What if ? 1 & 2 – Robert Cowley

D’éminents historiens, principalement militaires, imaginent ce qui aurait pu, ou même dû, être

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D’habitude, ce blog parle uniquement de SFFF et pas d’une de mes passions, à savoir l’histoire, principalement militaire. Mais il se trouve que deux livres, publiés sous la direction de Robert Cowley, sont au carrefour de celle-ci et de l’uchronie, ce qui fait qu’ils ont parfaitement leur place en ces lieux. Mr Cowley, lui-même historien militaire (spécialisé dans les conflits américains et européens s’étendant de la Guerre de Sécession à la Seconde Guerre Mondiale) et fondateur de MHQ, un magazine d’Histoire militaire primé, a convaincu certains de ses collègues (et pas des moindres, comme nous allons le voir) d’imaginer ce qui aurait pu se passer si tel événement historique ne s’était pas déroulé de la même façon, ce qui, par définition, constitue une uchronie.

Par souci de simplicité, j’ai décidé de vous présenter les deux ouvrages au sein d’une seule et même critique.

What if ? 

Ce livre rassemble vingt essais majeurs (plus une douzaine d’essais mineurs en un ou deux rectos) écrits par des historiens militaires (dont des pointures comme John Keegan, Stephen Ambrose ou Alistair Horne) sur ce qui aurait pu se passer si telle bataille, campagne, siège ou guerre avait tourné différemment, ou si tel leader militaire ou politico-militaire avait eu un destin différent (le plus souvent une mort prématurée).

En clair, l’ouvrage nous présente des uchronies de notre monde, des lieux où l’histoire ne s’est pas déroulée comme nos manuels l’enseignent mais où elle a pris un tour différent (d’où le titre de l’ouvrage : what if : Et si…). Vu le niveau des historiens impliqués, vous ne serez pas surpris d’apprendre que ce livre est avant tout placé sous le signe du réalisme, de changements mineurs qui auraient parfaitement pu arriver. Et qui même, dans certains cas, auraient  arriver. Ce livre démontre par exemple que la simple existence d’Etats-unis indépendants de l’Angleterre a relevé d’une série de véritables « miracles » météorologiques qui, s’ils n’avaient pas eu lieu, auraient donné des résultats tout autres.

Sur la forme, chacun des vingt essais fait de 10 à 60 pages, la moyenne se situant autour de 20. Le style, ça ne surprendra personne de la part d’historiens et d’écrivains militaires, est clair et direct. La seule différence tient au développement du monde tel qu’il aurait été si les choses avaient tourné différemment. Si les rappels de la situation dans notre monde se taillent la part du lion dans chaque essai, les conséquences uchroniques d’un changement sont en revanche diversement développées par les différents auteurs, de quelques lignes à une analyse beaucoup plus approfondie de tout ce qui aurait changé en cascade du fait du tour différent pris par une bataille, d’un vent soufflant dans une autre direction ou de la mort prématurée de tel ou tel leader.

Les essais sont classés dans l’ordre chronologique, et démarrent du 8ème siècle avant J.-C pour s’arrêter à la lutte entre nationalistes et communistes dans la Chine d’après-Guerre. Les incontournables, comme la survie d’Alexandre le Grand, l’Invincible Armada, Napoléon, la guerre de Sécession ou la seconde guerre mondiale sont évidemment présents. Pour ceux qui n’y trouveraient pas leur bataille, conquérant ou guerre « favorite », pas de panique, signalons qu’un deuxième volume existe.

Au final, le livre démontre qu’outre les maladies, les accidents, les ordres perdus, les mauvais choix, et un mauvais timing (ou parfois un timing miraculeusement bon, comme à Midway), ce qui a eu le plus de conséquences sur le cours de l’histoire a été le climat, car il est (même de nos jours) imprévisible et surtout incontrôlable. Je l’ai déjà évoqué, mais l’invraisemblable série de véritables miracles météorologiques qui ont permis la survie des USA naissants n’aurait, statistiquement, jamais du arriver. Ce livre pose d’ailleurs une question fascinante au final : notre monde était-il le plus probable ? A sa lecture, j’ai personnellement tiré ma propre conclusion : clairement, non.

Signalons également que les What if ? mènent à toutes sortes de situations, de guerres plus courtes menant à des mondes plus en paix que le nôtre à des situations de cauchemar, où soit l’ennemi écrase ceux qui ont gagné dans notre monde, soit où, pour parvenir à la même victoire que dans notre histoire, le prix à payer se révèle effroyablement plus lourd (le chapitre sur Midway évoque le fait qu’une défaite américaine lors de cette bataille navale aurait pu mener à une utilisation beaucoup plus massive des armes nucléaires sur le Japon).

Bref, si vous êtes amateur d’histoire, d’histoire militaire, si les uchronies vous passionnent, ce livre, très clair, est un must-have. Il vous demandera juste un peu d’ouverture d’esprit et un niveau correct en anglais.

What if ? 2

Ce second what if ? reste relativement dans la lignée du premier, mais je l’ai trouvé un cran en-dessous personnellement, tout en restant d’une grande qualité tout de même. Pourquoi « relativement » et pourquoi un cran en-dessous ? Relativement, parce que cette fois, on ne s’intéresse pas seulement à l’aspect militaire ou climatique qui aurait pu changer le cours d’une bataille ou d’une guerre, donc le cours de l’histoire telle que nous l’avons connue, mais aussi aux conséquences qu’auraient eu la mort ou la survie de certaines figures religieuses ou intellectuelles d’importance, comme Jésus ou Socrate. Parfois également, on s’intéresse aux conséquences de décisions politiques / religieuses différentes, comme avec Lincoln (que se passe-t’il s’il n’abolit pas l’esclavage ?), Martin Luther ou Pie XII par exemple. Nous sommes donc bien toujours dans de l’uchronie, mais moins centrée sur l’aspect militaire cette fois. Par contre, la liste des rédacteurs reste toujours aussi impressionnante, et est plus variée cette fois, avec des gens qui ne sont pas forcément des historiens militaires (quelques noms parmi les plus connus : Caleb Carr, Victor Davis Hanson, Alistair Horne).

Signalons également que la liste des époques ou campagnes abordées est plus vaste, même si les deux guerres mondiales se taillent la part du lion, comme pour le volume 1.

Pourquoi un cran en-dessous ? Parce que je trouve certains des textes d’un intérêt relatif, d’une part, et encore plus relatif si l’on considère les très, très grandes campagnes militaires (ou disons plus généralement les points-clefs de l’histoire) abordées dans le volume 1. Autant la découverte de l’Amérique par les chinois justifie quasiment à elle seule l’achat du livre, autant j’ai eu du mal à me passionner pour le texte sur Socrate par exemple, et autant j’ai trouvé l’évolution du monde post-survie de Jésus très, très spéculative.

Au final, un volume 2 qui reste très intéressant pour les amateurs d’uchronie, qui reste de très bonne facture en général, mais qui est quand-même un net cran en-dessous du volume 1.

 

 

4 réflexions sur “What if ? 1 & 2 – Robert Cowley

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  2. Ping : Comprendre les genres et sous-genres des littératures de l’imaginaire : partie 9 – Sous-genres de l’Uchronie | Le culte d'Apophis

  3. Ping : Dans la spirale uchronique : Pharsale, 48 av. J.-C. | Le culte d'Apophis

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