments, c’est tout dire (et non, ce n’est pas un compliment). Et parce qu’un exemple vaut mieux qu’un long discours (chaque passage a scrupuleusement été reproduit tel quel) :

Tu me paieras, qu’aile a dit. D’où que vous êtes échappés ? D’un cirque ?

J’y connais rien à sa millefa. Les vieux en costard qu’habitent dans la vieille baraque de Hampstead ? Putain, keum, y z’y connaissent rien à la street, et toi non plus, je parie.

A part ces passages de dialogues, le reste de la traduction est d’un niveau qu’on ne peut qualifier que de mauvais, désolé (c’est suffisamment rare, avec les grands éditeurs de SFFF Français, pour être signalé) : si on peut passer sur certaines erreurs de relecture grossières (encore…), comme « Il tombe enfin sur Stevie Cryer, le binôme de Cryer » (au lieu de Perse), il est en revanche beaucoup plus difficile de faire l’impasse sur le travail de traduction de certains termes techniques, qui a été fait par-dessus la jambe, en francisant souvent simplement le terme anglais sans chercher la correspondance exacte française. Par exemple, le terme thyrotropin-releasing hormone a été traduit en hormone thyrotrope, au lieu du terme correct qui est hormone thyréotrope ; nous avons droit à hypnogogique au lieu de hypnagogique, et à des « phéromones sudanées« , terme qui, après recherche, semble ne pas exister dans la langue française. Dans le même genre, la traductrice nous parle de « combattre les Spartes« , mot qui, une fois encore, est une grossière francisation de Spartans et qui n’existe pas dans la langue française (où on parle de Spartiates). Tout comme une tournure du style « Notre travail consiste précisément de l’effacer ». On peut enfin citer « Ils font fermenter de la verdure dans les champs et storent de l’oxygène », du célèbre verbe « français » to store.

Et je ne parle pas des tournures plus que maladroites (« depuis la dernière moitié du siècle dernier ») ou pire, des mots carrément pas traduits, allez hop, c’est du do-it-yourself : regardez les occurrences multiples de homeless dans le texte français par exemple… C’est vrai que c’est tellement compliqué d’écrire sans-abri ou SDF à la place… C’est pareil, il est joli le peeper laissé tel quel dans le texte, alors qu’il m’a fallu trois secondes de recherche en ligne pour trouver sa signification en argot anglo-saxon, les seconde et troisième interprétations possibles collant parfaitement au contexte. Enfin, signalons à l’occasion des phrases qui ne veulent strictement rien dire en français (« Avant dans le buste, elle avait soigné les enfants » ou encore « N’attends pas à de récompense »).

Bref, je n’aime pas dénigrer le travail des gens, ni être brutal, mais faut pas pousser mémé dans les orties non plus, hein, là au niveau traduction et relecture, c’est probablement le pire travail que j’ai vu en plus de trente ans de lectures SFFF. Je rappelle que même si la version électronique du livre n’est pas onéreuse, elle n’est pas gratuite non plus, et que le client est en droit d’attendre un minimum de sérieux, surtout que non pas un mais deux grands éditeurs sont impliqués dans ce fiasco (le premier pour la traduction initiale et la publication de la version physique, le second pour la vente de la version électronique).

En conclusion

Je suis très partagé à propos de ce roman : d’un côté, l’aspect Biopunk est assez magistral et novateur (ce qui justifie tout à fait les deux prix reçus, l’Arthur C. Clarke 96 et le John Campbell 97), et l’adaptation de tout le folklore traditionnel associé aux Fées (Poussière de fée, Changelins, etc) à un monde technologique futuriste est réellement digne d’éloges (tout comme l’est l’explication de l’origine des fées). On appréciera le joli twist à la fin qui fait oublier (à nouveau) aux gens l’existence des Fées, les reléguant (encore) dans la superstition et la légende. L’aspect anticipation est franchement réussi lui aussi, avec ce 21ème siècle marqué par ses problèmes de déchets nucléaires, de changement climatique et de flux migratoires. Enfin, il y a une réflexion sur la perception de la réalité sans doute plus accessible que chez Dick ou Priest, car moins psychédélique que chez le premier et moins nébuleuse (volontairement) que chez le second.

D’un autre côté, sur un pur plan littéraire, McAuley retombe, comme à chaque roman, j’ai envie de dire, dans ses travers : longueurs, personnages secondaires (il va falloir m’expliquer l’intérêt de Mme Powell, par exemple) et scènes qui ne sont pas tous d’un grand intérêt, dilution de l’intérêt de l’intrigue alors qu’on partait sur de très bonnes bases, intrigue qui, de plus, est par moments plutôt confuse, fin bâclée (elle ne résout pas certaines questions, et toute la dernière partie a l’air d’un gros prétexte pour assouvir des fantasmes Shadowruniens du type « une Fée avec un gros fusil d’assaut »). En général, quand je suis tenté d’abandonner un livre ou que je commence à lire en diagonale et sans m’intéresser à ce qui se passe, c’est très mauvais signe.

Enfin bon, de toute façon, même si c’était le meilleur livre de SF de l’histoire, en VO, l’édition et la traduction françaises sont d’une qualité tellement mauvaise qu’elles constitueraient de gros freins à la diffusion de la bonne parole à son sujet. Mon conseil : si vous lisez l’anglais et êtes intéressé(e) par Féerie, privilégiez la VO.

Il est désormais clair pour moi que cet auteur est incontestablement plus taillé pour le format court que pour celui du roman proprement dit. Malgré tout, il reste quelques textes qui m’intéressent, par exemple le très réputé (en matière de Biopunk) Les diables blancs.

Pour aller plus loin

Si vous appréciez le Biopunk, n’hésitez pas à consulter cette page qui recense toutes les critiques publiées sur le blog qui relèvent de cette catégorie de Science-Fiction.

Si, plus généralement, c’est la SF orientée biologie qui vous plaît, jetez un coup d’œil sur cette page là.

Si vous avez été séduit par l’association (plutôt rare et improbable) entre fées et technologie, vous devriez lire la critique de la féerique Boudicca sur l’Anthologie Fées et Automates, publiée sur le Bibliocosme.

Si l’association Fées & cadre contemporain / futuriste vous plaît, lisez ma critique de Faërie de Raymond E. feist.

Enfin, si tout ce qui concerne les Fées vous enchante, une seule adresse : le Blog de Stelphique, spécialiste intergalactique du sujet.

 

 

 

10 réflexions sur “Féerie – Paul McAuley

  1. « du célébré verbe français, to store » 🙂
    J’en ai beaucoup ri. En revanche, je suis très déçue d’apprendre que le livre est « dispensable », même si des fées dans du biopunk me semble … surprenant. J’ai hâte de lire d’autres critiques sur cet univers! J’en suis curieuse à ce sujet.
    La couverture est hideuse, mais cela n’est pas important, en revanche, une mauvaise qualité du travail éditorial est difficilement pardonnable.
    Merci pour ces liens.

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